Tag: histoire

  • 31.12.2018 (mise à jour)

    31.12.2018 (mise à jour)

    Présidence – Pour la première fois depuis son adhésion à lUnion européenne en 2007, la Roumanie assumera, au 1er janvier 2019, la présidence tournante semestrielle du Conseil de lUE. Les priorités de la présidence roumaine sappuient sur quatre piliers : lEurope de la convergence, lEurope de la sécurité, lEurope en tant quacteur global et lEurope des valeurs communes. Au cours de son mandat, la Roumanie devra gérer plusieurs dossiers difficiles, tels le Brexit, le budget pluriannuel pour la période 2021-2027, une stratégie cohérente concernant la migration et laccroissement du rôle global de lUE. Le site officiel de la présidence roumaine du Conseil de lUE, « romania2019.eu », a été officiellement lancé. Il est disponible en roumain, en anglais et en français et contient des informations utiles pour les journalistes, les experts en affaires européennes et le grand public.



    Message — Le président de la Roumanie, Klaus Werner Iohannis, a transmis, ce lundi, un message à l’occasion de la Nouvelle année. Il y exhorte les Roumains à profiter de l’opportunité représentée par le mandat à la tête de l’UE à partir du 1er janvier 2019 « pour prouver que la Roumanie s’implique fermement dans la consolidation du projet européen ». La première ministre Viorica Dăncilă a affirmé, dans son message pour le Nouvel an, que la Roumanie est prête pour assurer la présidence du Conseil de l’UE. C’est un projet de pays qui doit unifier les institutions de l’Etat, les forces politiques et la société civile, a-t-elle ajouté. En 2019, aux côtés de son cabinet, elle continuera à prendre « les décisions correctes pour la Roumanie », a souligné la première ministre, précisant que l’objectif de l’Exécutif de Bucarest était très clair : «une croissance économique soutenable et des investissements majeurs qui engendrent un meilleur niveau de vie pour un nombre aussi grand de citoyens que possible ».



    Réactions — Le ministère roumain des AE a demandé à l’Ambassade de Russie à Bucarest de mettre à jour les informations historiques dont elle se sert, soulignant que le passé des relations bilatérales ne doit pas laisser la place à des spéculations et à des opinions non fondées. Cet appel survient dans le contexte où, dans un message sur Facebook, l’ambassade russe a déploré le fait que dans la presse occidentale et roumaine apparaissent souvent des articles censés dénigrer les soldats de l’Armée Russe, alors que ceux-ci auraient libéré de fascisme les pays de l’Europe Centrale et de l’Est. « Des critiques antisoviétiques et antirusses tentent de manière insistante de persuader les gens que l’Armée Russe a été une bande de brigands et de violeurs sans pitié », lit-on dans le post de l’ambassade russe. Pour sa part, la diplomatie roumaine insiste sur le fait que ce message n’a pas la rigueur adéquate à un débat académique. Plus encore, il existe une commission formée d’historiens russes et roumains capables d’analyser l’histoire des relations bilatérales. Pour rappel, les troupes russes ont envahi la Roumanie à la fin de la Seconde Guerre mondiale et n’ont pas été rapatriées avant 1958. La dictature communiste instaurée par les Russes a duré jusqu’en 1989.



    Attaques — La Commission européenne qualifie d’« inacceptables » les attaques personnelles à l’adresse de la cheffe de sa représentation à Bucarest, Angela Cristea, a déclaré, lundi, la porte-parole de l’Exécutif européen, Mina Andreeva. Elle a ajouté que l’ambassadrice de l’Union à Bucarest devait être traitée avec le même respect que la Commission européenne traite l’ambassadeur roumain à Bruxelles. La réaction de Bruxelles survient après les affirmations parues dans la presse ces derniers jours. Le président du Conseil national du PSD (au pouvoir), Mihai Fifor, a soutenu que le chef de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, aurait une perception « totalement déformée » à l’égard de ce qui se passe en Roumanie à cause d’Angela Cristea.



    Journalistes — Le nombre des journalistes et des employés des médias tués pendant l’exercice de leur métier a augmenté en 2018 à 94 par rapport à 82 en 2017, a fait savoir ce lundi la Fédération Internationale des Journalistes. Parmi eux, 84 journalistes, caméramans et techniciens ainsi que 10 membres du personnel média, dont deux chauffeurs et des officiers de protection. Certains ont été assassinés, d’autres ont été visés en tant que cibles directes, d’autres encore ont perdu la vie dans des attentats à la bombe ou dans des échanges de feux. C’est l’Afghanistan qui a été l’endroit le plus dangereux pour les journalistes en 2018, constate la même étude.



    Préparatifs – Plus de 25.000 fonctionnaires du ministère roumain de lIntérieur sont mobilisés pour assurer lordre public pendant les mini-vacances du Nouvel An. Près de 9.000 agents de police auront pour objectif de prévenir et de combattre les événements susceptibles de nuire à la sécurité des citoyens. 4900 sapeurs-pompiers assurent des missions de prévention et d’intervention en situations d’urgente ces jours-ci. Un hélicoptère de lInspection générale de laviation, à bord duquel se trouvera aussi un policier, aura pour mission de survoler les zones les plus fréquentées. Une attention accrue sera accordée à la protection des participants aux 125 événements publics, où sont attendues plus de 300.000 personnes. Les shows les plus importants auront lieu à Bucarest, Braşov, Sibiu et Cluj. Dans la capitale, une fête en plein air sous le titre « Le Réveillon Centenaire » est offerte par la Municipalité, une dernière manifestation consacrée l’anniversaire des 100 ans de la Roumanie moderne. Au programme : des interprètes connus en Roumanie et dans le monde et un impressionnant feu d’artifices.



    Tennis – La joueuse de tennis roumaine Sorana Cîrstea (84 WTA) sest qualifiée dimanche dans les huitièmes de finale du tournoi WTA de Shenzhen (en Chine), grâce à la victoire devant la Polonaise Magda Linette, en deux sets 6-3, 6-3. Sorana Cîrstea devra affronter mardi la Française Pauline Parmentier. Et c’est le même jour que la Roumaine Monica Niculescu joue dans les 8e de finale de la même compétition contre Jelena Ostapenko de Lettonie.


  • La Roumanie d’Emmanuel de Martonne

    La Roumanie d’Emmanuel de Martonne

    Le géographe français Emmanuel de Martonne a été un des plus roumanophiles des étrangers de la première moitié du 20e siècle, le premier et principal même pour certains. On lui doit des études sur la Roumanie et des cartes qui ont joué un rôle important quand les frontières du pays ont dû être retracées après la première guerre mondiale. Etudiant du grand géographe français Vidal de la Blache, Emmanuel de Martonne avait commencé à étudier la géographie de la Roumanie dès les premières années du 20e siècle, grâce à l’amitié qui le liait à l’essayiste roumain Pompiliu Eliade.

    A la fin de la guerre, un autre type de guerre avait commencé, celle des lobbies et des cartes. La guerre des lobbies n’avait en fait jamais cessé, elle était le côté caché de la guerre menée ouvertement. Gavin Bowd enseigne la langue et la culture française à l’Université de St. Andrews, en Ecosse. En étudiant la personnalité d’Emmanuel de Martonne, elle en est arrivée aux études sur la Roumanie.

