Tag: histoire

  • Mihail

    Mihail

    Les choses ont tellement changé depuis que son grand-père ne peut plus lui lire des histoires. Il était la figure du patriarche, celui que l’on écoutait et celui que l’on voulait impressionner. Andreea chasse ces souvenirs de son esprit et affronte le regard illuminé de Mihail qui ne cesse de lui sourire. Chaque mouvement de ses lèvres renforce le malaise de la petite qui réalise un peu plus à chaque fois, que jamais plus aucun son ne s’échappera de cette bouche éteinte.



  • La République de Moldova sous la loupe

    La République de Moldova sous la loupe

    C’est l’histoire plus récente de ce pays qui attire notre attention. En effet, pour bien comprendre comme fonctionne cette société il importe de revenir sur la période tumultueuse qui débute avec la fin du communisme. Pour ce faire, nous recevons un spécialiste de ces questions, Vincent Henry qui est politologue et enseignant à l’Université de Cluj.



  • L’histoire du téléphone en Roumanie

    L’histoire du téléphone en Roumanie

    Un des objets personnels que nous utilisons le plus de nos jours, c’est le téléphone, une invention revendiquée par plusieurs grands noms de la science, dont le plus important est l’Ecossais Graham Bell en 1876. Dès lors, l’expansion connue par le téléphone fut immense. C’était la nouveauté capable de devancer la rapidité du télégraphe et des messages transmis via l’alphabet Morse.

    En Roumanie le téléphone a été introduit avant la Première Guerre mondiale, mais vers le milieu des années 1920, son utilisation s’est démocratisée. L’appareil était présent non seulement dans les institutions publiques, mais aussi dans les maisons privées. Le nombre des abonnés était pourtant assez faible et c’est pourquoi les numéros de téléphone étaient formés de 4 chiffres tout au plus. Le télégraphe et la poste étaient toujours les principaux moyens de communication, tandis que la téléphonie était en pleine expansion.

    Une décennie plus tard, au milieu des années 1930, le nombre de postes téléphonique avait considérablement progressé et par conséquent, les numéros de téléphone étaient déjà formés de 5 chiffres. La presse de l’époque fait savoir que suite au séisme de novembre 1940, après lequel plusieurs immeubles de Bucarest ont été endommagés, des personnes ensevelies sous les décombres ont réussi à contacter les secouristes par le biais des téléphones, qui fonctionnaient toujours. Le développement de la téléphonie en Roumanie avant la Seconde Guerre mondiale arrive à l’apogée suite à la construction du Palais des Téléphones, siège de la société qui gérait le réseau de téléphonie. La construction du bâtiment a commencé en 1929, au centre-ville, sur l’Avenue de la Victoire. Inauguré en 1934, le Palais des téléphones a été conçu par l’Américain Louis S. Weeks et le Roumain d’origine néerlandaise Edmond van Saanen Algi, qui ont choisi un style Art déco spécifique aux gratte-ciel américains. L’immeuble a été érigé sur l’ancien emplacement de la maison du boyard Ioan Otetelesanu, qui, aux côtés de son épouse Hélène, organisaient un café littéraire renommé. Cet endroit appelé « la terrasse Otetelesanu » était le lieu de rencontre de l’élite intellectuelle bucarestoise, où d’importants écrivains, poètes et peintres roumains ont présenté leurs œuvres.

    Le Palais des téléphones s’élève jusqu’à une hauteur de 52,5 mètres et il a été le bâtiment le plus haut de la capitale roumaine jusqu’à la construction dans les années 1970 de l’hôtel Intercontinental. Construit par la Société anonyme de constructions Union, en charge des fondations, et par les Usines de Resita pour ce qui est de la structure en acier, le Palais des téléphones a également été le premier gratte-ciel construit sur une structure en acier. L’édifice a été touché tant par des calamités naturelles, telles les tremblements de terre de 1940, 1977 et 1986, que par les bombardements américains de 1944. La rénovation de cet immeuble a commencé en 1995 pour s’achever en 2005.

    A l’époque communiste, le développement du réseau de téléphonie de Roumanie a été plutôt inégal. Juste après la guerre, les téléphones appartenant aux particuliers ont été nationalisés, leurs utilisateurs étant obligés de payer une location. Après le retrait des troupes d’occupation soviétiques, le réseau de téléphonie renoue avec son développement, mais à un rythme plus lent. Les numéros de téléphone à six chiffres n’apparaissent que dans les années 1970, ce qui prouve en fait le faible développement de ce moyen de communication, malgré la multitude de demandes faites par la population.

    Après 1989, le marché de la téléphonie explose en Roumanie aussi. Les téléphones portables apparus au milieu des années 1990 se démocratisent après les années 2000 et la communication entre dans l’ère numérique. (Trad. Alex Diaconescu)

  • Brasov, la dynamique

    Brasov, la dynamique

    Cette édition de notre rubrique porte nos pas vers le centre de la Roumanie. Nous allons à la montagne, dans le comté de Braşov. Tourisme rural, vacances actives et randonnées, voilà essentiellement son offre. Chef-lieu du département, la ville de Braşov est connue pour son architecture médiévale et pour les nombreux événements culturels qu’elle accueille.



    Selon Ionuţ Gliga, directeur exécutif de l’Association pour la promotion et le développement du tourisme dans le comté de Braşov, cette destination est surtout recherchée par les amateurs de tourisme actif, car on peut y pratiquer les sports d’hiver, l’escalade, le VTT, l’équitation. C’est pourtant aussi un excellent choix pour les passionnés de culture ou d’histoire. Cette contrée compte tant de richesses à découvrir ! Par quoi commencer ? Par la ville de Braşov, nous suggère Ionuţ Gliga : « Les touristes qui souhaitent visiter le comté de Braşov peuvent choisir un hôtel ou une pension à Braşov et, pendant plusieurs jours, faire des randonnées pour explorer la région. Ils peuvent se diriger vers les villes-stations de Predeal, Azuga, Buşteni, Sinaia, visiter le château de Peleş, les caves à vin ou monter en télécabine au sommet de la montagne. Autres destinations accessibles : le château de Bran et le village de Şirnea — le premier village touristique de Roumanie, ainsi que la ville médiévale de Sighişoara. Les villages traditionnels de Viscri, Cris et Meşendorf comptent eux aussi parmi les attractions de la région. »



