Category: Fêtes et traditions

  • La transformation du verre et les icônes sur verre …

    La transformation du verre et les icônes sur verre …


    En
    Roumanie l’art de la transformation du verre et de la peinture d’icônes sur
    verre est entré par filière occidentale, depuis des régions telles que la
    Bohême ou l’Alsace. Du coup, à travers des siècles, il est devenu également représentatif
    pour la Transylvanie.








    Bien
    que fortement gardé au début, le secret de la transformation de la glaçure a fini
    par être divulgué et par la suite, des verriers et iconographes qualifiés l’ont
    transmis d’une génération à l’autre.








    À
    Bucarest, Radu Dincă poursuit cette activité spéciale avec une grande passion :
    « L’apparition de l’icône sur verre en Roumanie est étroitement liée à l’artisanat
    du verre, car les deux sont inséparables. Dans le cas de l’icône, le verre joue
    le double rôle de protection et de support. En Transylvanie, la manufacture du
    verre précède l’apparition de l’icône. Les verriers les plus anciens sont attestés
    après le XVe siècle, dans la région d’Arpașu-Porumbacu. A Porumbacu, on trouve l’attestation
    documentaire la plus ancienne. « Glăjeria » était l’atelier de la fabrication
    du verre, une technique initialement plutôt bien gardée en secret. Tout comme l’icône
    sur le verre, cet art est devenu dès son apparition un métier traditionnel roumain,
    mais en réalité il a été emprunté à l’Europe occidentale. »






    Le bois
    était la matière première nécessaire au fonctionnement des fours où le verre
    était fondu. C’est pourquoi, les ateliers des vitriers étaient sis près des
    forêts et ils se déplaçaient après quelques décennies de travail, pour permettre
    la restauration des ressources forestières. Les fours à verre brûlent de nos
    jours encore à plus de 1000 degrés Celsius.








    Radu
    Dincă explique : « La procédure est assez empirique. Pratiquement, je
    travaille avec un morceau de verre fondu, sorti d’un four chauffé jusqu’à 1010
    degrés. Ce morceau de verre fondu est placé sur une surface en fonte et on passe
    dessus avec une sorte de rouleau. On obtient ainsi une forme de crêpe allongée.
    Bien sûr, la consistance en est très importante, sinon de petites fissures semblables
    à peau d’orange apparaissent. D’abord la glaçure doit avoir une bonne clarté,
    une certaine brillance, car, en fait, les petites imperfections l’ennoblissent. S’il y a
    de petites bulles d’air ou de petites vagues, ne vous inquiétez pas. Mais si la
    lumière ne la traverse pas bien et si elle ne reflète pas très bien la lumière,
    alors on ne peut pas peindre dessus car ce n’est pas un bon support. »









    Le village de Nicula (au
    département de Cluj) en Transylvanie est le centre le plus connu qui perpétue
    l’artisanat de l’icône sur verre. C’est une technique spontanée, apparue dans
    ces lieux comme un phénomène social inspiré de la culture occidentale.








    Très probablement, c’est l’arrivée à Nicula de la première icône
    sur verre d’Europe occidentale qui a inspiré des générations entières de
    peintres d’icônes. La thématique des icônes sur le verre a également subi l’influence
    du savoir-faire des artisans locaux qui, ne connaissant pas de près le canon
    religieux, ont inclus des scènes de la vie de la communauté villageoise dans les
    images représentées sur verre. Cela n’a cependant altéré ni le message
    liturgique, ni la valeur artistique des objets. Bien au contraire, cela les
    rend uniques dans le patrimoine culturel roumain. (Trad. Andra Juganaru)

  • La cobza, instrument traditionnel roumain, fait son grand retour sur le devant de la scène

    La cobza, instrument traditionnel roumain, fait son grand retour sur le devant de la scène

    La « cobza »
    est un instrument à corde surtout utilisée pour accompagner les groupe de
    musique traditionnelle tzigane appelés « Taraf ». Sa sonorité confère une dimension singulière
    qui séduit les mélomanes et amateurs de sonorités surprenantes. Après être
    tombée dans l’oubli pendant une large période de l’histoire roumaine, la cobza
    a fait son grande retour, notamment chez les jeunes et les amoureux de musique
    du monde, et pas seulement. On la retrouve principalement en Roumanie et
    République de Moldova, mais aussi en Ukraine. Cet instrument fascine par son
    caractère intemporel, mais aussi et surtout car elle s’apparente au oud arabe
    ou au barbat perse. Il y a fort à parier que la cobza soit arrivée en Roumanie
    par le truchement des Ottomans. C’est ce que nous explique Sașa-Liviu
    Stoianovici, muséographe au sein du Musée national du paysan roumain et
    commissaire de plusieurs expositions consacrées à ce vieil instrument et à sa
    réhabilitation sur la scène musicale.




    « La cobza est de mieux en mieux accueillie en
    Roumanie et je suis ravi de pouvoir affirmer qu’elle touche un public de plus
    en plus large. Cet instrument a connu des hauts et des bas. On sait désormais
    qu’il est devenu de plus en plus rare dans la période de l’entre deux guerre,
    ce que beaucoup ont déploré à l’époque. Il est revenu sur le devant dans la
    scène dans les années 50, quand de grands solistes se sont fait connaître. Je
    pense que l’on assiste aujourd’hui à la même tendance. Après plusieurs
    décennies passées dans l’ombre, la cobza retrouve un nouveau souffle. »




    Le
    Musée national du paysan roumain de Bucarest propose à ses visiteurs une
    rencontre unique avec la cobza : une expérience visuelle, auditive et
    sensorielle. L’exposition « Ghizunariu », du nom d’un fabricant de
    cobza de la région de Moldavie roumaine, est le fruit d’un travail de longue
    haleine consistant notamment à interviewer des amoureux de musique. Sașa Liviu
    Stoianovici nous en dit plus :




    « L’exposition
    se trouve à la frontière entre l’art visuel et l’ethnographie, l’élément ethnographique
    jouant ici un rôle central. Nous disposons de deux espaces physiques : le
    premier, intérieur, dans la maison, et le second, extérieur, avec la cour. A
    cela s’ajoute la mémoire, qui s’étale sur plusieurs plans et englobe plusieurs
    réalités, et que l’on découvre au fur et à mesure de l’exposition. Les
    visiteurs peuvent admirer et écouter une partie de l’exposition composées d’archives
    musicales des groupes de musique traditionnelle tzigane (lautari), issus de la
    collection de Neculai Florea, et une autre partie réalisée par moi-même. De
    très vieilles cobza traditionnelles sont aussi exposées, ainsi qu’une plus
    récente fabriquée en usine. A cela s’ajoutent des éléments visuels, des
    photographies, des couleurs ou encore des éléments tactiles. Les cobzas qui ne
    font pas partie de notre collection ont été empruntées à plusieurs musées de
    Roumanie : le musée de l’Art du bois de Câmpulung Moldovenesc (dans le
    département de Suceava), le musée ethnographique Samuil et Eugenia Ioneț de Rădăuți
    (Suceava) ou encore de la collection « Comoara Vrancei » de Năruja (dans
    le département de Vrancea). Et au milieu trône la figure emblématique de Ghizunariu,
    l’un des plus grands fabricants de cobza de la région située au nord de la
    ville de Iaşi. Dans cette exposition, il fait figure de personnage central avec
    lequel se confondent d’autres fabricants et artisans que j’ai rencontrés au
    cours de mes recherches. »