    Selon Gavin Bowd, la propagande roumaine dans la presse française a été un des moyens les plus redoutables utilisés par la diplomatie de Bucarest pour atteindre son but : « C’est en France, où la plupart de ses intellectuels avaient été formés, que la Roumanie a trouvé le soutien le plus concret et le plus clairement exprimé. Le ministre plénipotentiaire roumain à Paris Victor Antonescu a conçu un plan visant à manipuler les quotidiens français en leur accordant des subsides et, le 1er janvier 1918, il y a créé un bureau de presse. Les Roumains ont ainsi injecté de l’argent dans la presse française, pour financer des articles favorables à la cause roumaine. Ils ont également créé une revue, « La Transylvanie », censée défendre les droits des habitants de la Transylvanie, du Banat et de la Bucovine, ainsi qu’un journal : « La Roumanie ». Parallèlement à ses activités au service du Ministère français des Affaires étrangères, Emmanuel de Martonne a contribué à cet effort de propagande. Par exemple, en mars 1918 François Lebrun, correspondant du quotidien « Le Matin » en Roumanie, publiait « La Dobroudja. Esquisse historique, géographique, ethnographique et statistique ». Dans sa préface à ce livre, Emmanuel de Martonne lève sa voix en faveur des contestations roumaines, en affirmant qu’il n’était pas trop tard pour éclairer l’opinion publique au sujet de la Dobroudja. « La paix douloureuse que la Roumanie a été obligée de signer le couteau sur la gorge sera révisée, tout comme le seront la destinée des Roumains et des peuples slaves maintenus sous le joug détesté – affirmait-il. »

    Dans son rapport sur la Transylvanie, Emmanuel de Martonne commence par fixer les limites du territoire hongrois, qui ne correspondaient pas à la population d’expression et de culture roumaines. En plus de sa rigueur scientifique, Emmanuel de Martonne a également eu un grand talent littéraire. Son œuvre scientifique est brillamment soutenue par sa dimension littéraire. Le géographe était fasciné par les paysages des Carpates et de Transylvanie, ainsi que par les paysans roumains.

    Gavin Bowd : « Emmanuel de Martonne confère au sentiment national roumain une justification scientifique. Selon lui, les Roumains devaient être une nation des Carpates ou ne pas être du tout. Ainsi, il écrit, je cite : « Dès les premiers pas vers le nord, au départ de Bucarest, la ligne bleue des Carpates se dessine sur le ciel serein. » Dans ce texte, « la ligne bleue des Carpates » fait écho à l’expression « la ligne bleue des Vosges ». « En flottant très haut au-dessus des plaines, (…) l’ombre des Carpates s’étend sur toute la Roumanie. Les Carpates ne sont pas, comme un coup d’œil à un atlas pourrait le faire croire, une barrière ethnique, politique ou économique. Des deux côtés de l’arc des montagnes, depuis la Bucovine jusqu’aux Portes de Fer, on trouve la même langue latine si proche de notre « langue d’oc ». Il y a les mêmes maisons aux toitures pointues, les mêmes costumes pittoresques, dans lesquels on croit redécouvrir la tunique et les pantalons des Daces sculptés sur la Colonne Trajane… Les mêmes charrettes tirées par des bœufs aux cornes longues et recourbées, les mêmes chansons et les mêmes danses, le même idéal… Il n’y a pas de frontière pour le berger et ses moutons. » – fin de citation. »

    La pierre de touche des Roumains et, en même temps, d’Emmanuel, qui se trouvait à leurs côtés, a été le plaidoyer en faveur de la Grande Roumanie.

    Gavin Bowd : « A partir de janvier 1919, l’expertise géographique d’Emmanuel de Martonne a été mise à l’épreuve par la conférence de paix de Versailles. Dans les 4 amples études exigées sur le 4 provinces, la Roumanie, telle qu’elle se présente aujourd’hui, en tant qu’entité organisée, s’est trouvée au centre de ses réflexions. Emmanuel de Martonne a mis le langage cartographique au service de la cause roumaine. Le titre de sa carte en couleurs : « Distribution des nationalités dans les territoires où les Roumains prédominent » est loin d’être considéré comme neutre. Il oriente déjà le lecteur vers une certaine opinion. La couleur rouge qu’il avait choisie pour représenter les Roumains mettait en évidence les départements où la population roumaine prédominait. En outre, la carte d’Emmanuel de Martonne éliminait de tous les départements les minorités représentant moins de 25% de la population. Il a attribué aux départements la couleur de la population majoritaire, alors que les populations urbaines étaient représentées par de petits cercles en pointillés. Cette approche cartographique prouve l’influence de son mentor, Vidal de la Blache, qui favorisait les régions moins développées et essentiellement agricoles, où on supposait l’existence d’une harmonie entre les gens et la terre. La géographie régionale et la sympathie pour le paysan roumain allaient ainsi de pair. »

    A la Conférence de paix, la passion d’Emmanuel de Martonne pour la Roumanie a eu gain de cause. (Trad. : Dominique)

  • L’histoire en tant que spectacle

    L’histoire en tant que spectacle

    « Nous souhaitons que les enfants d’aujourd’hui jouent aussi à Michel le Brave et à Vlad l’Empaleur, et pas seulement à Superman et Batman. » C’est là le crédo des organisateurs du Festival d’histoire aux portes de Bucarest, qui a eu lieu durant le premier week-end du mois de novembre. Le Festival proposait aux visiteurs des ateliers médiévaux d’équitation, de tir à l’arc, de sabre, ainsi que de cuisine traditionnelle et de métiers artisanaux : poterie, ferronnerie, fabrication de chaussures traditionnelles, le tout dans l’ambiance offerte par le Palais de Mogoşoaia, situé à une quinzaine de km de Bucarest.

    Cet endroit n’a pas été choisi au hasard : le palais de Mogoşoaia a été fondé par Constantin Brancovan, prince régnant de Valachie, qui a posé lui-même la pierre angulaire de ce bel édifice en 1698. Le palais allait être achevé le 20 septembre 1702. Nous avons plongé, nous aussi, dans les siècles passés, pour découvrir la vie médiévale recréée au Palais.

    Habillé d’un manteau médiéval en fourrure et portant un bonnet toujours en fourrure, comme un vrai boyard des temps jadis, un des animateurs de l’événement, Răzvan Popescu, nous aide à nous repérer dans l’espace et le temps : « Nous nous trouvons au Palais de Mogoşoaia, du Moyen-Âge, à une époque aussi reculée que nous le souhaitons ou que nous pouvons l’imaginer. Dans peu de temps nous assisterons à une fausse exécution – un empalement comme ceux qui ont valu à Vlad l’Empaleur son surnom. Pour la première fois dans l’histoire, un homme empalé survivra à ce supplice. Et ce miracle se passera ici, sous nos yeux, à Mogoşoaia.»

    Les visiteurs ont pu assister plusieurs fois à la relève de la garde au château. Les gardiens de la forteresse de Neamț ont quitté le Pays des bisons du nord de la Moldavie pour participer à ce Festival historique déroulé aux portes de Bucarest. Les jeunes gardiens ont été invités afin de recréer par leur tenue, leurs armes, certaines techniques de combat ou traditions, l’ambiance de la vie au Moyen-Âge. Les enfants ont pu s’initier au tir à l’arc ou à l’art de l’héraldique de cette époque. Le tout assaisonné de musique et de bonne humeur.

    Quel a été le programme de la dernière soirée ? Răzvan Popescu : « Nous avons eu pour invités des artistes du Bélarus, qui ont joué de la musique médiévale. Ce sont des artistes renommés. Il y a pas mal de choses intéressantes à voir, depuis le numéro de cirque présenté par la Troupe Marinof du Cirque Métropolitain de Bucarest, jusqu’à à la reconstitution historique présentée par les Loups blancs. (« Dracula » est aussi présent, bien sûr.) A l’affiche figurent enfin les joueurs de cornemuse de Transylvanie. »

    « Dracula – le Retour » a été le titre de la reconstitution historique présentée par l’Association culturelle « Les Loups blancs », dont le but est de sauvegarder et promouvoir nos valeurs et notre histoire, en évoquant ses moments les plus importants pour notre identité nationale. Acteurs et cascadeurs professionnels se sont donné pour tâche de faire revivre l’histoire en tant que spectacle.