    Braşov est une ville ancienne. Sa première attestation documentaire remonte à 1235. Ionuţ Gliga, directeur exécutif de l’Association pour la promotion et le développement du tourisme, explique : « Braşov est une ville multiculturelle. Roumains, Saxons et Magyars y ont coexisté au fil des siècles. L’Eglise noire est la principale attraction touristique de la ville. Je vous conseille également de visiter l’église Saint Nicolas, du quartier ancien appelé Şchei, ainsi que la première école roumaine. Ne ratez pas la plus ancienne église de la ville, Saint Bartholomé, les portes de l’ancienne cité, les Tours blanche et noire ou la synagogue, sans oublier d’emprunter la rue de la Ficelle, la plus étroite de Roumanie et une des plus étroites d’Europe. Vous pouvez faire une randonnée à Poiana Braşov (soit la Clairière de Braşov, qui est un site touristique très connu) ou monter en télécabine sur la colline de Tâmpa, au pied de laquelle est située la ville. Les musées et les nombreux centres de bien-être vous attendent. L’agenda culturel de la ville est très riche. »



    Ionuţ Gliga a dialogué avec des touristes, mais aussi avec des journalistes, des représentants de différents médias et des personnalités du monde qui ont visité Braşov. Ils sont tous unanimes : la ville a dépassé leurs attentes. C’est un endroit charmant et dynamique, une ville verte qui ne leur était pas du tout familière avant, mais qui leur a laissé une impression forte et les a convaincus d’y revenir. Ils ont été également attirés par les métiers traditionnels qui y sont pratiqués : « Plusieurs tours de l’ancienne cité offrent aux visiteurs des objets intéressants fabriqués par des artisans. Les touristes peuvent y voir l’artisan Ioan Predescu Croitor travailler le bois. A Braşov il y a une Association des créateurs d’art traditionnel et contemporain, réunissant des artisans authentiques. Ils peuvent montrer aux visiteurs intéressés comment fabriquer une poupée textile portant un costume traditionnel, comment sculpter ou décorer des cuillères en bois, comment réaliser une peinture sur verre, comment décorer des œufs de Pâques. Les localités de la contrée comptent de nombreux artisans potiers, tisserands ou pelletiers. Les villages gardent inaltérées les traditions et coutumes anciennes. Et puis, vous trouverez partout des endroits pour admirer, acheter ou goûter les produits du terroir. »



    Râşnov est une ville touristique située à 17 km de Braşov, qui accueille de plus en plus de visiteurs, en raison de ses sites touristiques, des services hôteliers excellents et du grand nombre d’événements sportifs et culturels. Constantin Ungureanu, président de l’Association de promotion touristique Rosenau Râşnov et propriétaire d’une pension, nous présente cette destination : «Râşnov ne connaît pas de saison. Les événements se succèdent toute l’année. Pendant la saison froide on pratique les sports d’hiver, alors qu’en été, un événement culturel ou sportif est prévu presque chaque week-end. La plupart des touristes qui visitent la ville sont étrangers. N’hésitez donc pas. Vous pourrez voir la cité, l’église évangélique, datant du 14e siècle et qui est la plus ancienne église en pierre du sud-est de l’Europe. S’y ajoute la grotte Valea Cetăţii, mise en valeur par une lumière froide, pour conserver son micro-climat, et un riche agenda culturel. »



    Le comté de Braşov : une destination en toute saison, pour tous les âges et tous les budgets.(trad.: Dominique)

  • L’histoire des autoroutes roumaines

    L’histoire des autoroutes roumaines

    Les autoroutes sont étroitement liées au développement de l’infrastructure routière et de l’économie en général. Il nous est difficile d’imaginer nos vies de tous les jours sans ces voies routières rapides. L’histoire des autoroutes remonte aux débuts de l’automobile dans les premières décennies du 20e siècle. Après la Première Guerre mondiale, la construction des autoroutes a commencé en Europe aussi, notamment en Allemagne. L’apparition du bitume et l’amélioration des performances techniques des véhicules a fait accroître la vitesse moyenne du trafic. Le réseau autoroutier est de nos jours un indicateur de la mobilité de la population. Mais ce n’est pas uniquement l’économie qui a gagné suite à l’apparition des autoroutes. La réduction du temps des voyages a accru la cohésion sociale et créé toute sorte d’opportunités.

    En Roumanie, le nombre de kilomètres d’autoroute est un des plus bas de l’Union européenne, mais les perspectives semblent être positives. L’histoire des autoroutes roumaines commence en 1967 avec le début des travaux de la première du pays, celle qui relie Bucarest à Pitesti, ville à 110 kilomètres nord-ouest de Bucarest. Six ans après, en 1973, l’autoroute était inaugurée. La principale raison pour laquelle cette voie rapide reliait la Capitale à la ville de Pitesti, c’est l’inauguration en 1966 des usines automobiles Dacia. La deuxième autoroute roumaine, achevée après la chute du régime communiste en décembre 1989, reliait la capitale au port de Constanta. En 1987, les autorités ont inauguré un segment de seulement 25 kilomètres entre les villes de Fetesti et de Cernavoda, situées des deux côtés du Danube, près du pont ferroviaire bâti en 1895 sur les plans de l’ingénieur Anghel Saligny.

    Les raisons pour lesquelles le réseau autoroutier roumain est si limité sont à retrouver non seulement dans l’histoire de la Roumanie, mais aussi dans l’histoire des autres pays d’Europe Centrale et de l’Est. Avant 1945, le développement de la Roumanie était lié à son réseau de transport ferroviaire. De l’avis des historiens, les chemins de fer ont conféré de la cohérence au Royaume de Roumanie pour réunir de facto la Moldavie à la Valachie et à la Dobroudja. C’est le modèle allemand qui a été suivi, puisque le prince Carol Ier de Hohenzollern-Sigmaringen a appuyé le développement des chemins de fer en tant que moteur de l’économie nationale. Cette situation a été renforcée par l’Union en 1918 avec les provinces ayant fait partie de l’Autriche-Hongrie et donc très développées du point de vue des transports ferroviaires. Les routes à grande vitesse destinées aux automobiles étaient considérées très coûteuses et peu rentables, vu que le parc automobile de Roumanie était très restreint.

