Category: Fêtes et traditions

  • Les masques traditionnels et les rituels hivernaux

    Les masques traditionnels et les rituels hivernaux

    Le plus spectaculaire entre tous est sans doute la coutume dite du « colindat », pendant laquelle des groupes d’hommes masqués font du porte à porte. Inclus dans le patrimoine culturel de l’UNESCO, le « colindat » de groupes d’hommes de la contrée de Maramures et non seulement témoigne de l’importance de la préservation de ce rituel dans son ensemble, depuis la danse proprement-dite jusqu’aux accessoires utilisés.

    Natalia Lazăr, directrice du Musée du Pays d’Oaş, nous aide à comprendre l’histoire et la signification du masque, en tant qu’objet rituel et pièce du costume traditionnel:Au début, ce sont de simples outils rituels servant à la protection et utilisés pendant les travaux. Devenus, avec le temps, des instruments complexes, ils serviront aux représentations mythiques et ludiques. Les masques traditionnels feront leur apparition au moment où les masques primitifs perdent leur caractère essentiellement rituel. Les premières mentions des masques traditionnels utilisés par les habitants de l’espace compris entre les Carpates, le Danube et la Mer noire remontent au IVe siècle, à l’époque des empereurs romains Dioclétien et Maximilien. Ces masques sont évoqués dans le contexte d’une vieille coutume appelée les Saturnales célébrant le dieu Saturne. Dans son Descriptio Moldaviae, « Description de la Moldavie », le chroniqueur Dimitrie Cantemir parle lui aussi des masques portés par les hommes du groupe de danseurs appelés « căluşari ». Des documents des XVIIe et XVIIIe siècles mentionnent d’autres coutumes impliquant l’emploi de masques, telles les incantations pour faire tomber la pluie, connues sous le nom de « paparuda »,« ‘La mer des pluies » et « caloian » ou encore celle de « dragaica », correspondant à la Nuit de la Saint Jean. Cette dernière consiste en une danse exécutée à l’occasion du mûrissement des récoltes et du blé, en général le 24 juin. A compter de la seconde moitié du XIXe siècle, les danses masquées paysannes commencent à être décrites par les spécialistes.
    Les masques utilisés à l’occasion des coutumes d’hiver et des traditions de Noël et de Nouvel An, sont devenus emblématiques pour l’ensemble de l’espace roumain, précise notre interlocutrice Natalia Lazăr : Dans cette période de fin d’année, on pratique le « colindat », pendant lequel on porte des masques. Cette vieille coutume pré chrétienne se superpose avec celle des temps chrétiens. On la rencontre y compris dans toutes les quatre zones ethnographiques de la contrée de Maramureş. Du 20 décembre, date à laquelle on pratique le sacrifice rituel du cochon, jusqu’à Noël et même jusqu’au Jour de l’An, les jeunes hommes dansent en portant des masques de chèvre, d’ours ou d’autres animaux totémiques. La coutume du sacrifice du cochon est une des fêtes païennes qui ont perduré dans le calendrier du paysan roumain. De nos jours, l’accent est mis surtout sur le volet spectaculaire, socioculturel et suppose la présence d’un meneur de jeu, des accessoires et bien évidemment de la hôte.
    Au Maramures, plus précisément dans les villages qui longent la Vallée de l’Iza, de la Mara et même ceux du Pays d’Oas, les habitants préservent soigneusement la coutume dite du Viflaim, une forme de théâtre populaire chrétien, représentant la Nativité. Une autre tradition est celle de la danse des Vieux, qui renvoie à un temps sacré, où les portes du ciel s’ouvrent pour permettre la communication entre les deux mondes.

  • Garder vives les traditions roumaines

    Garder vives les traditions roumaines

    L’univers rural avec ses traditions et coutumes s’éteint petit à petit face à l’indifférence d’une société moderne. La nouvelle génération des jeunes fascinés par le mode de vie occidental ne ressent plus aucun lien avec ses ancêtres. Est-ce que le présage d’un nouveau monde dominé par des chiffres d’affaire et des nombres d’abonnés sur les réseaux sociaux laisse encore de la place pour les derniers survivants du monde archaïque ? Est-ce qu’il existe encore des personnes préoccupées du sort de la société traditionnelle tombée presque dans l’oubli ? Veuillez nous accompagner dans les minutes suivantes dans les périples d’un jeune homme pour lequel le paysan est toujours l’un des piliers de l’identité roumaine. Pour ce jeune homme la sueur qui sourd du front du paysan roumain est sacrée. Vos guides sont notre stagiaire de Slovaquie Kristina Sékacova et son invité Iosif Ciunterei.

  • La fête de la Sainte Parascève

    La fête de la Sainte Parascève

    Après la Sainte Marie, la fête de Sainte Parascève, marquée le 14 octobre, est une des plus connues en Roumanie, grâce notamment au nombre impressionnant de pèlerins qui se rendent à Iasi, ville dans l’est de la Roumanie, important centre culturel, administratif et religieux de la région de Moldavie. C’est la cathédrale métropolitaine de Iasi qui abrite les reliques de la Sainte Parascève qui est aussi la patronne de ce lieu de culte. L’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu nous dit davantage sur cette figure si importante du calendrier orthodoxe: « Il s’agit d’une des fêtes les plus importantes pour les Roumains du monde entier. Nous n’avons pas encore de statistiques sur les églises ayant choisi Sainte Parascève pour patronne, mais il est sûr qu’elles sont nombreuses dans toutes les provinces historiques habitées par les Roumains. Parascève est une sainte de Thrace dont les reliques ont été apportés en Moldavie (contrée historique dans l’est de la Roumanie), à Iasi, par le prince régnant Vasile Lupu, en 1641 ».

    Qui est Sainte Parascève ? Elle est née dans un village thrace, près de Constantinople, dans une famille riche et croyante. A l’âge de 10 ans, en entendant à l’église la phrase « si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive », elle décide de suivre cette voie. Contre la volonté de ses parents, Parascève commence à faire don de ses vêtements aux pauvres. Elle est punie si sévèrement qu’à un moment donné, elle décide de fuir la maison parentale. Elle arrive à Constantinople pour mener une vie de religieuse ; plus tard, elle s’établit à Jérusalem. Elle mène une vie de privations et de prière. Elle jeûnait presque tout le temps, portait des vêtements plus que simples, dormait à même le sol et priait sans cesse. Parascève passe plusieurs années dans un couvent de Jérusalem. A l’âge de 25 ans, un ange lui dit dans son rêve de renter dans sa ville natale, où elle s’éteint 2 ans plus tard.

