Category: Fêtes et traditions

  • La Pentecôte et ses significations plurielles

    La Pentecôte et ses significations plurielles

    Il s’agit de l’arrivée sur Terre du Saint-Esprit, célébrée 10 jours après l’Ascension et 50 jours après Pâques, étant considéré comme l’origine de la propagation du christianisme dans le monde.


    Toutefois, cette fête a aussi un côté moins religieux et plus populaire, dont nous parle l’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu :



    « La Pentecôte a de multiples significations dans le calendrier traditionnel roumain, tout comme dans le calendrier chrétien. Les avis des spécialistes sont partagés en ce qui concerne le nom de cette fête en roumain : Rusaliile. Certains ethnologues pensent que ce nom vient du mot latin « rosalia », une fête romaine préchrétienne, alors que d’autres estiment que son origine est dans le mot « rusalka », qui désigne une fée de la nature dans la tradition slave. Hormis la signification religieuse de ce moment, c’est-à-dire la descente du Saint Esprit, il s’agit aussi de commémorer les morts. Cette commémoration se fait le samedi d’avant la Pentecôte, et c’est une autre fête : Moşii de vară. A Bucarest, par exemple, la foire organisée ce samedi-là était jadis l’événement public le plus important. »



    Un rituel très spécial accompagne ces fêtes d’été : la danse appelée « căluşul » exécutée par un groupe d’hommes appelés « căluşari ». Leurs mouvements spectaculaires rendent cette danse si spéciale qu’elle a été inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit en fait d’une ronde des hommes qui dansent et font des sauts verticaux et horizontaux. Leur mouvement est une sorte de magie capable de guérir les maladies. Leur force vient justement du fait d’appartenir à ce groupe. L’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu explique :



    « Le rituel du « căluş » est pratiqué dans les contrées d’Olténie et de Munténie (sud). Après la messe consacrée aux défunts, les danseurs prêtent le serment des « Căluşari » et commencent à danser. En fait, ce rituel de commémoration des morts a été gardé très rigoureusement dans plusieurs régions : en Moldavie (est), en Munténie (sud) et en Dobroudja (sud-est). A part la danse, la famille partage avec les autres, à la mémoire des morts, certains objets, notamment des tasses, des bols, des assiettes et des couverts. Par ailleurs, les Rusalii sont des divinités préchrétiennes. Ce sont des fées plutôt maléfiques qui punissent les gens qui travaillent le jour de leur fête. Les « Căluşari » sont donc appelés pour guérir les personnes qui tombent malades à cause de ces fées. Enfin, pour les habitants de la région de Moldavie, c’est le moment où les familles se réunissent ».



    Dans l’imaginaire populaire roumain, les Rusalii sont en fait de jeunes femmes. Elles flottent dans l’air, chantent et jouent dans le ciel et détiennent tout le contrôle de ce jour de fête.


    (Trad. Valentina Beleavski)




  • La fête du Gherman

    La fête du Gherman

    Dans le cadre des sociétés traditionnelles d’antan, les gens
    respectaient strictement les rituels de protection des récoltes dès le début de
    la saison chaude. Dans le calendrier traditionnel, le mois de mai est marqué
    par une fête presqu’oubliée dans les communautés rurales d’aujourd’hui. Il
    s’agit d’une série de rituels agraires, dont le but de protéger les cultures contre
    l’invasion des insectes et d’autres créatures nuisibles. Le moment appelé le « Ghermanul
    viermilor »/« Le Gherman des vers » ou plutôt « des
    chenilles » a une importance cruciale pour l’avenir des récoltes et c’est
    pourquoi il est lié au calendrier religieux.




    Explication avec Delia Suiogan, ethnologue à l’Université
    du Nord de Baia Mare : « A l’origine, c’était une fête consacrée à la
    pluie excessive. On considérait le Gherman comme un demi-dieu, une sorte de
    médiateur auprès du Soleil, qui était le dieu le plus important dans la
    mythologie préchrétienne. Le « Gherman des vers » est une extension
    de cette fête dédiée à la pluie parce que nous sommes déjà en été et que les
    vers commencent à attaquer les récoltes. D’ailleurs, on croyait que la pluie
    excessive favorisait l’apparition des vers. La journée du « Gherman »,
    qui avait une date fixe dans certaines régions, est marquée si besoin est,
    lorsque les vergers sont envahis par les chenilles. »








    Le jour du Gherman, les femmes des communautés
    traditionnelles tentaient de protéger les cultures plantées au printemps contre les attaques des insectes nuisibles par des rituels exhortant la divinité à épargner
    leurs champs. Les communautés archaïques, dépendantes des récoltes de la terre,
    ont transmis des coutumes dont les échos ont intégré aussi la culture roumaine.
    Les rituels déroulés à l’occasion du « Gherman des vers » portent des
    symboles ancestraux.






    Détails avec Delia Suiogan : « Le jour du
    Gherman, ni hommes, ni femmes ne travaillaient point. On disait d’ailleurs qui
    celui qui travaillait le jour du Gherman allait être attaqué par les vers. Leurs
    cibles étaient les récoltes de blé, de maïs, mais aussi les moutons qui
    risquaient d’attraper des parasites. Il s’agit donc d’une fête préchrétienne,
    qui a reçu pourtant des connotations chrétiennes, étant reliée au Saint Gherman.
    Elle symbolise aussi la relation directe entre l’Homme et la
    nature ».




    Dans certaines régions ethnographiques du centre de la
    Roumanie cette fête est connue aussi sous le nom de « Harmanul
    viermilor »/ « Le Harman des vers ». Pour les communautés
    archaïques roumaines, le bon déroulement de la vie au cours d’une année
    dépendait en grande mesure de la fertilité de la terre, mais aussi des mesures
    entreprises pour protéger les futures récoltes tout le long de l’été.

  • Traditions pascales des orthodoxes de Roumanie

    Traditions pascales des orthodoxes de Roumanie

    La Semaine sainte, c’est-à-dire la dernière semaine avant Pâques, débute après le Dimanche des Rameaux, dernier dimanche précédant le dimanche de Pâques, et culmine par le Vendredi saint, pour faire ensuite place à la joie de la nuit de la Fête de la Résurrection.