    Une deuxième raison qui explique la précarité du réseau autoroutier roumain est à retrouver dans l’histoire de l’Europe Centrale et de l’Est. Il s’agit d’une région périphérique de la révolution industrielle, contrôlée par les empires ottoman, russe et autrichien, où les mentalités des peuples étaient notamment rurales. L’économie de l’Europe Centrale et de l’Est était surtout agraire et l’industrie s’est développée difficilement, souvent sous la pression des investissements publics et suite à l’exploitation des ressources naturelles. L’occupation soviétique et l’installation des régimes communistes en Europe de l’Est après 1945 ont également contribué au manque de développement du réseau autoroutier. Pour des raisons politiques, cette région n’a pas pu profiter du plan de redressement économique « Marshall » mis à sa disposition par les Etats Unis. Les régimes communistes n’ont pas bénéficié des ressources et de la liberté politique pour développer leur infrastructure routière. En Tchécoslovaquie, les plans d’une autoroute censée relier l’ouest à l’est du pays ont été conçus en 1935, mais ce n’est qu’après 1945 qu’ils ont enfin été examinés. Même cas de figure en Pologne où les projets d’une autoroute conçus en 1939 ont été appliqués après la guerre. En Hongrie, la construction de la première autoroute commença en 1964. En 1950, les autorités yougoslaves, avec l’aide de l’armée, ont ouvert le chantier de l’autoroute « Fraternité et Unité », achevée en 1958 et qui reliait la Slovénie à la Macédoine. En Bulgarie, le chantier de la première autoroute a commencé en 1973, année durant laquelle la Roumanie inaugurait l’autoroute Bucarest – Pitesti. Soulignons aussi que dans le cas de l’ex RDA, le réseau autoroutier hérité de l’Allemagne nazie a été négligé par les autorités communistes qui l’ont utilisé principalement en tant que routes stratégiques pour l’armée et les forces de répression.

    En Roumanie, presque tous les chantiers d’autoroutes achevés après la chute du communisme ont fait l’objet de scandales et de retards. Il a fallu presque vingt ans pour finaliser l’autoroute Bucarest – Constanta, surnommée aussi « Autoroute du Soleil » et longue de 260 kilomètres. D’autres segments d’autoroute, d’une longueur totale d’environ 300 kilomètres, ont été inaugurés dans l’ouest de la Roumanie, entre les villes de Cluj-Napoca, Timişoara et Arad et la frontière avec la Hongrie. Avec moins de 700 kilomètres d’autoroutes qui ne réussissent toujours pas à traverser les Carpates, avec des routes nationales mal entretenues et des villes manquant, le plus souvent, de périphériques, les voyages en voiture prennent du temps vu que la densité du trafic ne fait qu’augmenter.
    (trad. Alex Diaconescu)

  • Les fortifications de Bucarest

    Les fortifications de Bucarest

    Jusqu’à la moitié du 19e siècle, à l’instar d’autres villes de l’espace qui s’est trouvé pendant des siècles sous la domination de l’Empire ottoman, Bucarest ne disposait pas de fortifications. L’art militaire et la philosophie de guerre du 19e siècle exigeaient qu’une ville stratégique, une capitale, soit dotée d’un système de défense contre l’ennemi. C’est ainsi qu’est née l’idée de fortifier Bucarest, devenu centre politique et administratif de la Roumanie suite à l’union, en 1859, des principautés roumaines de Valachie et de Moldavie.

    Nous remontons le fil de l’histoire avec Sorin Cristescu, professeur à l’Université bucarestoise «Spiru Haret» :

    « Cette idée se fait jour dès l’époque d’Alexandru Ioan Cuza (1859-1866), le premier prince régnant des deux principautés réunies. Il souhaite fortifier Bucarest, mais les moyens lui manquent. Le roi Carol I allait reprendre cette idée après la guerre d’indépendance de 1877-1878. Grâce à ses relations privilégiées avec la Belgique, Carol réussit à faire venir en Roumanie, par le biais d’une invitation personnelle, le général Henri Alexis Brialmont, spécialiste de ce genre de constructions. Le général avait érigé en Belgique des fortifications similaires, d’une très bonne qualité. La forteresse d’Anvers en est un exemple. On procéda donc à la construction de ces fortifications, qui comportaient 18 forts, situés à une quinzaine de km de distance, sur 72 km autour de la ville. Des batteries intermédiaires, dotées de canons de 57 millimètres, avaient été installées, tous les deux kilomètres. »

    Cette ceinture de forts de la capitale, considérée d’une grande importance stratégique, fut donc confiée au général belge. Sorin Cristescu. « La construction des fortifications a duré 17 ans. Elle a commencé en 1883 et a été considérée comme achevée en 1900 ; pourtant, certains travaux ont continué jusqu’en 1910-1911. Pour la construction proprement-dite, on a utilisé des briques habituelles. Un appel d’offre a été lancé pour 300 millions de briques. Finalement, on en a eu besoin de 500 millions. Le grand problème fut celui du choix des canons pour la coupole. Deux constructeurs étaient en compétition : le Français « Creusot » et l’Allemand « Gruson ». Ce sont les Français qui ont fini par avoir gain de cause, parce qu’ils ont affirmé que les soldats français pouvaient rester à l’intérieur, sous les tirs ennemis. Les Allemands ont refusé cette approche et ont très bien fait : ils savaient parfaitement qu’un soldat n’avait rien à chercher dans la coupole quand celle-ci essuyait les tirs ennemis. »

    Trois types de forts ont été érigés autour de la capitale roumaine. Les plus puissants se trouvaient dans le nord de la ville alors que des fortifications légères ont été placées dans le sud. Sorin Cristescu explique : « Les forts de type 1 étaient ceux de Chitila et d’Otopeni, dans le nord et l’ouest. Longs de 463 mètres, ces forts étaient armés de deux canons de 150 millimètres et de deux obusiers de 210 mm. Les forts du type 2 étaient placés à Mogosoaia (nord-ouest) et à Jilava (sud). Longs de 448 mètres, ils étaient dotés de 4 cannons de 150 mm, et de trois obusiers de 210 mm. Enfin les forts du troisième type, érigés dans la partie sud, (près des localités de Pantelimon, Cernica, Catelu, Leordeni, Popesti, Berceni, Broscărei, Măgurele, Bragadiru, Domneşti, Chiajna et Tunari), étaient des forts simples, de 400 mètres, avec des murs très épais. A l’intérieur, il fait très froid, il y a beaucoup d’humidité, un environnement très propice à des maladies comme la tuberculose. Il y a aussi un fort à Stefanesti, entouré d’une tranchée inondée, large d’une cinquantaine de mètres et d’une profondeur de 6,6 mètres. A Afumati, il y a un fort unique. Les gros forts, des deux premiers types, possédaient à l’intérieur une construction circulaire appelée réduit, qui permettait aux défenseurs de continuer à combattre, même après la prise de la fortification principale par l’ennemi. Les 18 batteries intermédiaires étaient elles aussi dotées d’un canon de 150 mm et de deux obusiers de 210 mm. »