    C’est
    la dernière semaine pour profiter de cette superbe exposition au Musée national
    du paysan roumain de Bucarest alors ne perdez pas une seule minute et partez à
    la découverte de cet instrument magique qu’est la cobza.


    (Trad :
    Charlotte Fromenteaud)

  • Les esprits de l’hiver dans la tradition roumaine

    Les esprits de l’hiver dans la tradition roumaine


    Par exemple, dans les légendes traditionnelles,
    le loup est l’équivalent du loup-garou, une créature à la frontière entre la
    vie et la mort, qui peut kidnapper le gens et voler le bétail, voire les tuer. Or,
    la veille de la Saint André, on pense qu’il est possible de vaincre ces créatures.




    Delia Suiogan, ethnologue à l’Université
    du Nord de Baia Mare, explique: « L’ail peut fermer la bouche des loups, c’est
    la croyance populaire. On a donc nous aussi ce symbole dans cette nuit magique
    du 30 novembre. Un des rituels observés cette nuit-là est celui de garder
    l’ail. Les gens se réunissaient chez une vieille femme qui connaissait les
    normes de cette coutume. Chacune des jeunes filles du village y apportait trois
    gousses d’ail. On passait la nuit en gardant cet ail mis à côté d’une poupée
    appelé Indrei, qui était le symbole préchrétien Père Andrei et qui devait
    mourir. C’était une sorte de veillée joyeuse d’un défunt, si vous voulez »






    Dans la tradition roumaine, l’hiver
    est une période où les esprits maléfiques agissent à leur gré. L’absence du soleil,
    le ciel recouvert de nuages sombres, les nuits longues et froides – tout cela a
    des correspondants dans l’imaginaire populaire roumain. Plus encore, la mythologie
    portant sur les origines du loup, a donné naissance à plusieurs légendes où cet
    animal est présenté comme une créature diabolique, spécialement envoyée sur la
    Terre pour mettre en danger les vies des gens et des animaux domestiques.
    Finalement, la divinité intervient pour protéger l’homme de l’attaque du loup.
    Voilà pourquoi les gens respectaient les rituels prévus pour cette journée
    censée tenir les loups à distance.






    Delia Suiogan poursuit : « Les
    gens respectaient un jeune très stricte, il ne mangeaient rient toute la journée,
    histoire de se protéger eux-mêmes et le bétail cotre la plaie et pour s’assurer
    que les volailles et les chevaux n’étaient pas attaqués. Ces mêmes jours on
    faisait plein d’offrandes. Les femmes se rendaient dans les cimetières pour offrir
    des aliments aux pauvres, notamment de grands bretzels, un symbole très présent
    durant les fêtes roumaines, mais aussi du pain au sucre. Et pour cause :
    on pensait que le loup aimait le sucre et on tentait ainsi de le rendre moins
    agressif. En tant que personnage mythologique, la plaie aussi s’endormait en
    mangeant du sucre et arrêtait ses actions maléfiques sur les gens ».






    Avant de terminer, précisons que
    dans les villages roumains d’antan, le loup-garou était considéré comme la représentation
    suprême du mal, pouvant agir à cause d’un déséquilibre produit dans le respect
    des lois non-écrites de la communauté. Enfin, on croyait que l’homme-loup, soit
    le loup-garou, était aussi responsable pour les phases de la Lune et pour les éclipses.
    (Trad. Valentina Beleavski)

  • Marchés de Noël

    Marchés de Noël

    Décembre oblige, les marchés de Noël fleurissent un peu
    partout en Roumanie. Découvrons ensemble aujourd’hui deux des plus importants
    du pays.


    Un des plus beaux marchés de Noël est à retrouver à
    Sibiu, en Transylvanie. On peut le visiter tous les jours de 11h à 22h jusqu’au
    2 janvier prochain. Comme d’habitude, la Grand Place de Sibiu accueille sous
    ses milliers de lumières multicolores une centaine de chalets thématiques, une
    Grande Roue panoramique et l’Atelier du Père Noël. Qui plus est, des
    projections sur les murs des bâtiments historiques entourant la Grand Place
    complètent l’atmosphère de fête qui règne déjà sur les lieux. Et, bien sûr, le
    sapin de Noël est au rendez-vous, cette année il fait 24 m de haut ! Autre
    point à le pas manquer : la patinoire en plein air qui fera la joie des
    petits et des grands tout le long des vacances d’hiver. Il faut dire que ce
    marché est déjà une tradition pour la ville de Sibiu, puisqu’il est organisé
    chaque année depuis 2007, année où la ville a été Capitale européenne de la
    Culture. Et même s’il y a eu une petite pause à cause de la pandémie, ce marché
    demeure encore aujourd’hui le plus beau du pays. Rien d’étonnant donc que des
    artisans et artistes traditionnels des 4 coins de la Roumanie y viennent chaque
    année pour présenter leurs produits – décorations, bijoux, guirlandes, boules
    de Noël et autres objets faits à la main. C’est aussi un véritable régal
    gastronomique, puisque l’on peut y goûter les plats traditionnels de la région
    – toutes sortes de charcuteries, fromages, produits typiques de la cuisine
    hongroise, sans oublier les produits modernes que tout le monde apprécie, tels
    que les hamburgers à base de viande de bœuf Angus ou bien les burgers
    végétariens. Bref, tout le monde sera bien servi au marché de Noël de Sibiu.