    Bogdan Jianu, acteur et cascadeur, un des initiateurs du projet : « Les Loups blancs, c’est l’histoire devenue spectacle. C’est venu de soi. Dieu nous a pris par la main et nous a placés sur ce chemin ; notre mission est d’évoquer des moments de l’histoire. Cela nous oblige, bien sûr, à bien nous documenter pour chaque nouveau scénario. Des professeurs d’histoire et des experts du Musée militaire nous ont rejoints. Ils nous aident et veillent à ce que les scénarios soient corrects du point de vue historique. Après, nous renforçons, bien sûr, leur caractère dramatique, nous leur donnons plus d’ampleur, nous les enrichissons d’autres éléments, les agrémentant de toute sorte d’histoires pour en faire un spectacle. Et les spectateurs reçoivent très facilement leur leçon d’histoire, parce qu’il y a là du divertissement, il y a de l’adrénaline, toutes les cascades se passent à quelques mètres devant eux, ils voient des explosions, ils voient des gens en flammes, des chevaux qui tombent… C’est vraiment spectaculaire. »

    « Les Loups blancs » réalisent de tels spectacles depuis 2013, évoquant des personnalités de notre histoire que l’on ne doit pas oublier et proposant ainsi aux enfants un apprentissage interactif. Car partout où l’association prévoit de telles reconstitutions, les Loups blancs trouvent des enfants et des bénévoles pour participer activement à leurs spectacles. Les artisans ne se sont pas absentés de ce Festival. Y ont été présents des forgerons, des Roms chaudronniers-étameurs et des femmes rom habillées de leurs costumes authentiques, des sculpteurs en bois, des femmes qui travaillent des blouses roumaines en lin ou des tuniques en feutre.

    Ion Rodoş, du comté d’Argeş, sculpte le bois. Qu’a-t-il apporté à Mogoşoaia ? « Des cuillères en bois sculpté, ornées de motifs traditionnels anciens ou inspirés de l’histoire, des contes de fée, de la faune et de la flore. J’ai également apporté des sculptures décoratives : la Colonne sans fin, la Bénédiction de la maison, que l’on plaçait jadis en haut du toit, et le Coq de bruyère de Nucşoara, qui est une de mes créations et l’emblème de notre village. Puis, il y a aussi des pendentifs sculptés en bois de prunier ou de noyer, le loup dacique que l’on peut porter sur la poitrine, des edelweiss sculptés au couteau dans un rameau de sapin. J’ai aussi apporté de toupies, semblables à celles avec lesquelles je jouais quand j’étais petit. Et j’ai même bricolé quelques flûtes champêtres. »

    Le Palais a également accueilli ses visiteurs avec des plats traditionnels et des boissons préparés maison par les habitants des parages venus de bon cœur à une telle fête. (Trad. : Dominique)

  • L’histoire alternative d’une Roumanie fictionnelle

    L’histoire alternative d’une Roumanie fictionnelle

    La tentation de l’histoire alternative, de l’histoire fiction, « qu’est-ce qu’aurait pu se passer si… », ne date pas d’aujourd’hui ni même d’hier. Quel aurait pu être le destin des individus, des sociétés, des nations, voire du monde dans son entièreté, si un certain événement s’était déroulé différemment ? C’est l’écrivain et philosophe français Charles Renouvier qui a utilisé pour la première fois le terme d’uchronie, pour désigner la reconstruction fictive de l’histoire, dans un texte paru en 1876, ainsi intitulé. Depuis lors, le genre n’a fait que s’étoffer.

    Une certaine histoire alternative de la Roumanie est celle imaginée par Virgil Nemoianu, critique littéraire et professeur des universités en littérature comparée aux Etats-Unis. Il s’est risqué à imaginer une Roumanie où l’Union de 1918 n’avait jamais eu lieu. A sa décharge et pour rappel, le professeur Nemoianu était dans sa jeunesse un inconditionnel des romans historiques.

    Virgil Nemoianu : « C’est en lisant ces romans historiques que je suis tombé plus récemment sur ce genre, de la contre-histoire. C’est donc à partir d’événements qui n’ont jamais eu lieu, d’événements absurdes à la limite, comme par exemple l’intervention des martiens dans le déroulement de la Seconde Guerre mondiale. L’écrivain Harry Turtledove a écrit par exemple un roman intitulé Ruled Britannia. Il imagine que l’Invincible Armada a battu la flotte britannique en 1588, a conquis l’Angleterre, que la reine Elisabeth a été incarcérée dans la Tour de Londres, et que les Anglais sont redevenus catholiques. Lope de Vega est alors un jeune lieutenant avenant, qui cultive Shakespeare pour s’inspirer de sa technique dramatique. Mais d’anciens hommes politiques sont en train de fomenter une révolte qui, au final, remporte la bataille. Le même Turtledove a écrit un autre roman, intitulé « Les deux George », et dans lequel le roi George III d’Angleterre et George Washington se mettent d’accord sur leurs points de divergence, et évitent ainsi la rupture consommée entre les Etats-Unis et l’Angleterre ».

    En 1918 allait naître, de l’union entre le Royaume de Roumanie d’alors, la Transylvanie, le Banat, la Bessarabie et la Bucovine, ce que les historiens vont appeler la Grande Roumanie. Nul historien un tant soit peu sérieux n’imaginerait un déroulement alternatif des événements. Mais Virgil Nemoianu n’est pas de ceux-là : « Des peuples qui parlent la même langue et vivent dans des Etats différents, on en trouve partout, en Europe et ailleurs. Qu’aurait-on gagné si l’union avait échoué ? Comment aborder et comprendre ces choses-là ? D’abord, c’est que les Roumains ont été pendant mille ans au carrefour des poussées migratoires et des visées impériales, des puissances du Sud, de l’Est et de l’Ouest. Il y a eu des périodes où sur les trois pays roumains, trois influences différentes ont été exercées, qui modifiaient la nature, la manière d’être et d’appréhender le monde, les mœurs dans chacun de ces pays. Dans l’ancien royaume d’avant 1918, formé de la Valachie et la Moldavie, on constate une influence française et russe dominante, alors qu’au-delà des Carapates, l’on constate une influence allemande, au-delà et en dépit de la domination magyare. Comment auraient évolué ces Etats ? Je peux imaginer des mouvements de population, d’un côté et de l’autre de la frontière qui aurait perduré. Et même lorsque la frontière a sauté, il y a encore eu une attraction transylvaine vers l’Europe Centrale, puis une attraction en sens contraire, de l’ancien royaume vers une sorte de confédération balkanique, surtout vers la Yougoslavie, la Bulgarie et la Grèce. »

    La Roumanie d’aujourd’hui est encore et toujours traversée par cette frontière invisible, une frontière délimitant l’influence ottomane sur l’ancien royaume de Roumanie d’avant 1918, où la prédominance de la religion orthodoxe est évidente, de celle de l’Empire d’Autriche-Hongrie, où des relents du catholicisme se font encore sentir, en Transylvanie.