    Sorin Cristescu explique combien ont coûté les forts bucarestois et s’ils avaient rempli leur mission:

    « Celui qui veut avoir une forteresse véritable durant une guerre, doit prévoir de ne pas utiliser les canons dont elle est équipée durant les premières phases d’une campagne militaire. Les canons, la munition et les militaires doivent rester à l’intérieur de ces fortifications. Or, cela n’a pas été le cas. Lorsque la Roumanie est entrée dans la première guerre mondiale, avant la signature de la convention militaire et politique avec l’Entente du 17 août 1916, les rapports austro-hongrois du 8 août 1916 indiquaient le fait que les fortifications de Bucarest avaient été abandonnées. Tous les canons avaient été démontés et envoyés aux régiments déployés sur les frontières du pays, qui en avaient besoin. Dans de telles conditions, la forteresse Bucarest était devenue inutile. Les coûts de construction avaient été estimés à 111 millions de lei-or. Et si nous pensons qu’un gramme d’or coutait 3 lei et 10 bani et que le pont ferroviaire de Cernavoda avait coûté 35 millions de lei, on se rend compte que cet argent aurait pu être utilisé pour acheter des pièces d’artillerie. »

    Durant la deuxième guerre mondiale, des canons antiaériens ont été installés dans certains de ces forts, pour défendre Bucarest contre les raids de l’aviation américaine. A la fin de la guerre, ces constructions ont été utilisées à d’autres buts et ont fait partie du patrimoine de différentes entreprises. A l’époque communiste, le fort 13 de Jilava a été transformé en prison politique. A l’heure actuelle, la vaste majorité de ces constructions est dégradée, abandonnée et inondée. L’accès des visiteurs n’est pas permis puisque les vestiges des forts se trouvent à l’intérieur de bases militaires et d’entreprises. Seul le Fort de Jilava est classé monument historique et accueille un musée consacré à la mémoire des détenus politiques de l’époque communiste. (Trad. Alex Diaconescu, Dominique)

  • Le terrorisme, l’Etat et les médias

    Le terrorisme, l’Etat et les médias

    Le café des francophones tente de comprendre les logiques liées au traitement médiatiques et politiques du terrorisme en France. Le problème est complexe. Qu’entend-on par terrorisme ? Est-ce qu’il existe une histoire du terrorisme ? Et dans ce cas peut-on en tirer des enseignements ? Avec Mathias Delori, chercheur au Centre Emile Durkheim.



  • Le musée de l’aviation roumaine

    Le musée de l’aviation roumaine

    C’est au milieu de l’été que les aviateurs roumains célèbrent la fête de l’aviation roumaine, qui coïncide avec celle de leur protecteur, Saint Elie. L’aéronautique est un des domaines à tradition en Roumanie, pays qui a donné plusieurs pionniers de l’aviation mondiale. Les aviateurs roumains sont les auteurs de véritables faits d’héroïsme dans des guerres et dans des missions humanitaires. Ils ont également obtenu des performances notables pour l’aviation utilitaire, sportive et de transport. Par ailleurs, les ingénieurs roumains ont eux aussi contribué à préserver la tradition de la construction aéronautique, malgré de nombreuses difficultés.

    Le 2 mars 1990, le Musée de l’aviation a été fondé pour honorer ce domaine à longue tradition en Roumanie. Carmen Beuscuca, muséographe, responsable de la section d’histoire de l’aéronautique au Musée national de l’aviation, nous aide à parcourir les objets exposés dans les salles de ce musée. « Si on évoque les trois pionniers de l’aviation, Traian Vuia, Aurel Vlaicu et Henri Coanda, sachez que vous pouvez admirer une réplique de l’avion Vuia 1, celui au bord duquel Traian Vuia a réalisé, le 18 mars 1906, le premier vol avec un appareil plus lourd que l’air. Il y a aussi les maquettes des appareils « Vlaicu 2 » et « Vlaicu 3 » de l’ingénieur Aurel Vlaicu, ainsi que la maquette du premier avion à réaction au monde, « Coanda 1910 ». Une autre réplique est celle du fameux chasseur IAR 80, construit en 1939 à IAR Brasov, à bord duquel les pilotes roumains ont obtenu plus de 2 mille victoires aériennes durant la Seconde guerre mondiale. Les collections du musée contiennent toute une série d’avions à réaction, à commencer par le Yak 23 et jusqu’au Mig 29 et bien entendu l’avion IAR 93, de conception et production roumaines. »

    Rappelons-le, ce fut également dans l’espace roumain que les premières pages de l’histoire mondiale du vol humain ont été écrites à l’époque, quand ce domaine était difficile même à imaginer. Entre 1529 et 1555, l’Autrichien Conrad Haas a conçu et testé à Sibiu des fusées à étage. Au début du XXe siècle, Traian Vuia, Aurel Vlaicu et Henri Coanda ont été des représentants de proue pour le début de l’aéronautique mondiale. Des copies des célèbres appareils imaginés par les trois pionniers de l’aviation se retrouvent dans les collections du Musée national de l’Aviation.