    Mais ce n’est pas le seul marché qui vaille le détour cet
    hiver. Bucarest lui fait concurrence depuis quelques années déjà, organisant
    des manifestations similaires sur la Place de la Constitution, devant le fameux
    Palais du Parlement. Cette année, le marché de Noël de Bucarest a ouvert très
    tôt ses portes, dès le 20 novembre, et il attend les visiteurs tous les jours
    jusqu’au 26 décembre, de midi à 23h. En weekend, on peut y aller même plus tôt,
    dès 10h du matin. A découvrir sur place : plus de 70 chalets en bois, où
    les producteurs de différentes régions du pays vous mettront à l’épreuve de la
    tentation : vêtements, jouets, objets faits main, souvenirs traditionnels,
    gourmandises. Le tout accompagné de concerts donnés par les meilleurs artistes
    du moment sur la scène du marché, par des chorales d’enfants ou religieuses,
    sans oublier les ensembles de musique folklorique, qui viendront présenter les
    traditions d’hiver de leurs régions respectives. Ne manquez pas non plus :
    la Maison du Père Noël, la patinoire ou encore le carrousel. Et, pour la
    première fois, une Grande Roue panoramique haute de 40 m a été installée
    sur le marché de Bucarest. Cela ne veut pas dire que le sapin de Noël est plus
    petit cette année. Bien au contraire : il est encore plus grand que celui
    de Sibiu, et mesure 30m de haut et fait 20 m d’épaisseur. Voilà, autant de
    surprises qui attendent déjà les petits et les grands bucarestois.


    Des marchés de Noël similaires commencent à voir le jour
    dans la plupart des villes roumaines, alors où que l’on aille ces jours-ci, une
    atmosphère de fête flotte dans l’air et cela fait du bien d’en profiter.


    (trad. Valentina Beleavski)

  • Marchés de Noël

    Marchés de Noël

    Décembre oblige, les marchés de Noël fleurissent un peu
    partout en Roumanie. Découvrons ensemble aujourd’hui deux des plus importants
    du pays.


    Un des plus beaux marchés de Noël est à retrouver à
    Sibiu, en Transylvanie. On peut le visiter tous les jours de 11h à 22h jusqu’au
    2 janvier prochain. Comme d’habitude, la Grand Place de Sibiu accueille sous
    ses milliers de lumières multicolores une centaine de chalets thématiques, une
    Grande Roue panoramique et l’Atelier du Père Noël. Qui plus est, des
    projections sur les murs des bâtiments historiques entourant la Grand Place
    complètent l’atmosphère de fête qui règne déjà sur les lieux. Et, bien sûr, le
    sapin de Noël est au rendez-vous, cette année il fait 24 m de haut ! Autre
    point à le pas manquer : la patinoire en plein air qui fera la joie des
    petits et des grands tout le long des vacances d’hiver. Il faut dire que ce
    marché est déjà une tradition pour la ville de Sibiu, puisqu’il est organisé
    chaque année depuis 2007, année où la ville a été Capitale européenne de la
    Culture. Et même s’il y a eu une petite pause à cause de la pandémie, ce marché
    demeure encore aujourd’hui le plus beau du pays. Rien d’étonnant donc que des
    artisans et artistes traditionnels des 4 coins de la Roumanie y viennent chaque
    année pour présenter leurs produits – décorations, bijoux, guirlandes, boules
    de Noël et autres objets faits à la main. C’est aussi un véritable régal
    gastronomique, puisque l’on peut y goûter les plats traditionnels de la région
    – toutes sortes de charcuteries, fromages, produits typiques de la cuisine
    hongroise, sans oublier les produits modernes que tout le monde apprécie, tels
    que les hamburgers à base de viande de bœuf Angus ou bien les burgers
    végétariens. Bref, tout le monde sera bien servi au marché de Noël de Sibiu.


    Mais ce n’est pas le seul marché qui vaille le détour cet
    hiver. Bucarest lui fait concurrence depuis quelques années déjà, organisant
    des manifestations similaires sur la Place de la Constitution, devant le fameux
    Palais du Parlement. Cette année, le marché de Noël de Bucarest a ouvert très
    tôt ses portes, dès le 20 novembre, et il attend les visiteurs tous les jours
    jusqu’au 26 décembre, de midi à 23h. En weekend, on peut y aller même plus tôt,
    dès 10h du matin. A découvrir sur place : plus de 70 chalets en bois, où
    les producteurs de différentes régions du pays vous mettront à l’épreuve de la
    tentation : vêtements, jouets, objets faits main, souvenirs traditionnels,
    gourmandises. Le tout accompagné de concerts donnés par les meilleurs artistes
    du moment sur la scène du marché, par des chorales d’enfants ou religieuses,
    sans oublier les ensembles de musique folklorique, qui viendront présenter les
    traditions d’hiver de leurs régions respectives. Ne manquez pas non plus :
    la Maison du Père Noël, la patinoire ou encore le carrousel. Et, pour la
    première fois, une Grande Roue panoramique haute de 40 m a été installée
    sur le marché de Bucarest. Cela ne veut pas dire que le sapin de Noël est plus
    petit cette année. Bien au contraire : il est encore plus grand que celui
    de Sibiu, et mesure 30m de haut et fait 20 m d’épaisseur. Voilà, autant de
    surprises qui attendent déjà les petits et les grands bucarestois.


    Des marchés de Noël similaires commencent à voir le jour
    dans la plupart des villes roumaines, alors où que l’on aille ces jours-ci, une
    atmosphère de fête flotte dans l’air et cela fait du bien d’en profiter.


    (trad. Valentina Beleavski)

  • Préparatifs pour Noël dans les villages roumains

    Préparatifs pour Noël dans les villages roumains

    Jadis,
    les préparatifs de Noël dans les villages roumains commençaient à la mi-décembre.
    Le coup d’envoi des préparatifs gastronomiques et des spécialités à base de
    viande de porc, des « cozonaci » – brioches traditionnelles farcies
    de noix et d’autres plats de fête que toute la communauté déguste en cette
    période est marqué le 20 décembre, appelé le jour de l’ « Ignat ».






    Explication
    avec Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare : « L’Ignat
    est plutôt connu dans la région située à l’extérieur de l’arc des Carpates
    roumaines. Même à l’intérieur de celui-ci il est attesté dans de vieux recueils
    folkloriques, mais il est désormais entré dans une mémoire passive. Les
    habitants des lieux connaissent l’Ignat moins comme une fête ancienne, mais
    plutôt comme une fête religieuse. Dans le sud et l’est de la Roumanie, ce
    moment est étroitement lié à la nourriture et à la découpe du cochon. C’est le
    20 décembre qu’à l’occasion de ce que l’on appelle « l’Ignat des
    Cochons » les familles paysannes sacrifient le cochon qu’ils élèvent durant
    l’année. La race du cochon et notamment sa couleur noire ou blanche étaient
    très importantes. Le porc noir était et plus précisément son saindoux et son
    sang étaient utilisés pour toute sorte d’incantations et de cures contre les
    maladies. Mélangé à la farine d’avoine, le sang de porc noir était utilisé
    comme médicament pendant toute l’année par les malades de la maison. C’était un
    traitement soigneusement préservé dans la mémoire du paysan roumain. A partir
    du saindoux du cochon noir, les paysans préparaient différents oignements en y
    mélangeant d’autres produits naturels. »






    Le
    moment de l’Ignat est mentionné dès l’Antiquité et semble être issu d’un ancien
    rituel de célébration du Soleil. Les chrétiens orthodoxes rendent hommage le 20
    décembre au sacrifice du Saint Ignatie au nom de la foi. Son nom est donc à à
    l’origine de cette fête populaire. Chaque famille paysanne qui se respecte doit
    absolument sacrifier un cochon pour le préparer et le transformer en plats et
    spécialités servies à Noël. De nos jours encore, à Noël, il faut mettre sur la
    table de fête des saucisses, des sarmale, soit des feuilles de choux farcies,
    de l’aspic, de l’andouillette et du boudin.