    On dit aussi qu’un marin mort sur un bateau fut jeté à la mer. Les vagues le portèrent sur la rive, où un moine a demandé qu’il soit enterré. En creusant la tombe, les gens ont découvert le corps de Sainte Parascève qui n’était pas pourri, au contraire : il était parfumé. Le marin fut enterré à côté de la femme, mais la nuit même, un des hommes qui avait creusé la tombe vit dans son rêve une reine entourée d’anges dont un lui reprochait de ne pas avoir sorti le corps de la femme de la terre. Considérant ce rêve comme un signe divin, les gens ont transféré le corps de la sainte dans une église de la ville grecque de Kallicrateia.

    Des guérisons miraculeuses ont commencé à avoir lieu suite aux prières devant des reliques de Sainte Parascève. Dans l’imaginaire populaire roumain, Sainte Parascève est une vieille femme qui punit les erreurs commises par la communauté afin de rétablir l’équilibre cosmique à la fin de la saison froide. Elle est aussi connue comme protectrice, capable de guérir les gens et de faire des miracles. L’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu explique : « Sainte Parascève est connue aussi sous le nom de Sainte Vendredi, car elle protège les femmes enceintes. Il est possible que cette fête se soit superposée à une autre fête préchrétienne respectée par les bergers. C’est la période de l’année où les béliers rejoignent les brebis. Par conséquent, le jour du 14 octobre est aussi connu comme «les noces des moutons ». Ce jour-là, les chrétiens orthodoxes évitent tout travail à la ferme, que ce soit dans leurs demeures, dans les cours ou dans les champs. La nuit d’avant, les bergers veillent le sommeil des moutons pour en extraire les signes de l’hiver. Si les moutons dorment les uns à côtés des autres – cela veut dire que l’hiver sera rude. Si les moutons dorment séparément, l’hiver sera doux. »

    Le pèlerinage à Iasi à l’occasion de la fête de Sainte Parascève est sans doute un moment unique dans l’espace roumain. Chaque année, les Roumains y sont rejoints par des orthodoxes d’autres pays. Florin-Ionuţ Filip Neacşu : « Des centaines de milliers de pèlerins des 4 coins de la Roumanie et non seulement participent à la cérémonie de Iasi. Les autres églises ayant la même patronne sont très visitées elles aussi. C’est le moment où l’on fait des offrandes à la mémoire de morts, on offre surtout du vin et du moût. On n’offre pas de bretzels ni d’autres aliments, qui portent à d’autres occasions le signe de la croix, parce que c’est un symbole qui rappelle la souffrance de Sainte Parascève au nom de la foi. Pourtant, les gens apportent des fleurs d’automne qu’ils déposent tant aux reliques de la Sainte dans la cathédrale de Iasi qu’à d’autres églises. C’est une fête lumineuse, spécifique à toutes les communautés. Elle est très présente en Moldavie, mais aussi dans d’autres zones de Roumanie ». (Trad. Valentina Beleavski)

  • Le serpent

    Le serpent

    Appelé « le gardien » ou « l’horloge de la maison », le serpent blanc des ballades populaires était aimé et respecté des membres de la famille, qui croyaient que ce reptile apprivoisé les veillait tout le long de leur vie, les aidant à surmonter les moments difficiles.

    L’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu nous parle de l’importance de cet animal dans l’espace roumain : «A la surprise quasi générale, dans la mythologie roumaine, le serpent a des propriétés apotropaïques. Son rôle est de protéger la maison et la ferme de toute influence maléfique. Même Jules Verne, dans son roman « Le château des Carpates », mentionne cette tradition roumaine ancienne, selon laquelle sous la maison des Roumains vit un serpent qui les protège de tous les maux. Le serpent est un symbole ancien dans la mythologie roumaine. Nombre d’historiens et ethnographes estiment que c’est un symbole hérité des Daces, surtout que sur l’étendard dace était un animal ayant une tête de loup et un corps de serpent. C’était un serpent orienté vers la lumière, le loup pouvant être associé aussi avec la lumière surnaturelle. Malheureusement, ont dit que si l’on trouve un serpent mort devant sa maison, son maître passera bientôt lui aussi dans l’au-delà. Plus encore, le serpent est présent dans de nombreuses sculptures de l’art traditionnel roumain, sur la céramique roumaine, notamment sur celle de Horezu, inscrite au patrimoine de l’UNESCO.»

    Le serpent est aussi présent dans les moments de passage d’une étape de la vie à l’autre. La céramique traditionnelle de noces garde le symbole du serpent. On le retrouve également sculpté sur la croix des tombes. Par conséquent, le protecteur de la maison devient le guide de son maître dans l’au-delà.

    L’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu explique :« Le serpent est souvent associé avec le passage du temps. Dans la culture européenne, on retrouve souvent le serpent Uroborus qui mange sa propre queue, symbolisant le temps infini. Le serpent est donc un des animaux importants de la mythologie, un véritable totem du peuple roumain, aux côtés de l’ours et d’autres animaux, comme le « chien de la terre », une entité souterraine qui protège à son tour les fermes des Roumains. Après la fête de la Croix, célébrée le 14 septembre, les serpents entrent sous la terre et n’en sortent plus qu’en février. Si pendant l’entre-deux-guerres la mythologie était moins connue ou utilisée surtout pour la propagande, de nos jours, les jeunes commencent à redécouvrir les symboles du serpent du foyer qui protège les maisons et les fermes de Roumains partout dans le pays, mais aussi dans l’espace balkanique où habitent des Valaques, des Aroumains et d’autres communautés ethniques similaires ».