    Carmen Beuscuca explique quel fut le sort des appareils d’origine : « L’appareil d’origine de Traian Vuia se trouve actuellement en France, là où il fut construit et où son créateur a activé. L’appareil Vlaicu 2 s’est écrasé en 1913 tuant son pilote, Aurel Vlaicu, qui tentait de de traverser les Carpates. « Coanda 1910 », également construit en France, s’est écrasé en décembre 1910 juste après son décollage. Il était manié par son inventeur Henri Coanda qui en fait n’était pas pilote. Une autre réplique que nous possédons est celle de l’avion de chasse de la deuxième guerre mondiale IAR 80. Aucun appareil de ce type n’a survécu puisqu’après la Seconde Guerre Mondiale ils ont tous été envoyés à la casse. »

    Hormis les objets exposés, le Musée national de l’aviation possède aussi des archives et plusieurs objets ayant appartenu à des personnalités roumaines. Carmen Bescuca :« Nous avons la montre de poche de l’ingénieur Aurel Vlaicu, un objet qui l’a accompagné dans tous ses vols. N’oublions pas non plus les archives de la première parachutiste roumaine, Smaranda Braescu, celle qui en 1931 établissait le record du monde au saut en parachute depuis une altitude de 6 mille mètres. En 1932 elle a battu le record absolu du monde avec un saut depuis une altitude de 7233 mètres. Nous exposons aussi toute une série de carnets de vol, de brevets de pilote, de journaux de bord ayant appartenu aux pilotes de la Seconde guerre mondiale et de l’après-guerre. A cela s’ajoutent les documents ayant appartenu aux pilotes des avions à réaction des forces aériennes roumaines ».

    Une visite du Musée national de l’aviation signifie aussi la découverte d’un patrimoine impressionnant. De petits détails, tels des objets ayant appartenu aux aviateurs militaires et civils, des dessins et des moulages suscitent l’intérêt des visiteurs. Mais ce qui impressionne le plus les visiteurs de ce musée, ce sont les avions, les hélicoptères, les missiles, les centres de commande et contrôle, les équipements de communication et les radars, ainsi que les moteurs, un siège d’éjection et d’autres composantes. L’aviation roumaine dispose donc d’un musée où les passionnés de l’aviation peuvent vraiment savourer leur hobby et pourquoi pas, leur futur métier. (trad. Alex Diaconescu

  • Le patrimoine, qu’est-ce que c’est?

    Le patrimoine, qu’est-ce que c’est?

    Le patrimoine culturel est présent partout : dans les musées, les paysages, les mines, les quartiers urbains et bien d’autres lieux encore. Cette présence dans le paysage des sociétés contemporaines nous semble naturel. Pourtant, les choses sont plus complexes. Le patrimoine culturel à une origine bien située et s’est développé selon une histoire très particulière. C’est ce que nous allons aborder avec l’historien Gabor Sonkoli.

  • Les Aroumains entre diversité et unité

    Les Aroumains entre diversité et unité

    Avec l’historien Vladimir Cretulescu, nous évoquerons leur origine et leur histoire. Peuple de bergers transhumants à l’origine, il se sont étendus dans toute l’Europe au fil du temps. On trouve chez eux des révolutionnaires, des marchands, des médecins, des avocats. Comme nous le verrons les Aroumains, peuple sans Etat, sont marqués par une culture de la diversité dans l’unité.



  • Comment repenser le monde ?

    Comment repenser le monde ?

    Alors, comment repenser le monde dans lequel nous vivons? Et pour répondre à cette question nous avons choisi daborder une figure très importante des sciences sociales, à savoir Karl Polanyi. Cet historien, économiste et anthropologue a donné à lhumanité une grille de lecture des plus précieuses pour comprendre le fonctionnement de notre monde. Pour en parler nous recevons Jean-Michel Servet qui est économiste, anthropologue et professeur à lInstitut de hautes études internationales et du développement de Genève.



  • Connaissez-vous Bistriţa?

    Connaissez-vous Bistriţa?

    Chers amis, nous consacrons cette édition de notre chronique touristique au nouveau concours lancé par Radio Roumanie Internationale, « Vacances à Bistriţa-Năsăud». Cap donc sur le nord de la Roumanie ; nous arrivons dans un département à potentiel touristique très élevé, avec des endroits inédits, aux attractions culturelles, historiques, naturelles d’une grande valeur. Ovidiu Teodor Creţu, le maire de la ville de Bistriţa, nous fait une brève présentation historique : « Bistriţa a été fondée par les colons saxons aux XIe-XIIe s. Les preuves linguistiques semblent conduire à l’idée qu’ils soient venus de la région du Luxembourg, mais les choses ne sont pas très claires. Ce qui est certain, c’est qu’en 1241, un document d’un monastère du Luxembourg atteste que la ville de Nosa — nom de Bistriţa à l’époque — a été attaquée par les Tartares, et 6000 personnes sont mortes. C’était un chiffre impressionnant pour l’année 1241. C’est la première attestation documentaire de la ville de Bistriţa. Cette dernière a été créée comme une colonie saxonne, puis elle s’est développée, et avec elle, les métiers. Les habitants ont toujours eu le sens de l’histoire. En 1330, le roi hongrois Louis le Grand luttait dans cette région contre les nobles hongrois. Les Saxons de Bistriţa ont été du côté du roi lequel, après être arrivé à calmer les nobles, a conféré à la ville le titre de ville royale libre, le droit d’organiser une grande foire telle celle de Budapest et le droit d’avoir son propre sceau et de rendre la justice ».



    L’ancien centre-ville rappelle son riche passé. Le monument historique le plus ancien de la ville, c’est l’ancienne église des minorités, élevée entre 1270 et 1280, actuellement une église orthodoxe. Ensuite, l’Eglise évangélique du centre-ville est devenue un symbole. En plus, vous vous trouverez dans une ville avec une riche activité culturelle, nous disait le directeur du Centre culturel départemental de Bistriţa-Năsăud, Gavril Ţărmure: « Le Centre culturel départemental consacre ses activités d’une part à la culture traditionnelle, rurale, et de l’autre, à la culture urbaine. Nous avons donc un service spécialisé de recherche, de promotion et de conservation de la culture traditionnelle. Nous avons une saison de musique de chambre très étoffée, un programme d’expositions à la galerie d’art la plus importante de la ville, des événements littéraires, et nous organisons des festivals de grande ampleur. Pendant la saison musicale permanente, en dehors de ce que propose la Fondation « La Société de concerts », que nous avons créée à Bistriţa voici une vingtaine d’années, le Centre culturel départemental organise une soixantaine de concerts de musique de chambre et une quinzaine de concerts symphoniques par an. »