    Delia
    Suiogan : « Le cochon, il fallait le sacrifier à l’aube et le rituel
    devait impliquer toute la famille. Il fallait ramasser le sang du cochon dans
    un pot neuf en terre cuite et l’enterrer dans le jardin de la maison en tant
    qu’élément sacré. Dans d’autres endroits le sang était bouilli pour être
    ensuite utilisé dans la préparation du
    boudin noir, une spécialité présente à Noël surtout dans les villages
    transylvains. Le rituel de la découpe du lard était également très important.
    L’aspect du lard allait donner quelques indices sur l’année suivante, sur les
    membres de la famille et même sur la météo. L’épaisseur et la couleur du gras allaient
    aussi indiquer plusieurs de choses. »








    C’étaient
    exclusivement les hommes qui opéraient la découpe de la viande de l’animal, qui
    allait ensuite être utilisé pour préparer des plats à Noël. Les femmes ne
    pouvaient qu’assister à cette opération et préparer les outils nécessaires. Toute
    cette opération s’achevait par un plat rituel qui honorait en quelque sorte
    l’animal. On choisissait des morceaux de viande, d’abats et de gras que l’on
    faisait cuire dans un peu d’eau jusqu’à la fonte du saindoux, puis dans du
    gras, à la façon du confit. Ensuite, lorsque ces morceaux étaient bien dorés,
    on les sortait de la marmite. Salés et poivrés, il fallait ajouter de l’ail
    écrasé. Ces morceaux de viande étaient accompagnés de polenta, de légumes en
    saumure et de vin rouge dans le cadre d’un repas dont la spécificité résidait
    justement dans le fait qu’il fallait le partager avec d’autres gens du village.
    On disait que c’était même un pêché que seulement les membres de la même
    famille consomment la viande de leur animal. Du coup, toute cette opération et
    les rituels qui l’accompagnaient étaient une bonne occasion pour toute la
    communauté de se réunir. (trad. Alex Diaconescu)

  • Décembre, le mois où temps change

    Décembre, le mois où temps change

    Surnommé dans le monde moderne « le mois des cadeaux »,
    décembre a des significations bien profondes dans la tradition populaire
    roumaine. C’est le temps des changements à l’approche de la fin d’une année,
    animée par l’espoir d’un nouveau début pour l’année qui suit. Son point central
    : Noël – la fête de la naissance de Jésus Christ. Des rites importants ont lieu
    dans la tradition roumaine en cette période de fête. Les préparatifs démarrent
    vers la fin du carême et ils sont présents non seulement dans l’espace roumain,
    mais aussi dans l’ensemble de l’espace des Balkans.

    C’est par la Saint Nicolas, du 6 décembre, que démarre
    la série des fêtes de fin d’année. Le Saint Nicolas est un personnage important
    aussi en Europe Occidentale, mais il a des symboles spécifiques dans la tradition
    roumaine, explique Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia
    Mare : « Sânicoara (comme on appelle souvent le Saint Nicolas dans l’espace
    roumain) fait partie des traditions populaires roumaines anciennes associées au
    culte solaire. Il est le gardien du ciel et veille à ce que le Soleil ne tombe
    pas du ciel et ne meure pas. C’est surtout dans la nuit du 5 au 6 décembre qu’il
    surveille le plus attentivement le Soleil et le lance de nouveau dans le ciel,
    parce que c’est la période de l’année où la nuit est très longue et les jours
    sont de plus en plus courts. Face à cet état de choses, le peuple roumain semble
    avoir trouvé une solution pour remettre tout en ordre. D’ailleurs, on dit que c’est
    à compter du 6 décembre que les jours commencent peu à peu à devenir plus
    longs. Le Père Nicolas a donc le rôle de défendre le temps. C’est une des divinités
    préchrétiennes qui remettent les choses en ordre, doublés dans la religion par
    un Saint chrétien. »








    Puis,
    fin décembre, Noël est sans doute un des moments fondamentaux du monde
    chrétien. La naissance de Jésus-Christ est célébrée juste après le solstice d’hiver
    étant donc superposée à un autre culte solaire.






    L’ethnologue
    Delia Suiogan nous en parle : « Il faut dire dès le début que c’est
    une fête très, très ancienne. Cette journée était marquée par de nombreux
    peuples, comme par exemple les Grecs, les Romains et les Slaves. Nous, les
    Roumains, nous avons gardé de nombreux éléments de cette fête, hérités
    notamment des Daces et des Romains. C’est durant cette même période de l’année,
    que les Daces et les Romains célébraient un dieu du feu. Ce n’était pas un dieu
    quelconque, c’était justement un dieu du feu du foyer familial, du feu de
    sacrifice. D’où le rituel de sacrifier un cochon en ce jour de fête. Puis du 17
    au 30 décembre, les Roumains célébraient les journées de Saturne et avaient l’habitude
    de sacrifier une truie blanche le 19 ou 20 décembre, justement parce que le
    dieu auquel elle était destinée était une divinité solaire. Donc pour eux, le
    Dieu du feu était aussi le Dieu du Soleil. »







    Dans
    la mentalité populaire, les fêtes marquant des moments de passage d’un temps à un
    autre sont censées rétablir l’équilibre du monde traditionnel et, le plus important,
    elles devaient déterminer les gens à retrouver cet état de manière consciente.
    C’est pourquoi, au-delà de la dimension commerciale qui lui a été attribuée par
    la société moderne, le mois de décembre est dans la mentalité traditionnelle le
    moment où le temps se transforme. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Traditions de la Saint Nicolas