    Précisons enfin que les enfants des familles traditionnelles étaient les seuls capables de voir et d’entrer en contact avec le serpent du foyer. Certaines attestations ethnographiques parlent même d’enfants qui boivent du lait de différents récipients en céramique aux côtés du serpent blanc. (Trad. Valentina Beleavski)

  • La nuit des Sânziene

    La nuit des Sânziene

    La nuit du 23 au 24 juin est connue dans la tradition roumaine comme la nuit des « Sânziene ». Les Sânziene sont de jeunes filles habillées en vêtements de fête, qui portaient des couronnes de fleurs sur leurs têtes et dansaient en ronde. C’est une fête liée au culte de la végétation et de la fécondité, un mélange fascinant d’éléments chrétiens, païens et magiques. Ses origines sont à retrouver dans un culte solaire ancien correspondant à la fête chrétienne de la naissance de Saint Jean – Baptiste. C’est un rituel censé marquer le renouvellement de la nature et c’est aussi la seule fête préchrétienne acceptée par l’Eglise Orthodoxe Roumaine. Selon les croyances païennes, la présence des Sânziene, des esprits invisibles, est ressentie uniquement pendant cette nuit du 23 au 24 juin. Pour plus de détails sur ce moment magique de la tradition roumaine, nous avons invité au micro l’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu : «C’est une des fêtes les plus fascinantes de la mythologie du peuple roumain. On la retrouve d’ailleurs dans l’ensemble de l’espace balkanique, dans les pays voisins. La fête des Sânziene est directement liée au solstice d’été, elle a des racines indo-européennes anciennes, comme c’est le cas de Stonehenge par exemple, un endroit associé avec les rituels du solstice. Il s’agit en fait de rituels imaginés par nos contemporains parce que nous ne pouvons pas savoir exactement ce qui s’y passait il y a des millénaires. Grâce aux recherches des ethnologues et des ethnographes nous savons que les Sânziene sont des divinités qui, lors du solstice d’été, descendent sur la terre et la bénissent, par la ronde qu’elles dansent. A ce moment-là, le Soleil est le plus proche de la Terre. Personne n’avait le droit de regarder la danse des Sânziene, car on courait le risque d’être aveuglé, de tomber malade, de devenir fou, bref de « perdre sa tête » comme on dit. Dans le sud du pays, dans cette même période on fait la danse des « Căluşari » pour protéger les communautés roumaines de ces divinités si puissantes ».

    La danse des Căluşari a des règles très strictes. Tout d’abord, seuls les hommes ont le droit d’y participer. Puis, les danseurs ont des costumes spéciaux et des accessoires tels des bâtons en bois, un drapeau, des sabres ou des plantes médicinales. Leurs chemises sont cousues de fil rouge, ils portent des chapeaux ornés de rubans, de clochettes métalliques, de petits pompons, alors que leurs bottes sont garnies d’éperons. Le leader du groupe porte un grand bâton orné de plantes médicinales, très importantes dans le contexte de la fête des Sânziene. On dit que leurs effets thérapeutiques s’accentuent pendant la période du solstice d’été. Les femmes cueillent ces plantes pendant la nuit du 23 au 24 juin et les emmènent le lendemain à l’église pour les libérer de l’influence des Sânziene, considérées aussi comme des fées malveillantes. Florin-Ionuţ Filip Neacşu raconte : « Dans de nombreux villages roumains, on garde toujours la tradition selon laquelle les jeunes filles portent des couronnes de fleurs la nuit des Sânziene, alors que les jeunes hommes jettent des couronnes de fleurs au-dessus des toits des maisons où habitent les jeunes filles célibataires. Il y a aussi des chansons spécifiques de cette fête. Plus encore, au cours des premiers siècles, l’église chrétienne a tenté de superposer des fêtes religieuses aux fêtes préchrétiennes. C’est aussi le cas de la fête des Sânziene. Par conséquent, le même jour, l’église roumaine célèbre la naissance de Saint Jean Baptiste. De nos jours, la danse des Sânziene est reconstituée dans de nombreux musées d’art traditionnel de Roumanie. Et depuis quelques années, partout dans le monde où vivent des communautés roumaines, les femmes ont pris l’habitude de porter la blouse traditionnelle roumaine, ia, le jour du solstice, justement pour témoigner de la force de nos traditions. C’est pourquoi, la fête de la blouse roumaine est célébrée le même jour que les Sânziene. »

    Avant de terminer, mentionnons que la dimension la plus importante de cette tradition est, sans doute, le culte de la fertilité. Vu que c’est une fête solaire qui marque l’expansion de la nature après le passage de l’hiver, la nuit des Sânziene est aussi un symbole de la féminité, mise aussi en valeur par les blouses roumaines traditionnelles. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Dragobete, la fête de l’amour

    Dragobete, la fête de l’amour

    Célébrée le 24 février, « Dragobete » est une des fêtes roumaines du printemps les plus connues et les plus attendues. C’est la fête roumaine des amoureux. Depuis que la Roumanie a importé la Saint Valentin et toutes ses couleurs américaines, un véritable mouvement en faveur des coutumes autochtones est né, aidant la fête de Dragobete à récupérer la place perdue.

    Mais quelle est la signification profonde de cette tradition roumaine ? Pour nous en parler, nous avons invité au micro Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare: «Dragobete est la fête qui marque le début du printemps. En fait, elle marque la séparation d’avec l’hiver. Les gens savaient qu’à compter du 24 février l’hiver perdait sa force. Pour marquer ce passage, ils laissaient les oiseaux l’annoncer. C’est pourquoi, le jour de Dragobete était aussi appelé le Jour des Oiseaux. C’est à compter de ce jour-là que les oiseaux commencent à construire leurs nids et à pondre leurs premiers œufs. C’est aussi le jour où tous les oiseaux commencent à chanter. Désormais, rien ne peut arrêter le printemps. Par ailleurs, ces dernières années, vu ce désir de faire une parallèle entre la Saint Valentin et la fête de Dragobete, on commence à l’appeler aussi la fête roumaine de l’amour.»

    Malheureusement, trop peu de jeunes connaissent de nos jours la vraie signification de la fête de Dragobete, la réduisant aux mêmes symboles que la Saint Valentin : fleurs, chocolats, déclarations d’amour, sorties au restaurant. Delia Suiogan explique : «J’aimerais leur faire comprendre que ce n’est pas une fête de l’amour dans le sens profane du mot, de l’amour célébré par des cadeaux et des mariages. C’est le jour où l’on commence à chercher sa moitié, son âme sœur. En suivant l’exemple des oiseaux, l’homme commence à chercher sa moitié, son partenaire de vie. Certains villages gardent toujours de très beaux rituels de Dragobete : les jeunes sortent dans les champs ou dans les forêts pour cueillir des fraises des bois. S’ils en trouvent le jour de Dragobete, c’est un présage de bon augure pour toute l’année. De même pour les premières fleurs : perce-neiges ou violettes. Garçons et filles offrent ces fleurs les uns aux autres. Les petits bouquets symbolisent l’acceptation de l’autre comme possible âme sœur. »

    Vous vous demandez sans doute d’où vient le nom de cette fête. Dans la tradition roumaine, Dragobete est un personnage mythologique, qui ressemble à Eros ou Cupidon. Dans certaines légendes, Dragobete est le fils d’une veille femme, Dochia. C’est un beau jeune homme immortel, gardien de l’amour. Delia Suiogan raconte: « Dragobete est un très beau personnage de la mythologie traditionnelle. Il est connu en tant que fils de la vieille Dochia notamment à l’extérieur de la courbure des Carpates. En Transylvanie et au Banat on l’appelle Dragomir. En fait, une multitude de légendes et de très beaux contes circulant à l’intérieur de la Courbure des Carpates tournent autour de ce demi-dieu de la nature, Dragomir. »

    Selon les ethnologues, Dragobete est une fête très ancienne, aux racines daces. Oubliée pendant un certain temps, elle commence à regagner du terrain, aidée aussi par un côté commercial sans précédant. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Les feux de Sâmedru

    Les feux de Sâmedru

    C’est un rituel aux symboles profonds qui marque la fin de la saison chaude et la transformation de l’énergie solaire accumulée pendant l’été en un feu contrôlé par l’homme.