    Et c’est bien sur ces prémisses que Virgil Nemoianu bâtit son histoire alternative, celle d’une Roumanie plurielle : « L’essence des deux Etats aurait été différente. Un milieu urbain prépondérant en Transylvanie, avec une orientation de centre-gauche, car la tradition sociale-démocrate était bien ancrée dans cette région. Elle était aussi dotée d’un système financier étoffé, d’un réseau de banques locales, et pouvait se targuer d’un début prometteur d’industries. Cet Etat imaginaire aurait pu ressembler à s’y méprendre à la Slovaquie, à la Slovénie ou encore à la Croatie d’aujourd’hui. Par contre, l’ancien royaume d’avant 1918, formé de l’union entre la Moldavie et la Valachie, avait sans doute ses atouts de nature culturelle et intellectuelle. Je le vois avec ses universités, avec sa tradition intellectuelle plutôt solide et doté d’une agriculture à la pointe. Il aurait pu regarder vers le Sud, vers les Balkans, en confiance. Quant à l’élément religieux, il y a avait en Transylvanie un esprit de tolérance entre les différents cultes, les orthodoxes, les uniates, les catholiques. Il y avait parfois des conflits, mais c’était surtout la tolérance et l’amitié qui prévalaient. L’ancien royaume était orthodoxe pur, donc plus proche des Balkans et de la Russie. Et je crois que, dans ce contexte fictionnel, l’extrême droite n’aurait pas pu y faire son lit. Mais, évidemment, si l’union n’avait pas eu lieu, on aurait constaté aussi des désavantages, car la Roumanie unifiée disposait d’une certaine taille, et donc d’un certain poids économique, d’un certain poids externe, sensible même pendant l’époque communiste. Enfin, je ne veux pas accréditer la thèse que les deux Roumanie s’en seraient trouvé mieux si elles avaient continué de rester séparées. Il y aurait eu des avantages, mais aussi des inconvénients. C’est un exercice d’imagination, et c’est pour cela que j’ai imaginé cette histoire alternative ».

    Mais l’histoire, la vraie, a été écrite il y a cent ans, par la signature des Traités de Versailles et de Trianon, par l’intermédiaire desquels les Grandes Puissances consacrèrent la volonté d’union des Roumains, entre les frontières et sous la bannière d’un même Etat. Il n’empêche que les différences historiques, de mentalités, subsistent ou ressurgissent de manière régulière, et que l’appel à l’uchronie demeure toujours un exercice intellectuel attrayant.
    (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Nature, histoire et culture à Piatra Neamț

    Nature, histoire et culture à Piatra Neamț

    Sa première attestation documentaire date de 1387. « Perle de la Moldavie », comme elle a été surnommée, Piatra Neamț est une importante destination touristique, qui attire de plus en plus de vacanciers. Un premier site à visiter est le centre historique de la ville, avec la Cour princière, la Tour d’Etienne le Grand et l’église St. Jean Baptiste. Vlad Tudor, du Bureau de promotion touristique de la municipalité, nous fait une brève présentation de la ville.



    « Piatra Neamț est une destination idéale pour les passionnés d’histoire, de nature et de culture. La ville a été construite autour de la Cour princière. La Tour du clocher et l’église St. Jean Baptiste ont été érigées à proximité, en 1499, par Etienne le Grand, voïvode légendaire de Moldavie. La ville est entourée de belles montagnes où l’on peut skier en hiver. Durant la période des fêtes, une foire de Noël est organisée au centre-ville. Pendant toute l’année, Piatra Neamț offre un large éventail de loisirs, depuis les randonnées jusqu’aux sports extrêmes. Plusieurs itinéraires ont été aménagés pour les amateurs de VTT et de descente extrême. La ville possède également une piscine située dans une zone très pittoresque, au pied de la montagne, au bord de la rivière Bistrița, dotée de bassins pour la nage et de terrains de sport. »



    Le Musée d’histoire et d’archéologie accueille des expositions très intéressantes. Vlad Tudor nous en parle. « Le Musée d’histoire de Piatra Neamț a été créé en 1934, par un prêtre, Constantin Mătase. Il présente l’évolution des communautés humaines dans la zone de Neamț, depuis le Paléolithique supérieur, jusqu’à l’époque contemporaine. Parmi les pièces d’une grande valeur que l’on peut y admirer figure un trésor constitué de vases très anciens en or et en argent. La ville de Piatra Neamț possède également un musée de la culture Cucuteni. »



    Le Musée Cucuteni est unique au monde. C’est un musée en même temps d’archéologie et d’histoire, mais aussi d’art, entièrement consacré à la plus importante civilisation préhistorique européenne : la culture Cucuteni-Trypillia. Ce musée possède la plus importante collection d’art énéolithique Cucuteni du monde et la plus importante collection d’art préhistorique d’Europe Orientale. Les vestiges réunis dans ce musée sont nombreux et d’une qualité extraordinaire. Le musée de Piatra Neamț recèle environ 70% du patrimoine culturel Cucuteni découvert sur le territoire actuel de la Roumanie et une grande partie du patrimoine de cette civilisation — précise Constantin Preoteasa, chercheur et commissaire du musée.



    « L’exposition est structurée à partir des deux composantes essentielles de l’art Cucuteni. Au rez-de-chaussée sont réunis les chefs d’œuvres d’art décoratif, à savoir les vases décorés — le plus souvent peints. L’étage a été réservé aux chefs-d’œuvre de l’art figuratif, à savoir les statuettes anthropomorphes et zoomorphes. Dans la civilisation Cucuteni on peut distinguer clairement deux périodes : la première est comprise entre les années 5.000 et 4.000 av. J.-Chr., la seconde allant de 4.000 à 3.500. Dans les deux vitrines situées au centre de la salle on peut voir les chefs – d’œuvre de la première période. Ce sont des vases moins volumineux, plus élancés, sur pied. Ils sont ornés de motifs soit incisés, soit peints en blanc et noir ou en blanc et rouge. Au début, les vases étaient décorés de peintures après leur cuisson — c’était la peinture dite crue, qui s’est conservée moins bien, le plus souvent s’étant effacée. Par la suite, avec le perfectionnement technique, les motifs peints ont commencé à être appliqués avant la cuisson des vases, le processus de cuisson les fixant mieux. »



    Tout au long de l’année, la ville de Piatra Neamț accueille de nombreux événements, en fonction desquels on peut organiser son séjour dans la zone. Vlad Tudor. « Chaque année on organise, fin mai, le Festival d’art traditionnel « Le coffre de dot ». Des artisans de toutes les régions de la Roumanie s’y donnent rendez-vous. On peut leur parler pour apprendre de quelle manière les objets qu’ils présentent ont été travaillés. Piatra Neamț accueille un événement important presque tous les mois. Autour du 20 avril, c’est la Fête de la Cour princière, qui marque la première attestation documentaire de la ville. Au mois de mai, il y a le Festival dacique de Petrodava, un événement consacré au plus ancien habitat humain de Moldavie. Les passionnés de sports extrêmes sont attendus au Festival « Dur comme la pierre ». En décembre, nous organisons la Foire de Noël. »



    A Piatra Neamț, l’offre d’hébergement est très variée. Dans les hôtels de la ville et les pensions chics des environs, on peut trouver des places pour tous les goûts et tous les budgets.


    (Trad. : Dominique)

  • Adamclisi

    Adamclisi

    Dans le sud de la Roumanie, plus précisément dans les vieilles montagnes de la Dobroudja, lon retrouve lancienne cité dAdamclisi. La cité tire sa gloire dabord davoir été bâtie par lempereur romain Trajan, puis de garder les traces de la cité antique de Tropaeum Traiani, intrinsèquement liée à lhistoire de la Dacie romaine, après lan 106 de notre ère, une fois la Dacie occupée et colonisée par les Romains. Cest de 1977 que date le musée fondé à lendroit même, et qui accueille et protège les pièces dorigine du monument triomphal érigé par les Romains à la gloire de la conquête de la Dacie. Car Tropaeum Traiani est par dessus tout le mausolée érigé sur les ordres de lempereur Trajan à la gloire de son armée et à la mémoire des soldats tombés lors de cette guerre.