    Traditions de la Saint Nicolas

    Archevêque dont le nom se traduit par « vainqueur », Saint Nicolas est né sur le territoire de la Turquie d’aujourd’hui, dans une famille aisée, mais il a renoncé à tous les biens matériels après la mort de ses parents, pour se consacrer entièrement à la vie monacale. L’archevêque Nicolae a aussi participé au premier synode œcuménique à Nicée, en l’an 325.Selon les traditions roumaines, c’est le Saint Nicolas qui est responsable pour tous les changements cosmiques, mais aussi pour les peines symboliques à caractère moralisateur ou ayant un rôle protecteur. Explication avec Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare : « Dans notre tradition, Sânnicoara, c’est-à-dire Saint Nicolas est celui qui garde le ciel du nord et ne laisse pas le soleil tomber dans la mer. C’est une période durant laquelle les nuits sont longues, alors que les jours sont courts, une période durant laquelle la lumière est dominée par l’obscurité et ce saint réussit à remettre même dans ce contexte les choses en ordre, puisqu’il aide le Soleil à monter à nouveau dans le ciel. D’ailleurs, on dit qu’à partir du 6 décembre, le Soleil commence une ascension très peu visible dans le ciel. Et c’est également selon les croyances populaires, que Sain Nicolas est un vieil homme avec une barbe très longue qu’il secoue lorsqu’il passe sur son cheval blanc au-dessus des nuages. Par conséquent c’est une journée durant laquelle la neige est attendue en tant que signe de prospérité, d’abondance et de bonne santé. »

    Selon une autre superstition, s’il ne neige pas à la Saint Nicolas, l’hiver sera très long. C’est pourquoi les Roumains espèrent que voir quelques flocons de neige tomber durant la nuit du 5 au 6 décembre. Si Saint Nicolas arrive sur son cheval blanc, l’hiver sera court, la neige sera présente autant qu’elle est nécessaire pour assurer la résistance et la santé des cultures agricoles de l’année prochaine. Delia Suiogan revient au micro de RRI avec davantage de détails : « Saint Nicolas est connu surtout comme une personne qui fait des cadeaux. Aux côtés du Père Noël, il fait partie de la série de personnages qui font des cadeaux afin de répandre le bien dans le monde. D’ailleurs, on dit que Saint Nicolas est le protecteur des enfants, des jeunes filles et des jeunes femmes mariées. Cette fête est soigneusement marquée surtout à la veille, pour que les gens soient protégés contre les coups, les accidents ou les maladies. Le 5 décembre, les enfants mangeaient que des plats de carême et, jadis, dans le milieu rural on disait que la Saint Nicolas était le Noël des enfants. C’est pourquoi, une fois par an, les enfants étaient tenus de jeuner pour commencer le nouvel an plus purs et mieux protégés. » explique Delia Suiogan ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare.

    De nos jours, les enfants de Roumanie préparent et nettoient leurs bottes pour recevoir des cadeaux symboliques, surtout du chocolat et des bombons, mais aussi de petits jouets. Mais il y a aussi une image à l’inverse du vieil homme à la longue barbe blanche, puisque les enfants qui ne sont pas sages risquent de trouver dans leurs bottes un petit bâton, qui pourrait être utilisé pour des corrections physiques. Et vous, avez-vous été sages cette année ?

  • L’ours dans la mentalité populaire roumaine

    L’ours dans la mentalité populaire roumaine

    Les journées de « Tonton Martin », soit
    le surnom populaire de l’ours brun, à la mi-novembre mettent au premier plan un
    animal-phare de l’espace situé à l’intérieur de l’arc des Carpates : l’ours.
    Symbolisant la force, la verticalité, mais aussi la royauté, l’ours est présent
    dans un grand nombre de légendes et de contes roumains, en tant que personnage
    qui aide le héros. C’est pourquoi les communautés locales lui dédiaient des
    journées spéciales.






    Visant à apprivoiser les ours ou bien à les tenir à
    distance des troupeaux de moutons ou de bétails, ces journées des tontons
    Martins étaient respectées tant durant la saison froide qu’au printemps.






    Détails avec Delia Suiogan, ethnologue à
    l’Université du Nord de Baia Mare : « La fête s’appelle aussi la
    journée de Tonton Martin. La fête des Martins fait référence à une divinité,
    une demi-divinité de l’ancien calendrier dace, qui portait une peau d’ours et
    marquait l’union entre l’homme et l’animal. Dans les contes traditionnels
    l’ours n’est pas nommé, il est appelé le « vieil homme » ou bien
    « le vieux ». Evidemment, c’est un parallèle avec nos ancêtres
    mythologiques. C’est un culte des ancêtres. Dans le calendrier traditionnel, on
    découvre que toutes ces journées des ours ont lieu avant la fête des morts en
    hiver, en automne ou au printemps. Elles sont le moment où on interpelle les
    ancêtres de la famille, soit les personnes décédées de plus de sept ans afin
    qu’ils reviennent pour aider les vivants. »







    Au cours de ces jours de novembre, les paysans ne
    partaient pas à la chasse et ne posaient pas de pièges pour attraper des
    animaux sauvages afin d’apaiser les esprits des forêts et de tenir les loups à
    distance des troupeaux et des maisons. Qui plus est, les mères de famille ne nettoyaient
    pas les maisons et ne vidaient pas les poubelles pour ne pas offenser les
    animaux. Hors de question de coudre, de tisser ou de faire d’autres travaux
    manuels. De plus, il était également déconseillé d’utiliser des objets pointus.
    Les femmes se rendaient pourtant aux confins des forêts à la recherche de
    racines et de plantes médicinales et invoquaient leurs pouvoirs curatifs.




    Delia
    Suiogan : « Les
    mères de famille partaient sur les champs et dans les bois à la recherche de
    ces plantes curatives qu’elles cueillent pendant différentes périodes de
    l’année. Elles prononcent une incantation pour que celles-ci reçoivent leur
    pouvoir curatif qui sera ensuite transféré sur l’homme. Evidemment il y a tout un rituel et les
    femmes mettent toutes ces actions sous le signe de la puissance de l’ours.
    Elles reçoivent une partie de sa puissance si elles déroulent ces activités
    durant cette fête. Jadis, les hommes costumés en peau d’ours sillonnaient les
    villages roumains. Ces guérisseurs marchaient sur le dos des personnes malades
    afin de transférer cette puissance de l’ours de l’animal à l’homme. »







    Il s’agissait surtout de
    personnes qui souffraient de maux de dos et la technique était une sorte de
    chiropratique rudimentaire. Au début elle était pratiquée avec des ours
    véritables qui marchaient sur le dos des personnes en souffrance. Enfin, sachez
    que ceux qui respectaient la fête des Tontons Martin d’automne pensaient être
    mis à l’abri des mauvais esprits, mais aussi des attaques des loups et des
    ours. Des haches étaient suspendues aux toits des maisons, signe de protection
    qui tenait à distance les esprits maléfiques tout au long de l’hiver. (Trad. Alex Diaconescu)

  • Les saints médécins sans argent

    Les saints médécins sans argent

    Le début du mois de novembre est marqué par une fête moins connue dans l’espace roumain. Il s’agit de la fête du Vracel, un personnage mythologique au sujet duquel les Roumains d’antan affirmaient qu’il maitrisait l’art de guérir par des moyens non-conventionnels. Le fonds commun des cultures archaïques, de toutes les régions habitées actuellement par les Roumains a acquis à travers le temps des valences régionales spécifiques.