    L’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu nous éclaire sur les multiples significations des fêtes pascales pour les chrétiens d’Orient, et notamment pour ceux qui vivent en Roumanie : « Pâques représente la fête la plus importante des Roumains et, plus largement, de tous les chrétiens orthodoxes. Par rapport aux autres chrétiens de l’Ouest de l’Europe, où la fête de Noël demeure primordiale, pour les croyants de Roumanie, de Russie, d’Ukraine, de Grèce, mais aussi de Syrie, de Palestine ou d’Egypte, Pâques est la fête la plus importante du calendrier. Pendant les premiers siècles de l’ère chrétienne, les apprentis des premiers apôtres sont arrivés dans ce qu’était alors le territoire de la Roumanie actuelle, dans la région de Dobroudja, qu’ils ont traversée. C’est probablement à ce moment-là que Pâques est devenue une fête particulièrement importante. Selon certains ethnographes et historiens roumains, il est probable à ce que Pâques ait cannibalisé d’autres fêtes païennes, communes aux peuples thraces et géto-daces, et qui marquaient l’arrivée du printemps et le renouveau de la nature. Mais parce que l’essence du christianisme est concentrée dans le miracle de la Résurrection du Seigneur, elle fait que la fête de Pâques soit devenue la plus importante fête des peuples qui vivent à l’Est de l’Europe et de la Méditerranée. En 1925, l’Eglise orthodoxe de Roumanie a été élevée au rang de Patriarcat. Depuis lors, la fête de la Résurrection a lieu à minuit, et c’est des mains du patriarche que les croyants prennent la lumière symbolisée par les cierges allumés. »





    Peindre les œufs de Pâques et préparer les mets traditionnels constituent les occupations principales des ménages roumains durant cette période. La région de Maramureş (région historique, située dans le nord de la Roumanie) est peut-être la région où les traditions liées aux fêtes pascales sont le mieux respectées.





    Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, raconte la manière dont se déroule la Semaine sainte dans le respect des traditions : « Le lundi de la Semaine sainte on va aérer les vêtements, on les sort au soleil, car l’habit doit se renouveler, et le soleil a depuis toujours cette qualité de pouvoir purifier. Les premiers jours de la Semaine sainte sont donc destinés au nettoyage, de fond en comble. Dans les maisons en torchis d’autrefois, les locataires réparaient le sol et les murs. Puis, à partir du Jeudi saint, on commence à préparer les mets pour la grande fête pascale. Car le Vendredi saint il est généralement défendu de pétrir la pâte ou d’utiliser le four, alors tout ce que l’on prépare se doit d’être prêt dès jeudi. Le jeudi avant Pâques est d’ailleurs appelé le Jeudi des œufs peints, car c’est le jour où on fait cette activité. Mais c’est aussi le moment de faire la charité en souvenir des trépassés, ou encore de faire la paix avec tout le monde. Il n’y a pas de règle à faire don des œufs peints à l’occasion. Les œufs peuvent aussi être crus, mais il est important que tout le monde, les familles pauvres comme les autres, puissent fêter dignement la Résurrection du Seigneur. Le Vendredi saint est, depuis toujours et sans exceptions, un jour de repos. Il est censé être un jour dédié à la méditation, à la prière. Il faut jeûner toute la journée, respecter sans faille le carême, pour racheter le pêché collectif d’avoir acculé le Sauveur au sacrifice suprême. Le samedi, l’activité reprend, on pétrit la pâte, on prépare le gâteau traditionnel de Pâques, sorte de galette, faite de pâte et de fromage frais. La confection de cette galette trouve ses origines dans un rite agraire. Elle contient des ingrédients d’origines à la fois végétale et animale, et ce mélange est supposé réaliser un transfert de puissance, de force, depuis le végétal et l’animal vers l’humain. Enfin, le sacrifice de l’agneau, qui a toujours lieu le samedi, est supposé symboliser le sacrifice du Rédempteur. La viande d’agneau est préparée de manière rituelle. Une sorte de pain de viande d’agneau préparée au four et appelé « drob » est servi en entrée, alors que le ragoût d’agneau aux oignons frais, appelé « stufat » constitue, avec l’agneau farci, le plat de résistance. »





    Aussi, dans la tradition roumaine, lors des fêtes religieuses on ne va pas consommer d’aliments, quelle que soit leur origine, avant de les avoir fait bénir. C’est donc que le panier de Pâques était ainsi une forme de bénédiction des mets qui allaient être consommés lors du repas de fête, lorsqu’il fallait respecter un certain code alimentaire dont, sans faute, l’œuf peint.



    Florin-Ionuţ Filip Neacşu, précise : « Dans toutes les régions du pays il est de coutume d’emmener à l’église les mets préparés pour le repas de Pâques, pour qu’ils soient bénis par les prêtres, avant de pouvoir les consommer. Il s’agit notamment des œufs de Pâques, peints notamment en rouge, et symbolisant vie et renaissance. Il s’agit paraît-il d’une vieille coutume d’origine celte ou thrace. Puis des plats traditionnels, et il ne faut pas oublier la « ciorba » d’agneau, une soupe aigre délicieuse. A l’instar des traditions pascales juives de Palestine, il est de coutume à ce que l’on sacrifie des agneaux, des moutons ou des chèvres. D’un point de vue étymologique le mot « Pâque » signifie « passage » en hébreu, et le terme a été repris par les chrétiens, vu comme un passage vers la lumière par la Résurrection. En Bucovine, en Bessarabie, en Moldavie et même dans la partie est de la Transylvanie, à côté du « cozonac » (sorte de gâteau traditionnel) les autres mets traditionnels sont le « drob » (terrine d’agneau au four), la galette traditionnelle, décorée d’une croix ».





    Dans la région de Maramureş on trouve une coutume qui a peu survécu dans les autres régions historiques du pays. Il s’agit de la bénédiction de la galette de Pâques et des mets qui seront servis le dimanche de Pâques, lors du repas rituel. Aussi, le jeûne se prolonge dans le Maramures pendant la nuit de samedi à dimanche. Ce n’est que le dimanche matin que l’on peut rompre le jeûne, lorsque les gens rapportent de l’église, à la fin de la messe de Pâques, qui ne s’achève qu’au petit matin, les plats que le prêtre a bénis. Aussi, la bénédiction des mets se fait selon un rituel particulier. Devant les églises, on peut observer la nuit de Pâques des rangées de croyants attendent avec leurs paniers joliment décorés des tissus aux motifs traditionnels, chacun portant les signes distinctifs de sa famille », précise l’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Le saule, un symbole central du Dimanche des Rameaux

    Le saule, un symbole central du Dimanche des Rameaux

    L’épisode biblique de l’entrée
    de Jésus à Jérusalem est marqué par les fidèles le dimanche avant les Pâques
    orthodoxes. Ce jour-là, les gens des communautés traditionnelles apportent à l’église
    des rameaux de saule qui seront bénis durant la messe. Dans le monde rural roumain
    d’autrefois, ces branches avaient des valences divines, car elles symbolisaient
    le bien-être, la richesse et la santé des membres d’une famille. Les branches
    de saule bénites étaient attachées aux icônes se trouvant dans les foyers, à l’entrée
    des habitations, sur les tombes ou dans différents autres endroits considérés
    comme propres, et y étaient gardées toute l’année en guise de protection contre
    les mauvais esprits. A certains endroits, cette pratique est toujours vivante,
    on voit souvent des branches de saule à différents endroits d’une maison.