    Mariana Petruţ, conservatrice au musée dAdamclisi, sera notre guide daujourdhui. « Lempereur Trajan na pas choisi le lieu de ce monument au hasard. Cest bien sur le champ de la plus importante bataille livrée durant cette guerre de conquête de la Dacie que lempereur a décidé de bâtir ce monument à la gloire de sa victoire, et implicitement à la gloire de lempire. Le monument en soi est comme une bande dessinée avant la lettre, une bande dessinée taillée dans la pierre, qui reprend le film des luttes menées par les soldats romains contre les Daces. Erigé entre 106 et 109, le monument tombe en morceaux au fil des siècles. Nous ignorons les causes exactes de sa destruction – si elle fut brutale ou lente, si elle fut la conséquence dun violent tremblement de terre ou de laction humaine. Ce que lon sait en revanche avec précision, cest quau XIXe siècle, les archéologues allaient procéder aux premières fouilles sur le site. »



    La reproduction actuelle de ce mausolée est à deux km du site de la cité antique. Fondée sur les ruines dune cité dace, la cité romaine sest développée tout au long de la période doccupation romaine de la Dacie. Pendant six cents ans, la ville connaîtra une grande prospérité, devenant le principal centre urbain romain de Dobroudja, et accédant même au statut de municipe. Son rôle est mis en évidence par le monument même de Tropaeum Traiani, devenu le symbole de la cité. Le monument en soi est composé dune base cylindrique et dun toit en forme de cône, au sommet duquel trône le vautour bicéphale. Le monument impressionne par la solidité constructive, par léquilibre de ses volumes, mais plus encore par sa hauteur. Dépassant de dix mètres la hauteur de la Colonne Trajane de Rome, cela montre à profusion limportance accordée au monument par lempereur même, monument qui devient le symbole de la puissance romaine, aussi bien au nord quau sud du Danube. Il semble que le célèbre architecte Apollodore de Damas soit à lorigine du projet, celui qui avait fait bâtir louvrage monumental du pont en pierre traversant le Danube, et qui permit à larmée impériale dinvestir le royaume dace. Les ouvriers furent choisis des garnisons romaines situées à proximité. Et cest larchéologue roumain Grigore Tocilescu qui met au jour, au XIXe siècle, les ruines du mausolée et de la cité antique.



    Mariana Petruţ nous offre des détails. « Au XIXe, il ne restait plus du monument que le noyau. Les fresques en pierre qui racontaient le déroulement de la bataille étaient tombées tout autour, et le temps les a recouvertes de terre. Ce qui est remarquable, cest que lon a réussi à retrouver la plus grande partie des pièces dorigine qui composaient le monument. Une partie enfouie profondément, une partie en surface, puis dautres morceaux avaient été récupérés et utilisés par les villageois du coin, pour embellir les puits par exemple. Ils navaient pas conscience de linestimable valeur de ce monument. Les archéologues ont réussi à récupérer la majeure partie de ces pièces éparses, et ils ont même retrouvé une partie de linscription dédicatoire du monument, qui marque son identité : Tropaeum Traiani, cest-à-dire le Trophée de Trajan. »



    Cest bien grâce aux fouilles archéologiques que lon a pu reconstituer lapparence dorigine du monument antique. Les blocs de granit gardent les noms des soldats romains et de leurs villes dorigine. Derrière, à quelques mètres du monument principal, un deuxième mausolée a été érigé, celui du général romain. Cest grâce à toutes ces découvertes que Tropaeum Traiani a pu être reconstitué fidèlement, grandeur nature, et inauguré en 1977, au même moment que le musée abritant les pièces dorigine et situé dans le village actuel dAdamclisi. (Trad.: Ionut)

  • L’histoire de la ville de Bistrita

    L’histoire de la ville de Bistrita

    En effet, le nord de la Transylvanie, où se trouve aussi la ville de Bistrita, a été semble-t-il colonisé par des Allemands venus de la région du Luxembourg d’aujourd’hui, à compter du 13e siècle. C’est ce que témoignent les premiers documents attestant l’existence de la ville, nous fait savoir l’historien de l’art Vasile Duda. « Ce fut le 2 avril 1241, durant la grande invasion tartare qui avait détruit une grande partie de la Transylvanie et de toute l’Europe de l’Est, que cette localité est mentionnée avec le nom de Nosa. Et ce nom semble être lié à d’autres localités de la région du Luxembourg, renforçant ainsi l’hypothèse que les premiers colons avaient donné à leur agglomération un nom de leur région d’origine. Plus tard, le 16 juillet 1264, un autre document atteste le nom actuel de Bistrita, un nom emprunté probablement à la rivière qui traverse la région. L’origine de ce mot est slave, provenant de « bâstro » c’est-à-dire rapide. Le statut de ville, Bistrita l’obtient en 1330 lorsque le roi Charles Robert d’Anjou accorde aux habitants de la localité le droit d’élire librement leur juge et leurs jurés. Il s’agit de droits réservés aux villes. Sous la maison d’Anjou, en 1353, la ville reçoit aussi d’autres privilèges, parmi lesquels le droit d’organiser une grande foire qui commençait à la Saint Barthélemy, le 24 août, pour s’étendre le long de deux ou trois semaines. C’était la foire la plus importante de la région et c’est d’ailleurs elle qui assurait une grande partie de ses revenus jusqu’au début de l’époque moderne. »

    A compter de 1465, d’amples travaux de fortification commencent à Bistrita, qui est entourée d’une muraille, de tours et de trois portes dotées de pont-levis et défendues par des fossés. Bistrita est devenue ainsi une des puissantes citadelles fortifiées de Transylvanie, mais aussi une des villes les plus belles, fait savoir le même Vasile Duda. « Vers 1564, un voyageur italien en Transylvanie a essayé de présenter brièvement les villes et les fortifications qu’il avait visitées. Et il disait « Sibiu est la plus forte, Cluj est la plus populaire et Bistrita, la plus belle ». La ville a connu son apogée au XVIe siècle et cela signifie qu’il existe de nombreux monuments construits à la fin du XVe siècle et au début du XVIe. Parmi eux, mentionnons l’église de la place centrale, un ancien lieu de culte catholique de rite grec, devenue évangélique en 1543, ayant la tour la plus haute de Transylvanie. Je mentionnerais aussi l’ancienne église de l’abbaye franciscaine, une construction du XIIIe siècle, devenue au XIXe siècle église catholique de rite grec et qui est orthodoxe de nos jours. Il s’agit d’une des constructions les plus anciennes de la ville, érigée en 1290. J’ajouterais aussi le complexe Sugălete, la série la plus longue de maisons médiévales avec des arches au rez-de-chaussée, érigé en 1480. Il y a aussi la maison Ion Zidaru qui date de 1480 – 1520 et qui a une histoire particulièrement intéressante. »

    Et c’est également de cette période fleurissante pour Bistrita, à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance que datent les armoiries de la ville : une autruche avec un fer à cheval dans son bec. Ce symbole a été offert à la ville par le roi Louis d’Anjou en 1366, et d’ailleurs il se retrouvait sur les armoiries privées de la famille d’Anjou. Détails avec l’historien de l’art Vasile Duda. « Quelle est l’histoire de ce symbole ? Eh bien, il parait qu’au Moyen Âge, soit aux XIIIe et XIVe siècles en Europe Occidentale, l’autruche était présentée comme l’oiseau le plus puissant, capable de digérer même le fer et d’avaler n’importe quoi. Cet oiseau a été utilisé par la famille d’Anjou lorsqu’elle a revendiqué le trône de la Hongrie pour entrer ainsi en conflit avec les nobles hongrois au sujet du contrôle du pays. C’est pourquoi l’autruche est devenue un symbole de la royauté en Transylvanie et en Hongrie, figurant sur les armoiries des villes. Grâce à cette capacité présumée de l’oiseau de digérer le fer, l’autruche a également été associée aux artisans qui transformaient le métal. »

    La présence de l’autruche sur les armoiries de la ville de Bistrita est donc étroitement liée à la guilde des forgerons, une des plus importantes associations de ce genre de toute la Transylvanie.