    Delia Suiogan de l’Université du Nord de Baia Mare, dans le nord du pays, raconte: «La veille de la Saint Dimitri, soit la nuit du 25 au 26 octobre, on allume les feux de Sâmedru. Cette tradition est assez répandue à l’extérieur de l’arc des Carpates, c’est-à-dire dans les régions de Moldavie et de Valachie. Malheureusement, en Transylvanie, cette coutume n’existe plus. Seuls les bergers la respectent. D’habitude, les feux symbolisent la purification, la régénération, le renouveau. La veille de la Saint Dimitri, une fois la nuit tombée, les gens se réunissaient sur les collines pour allumer des feux. Il fallait faire un grand feu, que l’on pouvait voir de loin et qui devait être entretenu surtout par les jeunes, filles et garçons. On dit que les personnes qui réussissaient à sauter par-dessus le feu allaient avoir une nouvelle année excellente et que ceux qui étaient fiancés pendant l’hiver allaient se marier l’année suivante».

    Les feux de Sâmedru sont aussi une bonne occasion de se rappeler les ancêtres, Delia Suiogan : « Les gens se réunissaient autour du feu pour chanter, pour partager de la nourriture – une sorte d’offrande à la mémoire des morts. Selon la légende, les morts au nom desquels on ne proposait pas d’offrandes pouvaient se transformer en fantômes et hanter les vivants qui les avaient jetés dans l’oubli. C’étaient surtout les femmes qui apportaient autour du feu des fruits de la récolte d’automne : pruneaux, raisins, noix, poires. Les gens se partageaient des fruits, un rituel pour l’âme des décédés».

    Une fois éteints, les bûchers géants qui restaient sur les collines gardaient leur valeur symbolique. Les gens des communautés traditionnelles ramenaient chez eux les braises qui protégeaient leurs foyers pendant le reste de l’année.

    Delia Suiogan : « Les villageois restaient autour du feu jusqu’à l’aube de la Saint Dimitri, jusqu’à ce que le feu s’éteignait tout seul. Ensuite, chaque participant ramenait à la maison au moins un morceau de braise, qu’il enterrait sous le seuil du porche. Son rôle était de protéger la maison et ses habitants de tout mal. La braise était un reste du feu vivant, qui se transmettait d’une saison chaude à une saison froide. Cette pratique symbolisait l’enterrement de la chaleur de l’été, pour laisser la place à un feu plus calme de l’hiver qui approchait. »

    Les feux de Sâmedru restent donc une des traditions les plus intéressantes des Roumains, un rituel de la mort et de la renaissance à l’approche de l’hiver. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Les Philippes d’automne

    Les Philippes d’automne

    Selon la croyance populaire des Roumains, la saison froide débute plus tôt que ne l’indique le calendrier civil. Le calendrier traditionnel de la mi-septembre comporte toute une série de fêtes automnales, dont celle dite des Philippes. En cette saison, qui fait la transition entre l’été et l’hiver, les villageois de maintes contrées de Roumanie pratiquaient jadis plusieurs coutumes censées les protéger et refaire l’équilibre cosmique.

    Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare nous a fourni davantage de détails à ce sujet: Selon le calendrier populaire, nous sommes déjà entrés dans la saison froide, d’où les changements qui s’opèrent dans les représentations de l’homme traditionnel. Si les animaux à valeur symbolique auxquels on se rapportait jusqu’ici étaient le serpent et l’ours, désormais c’est au loup d’être le fauve le plus respecté. A preuve les nombreuses journées que lui consacre le calendrier traditionnel, notamment au mois d’octobre. Passé le 23 septembre, les fêtes se multiplient. Les journées commencent à se rétrécir, alors que les nuits se font de plus en plus longues. Le loup symbolise à la fois le soleil et les ténèbres, la nuit. Le 22 septembre marque le début de la fête connue sous le nom de Philippes d’automne. Les 26 et 28 septembres, les villageois suivent le plus rigoureusement les coutumes associées à cette fête traditionnelle, car le loup peut s’avérer l’ami de l’homme, mais aussi son grand ennemi.

    La croyance populaire désigne par le nom de Philippes les sept apôtres qui auraient échappé à une meute de loups grâce à leur foi ou bien des mauvais esprits punissant sévèrement ceux qui transgressent certaines règles. Pourtant, dans la plupart des cas, les Philippes sont considérés comme protecteurs des foyers contre les incendies et les animaux sauvages. Pendant l’hiver, les loups s’approchent dangereusement des villages. C’est ce qui explique la préservation en milieu rural des vieilles coutumes à rôle de protection.

    Delia Suiogan : En ces jours de fête, on observe le jeûne et on garde le feu allumé, car c’est lui que craint le loup venu s’attaquer au foyer et au bétail, notamment aux moutons. Cette période de l’année est d’ailleurs jalonnée de nombreuses fêtes pastorales. Par tradition, loup et brebis ne sont pas amis. Voilà pourquoi en célébrant ces fêtes les gens tentent de rétablir un certain équilibre entre les deux bêtes, car cet équilibre est crucial pour le nouveau cycle de la vie pastorale qui vient de débuter. Bref, le calendrier populaire consacrent au loup plusieurs jours, vers la fin septembre et tout au long du mois d’octobre.

    Les ethnologues ont remarqué une possible correspondance dans les calendriers populaire celtique et roumain du point de vue des fêtes marquant les différents cycles de l’activité pastorale. (Trad. : Mariana Tudose)

  • La poterie traditionnelle

    La poterie traditionnelle

    Le village de Luncaviţa est situé dans le sud-est du pays sur la rive droite du Danube, à l’aval de la ville de Galaţi, à 4 km seulement de la dépression où les experts ont découvert le site attribué à la culture Gumelniţa, datant du 5e millénaire avant Jésus-Christ. La poterie est un des plus importants métiers traditionnels pratiqués jadis à Luncaviţa.