    Certains
    considéraient aussi que ces branches ramenées de l’église pouvaient guérir certaines
    maladies. Les hommes les attachaient à la ceinture pour être protégés contre
    les douleurs et les traumatismes. Ou bien, par le passé, on touchait les gens avec
    des branches de saule pour qu’ils soient en bonne santé et en pleine forme. Les
    symboles traditionnels se mélangent aux coutumes chrétiennes, où le saule est
    considéré comme un arbre béni par la Vierge Marie elle-même.






    Pour davantage
    de détails, nous nous sommes adressés à Delia Şuiogan, ethnologue à l’Université
    du Nord de Baia Mare : « Le Dimanche des Rameaux est une fête liée à des
    rites préchrétiens, enrichis par des éléments de la religion chrétienne. Il
    marque en fait le début de la Semaine sainte, qui prépare la grande fête de Pâques.
    Tout le monde connait la signification chrétienne de cette fête : le moment
    où Jésus est reçu avec des branches d’olivier, qui chez nous sont représentées
    par le saule. Cet arbre est présent dans les textes les plus anciens, et aussi
    dans des textes bibliques. C’est aussi un symbole de la régénération, car c’est
    un arbre qui jette son fruit, son fruit n’apparaît pas. C’est pour cela que le
    saule a été souvent vu comme un élément négatif et a été remplacé par d’autres
    éléments végétaux. Mais peu à peu, les gens ont retrouvé ce symbole fort, parce
    que le saule est facile à planter. Il est donc redevenu un symbole de la régénération.
    »






    A part cela, plusieurs
    coutumes sont liées au Dimanche des Rameaux. Les branches de saule sont bénites
    à l’église, puis attachées à certains endroits du foyer avec un rôle de protection.
    Dans d’autres régions, on les garde à l’extérieur de la maison. Mais le plus
    souvent c’est aux icônes qu’ils sont attachés. Quand la vie est dure, les gens
    touchent ces branches espérant qu’elles leur transfèrent de la force et les
    protègent. On dit aussi que s’il l’on s’attache des rameaux de saule bénits à
    la ceinture, on n’aura jamais des maux de dos. Enfin, ont dit aussi que la personne
    qui avale un bourgeon de saule sans le mâcher aura un été prospère.






    Voilà donc
    autant de symboles et de coutumes attribuées au saule, une plante au centre de
    la célébration des Pâques orthodoxes en Roumanie. (Trad. Valentina Beleavski)

  • La fête du Martisor

    La fête du Martisor

    Dans le calendrier traditionnel roumain, le mois de mars débute par la journée du Martisor. Le martisor est un symbole du renouvellement, de la vie, du printemps. Son principal élément est le fil tressé rouge et blanc, allégories de la lumière et de l’obscurité, de la chaleur de l’été et du froid de l’hiver, du jour et de la nuit, de la vie et de la mort. Initialement un simple fil tressé noir et blanc, le martisor évolue, le rouge remplace le noir et on y attache des pièces de monnaie ou de petits objets symboliques. De nos jours, le martisor peut être tout objet de petites dimensions auquel l’on attache un fil bicolore rouge et blanc. Bref – un porte-bonheur. Pour sa part, l’ethnologue Ion Ghinoiu définit le martisor comme «le fil bicolore des jours, des semaines et des mois de l’année ». Pour le spécialiste du folklore Simeon Florea Marian, c’est un porte-bonheur qui apporte le bien-être à son possesseur.

    Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare: « La fête du Martisor est très ancienne et renvoie au renouveau de la nature et de l’homme. Le matin du 1er mars, avant l’aube, la femme la plus âgée du foyer devait tresser deux fils – l’un rouge, l’autre blanc – auquel elle attachait une pièce de monnaie en or ou en argent. Cette amulette était ensuite attachée au cou de enfants, filles et garçons. Ils devaient la porter jusqu’à ce que les premiers arbres fleurissaient, surtout dans la contrée de Maramures (nord). Ensuite, l’amulette était attachée aux branches des arbres fleuris. Selon la quantité de fleurs de l’arbre, les gens imaginaient les caractéristiques de l’année. C’est le rituel le plus ancien du Martisor, tel qu’il était pratiqué au Maramures. »

    Dans d’autres régions, on portait le martisor jusqu’à une des fêtes du printemps – le dimanche des Rameaux, les Pâques ou les Mucenici – la fête des Martyrs marquée le 9 mars. Ou bien les enfants portaient le martisor jusqu’au retour des oiseaux migrateurs. Le fait de détacher le martisor du cou ou de la main et de le mettre sur les branches d’un arbre fleuri symbolisait le transfert d’énergie du monde humain à l’univers végétal. La pièce de monnaie attachée au fil tressé était ensuite utilisée pour acheter du vin rouge et du fromage frais pour que son possesseur garde toute l’année sa bonne santé et sa bonne humeur.
    Delia Suiogan : « Certes, toutes ces traditions on changé au fil du temps. Notamment en raison du fait que les gens on oublié la signification du Martisor. Ce fil tressé rouge et blanc symbolise le mélange du soleil et de l’eau. Leur pouvoir était transféré à l’enfant, lorsque le fil touchait son cou ou sa main. C’est pourquoi l’on offrait ces amulettes uniquement aux petits. Et on insistait sur la puissance du fil bicolore, sans la monnaie attachée. De nos jours, partout dans le pays, dont la contrée de Maramures, on offre le Martisor aux femmes de tous âges, comme symbole de l’appartenance. Malheureusement, à l’heure actuelle des produits kitsch ont remplacé le martisor véritable. »

    De nos jours, le martisor a perdu sa fonction protectrice. Le 1er mars est une fête des petits cadeaux, dont la valeur commerciale gagne de plus en plus en ampleur. C’est aussi une occasion pour les créateurs de produits faits main de promouvoir leurs objets. Et bien que les coutumes ne soient plus respectées dans le monde moderne, le fil rouge et blanc ne manque jamais. (Trad. Valentina Beleavski)

  • La fête de Dragobete

    La fête de Dragobete

    Après le 11 février, date de la fête religieuse de Saint Vlasie et qui marque aussi la fin de l’hiver, le calendrier traditionnel des Roumains ouvre la série de célébrations du printemps avec une fête redécouverte par les jeunes de Roumanie, sous l’influence de la mondialement connue fête de la Saint Valentin, célébrée le 14 février. La Dragobete, fête de l’amour chez les Roumains mais aussi dans l’ensemble de l’espace balkanique, est marquée le 24 février et place au premier plan des rituels de fertilité. Être mythologique identifié au dieu de l’amour, Cupidon chez les Romains ou Eros chez les Grec antiques, Dragobete était le protecteur des jeunes couples d’humains, mais aussi d’animaux. Et c’était toujours lui qui facilitait la reproduction des espèces au début de la belle saison. Dans les campagnes roumaines, l’on considérait que le 24 février était le jour de fiançailles des volatiles. Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de la ville de Baia Mare, explique.