    Une des destinations préférées des touristes est Colibiţa, « la mer à la montagne », comme l’appellent les habitants de l’endroit. Les gens au bord de ce très grand lac mènent une existence paisible, s’occupant de l’élevage et de l’agriculture. Nous nous sommes entretenus avec Vasile Coruţiu, propriétaire de la pension Fisherman’s Resort: « Notre pension est blottie au pied des Monts Călimani, à 40 km de Bistriţa, à 17 km du Col de Tihuţa, reconnu pour la légende de Dracula. Nous sommes dans une dépression superbe, qui constitue un véritable avantage du point de vue géographique et du climat. L’air y est le plus pur de Roumanie. La teneur en ozone est la plus importante du pays. Nous avons ici la mer et la montagne en égale mesure, d’où notre slogan : « La mer à la montagne ». Nous disposons de 80 places d’hébergement, d’un restaurant à 250 places, d’un cellier, d’un petit centre spa et d’une petite salle de remise en forme. A l’extérieur, nous avons des terrains de sport et aussi des embarcations de loisirs. Nous organisons des sessions de pêche, des trajets en 4×4, des randonnées guidées vers le pic de Călimani, à 18 km d’ici, et qui culmine à 2000 m. Nous aurons bientôt aussi des chevaux, pour faire de l’équitation et des promenades en calèche, et respectivement en traîneau pendant l’hiver ».



    Le président du Conseil départemental de Bistriţa-Năsăud, Emil Radu Moldovan, présente son département comme ayant des paysages magnifiques et des gens très ardus au travail: « C’est un département de taille moyenne, avec 330.000 habitants environ, un chef-lieu, trois villes et 58 communes. Nous avons des endroits mirifiques : le Parc national des Monts Rodnei et le Parc national des Monts Călimani, dans la zone du lac de Colibiţa, l’air attesté comme ayant la teneur en ozone la plus grande d’Europe, le légendaire château de Dracula et la région où Bram Stoker a séjourné avant d’écrire son roman, qui a été porté à l’écran par Francis Ford Coppola. Un peu plus loin, sur la Vallée de la rivière Someş, nous retrouverons la station de Sângeorz-les-Bains, avec ses eaux minérales curatives, qui soignent de façon naturelle beaucoup de maladies gastriques, du foie et de la rate. Sans oublier, en hauteur, le Parc national des Monts Rodnei. »



    Et si vous aimez les légendes et les sensations fortes, ne ratez pas une visite à l’hôtel Castel Dracula (le Château de Dracula). La directrice de l’établissement, Ana Maria Muscar, précise qu’il s’est proposé d’être une matérialisation de l’atmosphère du célèbre roman de Bram Stoker: « C’est une construction très imposante, avec des points très hauts, et d’autres, très bas, avec des créneaux, beaucoup de pierre, beaucoup d’éléments naturels, au design intérieur très attractif : beaucoup de rouge, beaucoup de noir et des dragons. Nous avons deux points d’intérêt dans notre château. L’un, c’est le caveau du comte Dracula, et l’autre, construit plus récemment, c’est le tunnel du comte. C’est un trajet de plusieurs dizaines de mètres, qui arrive au caveau du comte. A commencer par l’atmosphère, dans les demi-ténèbres, la musique très grave et jusqu’à nos programmes, que je ne révèlerai pas maintenant, ils doivent rester une surprise, nous créons une expérience pour les amateurs de sensations fortes. Nous organisons aussi des fêtes thématiques pour Haloween ou encore le Bal des sorcières au château. Ce sont des événements de grande envergure, avec des spectacles de théâtre de genre, des jongleries avec du feu. Lors de ces événements, nous organisons beaucoup de feux purificateurs en plein air, des torches suédoises, le comte invite les touristes à visiter les catacombes de l’hôtel. Le tout culmine par le bal du comte Dracula, jusqu’à l’aube ».



    Voilà, la prochaine fois, nous choisirons une autre destination. Jusqu’alors, bon voyage ! (trad.: ligia Mihăiescu)

  • Michel Beine (Belgique) – L’histoire de la ville de Bucarest

    Michel Beine (Belgique) – L’histoire de la ville de Bucarest

    Une légende dit que Bucarest doit son existence et son nom au berger Bucur qui aurait fondé un village sur les bords de la Dambovita. Attestée pour la première fois en 1459 par un document signé par le prince régnant Vlad Tepes, Vlad l’Empaleur, la ville fut jusqu’au XVIIIème siècle résidence des princes valaques avant de devenir, en 1862, capitale des Principautés Unies de Moldavie et de Valachie. Si en 1789, la ville recensait seulement 30.000 résidants, le recensement de 2011 a montré que leur nombre a dépassé un million 800.000 habitants. Bien sûr qu’une fois obtenu le statut de capitale, Bucarest a commencé à connaître un grand épanouissement, en attirant de plus en plus d’habitants. Les documents attestent du fait que la population de la ville a augmenté surtout à partir de la seconde partie du XIXème siècle quand une nouvelle période d’essor urbain avait commencé.

    La richesse architecturale et l’air cosmopolite ont valu à la capitale roumaine le surnom de Petit Paris. D’ailleurs, nombre d’édifices qui font la célébrité de Bucarest, on les doit à des architectes français. A titre d’exemple : le Palais de la Caisse de dépôts et consignations réalisé par l’architecte français, Paul Gottereau, l’Athénée roumain dont le projet porte la signature d’Albert Galleron ou encore le Palais de la Justice que l’on doit à l’architecte Albert Ballu, celui qui a réalisé d’ailleurs aussi les plans du Palais de Justice de Charleroi.

    Malheureusement, nombre d’édifices médiévaux ayant survécu jusqu’au XXème siècle ont été détruits par le régime Ceausescu. Celui-ci avait démarré en 1977, juste après un terrible séisme soldé par quelque 1500 victimes, un processus de systématisation de la ville. Du coup, il a fait démolir nombre de monuments, la plupart religieux, datant des siècles passés. Les édifices ayant survécu au plan de Ceausescu se trouvent pour la plupart au centre ville, dans le quartier de Lipscani. Si un jour vous y êtes de passage, je vous conseille de faire un tour des ruines de l’ancienne Cour princière et de visiter par la suite les anciennes auberges de Manuc et de Gabroveni.