    Marcel Mocanu, potier de Braniştea, toujours dans le comté de Galaţi, tâche de raviver à Luncaviţa la tradition de la poterie, connue, il y a plusieurs siècles, dans la vallée du fleuve : « J’ai appris à travailler la terre glaise de mes parents, quand j’avais environ 7 ans. Il y a une vingtaine d’années, je me suis bâti une maison à la campagne, avec un atelier et depuis je m’occupe uniquement de la poterie. J’ai une pièce où je travaille et une autre pour le séchage. J’utilise les deux roues traditionnelles, que je tourne avec le pied. La plus grande sert au modelage, la petite à la décoration de la céramique. Les objets que je travaille, c’est ma femme qui se charge de les décorer de motifs traditionnels. Ce sont des objets que l’on utilise notamment en cuisine : tasses, mugs, pots pour le lait et pour cuire le plat traditionnel des Roumains – les « sarmale ».

    Marcel Mocanu est un des seuls potiers qui respecte entièrement les procédés traditionnels. Il se procure, lui-même, la matière première et c’est toujours lui qui, aidé par les membres de sa famille, pétrit, travaille, fait cuire et décore les récipients en céramique qui sont tous des pièces uniques.

    Marcel Mocanu: « J’apporte la glaise du marais, c’est une terre collante. Je l’arrose à la maison, je le laisse macérer 3-4 jours. Ensuite nous le pétrissons avec les pieds. Puis, on la met sur le banc de travail et on la pétrit de nouveau, cette fois-ci à la main, de la même façon dont on pétrit la pâte pour faire du pain. Quand on a fini, on en fait des boules, plus ou moins grandes, en fonction de la dimension de pots qui vont en résulter. Pour un pot où l’on va cuire les « sarmale », il faut de grandes boules de glaise et on doit avoir beaucoup de force pour les modeler. Ça prend également plus de temps. Mes pots, je les cuis deux fois à mille degré. Notre terre est grise, presque noire. Exposée à une température si élevée, elle devient rouge. Avant la deuxième cuisson, les pots sont couverts d’un émail écologique d’importation, qui ne contient plus de plomb, comme celui utilisé jadis. A de telles températures, cet émail liquide prend l’aspect d’une couche de verre lisse et transparente, qui protège la décoration et empêche les aliments liquides de pénétrer dans la céramique pour la tacher. »

    La céramique travaillée dans la vallée du Danube est très recherchée par les passionnés d’art traditionnel. Sa chromatique discrète, aux couleurs vives, et les formes sveltes des pots attirent tout de suite l’attention des visiteurs dans les musées ethnographiques où ces objets sont exposés.

    Marcel Mocanu : « Nous n’employons pas beaucoup de motifs décoratifs sur nos pots. Nous nous limitons à ceux traditionnels : les vagues du Danube, des fleurs des champs, la pivoine, la spirale de la vie, l’arbre de la vie. Nous utilisons le blanc, le noir, le rouge. Où que j’aille dans le pays, aux expositions et foires ouvertes par les différents musées ethnographiques, les gens reconnaissent mes objets de Braniştea. A Luncaviţa, à ma grande joie, parmi les 30 personnes qui ont participé à mes cours de poterie, 4 ont commencé à travailler. Dans tout le sud de la Moldavie, entre les villes de Iaşi et Galaţi, il n’y a pas d’autre centre de céramique. Jusqu’à Horezu, je suis le seul à travailler la céramique dans un atelier. »

    Marcel Mocanu souhaite que l’art de la poterie traditionnelle soit continué par les jeunes. Il pense que le projet de Luncaviţa peut donner aux villages de la vallée du Danube une nouvelle génération de potiers, de sorte que ce métier puisse y survivre. (Trad. : Dominique)

  • La Journée du Loup

    La Journée du Loup

    Le 8 juillet, les Roumains vivant en milieu rural, dans des communautés traditionnelles, marquent la Journée du Loup. Connue dans le calendrier traditionnel sous le nom de Precup, cette fête pré-chrétienne a été liée plus tard à la fête des Saints Pierre et Paul (en roumain: Petru et Pavel).

    Détails, avec Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare: « C’est une fête pré-chrétienne très ancienne, qui, malheureusement, est tombée dans l’oubli de nos jours. Ce qui en reste, ce sont plutôt des croyances, des rites anciens, qui ne sont pas forcément liés à la date du 8 juillet, mais plutôt à la légende de Precup. On dit que Precup ou Pricopie était le frère de Saint Pierre. D’ailleurs Saint Pierre était le patron des loups et pouvait les contrôler. Aux dires de la légende, le 8 juillet, le jour de Precup, était une fête qu’il fallait strictement respecter, notamment par les bergers. Sinon, les loups mangent les moutons ou les vaches des bergers qui ne marquent pas cette fête. En plus, c’était un moment à respecter principalement par les hommes, car c’étaient les hommes qui s’occupaient des bergeries ».

    Dans la tradition roumaine, Saint Pierre était considéré comme le maître des loups. Début juillet, le loup est très actif. C’est pourquoi le jour de Pricopie était si important: selon les légendes, Pricopie pouvait maîtriser les prédateurs et protéger les fermes. Plus encore, tant Saint Pierre que ce personnage de l’imaginaire populaire roumain appelé Pricopie étaient responsables des phénomènes météorologiques extrêmes pendant l’été.

    L’ethnologue Delia Suiogan explique: « Precup est le grand maître des pluies. Si Saint Pierre punit tous ceux qui ne respectent pas sa fête, en lançant la grêle sur leurs terres, Precup est celui qui fait «bouillir» la grêle. Par conséquent, le 8 juillet, à écouter attentivement, on peut entendre le son du feu qui brûle la pierre jetée par Saint Pierre, car Precup veut que la grêle n’endommage pas trop les terres. C’est pourquoi la fête de Precup ou Pricopie était bien respectée et qu’il apparaît comme un saint martyr dans le calendrier chrétien».

    Le Jour du Loup présage non seulement des dégâts dans le fermes mais aussi des catastrophes. Delia Suiogan nous en dit davantage: «On dit aussi que si le coucou n’a pas cessé de chanter avant le 8 juillet, soit le jour de Precup, un grand malheur arrivera : une guerre, une catastrophe. C’est Precup qui empêche l’oiseau de chanter en le muselant avec des épis de blé. D’ailleurs on dit que la moisson commence par la fête de Precup, lorsque tous les épis sont bien mûrs et dorés».