    « C’est une fête très ancienne et très intéressante. Elle a malheureusement été oubliée, surtout depuis que nous avons essayé d’adopter une autre fête, celle de la Saint Valentin, importée de l’étranger. La fête de Dragobete est fondée sur d’anciens rituels de printemps, car les gens croyaient que cette saison commençait juste après le 15 février. Cette fête est donc liée à la fertilité et au renouveau de la nature et de l’être humain. Et puisque ce renouveau doit être placé sous le signe de l’amour, une fête telle la Dragobete contient aussi tous ces éléments. »



    Le jour de Dragobete, il y avait cette tradition qui voulait que les jeunes se nettoient le visage avec de la neige, pour rester belles et en bonne santé toute l’année. Bien que spéciales de par leur ancienneté et leurs significations, ces traditions ont disparu avec le temps et des spécialistes du folklore tentent aujourd’hui de les faire revivre. La Dragobete porte aussi d’autres noms chez les habitants de la province historique de Maramureş, (au nord du pays), explique Delia Suiogan.



    « Au Maramureş, cette fête est plutôt connue sous le nom de Pointe du Printemps (Cap de Primăvară) ou de Dragomir, qui est un personnage ressemblant fortement à Dragobete, la double nature zoomorphe et anthropomorphe en moins. À l’extérieur des Carpates, Dragobete est un personnage mythique qui a une tête humaine et des pattes de bélier. C’est une représentation très ancienne, d’origine trace. »



    Ce type de représentation existe aussi dans d’autres mythologies du monde, étant associée, dans l’espace occidental, à Pan, dieu de la fertilité. Fête de l’harmonie et de la bonne humeur, Dragobete est tout de même gérée par des règles claires, que tous ceux qui souhaitent avoir une année calme doivent respecter à la lettre. Le jour de Dragobete, les paysans ne tuent pas des animaux, ne font pas de la couture et cherchent à ne pas se brouiller avec qui que ce soit. Pourtant, aujourd’hui, la signification de la fête de Dragobete est inconnue d’un nombre croissant de jeunes, tandis que la version empruntée à l’Occident et présente surtout dans le milieu urbain qu’est le Jour des amoureux ou la Saint Valentin, est souvent réduite à une dimension strictement commerciale.


    (Trad. : Ileana Ţăroi)

  • Les costumes traditionnels roumains

    Les costumes traditionnels roumains

    Les costumes traditionnels roumains fascinent le monde entier, tant par la complexité de leurs éléments, qui varient en fonction des zones, que par le mélange dartisanat et dart décoratif. Ainsi, la blouse roumaine, « ia », est-elle devenue une véritable icône de la création vestimentaire roumaine, représentée souvent par les peintres et les créateurs de mode de renommée mondiale. Il est donc essentiel de conserver et de réunir les différents éléments des costumes traditionnels roumains dans des collections de musée, insiste Liliana Passima, manager du Musée national du paysan roumain de Bucarest.





    Liliana Passima: « Une de mes premières visites sur le terrain a eu lieu en 1997. Je devais trouver un endroit pour organiser une exposition sur la blouse roumaine et sur la relation entre le peintre roumain Theodor Pallady et le peintre français Henri Matisse. Javais vu un couturier qui travaillait déjà pour Jean-Paul Gautier et qui avait utilisé des détails des costumes traditionnels roumains sur des robes de soirée. Toutes ces informations nous parviennent très difficilement, surtout grâce aux communautés en ligne. Ce sont de petites associations et des ONG qui récupèrent, dune manière ou dune autre, les sources traditionnelles. Nous sommes donc très contents davoir réuni une merveilleuse collection. Nous comptons parmi les musées les plus importants, avec 90.000 objets dart paysan, disséminés dans différentes collections, dont une appartenant au premier directeur du Musée du paysan roumain, Alexandru Tzigara-Samurcaş. Notre collection de vêtements traditionnels compte plus de 20.000 objets : blouses roumaines, chemises, vestes, fichus. Tout cela pour démontrer que tout ce que nous portons nous définit. Ces blouses sont de véritables icônes, tout comme les chaussures de Marylin Monroe ou le chapeau dAudrey Hepburn. La blouse roumaine est plus quune source dinspiration, elle est une source de partenariats culturels. Elle fait déjà lobjet de nombreuses expositions. »





    Les objets réunis au Musée du Paysan Roumain de Bucarest témoignent de la complexité des costumes traditionnels dans lespace roumain. Une complexité qui sexplique entre autres par les interférences culturelles qui y ont eu lieu au fil des siècles.



    Liliana Passima explique : « Quest-ce qui nous définit ? Et quest-ce qui nous donne ce plus de complexité et de diversité par rapport à la culture européenne ? Notre territoire est au croisement de plusieurs cultures. Peut-être, dun point de vue historique, il y a eu aussi des désavantages. Nous savons que lespace roumain actuel na pas connu de périodes de répit. Bien au contraire, il a fait lobjet doccupations des plus diverses : tatare, russe, allemande, grecque. Ce croisement de cultures nous a apporté de nombreux avantages. Rien quun exemple, sans faire dincursion dans lhistoire culturelle de la zone : une touloupe de Sălişte (centre) démontre combien merveilleuse peut être une broderie paysanne sur cuir, un métier quasi oublié de nos jours et très difficile à ressusciter. Un tel objet peut très bien rivaliser avec une broderie sur cuir du Victoria and Albert Museum de Londres. Par ailleurs, un costume de la région dArges (sud) se remarque par lair aristocrate de la broderie, par son ingéniosité et par la complexité incomparable des ornements qui représentent souvent des compositions végétales, des fleurs des plus diverses, garnies de paillettes et cousues avec du fil métallique. »





    Pour rendre hommage à toute cette variété, la plate-forme Google Arts & Culture a inclus le patrimoine paysan de la Roumanie sur la carte de la mode internationale. Histoire de montrer que les vêtements ne définissent pas uniquement des personnalités individuelles, mais représentent un discours sur lidentité nationale quils gardent à jamais vivant. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Symboles de décembre

    Symboles de décembre

    Tout commence
    le 6 décembre, par la Saint Nicolas. Après la Fête nationale, la Saint Nicolas
    est la première fête religieuse du mois. C’est le début de la période festive,
    parce que les enfants reçoivent leurs premiers cadeaux. De nos jours, Le Saint
    Nicolas est vu comme un protecteur des enfants. La veille du 6 décembre, les petits
    nettoient bien leur bottes pour que Saint Nicolas puisse y déposer des cadeaux,
    d’habitude des bonbons, du chocolat, du pain d’épice, des oranges et autres
    petites surprises. La légende dit que les enfants qui n’ont pas été sages au
    cours de l’année, recevront un fouet à la place des cadeaux. Evidemment cela n’arrive
    jamais. Ou presque. La Saint Nicholas est aussi le jour où plus de 800.000
    Roumains qui s’appellent Nicolae, Nicola, Nicoleta, Nicu ou Nicholas, fêtent
    leur onomastique : donc un moment de se réunir en famille et entre amis.