    Il convient de mentionner qu’à la fin du Moyen Âge, ce quartier était le cœur du commerce à Bucarest. Dès les années 1970, la zone a connu le déclin urbain et de nombreux bâtiments historiques sont tombés en ruine. En 2005, la zone de Lipscani a été rendue piétonne et à présent on y trouver nombre de terrasses, cafés et restos. Il convient de mentionner que le patrimoine culturel et architectural de Bucarest a subi de nombreuses pertes au fil du temps et continue à le faire. La faiblesse des lois du patrimoine, le nombre restreint d’immeubles inscrits sur la liste du Patrimoine historique, ainsi que la corruption ont fait du mal à cette ville.

    De nombreuses constructions ont remplacé ou mis dans un cône d’ombre des maisons, jardins, villas ou palais qui constituaient une richesse architecturale et culturelle unique. En plus, n’oublions pas que pendant la Seconde Guerre mondiale, Bucarest souffre à la fois des bombardements anglo-américains (pendant le régime Antonescu, allié du Troisième Reich) et allemands (après que la Roumanie ait rejoint les Alliés). A tout cela s’ajoute le régime de Ceausescu qui a démoli et détruit des quartiers entiers de la ville. Pourtant, le touriste qui nous rend visite aura le plaisir de découvrir une ville avec des édifices surprenants renvoyant à des styles architecturaux des plus divers.

    Et puisque Michel Beine voudrait connaître quelques exemples d’édifices bucarestois, prenons le Palais Cantacuzène, qui abrite le Musée national George Enescu. Sur Wikipedia, on apprend que le bâtiment a été construit sur les plans de Ion D. Berindey dans un style baroque de l’époque Louis XVI, pour Gheorghe Grigore Cantacuzino, président du Conseil des Ministres. Surnommé « le Nabab » en raison de sa richesse fabuleuse, celui-ci laisse l’édifice à son fils Mihai qui est mort en 1929, puis à Maruca, la fille de ce dernier, remariée en décembre 1939 avec le musicien George Enescu. L’édifice a été le siège du Conseil des Ministres avant la deuxième guerre mondiale. Un autre monument à ne pas rater si vous êtes de passage à Bucarest est le Palais Kretzulescu qui domine par sa silhouette majestueuse le jardin de Cismigiu.

    Construit selon les plans de l’architecte Petre Antonescu en style Renaissance français, l’édifice a été cédé en 1972 à l’UNESCO pour son Centre Européen pour l’enseignement supérieur. La liste peut se compléter par le Palais Sutu, un bâtiment en style néogothique datant de 1835 et qui accueille le Musée d’Histoire de la ville ou encore par la Maison Vernescu, bâtie en 1820 et classée monument historique. Une balade sur l’avenue de la Victoire sera une excellente occasion d’admirer quelques-uns des plus beaux édifices de Bucarest. Le mieux serait de commencer votre tour au centre ville, dans le quartier de Lipscani. Puis, vous pourriez emprunter l’avenue de la Victoire jusqu’à ce qu’elle croise la Place homonyme. Votre promenade pourrait continuer sur l’avenue Kisselef bordée de très beaux édifices et pourrait se terminer en toute beauté par une halte au Musée du village et dans le parc de Herastrau. Bien sûr, ce n’est pas un tour d’un seul jour, sauf si vous envisagez de participer au marathon.

    La ville de Bucarest n’est pas une capitale trop verte, d’ailleurs elle affiche un degré de pollution à faire froid dans le dos. Le touriste qui s’y rend pour la première fois sera généralement surpris par les bruits de la ville, les coups de klaxon, le trafic d’enfer, le nombre de restaurants et de bistros et les gens qui parlent généralement très fort dans la rue. Pourtant, les amateurs de balades dans la nature pourront prendre une bouffée d’oxygène dans le jardin de Cismigiu, situé très près du siège de notre radio, dans le parc de Herastrau au bord du lac homonyme, dans le Jardin botanique en face du Palais de Cotroceni, siège de la présidence roumaine, dans le Parc Carol ou encore dans celui dit du Cirque puisqu’il se trouve en face de celui-ci.

    Si le temps vous le permet, vous pourriez réserver quelques heures pour une visite sur le domaine de Mogosoaia, dans la banlieue bucarestoise. Vous y trouverez un immense palais en style brancovan construit en 1702 par le gouverneur de la Valachie, Constantin Brancovan, au cœur d’un parc absolument magnifique où les enfants adoreront courir et jouer. Comme toute capitale qui se respecte, Bucarest propose de nombreuses formules d’hébergement pour toutes les bourses. Nous avons aussi bien des hôtels de 5 étoiles que des chambres d’hôtes.

    La ville s’anime pas mal la nuit, surtout au centre ville où les restaurants, les terrasses et les bistros débordent de monde. En été, nous avons pas mal de terrasses dont certaines ouvertes dans les jardins publics tels Cismigiu, Herastrau ou Carol. Les restaurants et les bars ferment très tard dans la nuit. Vers minuit en semaine et vers 2 ou 3 heures du matin en week-end. Les boîtes de nuit ont les portes ouvertes jusqu’à l’aube. Une fois à Bucarest, vous serez surpris de constater le nombre assez important de centres commerciaux qui à presque n’importe quelle heure de la journée sont assez peuplés, malgré un niveau de vie en berne.

  • Luxe et volupté version phanariote

    Luxe et volupté version phanariote

    En pleine expansion vers l’Europe Centrale pendant la seconde moitié du 17e siècle, l’Empire Ottoman y apportait des éléments appartenant aux civilisations grecque et orientale. Les princes régnants de Moldavie — après 1711 — et de Valachie — après 1716 — provenaient tous de riches familles grecques du Phanar, un quartier de Constantinople. C’est pourquoi on les a appelés « phanariotes ».



    Les représentants de certains courants historiographiques — dont celui romantique, par exemple — ont considéré cette période comme une des plus néfastes dans l’histoire de la Roumanie. Elle a été caractérisée notamment par la corruption et l’enrichissement rapide aux dépens des paysans et des commerçants. Du point de vue culturel, la période phanariote a été marquée par l’introduction massive des modèles grec et oriental. L’iconographie de l’époque l’atteste — notamment celle remontant au début du 19e siècle.