    Bref, dans le calendrier traditionnel roumain, le Jour du Loup reste une des fêtes les plus importantes de l’été. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Icônes sur verre

    Icônes sur verre

    La peinture d’icônes sur verre est une tradition ancienne, une technique apparue en Transylvanie (région du centre de la Roumanie) suite à son annexion à l’Empire des Habsbourg, à la fin du 17e sicle.

    Pour davantage de détails, nous nous sommes adressés à Oana Musceleanu, du centre de peinture de Nicula, dans le nord de la Roumanie. Elle nous parle des débuts de cet art : « L’icône sur verre est apparue au monastère de Nicula, où il y avait une icône sur bois qui, dit-on, avait commencé à pleurer un jour. Cela y a attiré de nombreux pèlerins. Les paysans du village ont voulu copier l’icône pour la vendre aux pèlerins. Ils ont fait les copies sur verre, pour des raisons économiques, car les icônes sur bois auraient coûté plus cher. Ces paysans ont mis leur talent à l’épreuve dans les centres de peinture de Nicula, où tout a commencé. Par la suite, ils ont migré dans d’autres villes transylvaines, Alba-Iulia, Fagaras, Brasov, pour y vendre leurs icônes. Au début, les icônes étaient peintes par des femmes et vendues par leurs époux. Parmi les peintres les plus connus mentionnons Savu Moga, Matei Ţimforea, Ioan Pop ou encore Ioan Costea, mais en général les peintres sont anonymes. »

    Initialement, les matériaux utilisés pour confectionner des icônes sur verre provenaient de petits centres et des ateliers appartenant aux différentes guildes de maîtres artisans. Les techniques rudimentaires ont été gardées jusqu’à nos jours, les icônes roumaines sur verre étant réalisées à présent tout comme aux siècles passés.

    Oana Musceleanu nous en parle : «Les matériaux utilisés étaient des morceaux de vitre brûlés dans des fours traditionnels. En raison de la température instable, en résultaient de très belles superficies vallonnées qui, à la lumière des bougies, produisaient des effets inédits : on avait l’impression que les saints de ces icônes bougeaient. Les peintres utilisaient des couleurs naturelles, qu’ils produisaient eux-mêmes ou qu’ils achetaient chez des marchands spécialisés. Ils mélangeaient les pigments naturels avec de l’émulsion de jaune d’œuf. Les pinceaux étaient en poils naturels, alors que pour les contours ils utilisaient des poils du bout de la queue du chat. Pour les auréoles et autres décorations on utilisait les feuilles d’or, alors que les cadres étaient confectionnés en bois et peints en noir, brun ou même vert.»

    Selon la technique utilisée, les icônes sur verre sont peintes plutôt « sous » le verre, car toutes les images sont réalisées en miroir, de sorte qu’au moment où l’on tourne le verre transparent, l’image soit correcte. Pour celui qui regarde l’icône, le verre est une sorte d’écran qui protège la partie sur laquelle se trouve la peinture.

    Oana Musceleanu précise: « La technique des icônes sur verre utilisée au 21e siècle est fidèle à celle d’antan. On commence par nettoyer le verre industriel, puisque le type de verre fabriqué dans les centres moyenâgeux n’existe plus. On fait ensuite le contour à l’encre noire en suivant des règles bien précises. Puis on commence à peindre à l’aide des pigments mélangés avec de l’émulsion de jaune d’œuf, pour appliquer enfin les feuilles d’or. Dernière étape : mettre le verre peint dans un cadre sur lequel on a mis de la teinture et de la cire d’abeilles.»

    Une des plus belles collections d’icônes sur verre de Roumanie est à retrouver au musée de Sibiel, en Transylvanie. Situé au cœur même du pays, ce village est connu pour ses icônes réalisées dans le style du monastère de Nicula, celui de la région de Fagaras ou de Marginimea Sibiului. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Les «căluşari» et leur danse

    Les «căluşari» et leur danse

    Dérivé du mot latin «caballus» qui signifie cheval, «căluş» est un mot roumain qui désigne la danse traditionnelle de l’homme – cheval. Les danseurs, exclusivement des hommes, sont appelés « căluşari ». Les origines de la danse sont à retrouver dans un rite de fertilité païen, dont le but était d’apporter la chance, la santé et le bonheur dans les villages où il était pratiqué.

    De nos jours, ce rituel est de plus en plus rare. C’est une danse traditionnelle connue perpétuée sous forme de spectacle, mais ses liens avec les rites anciens sont tombés dans l’oubli. Peu de Roumains savent encore que la danse des « căluşari» est spécifique à la fête de la Pentecôte. En tant que personnages, les « căluşari » jouaient un rôle précis, étroitement lié à d’autres personnages mythiques, comme les sirènes.

    Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, explique : «Les participants à la danse des « căluşari » changent complètement de statut au moment où ils acceptent de faire partie du groupe des « căluşari ». Ils jouent un rôle qu’ils doivent assumer complètement. Entrer dans le groupe des « căluşari » signifie renoncer à sa nature humaine pour se transformer en un personnage mythique, ayant une fonction magique bien précise. C’est pourquoi le groupe des « căluşari » prête un serment qu’il doit respecter à tout prix et porte toujours un drapeau. Sans ce drapeau la danse ne peut pas être réalisée, c’est le symbole d’un axis mundi autour duquel les danseurs forment un cercle magique. Par ailleurs, les « căluşari » sont les seuls capables de guérir les jeunes hommes charmés par les sirènes, ces personnages maléfiques, avec des pouvoirs extraordinaires.»

    Le groupe de « căluşari » a toujours un nombre impair de danseurs. Au début il y en avait 5, puis – 7, puis – 9, pour arriver ensuite à 12, soit le nombre des mois de l’année. Deux danseurs dirigent le rituel. L’un est muet, l’autre porte le drapeau et commande le groupe.