    A la fin
    du mois, Noël est une des fêtes les plus importantes du monde chrétien qui se superpose
    en plus à un vieux culte solaire. Dans l’antiquité, le solstice d’hiver était
    célébré par toutes les civilisations du monde. Au fil du temps, différents
    rituels y ont été associés, des coutumes qui varient d’une région à l’autre. Par
    exemple, en Roumanie, le masques de Noël sont un élément présent dans plusieurs
    zones. Dans le nord du pays, par exemple les gens qui vont de maison en maison
    en chantant des cantiques de Noël portent des masques aux visages épouvantables,
    dont le rôle était de chasser les mauvais esprits. D’autres groupes de
    chanteurs et danseurs sont accompagnés par des totems représentant différents
    animaux, tels la chèvre ou l’ours. C’est un rituel de la mort et de la résurrection.
    S’y ajoute un rituel lié au sacrifice du cochon, appelé « ignat » en
    roumain, qui se respecte un peu partout en Roumanie de nos jours encore. Toutefois,
    aujourd’hui on met plutôt l’accent sur l’aspect gastronomique de ce rituel.






    Suit la
    fête du Nouvel An. Dans le monde traditionnel c’est un autre moment chargé de symboles
    liés au renouvellement, à la mort et à la renaissance de la nature. Voilà donc,
    autant de raisons pour lesquelles décembre est un mois à part pour nous, les
    Roumains. C’est un temps de nous rappeler notre histoire, mais aussi nos
    racines les plus anciennes. C’est un moment de joie et de réunion, un moment plein
    d’espoir dans une vie meilleure à l’avenir. (Trad. Valentina Beleavski)



  • L’ours dans les légendes d’automne

    L’ours dans les légendes d’automne


    Dans les sociétés
    traditionnelles, on croyait que pendant les nuits autour de la fête de Filipii d’Automne il y avait des
    phénomènes spéciaux. Les habitants des villages allumaient des feux, en
    souvenir du soleil d’été et pour que Filipul
    cel Şchiop (Philippe le Boiteux), saint patron des loups, garde les animaux
    sauvages loin des foyers. Filipul cel Şchiop ou Ovidenia représente une célébration de
    la régénération. « La fête d’Ovidenia, avec les Filipii
    d’Automne, la Nuit des «Strigoï/Revenants», la Saint-André et la Saint-Nicolas
    forment, entre le 13 novembre et le 6 décembre, un scénario rituel de renouvellement
    du temps, probablement le nouvel an des Daces, notait l’ethnologue
    roumain Ion Ghinoiu.






    Ces
    fêtes de l’automne se poursuivent mi-novembre avec les jours des Martini. Étant
    moins connue par les Roumains d’aujourd’hui, la fête met en avant un symbole
    animal de l’espace carpatique: l’ours. Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, explique
    : Dans
    différentes régions de Roumanie, on l’appelle aussi le jour de Père Martin. La
    Fête des Martini fait référence à une déité, une semi-divinité de l’ancien
    calendrier dace, qui portait une peau d’ours et marquait l’union entre l’homme
    et cet animal. L’ours n’est généralement pas nommé, dans la tradition on
    l’appelle le Père ou «le vieillard». La référence est évidemment vers les
    ancêtres mythiques. C’est un culte des «pères». Toutes ces fêtes annoncent à
    ces ancêtres, aux paisibles, ceux qui sont morts depuis plus de
    sept ans, qu’ils doivent retourner vers ceux qui sont encore vivants pour les
    aider.






    Symbole de force, de
    verticalité et de royauté, l’ours se retrouve dans de nombreuses légendes et
    contes de fées roumains, comme une aide du héros, et les communautés du passé
    lui consacraient des journées spéciales. Destinés à le séduire et à le garder
    loin des troupeaux de moutons ou de bovins, les jours des Martini étaient
    strictement respectés.






    Delia Suiogan : Les
    gens cherchent, dans la forêt ou sur le champs, toutes les plantes médicinales
    qu’ils récolteront à différents moments de l’année et prononcent une invocation
    pour en recevoir la force de guérison et qu’elles transfèreront à l’homme une
    fois consommées. Bien sûr, nous avons tout un rituel et les femmes placent
    toutes ces actions sous le signe du pouvoir de l’ours. Elles reçoivent du
    pouvoir de l’ours si elles font tout cela aujourd’hui. Toujours pendant cette
    fête, on chantait avec l’ours, même si maintenant la tradition s’est déplacée -
    comme toutes les vieilles fêtes de printemps – vers le chant de Noël.
    Autrefois, des personnes vêtues de peaux d’ours venaient dans les villages
    roumains et les malades se laissaient piétinés par ces masqués-là. Il y a un
    transfert de pouvoir de l’animal à l’homme dans ces rituels.







    Traditionnellement, les Filipi auraient été sept apôtres qui se sont échappés vivants du
    milieu d’une meute de loups par le pouvoir de la foi. À d’autres moments, ils
    sont considérés comme de mauvais esprits qui punissent sévèrement ceux qui
    enfreignent certaines règles. Cependant, la plupart du temps on attribue aux Filipi la capacité de protéger les
    ménages contre les attaques des animaux sauvages. (Trad. Felicia Mitrasca)

  • Le loup…

    Le loup…

    Cest un animal que lon craint instinctivement pour les dégâts quil peut produire dans les fermes paysannes et dans les bergeries. Et pourtant, le loup peut aussi acquérir des caractéristiques bénéfiques, lorsquil accompagne lHomme dans ses voyages initiatiques. Dans la mythologie traditionnelle roumaine, lanimal acquiert la confiance du héros pour devenir ensuite son ami prêt à laider à tout moment. Dans le cadre des rituels funéraires, le loup est une sorte de guide des esprits et intermédiaire entre ceux-ci et la Divinité.