    Les communautés traditionnelles ont adopté certaines pratiques et rituels anciens de guérison, une partie d’entre eux étant reconnus même dans la société moderne. Explication avec Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare : « Sur l’ancienne fête préchrétienne est venue se superposer une fête chrétienne, celle des saints Cosma et Damian, surnommés « médecins sans argent ». Voilà donc une nouvelle et très belle superposition entre les fêtes préchrétiennes et celles instaurées par l’Eglise. Le Vracel est représenté dans la mythologie populaire par un vieil homme aux cheveux longs et blancs, qui tenait à la main un long bâton. Au bout du bâton se trouvait un sachet contenant neuf plantes magiques. Ces plantes magiques pouvaient guérir toute maladie. C’est pourquoi cette fête était soigneusement respectée parce qu’on disait que ceux qui y croyaient allaient être protégés par toute maladie. Ceux qui ne respectaient une seule et unique interdiction, celle de ne pas labourer la terre étaient vulnérables à toute sorte de maladies. De nos jours, à l’intérieur de l’arc des Carpates roumaines, cette fête est connue sous le nom de Cosmandin, par l’agglutination des noms des deux saints Cosma et Damian. Cette union reprend pratiquement l’ancienne fête du Vracel. »

    Depuis des siècles, la médecine empirique a joué un rôle à part dans la vie des communautés traditionnelles. Les gens mettaient toute leur confiance dans les soins naturels, transmis d’une génération à l’autre. Malheureusement, la fête du Vrăcel se retrouve uniquement dans la mémoire collective, mais la pratique de la récolte des plantes médicinales durant cette période de l’année est toujours présente dans les régions de l’arc des Carpates. On dit que les plantes médicinales cueillis durant les équinoxes sont les meilleures.

    Cette interférence avec le soleil, avec le rapport d’égalité entre la nuit et le jour a la capacité de transférer une partie de sa puissance sur les plantes. Le maintien du lien permanent entre l’Homme et l’environnement a conféré aux paysans d’antan la confiance dans la force régénératrice de la nature. De nos jours encore, les produits naturels aux capacités curatives bénéficient d’un réel succès non seulement dans le milieu rural, mais aussi dans le milieu urbain.

  • Vendanges et traditions

    Vendanges et traditions

    Dans la tradition roumaine, la mi-septembre correspond au début des
    activités viticoles. Les vendanges sont un moment de joie et de partage, car
    toute la communauté y participe. Evidemment, les rituels ne manquent pas,
    surtout que la mi-septembre marque le début proprment-dit de l’automne. Si les fêtes
    de la récolte ont pénétré dans l’espace roumain sous l’influence germanique,
    présente en Transylvanie notamment, des fêtes religieuses orthodoxes sont aussi
    observées durant cette période, comme la Journée de la Croix, le 14 septembre,
    autre symbole du renouveau.






    Pour davantage d’explications, nous avons invité au micro de RRI Florin-Ionuț Filip
    Neacșu : « Cela correspond au
    moment où l’on démarre les vendanges, dans les zones où il y a des vignes
    telles que l’Oltenie et la Muntenie dans le sud, la Dobroudja dans le sud-est
    ou la Moldavie dans l’est, mais aussi dans la moitié sud de la Transylvanie et
    au Banat, dans l’ouest. C’est pour cette raison que les Roumains ont associé la
    Journée de la Croix aux vendanges. Selon la légende, après le déluge, Noé,
    réussit à redonner la vigne aux gens pour qu’ils étanchent leur soif. Mais le
    diable intervint par la suite pour faire en sorte que la vigne rende les gens
    ivres. Par conséquent, le vin a de bons côtés, il bénit et guérit, ce qui le
    rend sacré, d’une certaine façon. Mais aussi de mauvais côtés, lorsqu’on en
    consomme de manière démesurée ».








    Jadis, les villageois observaient plusieurs rituels censés assurer la
    prospérité des cultures lors de cette Journée de la Croix, une fête que l’on
    nomme aussi « Cârstovul viilor ». Le 14 septembre, des rituels de
    fertilisation des cultures étaient pratiqués notamment dans le nord de la
    Roumanie. On attachait des rameaux de vigne et des croix en basilic aux
    branches des arbres qui n’avaient pas fleuri durant l’année, dans l’espoir que
    les arbres porteraient des fruits l’année suivante.




    Florin-Ionuț Filip Neacșu rajoute : « Les
    vendanges dans le nord de la Roumanie comportent un rituel pratiqué avec
    beaucoup de joie. D’habitude, les propriétaires des vignes font venir des musiciens
    traditionnels appelés « lautari » qui jouent de leurs instruments pendant
    que les jeunes cueillent les raisins. Mais le Jour de la Croix, on ne cueille
    pas le raison. Ce n’est qu’après ce jour que les prêtres se rendent dans les
    vignobles et même dans les caves à vin, afin de bénir le vin qui y sera
    produit. Ce rituel appelé « Cârstovul
    viilor » est respecté dans les villages qui abritent de grands vignobles,
    mais il ne manque pas non plus dans les villages qui ne sont pas célèbres pour
    leurs vins et dont les vignobles sont plus petits. Cette fête s’étale sur
    plusieurs jours, avant et après le Jour de la Croix. Actuellement, plusieurs
    musées, dont le Musée du Village « Dimitrie Gusti » de Bucarest
    organise une fête qui met en valeur ce patrimoine culturel pour faire connaître
    les traditions liées aux vendanges dans le milieu urbain ».