  • L’histoire de la périphérie bucarestoise

    L’histoire de la périphérie bucarestoise

    Développé en tant que ville marchande autour de l’actuel centre historique symbolisé par la rue Lipscani, Bucarest s’étendait initialement vers le sud, sur les rives de la Dâmboviţa, au-delà de la colline de l’église métropolitaine. L’extension de la future capitale roumaine a ensuite continué à travers les siècles, vers tous les points cardinaux. L’administration ne s’est pas préoccupée de la réglementation du régime des constructions qui se multipliaient à la périphérie pour accueillir des membres des couches sociales moins aisées. Et pourtant, vers la fin du 19 siècle, quelques actes normatifs, qui cherchaient à y mettre de l’ordre, sont adoptés notamment pour imposer une série de normes d’hygiène publique.

    L’application de normes d’urbanisme dans ces endroits a été longtemps ignorée, affirme l’architecte Irina Calotă, auteure du livre « Au-delà du centre. Politiques du logement à Bucarest (1910 – 1944) » « Tout au long du 19e siècle, la ville s’est confrontée au problème de l’élargissement au-delà de ses confins. Malgré une certaine limite administrative, la ville ne faisait que s’étendre. Il y avait une différence très claire entre les confins administratives et les celles d’un tissu qui se construisait constamment. En l’absence des fortifications que possédaient d’autres villes européennes, Bucarest tentait d’imposer un autre genre de borne physique : un boulevard périphérique. Il fut suivi par un boulevard périphérique doublé d’une esplanade dont le but était le même : empêcher que la ville se développe au-delà de ses limites. Mais pourquoi ces initiatives étaient-elles nécessaires ? Eh bien, l’administration voulait se concentrer sur le développement et sur la modernisation du centre-ville alors que la périphérie devait attendre des interventions ultérieures, lorsque le budget de la ville aurait pu couvrir un tel investissement. Bref, les autorités ne faisaient qu’ignorer la situation. »

    Après 1890, cette mentalité commence à changer, tandis que la ville s’étend massivement vers le nord et puis vers l’est. En fait, 1895 marque le début de la réglementation d’une périphérie bucarestoise durant le mandat du maire Nicolae Filipescu. Ce fut lui qui décida d’inclure dans la ville les villages avoisinants, collés de toute façon à la capitale, pour qu’ils respectent également les réglementations d’urbanisme en vigueur à l’époque. D’ailleurs, les normes ne font plus aucune différence entre le centre et la périphérie et les règles concernant l’alignement des immeubles et la délimitation des propriétés s’appliquent désormais à la ville entière.

    La réglementation et l’administration de la périphérie s’intensifient après la Première Guerre Mondiale et le premier plan d’aménagement de la ville, précurseur du Plan d’urbanisme général d’aujourd’hui, est adopté en 1921. Il concernait notamment la périphérie, soit tous les quartiers qui se développaient au-delà du centre-ville. L’architecte Irina Calotă explique : « De larges superficies de terrain existaient aux confins de la ville et jusqu’en 1928 les règlements ne visaient point l’emplacement des maisons sur la propriété. Cet aspect a toujours été lié à des pratiques vernaculaires. Autrement dit, c’était une tradition issue du monde rural. Ces propriétés de grandes dimensions étaient souvent partagées en lots plus petits pour aboutir à des propriétés longues et étroites. C’est pourquoi, les immeubles étaient, eux aussi, longs et étroits. Les maisons avaient une seule pièce avec vue sur la rue et une entrée sur un côté. Selon les besoins du propriétaire, la maison subissait des modifications et des élargissements successifs vers l’intérieur de la propriété, pour générer ce que l’on appelle de nos jours « maisons wagon », spécifiques pour la ville de Bucarest. »

    Hormis Nicolae Filipescu, un autre maire très important a été Vintilă Brătianu, explique Irina Calotă. « Durant la première décennie du 20e siècle, Vintilă Brătianu démarre et mène à bien des travaux publics et met sur pied des services communaux à la périphérie bucarestoise. Ce fut toujours durant son mandat de maire qu’a été fondée la maison communale, celle qui à partir de 1910 allait s’appeler la Société communale des habitations à loyer modéré, la première société publique destinée à la construction d’immeubles sociaux. L’administration de la ville avait compris un autre aspect : les simples mesures interdisant certaines habitudes dans le domaine du bâtiment ne suffisaient pas. Afin de résoudre les problèmes de logement, la mairie devait s’impliquer activement dans la construction d’habitations. »

    La société communale d’habitations à loyer modéré a fonctionné notamment en tant que société qui accordait des crédits immobiliers aux personnes aux revenus modestes, des ouvriers et des fonctionnaires publics. Entre temps, ladite société est arrivée à construire des quartiers entiers, conçus selon des règles d’urbanisme claires et conformément à une architecture unitaire. Ces maisons existent toujours à Bucarest dans les quartiers Drumul Sării, Vatra Luminoasă, Lacul Tei, soit des zones qui se trouvaient jadis dans la banlieue et qui sont actuellement des quartiers chic, très appréciés pour leur beauté.

  • L’Iran en perspective (III) : Questions contemporaines.

    L’Iran en perspective (III) : Questions contemporaines.

    Le moyen-orient est encore une zone de conflit fort. Certes des acteurs locaux comme l’Arabie Séoudite, Israël, la Turquie et l’Iran sont bien présents et avec des velléités hégémoniques assumées. Mais d’autres puissances sont également là pour faire valoir leur intérêt à l’instar des USA, de la Russie, la France et d’autres. Cette émission tente de comprendre cette situation.


  • Panthéon 3D

    Panthéon 3D

    En franchissant le seuil de cet édifice imposant, érigé entre 1851 et 1853, on peut retourner à la préhistoire, à l’époque des Daces et des Romains, vivre la révolte paysanne de Horea ou les deux conflagrations mondiales. A partir de cette année, les œuvres d’art de l’époque romaine faisant partie de la collection du Musée National de l’Union seront mises en valeur par leur numérisation en 3D. Le public malvoyant aura également accès à ce patrimoine, grâce à une impression tridimensionnelle.