    Dans lespace roumain, le loup était un symbole dès lantiquité préromaine, dans la culture des Daces, où il était un esprit de lhiver. Plus tard, pour le paysan roumain, le loup allait symboliser la dualité et la régénération de la nature. Le Lucin est une tradition dautomne des plus anciennes et des plus importantes consacrées spécialement à cet animal. Delia Şuiogan, ethnologue à lUniversité du Nord de Baia Mare, explique :



    « Le loup est généralement un animal bénéfique dans la culture traditionnelle roumaine, mais il peut recevoir aussi quelques traits maléfiques, sil nest pas respecté, tout comme lours par exemple. Le long du jour du Lucin, en automne, il ne faut pas travailler avec tout ce qui est cuir ou autre peau danimal. Il ne faut même pas toucher des peaux danimaux. Sinon, tout le troupeau sera dévoré par les loups au cours de lhiver qui suivra. Il y a une importante liaison entre le calendrier traditionnel et le zodiaque, mais il sagit dun zodiaque un peu modifié… La balance marque cet état déquilibre que lhomme tente détablir entre la saison chaude qui sachève et la saison froide qui commence. »



    Conformément au calendrier traditionnel roumain, lannée est partagée en seulement deux saisons : été et hiver. Les saisons de transition sont marquées seulement en tant que simples ponts dans le processus de transformation du temps. Lautomne fait partie de la moitié froide et sombre de lannée, et les fêtes qui sy déroulent sont étroitement liées aux rites de défense des communautés traditionnelles contre les forces maléfiques. On pense que désormais, la terre et la nature en général ne sont plus fertiles, mais plutôt hostiles aux humains. Les animaux sauvages deviennent eux aussi des dangers potentiels, surtout les loups dont le rythme de vie est beaucoup plus actif durant la saison froide. Détails avec Delia Şuiogan :



    « Il sagit dune fête consacrée notamment à la défense du bétail. On dit que les gens qui respectent cette journée du Lucin, qui observent le carême, nauront pas dennuis avec le bétail, cest à dire que les animaux ne tomberont pas dans des ravins et seront à labri des maladies contagieuses. Et lhomme qui observe le carême sera aussi à labri de tout ce qui est feu, eau, tonnerre, malédiction et maladie. » Voilà encore une fois comment une véritable union entre une fête préchrétienne et une fête chrétienne se produit.



    Le Lucin est une vieille tradition dédiée à la défense contre les loups. Elle est marquée le même jour que la fête du Saint Apôtre et évangéliste Luca, le 18 octobre. Ce jour-là, afin de ne pas souffrir de dégâts provoqués par les loups, les villageois respectaient certaines règles à signification rituelle. Ils rompaient les dents des outils avec lesquels ils travaillaient la laine et renonçaient à toute activité liée à la transformation de la laine des moutons, afin de protéger les bergeries contre les attaques des loups en hiver.

  • Le Caloian

    Le Caloian

    Jadis, dans la campagne roumaine, dans la période comprise entre Pâques, lAscension et la Pentecôte, les pratiques agraires marquaient le début dun nouveau cycle annuel. Le principal intérêt des communautés rurales était dobtenir des récoltes aussi riches que possible. Et elles nhésitaient pas à faire appel aux rituels. Par exemple, dans le sud et le sud-est de la Roumanie, dans des régions vouées à la sécheresse telles lOlténie, la Munténie ou encore la Dobroudja, la pluie était invoquée par le biais dun personnage appelé Caloian, une tradition qui existe encore de nos jours. Pour plus de détails, nous invitons au micro Delia Suiogan, ethnologue à lUniversité du Nord de Baia Mare:



    « Tous les mardis et les jeudis entre Pâques et la Pentecôte sont marqués par des rituels, strictement observés afin davoir des récoltes riches. La fête de Saint Georges (célébrée le 23 avril) marque le début de lannée agraire et pastorale. Par conséquent, toutes les fêtes qui senchaînent après sont des célébrations de la richesse de lannée, tant pour les cultures que pour lélevage des animaux. Le 3e mardi après Pâques est le jour dun rituel très ancien, aux origines daciques : le Caloian. Cest un rituel dinvocation de la pluie fondé sur un rite solaire de lantiquité. Cette fête est marquée notamment à lextérieur de larc des Carpates roumaines, elle na pas dattestation documentaire exacte à lintérieur de larc. Quest-ce que le Caloian ?


    Cest un rituel par lequel, le matin du 3e mardi daprès Pâques, les jeunes filles confectionnent une poupée en terre glaise. Une fois la poupée terminée et séchée au soleil, le mardi suivant, les jeunes filles et les vieilles femmes du village forment un cortège et portent cette poupée appelée le Caloian près dune rivière, où elles lenterrent. Elles la pleurent comme si cétait une vraie personne. Leur geste symbolise « lenterrement du père du soleil », dans lespoir que le soleil arrêtera de briller pour quelques instants et laissera la place à la « mère de la pluie ». Le jeudi qui suit ce mardi symbolique, la poupée est retirée de terre et cassée en plusieurs morceaux que lon jette par la suite dans la rivière. »



    Souvent, cette poupée anthropomorphe en terre glaise est décorée des coquilles dœufs rouges peints à Pâques. Des fois, on lui confectionne même un cercueil en bois en miniature, porté à la rivière par le cortège des femmes. Evidemment, le rituel du Caloian varie dune région du pays à lautre. Par endroits, la poupée est enterrée au croisement des routes importantes du village ou bien aux confins du village, justement pour faire référence directe à la frontière entre le monde réel et celui de lau-delà.



    Dailleurs, lenterrement du Caloian respecte toutes les normes dun enterrement réel, étant suivi par un repas charitable. Les jeunes filles se réunissent dans une maison, où elles apportent de la nourriture et organisent une sorte de veillée.



    Il faut dire aussi que parmi tous les rituels de passage, lenterrement est, sans doute, le plus complexe. Il se fonde sur la conception religieuse de la communauté qui le pratique, mais aussi sur la vision de cette dernière sur la vie et sur la mort. La culture traditionnelle roumaine part de lidée que lhomme ne meurt pas, il passe dans une autre dimension. Il en va de même pour la notion de temps. Par conséquent, par le biais de lenterrement symbolique du Caloian, le temps est renouvelé.