    Et pour en revenir aux communautés
    traditionnelles, avant de terminer, précisons que c’est toujours durant cette
    période du début de l’automne que l’on fait bénir les tonneaux dans lesquels va
    être conservé le vin. Dans certaines régions, comme à Huși, dans l’est de la
    Roumanie, par exemple, les gens pratiquaient un rituel préchrétien : ils
    cassaient des pots en argile à l’intérieur des tonneaux pour que le vin soit
    parfumé et clair. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Les fêtes du début de l’automne

    Les fêtes du début de l’automne

    Le début de l’automne dans le
    calendrier coïncide avec une fête qui était particulièrement importante pour la
    société roumaine ancestrale. Les trois premiers jours du mois de septembre
    représentent un moment de transformation du temps, un passage marqué dans le
    calendrier populaire par la Saint Simon l’Ermite. C’est le jour où débutent
    traditionnellement les vendanges. En ce jour d’automne, les gens interprètent
    diverses signes annonciateurs de la météo pour l’année suivante. Ainsi, s’il
    pleut ce matin-là, le printemps suivant sera marqué par des précipitations
    abondantes. Un après-midi ensoleillé est annonciateur d’une bonne année et un
    ciel couvert signifie que l’automne suivant sera nuageux. Quelques jours plus tard, le 8 septembre, les
    Roumains célèbrent la naissance de la Vierge Marie, fête connue aussi sous le
    nom de la Petite sainte Marie par opposition avec la Grande sainte Marie ou
    l’Assomption, célébrée le 15 août. Comme lors de toutes les grandes fêtes
    annuelles, on ne fait pas de travaux domestiques en ce jour. Les femmes
    d’autrefois respectaient cette tradition et consacraient leur journée à la prière.








    Quelques
    détails avec Delia Suiogan, ethnologue à l’université du Nord à Baia Mare : La Vierge Marie est un des
    personnages bibliques les plus respectés en Roumanie, parce qu’elle se
    superpose avec d’anciennes déesses païennes comme la terre-mère dont elle a
    récupéré tous les attributs, et la plupart des prières lui sont adressées. De
    plus, pour les Roumains, elle est la principale intermédiaire entre les hommes
    et Dieu. Le 8 septembre, la tradition veut qu’on mette à sécher l’écorce des
    rameaux de noisetiers et qu’on fasse la cueillette, une toute dernière fois
    dans l’année, des plantes médicinales. Car, on dit qu’à partir de cette date,
    les plantes perdent leur pouvoir de guérison. Ainsi la cueillette des plantes
    médicinales et leur préparation sont les seules activités pratiquées par les
    femmes ce jour-là. Mais cette fête n’est pas comme certaines autres fêtes une
    affaire purement féminine, elle est également très respectée par les hommes.
    D’ailleurs on dit que ceux qui ne la respectent pas deviennent stériles ou
    risquent de perdre un enfant de maladie ou de le voir partir loin de la maison.
    C’est pourquoi ce jour-là est consacré à la prière.








    Le 8 septembre,
    les fidèles orthodoxes allument des chandelles à la gloire de la Vierge Marie et
    donnent souvent aux enfants des fruits d’automne pour le repos des âmes des
    défunts. En Roumanie, plus de deux millions de Roumaines portent le prénom de Marie.
    (Trad. Clémence Lherueux)

  • « Ia », la blouse roumaine, entre tradition et modernité

    « Ia », la blouse roumaine, entre tradition et modernité

    « Ia », la blouse roumaine, est un des éléments les plus spectaculaires de la culture traditionnelle roumaine. Si bien que l’on a proposé qu’elle soit incluse au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce n’est pas un simple vêtement, c’est une extension symbolique du corps humain, censée relier le ciel à la terre. Portée quotidiennement par les gens des communautés traditionnelles, mais aussi et surtout lors des moments importants de leur vie – noces, baptêmes, ou funérailles – « ia » reste un élément incontestable de l’identité roumaine.

    Pour nous en dire davantage sur cette blouse connue désormais à travers le monde, nous avons invité au micro Delia Suiogan, de l’Université du Nord de Baia Mare : « La blouse traditionnelle est un symbole de l’identité. Ces symboles vont au-delà du temps. La blouse roumaine est un élément du patrimoine matériel, mais elle fait partie aussi du patrimoine immatériel, culturel, du pays. Ce n’est pas un simple objet vestimentaire dont on se sert pour se couvrir le corps. Elle est apparue du désir de l’homme de communiquer avec la nature, avec tout ce qui signifie micro et macrocosme. Et je pense ici à la relation qui s’établit entre le corps humain et les éléments dont est tissée la blouse : le chanvre, la laine, le lin et le coton. L’homme a pris tous ces éléments dans la nature. Or, dans la culture traditionnelle tout signifie message et communication. »

    Portées par hommes et femmes, ces blouses traditionnelles sont fabriquées d’habitude de matériaux obtenus sur place, dans les fermes paysannes. Il y avait aussi des blouses en soie naturelle. Evidemment, les modèles, les formes et les couleurs varient d’une région à l’autre. Mais une chose est sûre : une « ia » véritable est faite à la main.

    Delia Suiogan explique les symboles des ornements brodés sur ces blouses : « Les ornements en disent long sur la signification de la relation que l’homme établit avec le macrocosme par le biais des vêtements. Par les formes géométriques, pas la chromatique utilisée, l’homme a ramené dans sa vie le soleil, les étoiles, les fleurs, le ciel, la terre – ce ne sont que quelques éléments à retrouver sur la blouse traditionnelle. Par ailleurs, « ia » est aussi un symbole social. Elle marquait les différences d’âge et de statut social. La chemise portée tous les jours était bien différente de celle portée en jour de fête. Elle remplissait donc des fonctions très importantes qui témoignaient de l’identité de celui qui la portait. »

    Brodée de riches ornements ou monochrome, voire austère, cet objet vestimentaire si ancien se réinvente génération après génération. Les amateurs d’art traditionnel tentent de raviver le goût pour les costumes traditionnels authentiques. Sur les réseaux sociaux, il y a plein de communautés qui partagent des informations sur la blouse roumaine – accessoires, entretien, prix etc… L’intérêt en est croissant. Si bien, que de nos jours, la blouse roumaine « ia » complète avec beaucoup de succès des tenues modernes… Enfin on ne saurait oublier le fait que cette blouse si spéciale a déjà franchi les frontières de la Roumanie. On la retrouve dans les collections de mode du monde entier, qui incluent aussi d’autres éléments de l’art traditionnel roumain. Par exemple, la collection inspirée de l’univers traditionnel roumain du designer Philippe Guilet a fasciné les spécialistes de la mode française. Et puis, la célèbre chanteuse britannique Adèle compte parmi les ambassadeurs de la blouse roumaine «ia». (Trad. Valentina Beleavski)

  • La fête de l’Ispas

    La fête de l’Ispas

    Selon certaines recherches ethnographiques, l’Ispas est une fête aux origines anciennes. Dans l’imaginaire collectif traditionnel, l’Ispas est une personne paisible et honnête, qui a eu la chance de participer, aux côtés des Apôtres, à l’Ascension de Jésus Christ 40 jours après sa Résurrection. Explication avec l’ethnologue Florin-Ionuț Filip Neacșu. « Dans la culture populaire roumaine, cette fête s’est probablement superposée à une ancienne célébration préchrétienne consacrée à des rituels agraires et de protection des animaux. Avant la journée de l’Ispas, les travaux agricoles du printemps s’achèvent, et c’est surtout le moment de semer le maïs. Mais à l’occasion de l’Ispas, aucune activité ne se déroule dans les champs ou à la maison puisque les villageois pensent que travailler durant cette journée est un pêché. Le nom d’Ispas vient du grec, mais il paraît que celui-ci c’est superposé à un ancien nom préchrétien. Ispas serait un personnage qui protégeait les maisons et les biens des villageois. A la veille du jour d’Ispas, de nombreuses plantes médicinales qui assurent la protection de la maison et des animaux sont cueillis. Parmi ces plantes figurent les feuilles d’érable sycomore, de noyer ou de livèche que l’on utilise ensuite pour toucher le corps des bêtes, afin de les protéger du mal ».