    Le projet s’appelle Panthéon 3D et il est mis en œuvre par une équipe dont fait partie George Bounegru, archéologue du musée : « L’automne dernier, nous avons imaginé un programme culturel pour les années 2018-2019. Ce programme pluriannuel, Panthéon 3D, permettra une mise en valeur du patrimoine archéologique de l’époque romaine par la technologie moderne, à savoir la numérisation en 3D des œuvres d’art de cette époque représentant des divinités et des personnages mythologiques. Une collection virtuelle, une plate-forme interactive en 3D sera également réalisée, qui sera une sorte d’exposition mobile. S’y ajouteront 4 expositions temporaires – classiques, cette fois-ci – consacrées à la religion et à l’art romain. 4 catalogues seront lancés à cette occasion, ouvrages de popularisation qui seront disponibles au Musée national de l’Union. »

    A part la numérisation des artéfacts archéologiques, le musée organise également des ateliers. George Bounegru : « Le premier atelier, « Mythologie 3D » s’est déjà déroulé. Cet atelier, consacré aux mythes a été destiné aux élèves du Lycée d’art « Regina Maria » de la ville, qui ont réalisé des créations artistiques à partir des thèmes mythologiques que nous leur avons présentés. Ces ouvrages sont exposés aux Musée Principia – qui est l’autre musée de la ville. »

    George Bounegru mentionne d’autres particularités de ce projet, placé sous l’égide de l’Année européenne du patrimoine : « Notre projet a démarré cette année. « Mythologie 3D » est le premier événement, prévu du 19 mai au 1er août, aussi bien au siège du Musée national de l’Union qu’à celui du Musée Principia. Y sont exposées des objets de la collection Panthéon 3D, représentant la mythologie romaine : sculptures ou objets en bronze à caractère mythologique. Ils sont mis en valeur d’une manière moderne, dans de nouvelles vitrines à éclairage moderne, et ils sont accompagnés de panneaux en roumain et en anglais, qui expliquent les mythes liés à ces objets. Une exposition, dédiée à la mythologie classique est prévue à l’automne et deux autres l’année prochaine. Chacune bénéficiera d’un catalogue qui sera mis à la disposition de nos visiteurs. »

    George Bounegru nous incite à visiter le Musée national de l’Union : « Le Musée national de l’Union d’Alba Iulia est un des plus prestigieux de Roumanie. Il dispose d’un patrimoine remarquable, appartenant surtout à l’époque romaine. Alba Iulia est une ville érigée au-dessus d’autres villes, pour ainsi dire, son sous-sol recèle des vestiges de l’époque romaine. Alba Iulia est l’ancienne cité d’Apullum, qui a été capitale de la Principauté de Transylvanie. C’est aussi la ville qui a accueilli le Grand rassemblement national de 1918, lors duquel a été parachevée la Grande Union. Le Musée de l’Union dispose d’un patrimoine inestimable représentant tous ces moments clé de l’histoire roumaine. J’invite les passionnés de culture, de mythologie, de religions antiques, notamment romaines, à passer le seuil de notre musée, pour l’explorer. »

    Le Musée, dont les collections comptent quelque 200.000 objets, organise annuellement une cinquantaine d’expositions temporaires. (Trad. : Dominique)

  • QSL mars 2018 – L’Obélisque de Horea, Closca et Crisan

    QSL mars 2018 – L’Obélisque de Horea, Closca et Crisan

    A l’entrée de la forteresse d’Alba Carolina, tout près du 3e portail, on arrive à l’obélisque consacré à Horea, Cloşca et Crişan – les chefs de la révolte paysanne de Transylvanie de 1784. En fait, le monument a été construit pour marquer les 150 ans écoulés depuis l’exécution de Horea et de Closca.

    Un peu d’histoire si vous permettez : en 1784, les paysans de Transylvanie – roumains, hongrois et saxons vivant et travaillant sur les domaines des nobles et de l’Etat – aux côtés des mineurs des Monts Apuseni et du Marmures, de maîtres artisans et même de prêtres – toutes ces catégories sociales donc se révoltent contre les conditions de vie et les abus des nobles. Selon le site spécialisé historia.ro, qui cite à son tour des statistiques du 18e siècle, à cette époque-là, les nobles comptaient pour 6,7% de la population totale de la Transylvanie. En fait, un quart de la population de cette province historique roumaine était formée de paysans asservis. Par conséquent, la révolte a été une conséquence directe des relations extrêmement tendues entre les nobles d’origine hongroise et la population asservie, formée de Roumains pour la plus grande partie.

    Les protestations avaient commencé bien avant la révolte, note le même article, et des représentants des paysans s’étaient rendus à plusieurs reprises à Vienne pour présenter leurs plaintes à l’empereur. Parmi eux, Horea, un Roumain né dans une famille de paysans serfs. Il s’est rendu 4 fois à Vienne, la dernière fois étant reçu par l’empereur Joseph II, fils de l’impératrice Marie-Thérèse. Horea lui a transmis une pétition dans laquelle les paysans dénonçaient les trop nombreuses taxes qui leur avaient été imposées et avouaient que ceux qui s’y opposaient étaient le plus souvent emprisonnés.

    La révolte a éclaté au moment où un groupe de paysans se dirigeant vers Alba Iulia fut arrêté de force par des troupes des nobles. Dirigés par Closca, ancien soldat dans l’armée impériale, les paysans ont attaqué les manoirs de la région. D’autres ont suivi leur exemple. Horea fut celui qui a formé des groupes dirigés par des capitaines et rédigé un programme exprimant leurs doléances. Quelles doléances ? Que les nobles quittent à jamais leurs domaines et qu’ils paient des taxes comme le reste du peuple et que leurs terres soient partagées par ordre impérial entre les simples citoyens.

    Des négociations ont lieu entre les commandants militaires impériaux et les leaders de la révolte, des armistices sont conclus, Vienne envoie d’importants effectifs militaires en Transylvanie et en Hongrie pour gagner du temps, Horea incite les paysans à attaquer à nouveau, avant la défaite finale, le 7 décembre 1784. Horea demande à ses troupes de se retirer. Entre temps, une commission impériale conduit des interrogatoires pour apprendre les origines de la révolte, alors que l’empereur lui-même demande que les leaders de l’insurrection paysanne soient « exécutés de manière spectaculaire » devant la foule à titre d’exemple, lit-on sur historia.ro. Deux semaines durant, Horea et Closca ont été portés, enchaînés, à travers les villages transylvains. Ils ont été roués le 28 février 1785. Un autre chef connu de la révolte paysanne, Crisan, s’était pendu en prison le 13 février. Bien que la cour impériale ait continué les réformes sociales en Transylvanie, permettant aux paysans serfs de changer de domaine ou de se marier sans avoir l’accord des nobles, ces mesures n’ont pas été mises en œuvre pendant longtemps. Les paysans serfs de Transylvanie deviennent libres à peine en 1848.

    C’est pour commémorer ce moment si important de l’histoire de la ville d’Alba Iulia et de la Transylvanie que fut érigé l’Obélisque de Horea, Closca et Crisan, en 1935, soit 150 ans après les événements racontés. Un monument impressionnant par ses dimensions, car haut de 20 m et donc visible à plusieurs de km de distance. Il fut inauguré le 14 octobre 1937, en présence du roi Carol II et de son fils Michel Ier, qui avait à l’époque le titre de « grand voïvode d’Alba Iulia ».

    Sur la façade ouest, au-dessus de la porte en fer forgé, sont sculptées en relief les frontières de la Grande Roumanie, avec au milieu le portraits de Horea, Closca et Crisan. Sur la façade est de l’obélisque, une statue de grandes dimensions représente la déesse Victoire, ailée, tenant dans la main une couronne de lauriers destinée aux trois leaders de la révolte.

    Le monument est réalisé en style Art déco, un courant artistique qui marie éléments géométriques et floraux, avec la ligne gracieuse du corps humain. C’est peut-être le monument public le plus important construit ces 100 dernières années en Roumanie.