    Avant de terminer, précisons que la signification profonde de ce rituel nappartient pas exclusivement à lespace roumain. Ses racines sont à retrouver dans un rituel romain dinvocation du dieu Jupiter en tant que maître de la pluie, mais chaque communauté le décline à sa manière, selon ses spécificités culturelles. (Trad. Valentina Beleavski)


  • Le masque dans la tradition roumaine

    Le masque dans la tradition roumaine

    Dans les rituels spécifiques aux anciennes coutumes roumaines, les personnages de la mythologie populaire roumaine, étroitement liés aux moments-clé de l’année, qui marquent la transformation du temps, sont extrêmement importants. Ils sont représentés sous la forme de masques traditionnels, mettant en contact direct un monde fantastique et la réalité quotidienne, surtout en période de fêtes religieuses. C’est justement pourquoi, lors des fêtes de Noël ou du Nouvel An, les masques – soit des gens costumés en personnages – accompagnent les groupes de danseurs et de chanteurs de noëls qui parcourent les rues de villes et des villages annonçant les fêtes. Cela témoigne du fait que les traditions préchrétiennes sont toujours très présentes dans l’espace roumain.

    Delia Şuiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, nous parle de l’importance du masque en tant qu’objet rituel : « Le masque a toujours eu un rôle très important dans les traditions, non seulement pendant les fêtes d’hiver, mais aussi à l’occasion d’autres fêtes – celles de printemps, par exemple. Le masque fait la transition du réel quotidien historique à la réalité imaginaire. Grâce à lui l’homme devient partie intégrante de l’univers dans son ensemble – l’univers réel et irréel. Le masque permet à celui qui le porte d’annuler sa propre identité et d’assumer une identité complètement nouvelle, celle du masque, évidemment. En Roumanie, les masques sont à peu près les mêmes pour toutes les régions, avec de petites différences, selon le type d’influence – celtique ou romaine. Par exemple on trouve sur l’ensemble du pays des masques de chèvre et d’ours.»

    Le masque représentant la chèvre est présent partout en Roumanie. Il est très important dans les traditions populaires, car il symbolise la renaissance et la cyclicité du temps. Selon les légendes, ce masque était aussi le symbole de la fertilité, non seulement pour les femmes, mais aussi pour les terres des fermiers. C’est en Moldavie (est) et en Olténie (sud) que le personnage de la chèvre a été le mieux conservé.

    L’ethnologue Delia Şuiogan nous parle d’autres masques traditionnels roumains : «Dans la zone intra-carpatique on a conservé plutôt les masques anthropomorphes, représentant l’homme. Par exemple, dans la région de Maramureş (nord) on retrouve les masques des « Moşi», c’est-à-dire des vieillards. Il y a une technique bien précise de réaliser ces masques, dans des ateliers qui regroupent de nos jours encore de nombreux apprentis. Les vieillards représentent les ancêtres mythiques. Il y en a deux types : les beaux vieillards et les vieillards laids, soit des représentations du bien et du mal. Leur mission est de se rencontrer et de lutter pour remettre l’équilibre dans le monde. La danse des vieillards du Maramureş est très intéressante, mais on en trouve également dans les contrées de Bucovine (nord – est) et de Moldavie (est). »

    Un autre personnage présent dans les danses traditionnelles roumaines, c’est l’ours. On pense que la force de cet animal était transférée aux gens, notamment aux enfants s’ils s’enduisaient de graisse d’ours. De même, pour être forts et sains, les bébés prématurés recevaient au baptême le nom Ursu. Puis, jadis, des gens parcouraient les villages accompagnés de bébés ours dressés qui dansaient sur deux pattes. Les gens les recevaient dans leurs cours, estimant que la danse de l’ours leur apporterait de la chance. (Trad. Valentina Beleavski)

  • La danse des Paparude

    La danse des Paparude

    Nous découvrons cette fois-ci un autre rituel censé assurer le bon fonctionnement de la vie des communautés traditionnelles. Un rituel très populaire au commencement de l’été, car c’était le début de l’année agraire et les anciens fermiers tentaient de convaincre la nature à protéger leurs récoltes d’automne. Et comme la sécheresse est le pire ennemi de la récolte, invoquer la pluie était un geste absolument nécessaire. Dans la campagne roumaine, un des rituels les plus répandus pour invoquer de la pluie s’appelle les « Paparude ». En fait, il s’agit d’une danse. Plusieurs personnes parcourent le village. Au moins une ou deux portent des masques spécifiques, étant couvertes de feuilles et de guirlandes de hêtre et de chêne et de rubans rouges. Leur danse est rudimentaire : les gens frappent dans leurs mains au rythme de tambours improvisés de poêles et récitent une incantation. C’est la danse des Paparude.

    Davantage de détails sur ce rituel, avec Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare : « La forme la plus ancienne de ce rituel attestée dans la tradition roumaine parle de la fabrication d’une poupée, le plus souvent en tissu. La poupée est ensuite fixée sur un squelette en bois. C’est la représentation d’une divinité féminine, une vielle femme en fait. Elle a la capacité de communiquer avec le macro-cosmos et d’attirer ainsi la pluie. Cette poupée s’appelle d’ailleurs « la mère de la pluie ». Les jeunes filles et les vieilles femmes dansent avec cette poupée pour invoquer la pluie. Chacune porte un seau rempli d’eau dans la main et arrose toute personne qu’elle rencontre sur son chemin. Il faut absolument arroser la poupée aussi, pour que son pouvoir se répande sur les autres.»

    Au début du 18e siècle, le prince moldave Dimitrie Cantemir, encyclopédiste et ethnographe, décrivait la danse des Paparude comme un jeu d’enfants en Europe du sud-est. Une manifestation collective, publique, un acte magique censé attirer certains phénomènes météorologiques. Comme toute tradition, ce rituel se décline différemment, selon les régions.

    Delia Suiogan explique : « On dit que ce jour-là, les femmes se voient pardonner toute erreur. Les hommes n’ont pas le droit de se fâcher s’ils sont arrosés, car toute colère peut annuler la pluie. Trois jours plus tard, la poupée est déchirée, car la pluie en excès n’est pas bonne non plus. Cette « mère de la pluie », on ne la laisse agir qu’une période de temps limitée. En Dobroudja (sud-est) il existe une autre variante de cette coutume selon laquelle une jeune fille de moins de 14 ans est vêtue de feuilles vertes. Même ses yeux sont couverts de feuilles. Cette poupée vivante est portée à travers le village et tout le monde doit l’arroser. »

    Des danses similaires existent chez d’autres peuples de l’Europe du sud-est et dans les Balkans, notamment en Hongrie, en Serbie et en Bulgarie. Jadis, c’était une danse d’enfants ayant une jeune fille pour protagoniste. Par la suite, d’autres formes ont vu le jour, les femmes et les hommes ayant rejoint la danse. De nos jours, ce rituel n’est plus respecté. Les Paparude restent une légende, une histoire ou sont souvent transformées en spectacle. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Représentations maléfiques dans la tradition roumaine

    Représentations maléfiques dans la tradition roumaine

    Dans la tradition roumaine, la période d’hiver correspond à un temps de l’action du mal. L’absence du soleil de la voûte céleste ennuagée et la longue durée des nuits pendant la saison froide ont créé ces correspondances dans l’imaginaire populaire. Les gens d’autrefois cherchaient des moyens pour combattre les influences des forces des ténèbres. Les rites spécifiques de la période de jeûne avant Noël, et surtout la Fête de Saint André, sont des moments importants, lors desquels les coutumes préchrétiennes acquièrent une dimension spéciale. Le loup est l’équivalent du loup garou des légendes populaires, une créature à la frontière de la vie avec la mort et qui peut enlever et même tuer et les gens et leurs animaux domestiques. Voilà pourquoi on considère qu’à la veille de la fête de Saint André, ces créatures peuvent être vaincues.

    Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, nous offre plus de détails : « L’ail peut fermer la gueule des loups, car on garde ce symbole aussi dans cette nuit magique. On pratiquait aussi la garde de l’ail. Les gens se rassemblaient dans la maison d’une vieille femme qui connaissait toutes les règles de cette coutume. Toutes les filles du village venaient ensemble et elles apportaient chacune trois têtes d’ail. Elles passaient la nuit en gardant cet ail auprès duquel était posée une poupée nommée Indrei, qui signifierait cette même divinité préchrétienne qui avait pris la forme du Père André qui devait mourir. On faisait ainsi une veillée gaie, même si on se trouvait avant Noël. »

    La mythologie populaire liée aux origines du loup a donné naissance à plusieurs légendes dans lesquelles cet animal est présenté comme une créature du Diable, envoyée sur terre spécialement pour mettre en danger les vies humaines et celles des animaux. Les deux personnages maléfiques arrivent quand même à se rejeter mutuellement par le biais de l’intervention divine qui protège l’homme de l’attaque du loup.
    Une série tout entière de croyances populaires est liée à la fête de Saint André et les gens essayaient de respecter strictement ces jours destinés à tenir les loups à distance, pour qu’ils ne provoquent pas des dégâts importants dans les ménages du village.

    On retrouve maintenant Delia Suiogan : « Les gens jeûnaient totalement pendant cette période, pour la raison du sacrifice qui protège contre la peste, mais aussi pour leur bétail et pour que leurs poules et chevaux ne soient pas attaqués. Toujours pendant cette période, les femmes apportaient beaucoup d’offrandes. Elles faisaient l’aumône aux pauvres des cimetières, c’était surtout un type de galette communément appelée « colac », un symbole utilisé dans la plupart de nos fêtes traditionnelles, mais aussi du pain avec du sucre. On croyait que le loup aimait le sucre et qu’avec du sucre on pouvait l’amadouer. La peste, elle aussi, en tant que personnage mythologique, s’endormait si elle mangeait du sucre et elle n’agissait plus maléfiquement contre les gens. »

    Les croyances populaires affirment que certains animaux, comme les chevaux ou les coqs, peuvent anticiper l’approche des morts-vivants ou des loups-garous. Dans les villages roumains, le loup-garou était considéré la représentation suprême du mal, qui pouvait apparaître à cause d’une interruption dans l’observation des règles non écrites de la communauté. De même, on pensait que l’homme-loup, le loup-garou, était responsable des phases de la Lune et de la production des éclipses, car il était celui qui « mordait » l’astre de la nuit. (trad. Nadine Vladescu)

  • Le mois de décembre dans la tradition roumaine

    Le mois de décembre dans la tradition roumaine

    Le mois de décembre est, bien évidemment, la période la plus chargée de symboles de l’année. L’intervalle consacré aux fêtes hivernales de fin d’année débute le 6 décembre, avec la Saint Nicolas. C’est un premier moment quand le mois de décembre acquiert une dimension festive, par la coutume d’offrir des cadeaux aux enfants. Peu de gens savent que dans la tradition européenne, le Père Nicolas a plutôt un rôle de justicier, car ce saint vient rectifier les injustices survenues au cours de l’année.

    Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, explique : « Saint Nicolas, populairement appelé Sânnicoară, fait partie des anciennes traditions populaires roumaines liées au culte du Soleil. Il est le gardien du Sud du ciel et il veille, à cette époque, que le soleil ne tombe pas irréversiblement et qu’il se meure. Il surveille le soleil surtout pendant la nuit du 5 au 6 décembre et il le lance de nouveau sur le ciel, car à ce moment de l’année, la nuit devient très longue et le jour raccourcit de plus en plus. Le peuple roumain a trouvé une solution pour que l’ordre règne de nouveau sur toute chose. Par ailleurs, on dit que dès le 6 décembre, le jour commence à croître un peu, même avec une si courte durée que le jet d’une pierre dans la clôture de la cour, selon les dires des paysans. Nicolas, ce vieux père, a le rôle de défendre le temps. Il fait partie du groupe des déités préchrétiennes qui mettent tout dans l’ordre et qui ont un double dans la personne d’un saint chrétien. »

    La fête de Noël, qui est une des plus importantes de la chrétienté, se superpose à un ancien culte solaire. Le solstice d’hiver était célébré, autrefois, par toutes les civilisations du monde.

    La coutume de l’Ignat ou du sacrifice rituel du cochon avant la veille de Noël a une origine très ancienne, précise notre interlocutrice Delia Suiogan: « On assiste encore une fois à une superposition d’une fête préchrétienne sur une fête chrétienne. Il faut dire dès le début qu’il s’agit d’une fête très, très ancienne et que ce jour était célébré par beaucoup de peuples, et par les Grecs et par les Romains ou par les Slaves. Nous, les Roumains, on garde en ce jour beaucoup d’éléments qui nous sont parvenus des Daces et des Romains. Dans cette période, les Daces et les Romains fêtaient un dieu du feu, mais pas n’importe lequel, celui du feu domestique, terrestre, un dieu du feu sacrificiel. À l’occasion de ce jour, tous les deux peuples sacrifiaient un cochon. Pendant toute cette période, les Romains célébraient les Saturnales, les jours du dieu Saturne, du 17 au 30 décembre. Les jours du 19 et du 20 décembre, on sacrifiait une truie qui devait être obligatoirement blanche, car le dieu auquel elle était offerte était un dieu de l’espace solaire. Le dieu du Feu était aussi le dieu du Soleil. »

    Considéré le mois des cadeaux et une occasion de partager le bonheur avec la famille et les amis, le mois de décembre constitue un moment essentiel dans le parcours changeant du temps. La naissance du Seigneur et les autres fêtes d’hiver sont célébrées par tous les chrétiens de tous les coins du monde, avec l’espoir dans un monde meilleur, au moins pour ces quelques jours festifs de fin d’année. (Trad. Nadine Vladescu)