    Delia Suiogan nous en dit davantage: «Le drapeau est érigé la veille de la Pentecôte et il comporte 9 plantes magiques, dont les plus puissantes sont l’ail et l’absinthe. Toutes les femmes qui participent à la danse des « căluşari » tentent de voler ces plantes qui pouvaient guérir des maladies quasi incurables, que les gens redoutaient dans l’antiquité. »

    Sauts à la verticale et à l’horizontale, cercles rapides : les mouvements des « căluşari » sont spectaculaires. Mais l’aspect le plus important, c’est l’appartenance à un groupe aux pouvoirs miraculeux. C’est justement pourquoi ce rituel figure depuis 2005 sur la liste du Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Fêter Pâques en Roumanie

    Fêter Pâques en Roumanie

    Chers amis, si vous souhaitez connaître les traditions des Pâques orthodoxes, alors pour quoi ne pas choisir la Roumanie ? C’est un pays qui a su garder vivantes les coutumes et traditions surtout dans les villages, mais aussi dans les villes dont les habitants, même s’ils aiment les fêtes moderne, n’oublient pas de respecter les traditions liées aux principales fêtes religieuses. C’est pourquoi Pâques est une des meilleures périodes pour redécouvrir des rites anciens, pour goûter aux plats traditionnels spécifiques de cette période de l’année, bref pour avoir une alternative à la vie quotidienne.



    Les touristes étrangers s’intéressent de plus en plus à la Roumanie ; par conséquent les agences de tourisme multiplient leurs offres de vacances pascales, affirme Traian Badulescu, conseiller en tourisme : « A part les Roumains d’Italie et d’Espagne qui regagnent le pays à l’occasion de cette fête, il y a aussi des touristes des pays voisins — de Hongrie, de la République de Moldova et d’Ukraine, mais ces derniers sont peu nombreux. Les Occidentaux commencent eux aussi à manifester de l’intérêt pour les traditions roumaines, tout comme les Américains. Ils en ont entendu parler et souhaitent les découvrir eux-mêmes. Personnellement, je vous recommande le tourisme rural pendant les Pâques orthodoxes. L’Association nationale pour le tourisme rural, écologique et culturel, ANTREC, fait la promotion de milliers de gîtes, situés dans les régions roumaines les plus belles et les plus riches en coutumes : la Bucovine et le Maramures (dans le nord et le nord-est), Marginimea Sibiului, Brasov et Bran — Moeciu (au centre), les Monts Apuseni (dans l’ouest), le département de Neamt (dans l’est) ou bien le Delta du Danube, qui est une zone très intéressante en cette période de l’année. »



    En vous logeant dans un de ces gîtes vous aurez l’occasion de goûter aux plats traditionnels à base de produits écologiques préparés par les propriétaires eux-mêmes. Les tarifs dans une pension classée 4 marguerites (l’équivalent roumain des épis) partent de 55 euros (250 lei) la nuitée dans une suite, petit déjeuner compris. Le prix couvre également l’accès aux aires de jeux intérieures et extérieures pour les enfants, à la piscine, au Spa, au jacuzzi et le parking. Si vous préférez un hôtel 4 étoiles, alors les prix s’élèvent jusqu’à 100 euros la nuitée.



    Le guide Ciprian Şlemco nous dit pourquoi ça vaut la peine de vous rendre en Bucovine, dans le nord de la Roumanie: « En Bucovine il y a des régions où porter des costumes traditionnels pendant les jours de Pâques est une tradition strictement respectée. Par exemple, le monastère de Humor est un endroit où les costumes sont très bien mis en évidence. Dans d’autres localités vous pourrez découvrir les métiers traditionnels, sans oublier les coutumes liées à de la peinture des oeufs. Et c’est toujours en Bucovine que vit une communauté ethnique ukrainienne appelée Hutsuli. Ses membres sont spécialisés dans le travail du cuir et dans l’élevage de chevaux. On peut donc découvrir des familles authentiques, avec leurs costumes et leurs métiers traditionnels. On ne saurait oublier non plus la céramique noire de Marginea, fabriquée par un procédé unique au monde, dont le secret a été très bien gardé par les artisans. D’ailleurs, c’est le seul centre de céramique noire en Europe et c’est une marque déposée de la Bucovine ».



    Enfin, le conseiller en tourisme Traian Bădulescu nous propose une destination moins connue pour découvrir les Pâques roumaines : «Le Danube. La région du fleuve est très peu promue, mais c’est une zone sauvage, d’une beauté rare, intéressante, riche en histoire. Et je pense notamment aux ruines des cités daces et romaines qui longent le Danube. Moi, je ferais la promotion du Danube, et particulièrement de la zone riveraine de la Dobroudja. A mon avis ce sera une des principales attractions du pays à l’avenir, surtout qu’un millier de km du fleuve traversent le territoire roumain»



    Quoi que vous recherchiez — tranquillité au cœur de la nature, vacances à la mer ou à la montagne, détente ou aventure, traditions ou histoire, la Roumanie s’avère le bon choix, surtout en période de fête. Bon voyage ! (Trad. Valentina Beleavski)

  • Les Pâques des Débonnaires

    Les Pâques des Débonnaires

    Selon les légendes, les Débonnaires sont les premiers êtres humains apparus sur la Terre, dont l’existence excédait le plan physique. Ils étaient incapables de faire le moindre mal et vivaient dans un coin éloigné de la civilisation ; ils peuplaient, plus exactement, les « Ilots Blancs » d’un delta mythique formé par la rivière qui prend sa source en dessous de l’arbre de vie du Paradis. Cette rivière marque en fait la frontière entre les deux mondes — celui des vivants et celui des morts.



    Les Débonnaires passent leur vie à jeûner et à prier, pour que les péchés des humains soient pardonnés. Sabina Ispas, directrice de l’Institut d’ethnographie et de folklore de Bucarest, nous en dit davantage: « C’est une belle tradition d’origine médiévale liée en quelque sorte aux légendes sur le Jardin d’Eden. Cette légende roumaine parle de l’existence d’une île des Débonnaires, un endroit mirifique, un jardin où ces êtres humains exceptionnels mènent une vie exemplaire. Ils ne portent pas de vêtements, ils vivent au sein de la nature, ils se nourrissent uniquement de végétaux et la vie qu’ils mènent est d’une autre qualité. En fait, ils sont des saints. Souvent, la tradition les associe aux trépassés auxquels on a accordé le bonheur de connaître le Paradis. Or, les Débonnaires, dont la vie est si extraordinaire, apprennent que les saintes Pâques sont fêtées sur Terre lorsque les vivants heurtent des œufs peints en rouge, en prononçant la formule : « Le Christ est ressuscité ! », avec la réponse « En vérité, il est ressuscité ! » Les coques d’œuf jetées dans l’eau des rivières finissent par arriver dans les eaux de cette rivière mythique et de là, en faisant le tour du monde, arrivent sur l’île des Débonnaires, ces bienheureux. Les Débonnaires apprennent donc ainsi que les saintes Pâques sont fêtées sur la Terre et ils les fêtent, eux aussi, en recevant ces coques d’œufs peints en rouge. »



    A l’occasion des Pâques des Débonnaires, surtout dans le nord du pays, en Bucovine, on faisait rouler des œufs teints et on faisait un pique-nique. Une bonne partie des aliments spécifiques aux Pâques étaient laissés choir par terre, pour commémorer les Débonnaires. Le plus souvent, dans les communautés traditionnelles d’Olténie et de Dobroudja (sud et sud-est), les Débonnaires sont associés aux aïeux disparus depuis au moins sept ans, ces Pâques à part devenant une sorte de Fête des morts/Toussaint. Pour la première fois après la Résurrection, les gens emmenaient la Lumière reçue à l’église — et préservée dans des chandelles — aux tombeaux des disparus.