    Conformément aux croyances ancestrales, les gens évitaient tout motif de querelle à l’occasion de l’Ispas, afin de se souvenir de ce personnage positif. A l’occasion de l’Ispas, les hommes des communautés traditionnelles se confectionnaient une sorte de ceinture de rameaux de noyer afin d’être en bonne santé et protégés des dangers tout au long de l’année. Qui plus est, on croyait que ceux qui mouraient le jour de l’Ispas allaient directement au Paradis, et ceux qui ne trouvaient pas leur chemin allaient errer dans le monde. Florin-Ionuț Filip Neacșu revient au micro de RRI. « On dit que les âmes en errance qui ne s’élèvent pas aux cieux se transforment durant la période de l’Ispas en Joimari et Joimaritzé, de mauvais esprits qui attaquent les animaux et même les hommes. C’est pourquoi les portes des maisons et bâtiments annexes étaient décorées de feuilles de noyer. Et les gens portaient également des feuilles de noyer, puisque la tradition voulait que Jésus porte des feuilles de noyer lorsqu’il s’est élevé au ciel. Le jour de l’Ispas, on évitait de sortir du sel et autres produits alimentaires de la maison, parce que cela pouvait réduire la production de lait des vaches. Qui plus est, le jour de l’Ispas coïncide avec une autre fête ancestrale, la Pâques des chevaux. C’est l’unique jour durant lequel les chevaux ne veulent plus paître. On raconte que la Vierge a décidé de rendre ces animaux perpétuellement affamés, sauf pour l’Ascension, puisqu’ils avaient henni à l’occasion de la naissance du Christ. »

    Les origines de la Pâques des chevaux remontent à la période médiévale, lorsque les communautés multiethniques de la région de la Transylvanie fêtaient la Résurrection à des dates différentes. Lorsque les communautés hongroises célébraient la Résurrection, les Roumains leur empruntaient leurs chevaux pour labourer la terre et vice-versa. Tous les quatre ou sept ans, la date de la Résurrection chez les Hongrois coïncidait avec celle des Roumains, et par conséquent les animaux pouvaient se reposer. C’est cette histoire qui est à l’origine de l’expression roumaine « la Pastele cailor », littéralement « à la Pâque des chevaux », qui contrairement à l’expression « quand les poules auront des dents », ne signifie pas « jamais », mais implique qu’un évènement pourrait se produire si certaines conditions sont réunies.(Trad : Alex Diaconescu)

  • Le rituel des Paparude …

    Le rituel des Paparude …

    La tradition des Paparude est spécifique des régions de la Roumanie où jadis lon pratiquait lagriculture intensive, à savoir dans les zones de plaine, comme celle du Danube, mais aussi dans les vallées des rivières de Transylvanie, du Banat ou de Crișana. Elle était rigoureusement respectée dans les communautés archaïques, afin que les terres agricoles reçoivent des quantités optimales deau apportées au printemps par la pluie. Les étapes et lorganisation de la fascinante procession des Paparude étaient très strictes, ce que nous raconte en détail lethnologue Florin Ionuț Filip-Neacșu.



    « Ce rite remonte à la nuit des temps et il existe tout un débat entre ethnologues et ethnographes roumains et étrangers sur la question de ses origines. On pense que cest une vieille tradition préchrétienne par laquelle on invoquait une divinité marine. Les Paparude représentaient ainsi une cérémonie consacrée à la pluie durant les périodes de sécheresse. Dans les écrits conservés de Descriptio Moldaviae, de Dimitrie Cantemir, on voit quil sagit dun groupe de jeunes filles dirigées par une femme plus âgée, elle aussi une paparudă dans sa jeunesse. Elles étaient sommairement habillées et recouvraient leur corps dun vêtement fait de feuilles darmoise et dautres plantes qui poussaient au bord de leau. Les chansons accompagnaient la constitution dun cortège funèbre qui allait noyer une poupée réalisée en pailles et en argile, incarnant la sècheresse et la fin de celle-ci grâce au retour des pluies. »



    La manifestation publique du rituel des Paparude est similaire à la pratique du colindat, qui consiste, notamment pour les enfants, à aller de porte en porte pour annoncer par des chants la Nativité ou encore larrivée du Nouvel An. Le nombre de personnes qui participent au convoi peut varier, mais il est obligatoire quau moins une ou deux dentre elles portent des costumes traditionnels de feuilles ou de guirlandes de hêtre, de chêne, de noisetier et des rubans rouges. Dans cette danse rudimentaire les femmes tapent des mains en prononçant une incantation. Le groupe arpente les rues du village et se laisse asperger deau par les habitants, notamment par des femmes, entrant par la suite chez ceux qui leur offrent symboliquement des œufs, de la farine de maïs, du lait ou des bretzels roumains. Parfois, dans certaines régions du pays, on donne aux Paparude en guise de récompense de vieux vêtements ayant appartenu aux défunts. Cet aspect rattache la tradition des Paparude à un ancien culte des morts. Florin Ionuț Filip-Neacșu nous en offre encore plus de détails:



    « Les villageois attendaient le cortège devant leur porte avec des seaux remplis deau et lui lançaient de largent, des fruits ou des fleurs. Daprès certains écrits conservés, le groupe des Paparude se serait constitué comme une fratrie initiatique qui déposait un serment, et le cortège avait une structure hiérarchique. Il nous reste beaucoup dimages de cette cérémonie. Aujourdhui encore, en temps de grande sècheresse, dans les villages de Roumanie, des vestiges de cette coutume refont surface, sous la forme dun jeu denfants. »



    Autrefois il était nécessaire que tous les membres de la communauté y participent et, le plus important, que personne ne soit vexé sil finissait par être trempé de la tête aux pieds. Les conflits étaient considérés néfastes et auraient eu le pouvoir dannuler les effets du rituel.


    (Trad. Ilinca Gângă)