    La période phanariote allait prendre fin après la révolution sanglante de 1821, menée par Tudor Vladimirescu, lorsque les familles princières roumaines montent à nouveau sur les trônes de la Moldavie et de la Valachie. Pourtant, certaines familles phanariotes allaient se roumaniser graduellement, elles deviennent autochtones et adoptent un discours nationaliste et moderniste. Blâmé par les romantiques et considéré comme responsable de tous les maux économiques et sociaux, le modèle phanariote a été une présence importante dans la vie de la nouvelle Roumanie, issue de l’union, en 1959, des principautés de Moldavie et de Valachie.



    L’historien Adrian-Silvan Ionescu a étudié la mode et les mentalités des premières décennies du 19e siècle roumain, imprégné de l’orientalisme phanariote. Il y a retrouvé l’opulence de cette époque dans les images qui se sont conservées: «Le monde phanariote y est représenté dans les plus belles nuances que la palette d’un peintre peut trouver. La période phanariote a été un temps de la suprême picturalité — aussi bien dans le langage que dans la tenue. Quand les grands boyards s’adressaient la parole, ils s’appelaient « psihi mu » – mon âme. Ils s’exprimaient dans un style précieux, surchargé d’ornements, comme les documents conservés dans les archives l’attestent. Dans leurs vêtements, qui suivaient la mode de Constantinople, ils apportaient le raffinement et la richesse de l’ancienne Byzance. Ils continuaient, pratiquement, chez eux, la vie de la cité perdue — comme l’affirmait l’historien Nicolae Iorga dans sa théorie « Byzance après Byzance », arguments solides à l’appui. »



    Les vêtements fastueux, à la mesure des hautes dignités, étaient larges, coûteux et très travaillés. Ils faisaient sensation parmi les élites occidentales lorsqu’elles rencontraient des boyards roumains. L’historien Adrian-Silvan Ionescu explique : « Tellement fastueuses étaient ces cours princières de Iasi et de Bucarest et les personnalités qui en faisaient partie étaient tellement bien habillés que même les représentants des Maisons royales et impériales européennes étaient éblouis. Un des boyards roumains les plus importants, Ienachita Vacarescu, s’est même rendu à Vienne pour essayer de persuader l’empereur de rappeler en Autriche deux princes parce qu’ils avaient porté en Valachie des vêtements allemands, c’est à dire à l’occidentale, et parce qu’ils avaient rasé leurs barbes. Vacarescu fut carrément dévêtu par les comtesses et les baronnes de l’Empire, folles d’admiration pour la finesse et la richesse du foulard de cachemire qu’il portait autour de sa taille. »



    Qu’est ce qu’on observe le mieux dans les tableaux des boyards et de leurs épouses, dans les premières décennies du 19e siècle ? Eh bien, on peut y découvrir vêtements somptueux, bijoux fabuleux, armes et règles vestimentaires. Adrian Silvan-Ionescu : « Nous voyons des fourrures de la meilleure qualité, des vêtements en soie, lourds et chers, des bijoux, bref toute une panoplie d’armement ciselé, argenté et décoré de pierres précieuses que portaient les Arnaoutes, soit les soldats d’origine albanaise de l’Empire Ottoman. Toutes ces images donnent la mesure de la richesse fabuleuse de ces princes au règne éphémère qui savaient comment faire fortune en un temps record. Mais ces images illustrent aussi leur bon goût. Une analyse des vêtements de l’époque, du point de vue formel et chromatique, ne peut que souligner le goût parfait des personnes qui les portaient. L’accord chromatique et celui entre les tissus, ainsi que la manière dont ces vêtements étaient portés, avec dignité et fierté, illustrent le statut et l’importance de gens de la haute société des principautés roumaines. Il y avait 3 catégories de boyards. Les premiers faisaient partie de l’entourage du prince, de la cour, et ne pouvaient porter que certaines textures et fourrures. Personne ne pouvait dépasser leur position, et porter de la zibeline par exemple, sans faire partie de l’entourage du prince. Mais cest sur le visage que se trouvait la marque de noblesse la plus importante. Seuls les nobles de haut rang pouvaient arborer une barbe, les rangs inférieurs devant se contenter uniquement de la moustache. Lorsquun boyard prenait le grand manteau appelé “caftan”, signe distinctif de la haute noblesse, il accédait à lentourage immédiat du prince. Cétait à partir de ce moment-là quil était visité par le “berber-başa”, le barbier du prince, qui lui ajustait soigneusement le contour de la barbe et laidait à lentretenir régulièrement. »



    Tombés progressivement en désuétude, des éléments de la mode phanariote perdureront tout de même, arborés parfois par souci de coquetterie ou pour signifier, tout simplement, la nostalgie pour des temps révolus, dit lhistorien Adrian-Silvan Ionescu: « Les trois premières décennies du 19e siècle sont clairement dominées par la mode venue de Phanar, même si les nobles issus de ce quartier stambouliote se raréfient dans les pays roumains, après la révolution de Tudor Vladimirescu, en 1821. Les princes phanariotes, eux, disparaissent complètement. Cette mode connaît un revirement vers 1860-1865, lorsque les dames redécouvrent le “cerchen”, une sorte de veste très belle, aux manches fendues en longueur, brodée au fil dor, qui allait très bien avec une tenue du jour. Ceux qui avaient connu, enfants, lépoque phanariote la revisitaient parfois pour les bals costumés, pour samuser et faire revivre ces temps de jouissance vestimentaire. »



    Effectivement, lépoque phanariote chérissait lopulence et lexcès. Une démesure qui allait dailleurs la saper et lanéantir dans un monde qui sasseyait sur de nouvelles bases. (trad.: Dominique, Alex Diaconescu, Andrei Popov)

  • Passage par l’Algérie.

    Passage par l’Algérie.

    Aujourd’hui nous allons parler d’un grand pays francophone : l’Algérie. A l’époque du socialisme, ce pays avait des relations de coopération suivies avec la Roumanie notamment dans le domaine de l’exploitation du pétrole. Pourtant, cette société est très particulière : ancienne colonie française, elle a gagné son indépendance suite à une longue guerre avec l’ancienne puissance coloniale avec des répercussions majeures sur un plan interne pour cette dernière. Puis elle a évolué vers un modèle politique double intégrant le socialisme et une forme d’islam radical, modèle qui s’est effondré ultérieurement et a donné lieu à une guerre civile sanglante. Pour en parler nous recevons Laurent Bazin, anthropologue au Centre national de la recherche scientifique et qui a vécu pendant plusieurs années dans cette société.