    En plus, pour les Pâques des Débonnaires, on ne commémorait pas seulement les morts de la lignée généalogique ascendante, connue, mais toutes les âmes de l’au-delà, désignées de manière générique par les vocables « les Oubliés », « les Inconnus » ou encore « les Blancs ». Les Débonnaires sont également perçus dans certaines régions comme les âmes des enfants non baptisés, mais aussi comme les véritables piliers de la terre, sans lesquels le monde sombrerait dans le chaos.



    L’élément central dans le culte des Débonnaires, c’est l’œuf teint en rouge de la fête de Pâques. Symbole archétypal de l’Univers, on considère que l’œuf est à l’origine de toutes les choses, de la régénération et de la permanence de la vie sur terre. L’œuf est aussi un symbole de la résurrection, de l’existence extraordinaire, qui outrepasse le monde concret. Par l’œuf teint de Pâques, l’on célèbre aussi l’existence mythique des Débonnaires, projections de l’imaginaire traditionnel, qui veillent depuis un lieu éloigné, légendaire, sur les vivants.

  • La Pâque orthodoxe

    La Pâque orthodoxe

    Pâques est la fête la plus importante de la chrétienté. La Résurrection du Seigneur est célébrée par les grands cultes chrétiens, chaque année, à des dates différentes, calculées suivant deux phénomènes naturels. Depuis le concile œcuménique de Nicée, en l’an 325, les Pâques sont célébrées le dimanche suivant la pleine lune après l’équinoxe de printemps. Ainsi, le Patriarcat orthodoxe d’Alexandrie calcule, chaque année, la date de la fête et la communique aux autres églises du même rite. Ce n’est qu’un repère générique pour comprendre la variation de la date des Pâques, parce qu’après le concile de Nicée, beaucoup d’autres modifications sont intervenues, tant sur le calendrier chrétien que sur l’interprétation du cycle cosmique.



    Les préparatifs pour la Résurrection du Christ commencent par le Carême, qui est le plus long et le plus strict imposé par l’Eglise orthodoxe. Ces préparatifs rappellent les 40 jours de jeûne observées par Jésus avant de commencer son activité messianique. Le mot « Pâques », qui désigne la fête de la Résurrection du Seigneur, tire son étymologie du terme hébreu « Pessah », qui signifie « passage ». La Pâque juive célébrait la traversée de la mer Rouge, la fuite du servage d’Egypte vers la terre promise de Canaan. Les Pâques chrétiennes sont une fête de l’espérance, une promesse de renouveau spirituel et de vie éternelle à laquelle l’homme peut accéder après la mort.


    Voici les explications de Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord, de Baia Mare : « Pâques, c’est la grande fête de la renaissance par la Résurrection. L’homme du monde traditionnel croit en cette mort répétée, qui donne la chance de renaître à un état supérieur. Bien sûr, Pâques se place sous le signe du sacrifice suprême du Christ Rédempteur. Il s’agit aussi du sacrifice de Dieu le Père, parce qu’il a envoyé son fils dans le monde afin qu’il se sacrifie pour les hommes faits d’après Son apparence. Ces croyances liées à la renaissance existaient en tant que telles bien avant le christianisme, quand l’idée de cycles répétés s’appliquait tant à la nature qu’aux hommes. La renaissance donne le droit de renoncer aux ténèbres, au chaos, et à refaire l’état d’équilibre et d’harmonie ».



    Après le Dimanche des Rameaux, qui marque l’entrée de Jésus à Jérusalem, et la Semaine Sainte qui culmine par le Vendredi Saint, les chrétiens orthodoxes des quatre coins de la Roumanie attendent la Résurrection du Seigneur. C’est le moment où les fidèles reçoivent la Lumière, pendant la messe de minuit.



    Peindre et décorer les oeufs le Jeudi Saint est une autre tradition ancienne respectée de nos jours encore tant dans les communautés traditionnelles que dans les villes. L’œuf est le symbole de la vie et de la régénération, alors que le rouge dont il est peint rappelle le sacrifice du Christ sur la croix.



    Le repas du Dimanche de Pâques est tout aussi important, comme nous l’explique Delia Suiogan: « Une autre belle coutume est celle de porter les aliments à l’église pour qu’ils soient bénis. Personne n’entame les plats avant qu’ils ne soient bénis. Ce rituel est toujours vivant au Maramures (dans le nord de la Roumanie), et c’est vraiment merveilleux de voir le dimanche de Pâques les cours des églises envahies par des gens portant des paniers remplis d’aliments dont ils vont se régaler aux côtés de leurs familles réunies autour de la table. Parmi les produits qui doivent absolument être bénis mentionnons la « pasca » — une tarte aux fromage doux et raisins secs. S’y ajoute le jambon de porc, consommé même avant d’introduire la viande d’agneau comme plat pascal traditionnel. Ce jambon a été préparé à Noël et fumé pour le repas de Pâques. Au Maramures, l’agneau farci ne manque pas du menu pascal. Il est farci d’œufs et de fines herbes qui symbolisent la croissance, la régénération. Tous les aliments préparés pour fêter Pâques « parlent » du sacrifice: le grain de blé se sacrifie pour être transformé en farine, l’œuf bouilli annule ses caractéristiques renvoyant à la fertilité. La vigne se transforme en vin. L’agneau est le plus important, car il symbolise le Seigneur lui-même. Par tous ces aliments, les chrétiens orthodoxes assument à leur tour le sacrifice du Christ. »



    Bien que ce soit un moment solennel, la fête de Pâques est aussi un moment de joie pour les orthodoxes. La joie de célébrer la Résurrection et la vie éternelle rendue possible par le sacrifice du Seigneur. (trad. Ligia Mihaiescu, Valentina Beleavski)