  • Festival du film de Pessac  à Bucarest

    Festival du film de Pessac à Bucarest

    « Connaitre l’histoire pour comprendre le présent » c’est ce que se propose depuis 28 ans le festival du film d’histoire de Pessac, un festival qui est rapidement devenu un repère de l’agenda culturel de la France et de l’Europe et désormais de la Roumanie aussi. Du 21 au 24 mai 2018, l’Institut français de Bucarest a accueilli les projections des productions les plus appréciées de l’édition 2017 du Festival du film d’Histoire de Pessac. C’est pour la deuxième année consécutive que ce festival français est présent à Bucarest, grâce au partenariat entre le Festival de Pessac et le Festival du film historique de Râsnov, ville transylvaine sise près de Brasov, au centre de la Roumanie. Nos invités : Pierre Henri Deleau, acteur
    et producteur de cinéma français en charge de la sélection des films du
    festival de Pessac et Joseph Beauregard, le réalisateur d’un des films présentés dans le cadre de ce festival : « Jacques Doriot, le petit führer français ».



  • L’histoire des Vikings (III)

    L’histoire des Vikings (III)

    Cette semaine nous abordons le troisième volet de nos émissions sur les célèbres Vikings avec notre invité Alban Gautier qui est professeur universitaire et spécialiste de la question. Plus précisément, nous verrons quels sont les cultes pratique et le fonctionnement de ce polythéisme.


  • Le monde des viking (II)

    Le monde des viking (II)

    Mais comment comprendre ces pratiques ? Existe-t-il un lien entre leur organisation sociale, politique et économique et ces habitudes qui ont marqué l’histoire ? C’est à cette question que nous répondrons avec notre invité, Alban Gautier, qui est professeurs des universités et spécialiste de ces époques.

  • La micro-histoire –  Histoires vraies sur le vif

    La micro-histoire – Histoires vraies sur le vif

    Qui sommes-nous, 100 ans après? A quoi les habitants de ce pays ressemblent-ils en 2018, après deux guerres mondiales, 40 ans de communisme et 30 ans de transition vers le capitalisme? Quels sont les problèmes auxquels ils se confrontent ? Quelles traces ces événements ont-ils laissés sur les différentes générations et ethnies? De quel avenir rêvent-ils ? Mis en œuvre par l’Association roumaine pour la promotion des arts du spectacle, en collaboration avec le Théâtre national radiophonique, le projet « La Micro-histoire. Histoires vraies sur le vif » essaie d’apporter des réponses à toutes ces questions. Lancé en octobre dernier, le projet « Roumanie 100. Histoires vraies sur le vif » est arrivé à sa deuxième édition, qui s’est déroulée début mars. Ses promoteurs ambitionnent de réaliser une archive vivante réunissant des événements de l’existence monsieur et madame tout-le-monde. Un casting est organisé dans ce but, sous forme d’interviews avec les personnes ayant accepté de raconter sur scène une histoire personnelle devant une audience constituée d’une centaine de personnes. Les 13 histoires choisies pour chaque édition ont été archivées sur le site www.microistoria.ro. La directrice de casting Florentina Bratfanof nous parle du choix des finalistes : « Ce sont des personnes que j’ai trouvées suite aux recommandations des gens de mon entourage ou de l’entourage des membres de l’équipe du projet. Le 15 janvier, j’ai commencé à lancer les invitations et à parler avec différentes personnes. La plupart, je ne les connaissais pas. J’ai eu avec elles des entretiens qui ont duré parfois trois ou quatre heures et qui se sont avérés très intéressants. Nous avons raconté des histoires. Notre communication ressemblait à une étreinte, car ces gens-là me racontaient des événements de leur existence et moi – de la mienne ; je voulais apprendre le plus de choses sur l’inconnu qui était devant moi. Les critères ont été le sexe masculin ou féminin, l’âge… Il y a eu aussi des histoires que je peux qualifier de révélatrices. Par exemple celle d’une adolescente de 18 ans, très intéressante pour moi aussi, alors que j’ai deux fois son âge. J’ai privilégié les histoires et la présence scénique, la façon dont ces gens-là racontaient leur histoire. »

    Lors des deux éditions déjà déroulées, c’est le metteur en scène Peter Kerek qui s’est chargé de préparer les finalistes pour la scène, pour le public : « Je leur ai offert la possibilité de se tenir devant un public – en l’occurrence, les autres membres du groupe – et de ne rien faire, de ne rien dire, seulement de penser à quelque chose. Des fois, ces silences duraient jusqu’à cinq minutes. Ensuite, nous avons commencé à les associer à des morceaux de musique et ils se taisaient individuellement ou ensemble et de différentes façons. Nous avons ainsi fermé, pratiquement, la porte de la parole et celle-ci ne s’est rouverte que devant le public. Je voulais qu’ils écoutent leur propre histoire, pour voir ce qui les y intéressait vraiment, et puis travailler sur elle, la voir à leur façon, devenir les auditeurs de leur propre histoire. »Le thème de la deuxième édition de « La Micro-histoire » était « la façon dont ils avaient survécu à la transition du communisme au capitalisme ».

    Dana Vlăsceanu, 36 ans, d’ethnie rom, s’est présentée au casting où elle a raconté la façon dont elle, consommatrice de drogues à l’époque, est arrivée à ouvrir un centre communautaire, pour aider les habitants du quartier défavorisé de Ferentari. Elle a souhaité participer au projet, car elle croit en la force de l’exemple, elle croit que son histoire peut inspirer et motiver les autres : « J’ai beaucoup changé. Ceux qui me connaissent depuis 8 ans l’ont constaté. Je suis la même personne, mais j’ai beaucoup évolué. J’ai voulu apprendre davantage, alors j’ai appris et je continue d’apprendre. J’ai repris mes études, parce que je n’avais fait que 7 années d’études sur les 10 de l’enseignement obligatoire. J’ai voulu être un exemple pour mes enfants. Et mes proches sont très contents pour moi, ils se réjouissent de mes réalisations. Au centre, nous avons commencé à travailler avec les enfants de la communauté. Nous avons organisé toute sorte d’activités: des ateliers, des spectacles pour Noël… Nous nous sommes engagés dans un travail pour la communauté. Les gens du quartier qui sont confrontés à une difficulté et qui ne savent pas à qui s’adresser, viennent nous demander conseil. Ils savent que je peux le faire. »

    Thomas Mendel, 39 ans, est médecin dentiste et croit que les histoires peuvent nous inspirer. En 1988 il a quitté le pays avec sa famille, qui s’est établie en Israël. En 2003, il est revenu en Roumanie. Parmi le grand nombre d’événements qui ont changé sa vie, il a choisi de raconter une histoire de son enfance : « En 1989, ma grand-mère est venue nous visiter en Israël. Dans la matinée, nous sommes allés avec elle au magasin alimentaire du quartier, acheter des choses pour le petit déjeuner. Elle avait à l’époque un peu plus de 50 ans. Elle est restée figée au milieu du magasin et s’est mise à pleurer. J’étais encore enfant et pour moi c’était quelque chose d’incroyable, car elle était une femme de caractère, elle avait tout surmonté et c’était peut-être le premier moment où je me rendais compte combien la vie avait été difficile en Roumanie et combien ces gens-là ont dû souffrir. Je pense que le contraste entre les deux mondes est important. Nous devons comprendre où nous nous trouvons et où nous pouvons être. Pour la vérité et la justice, le prix à payer est grand, et pour la liberté aussi, mais ça vaut la peine de faire des efforts pour les obtenir. Et si l’on s’engage, si l’on fait des sacrifices et si l’on prend des décisions courageuses, on a la chance d’arriver dans un monde meilleur. »

    L’initiatrice et en même temps curatrice du projet « La Micro-histoire » est le critique de théâtre Cristina Modreanu. Elle remarquait, à la fin de cette deuxième édition, qu’une fresque extrêmement diverse d’événements très personnels commençait à s’esquisser, provenant de différents coins du pays, de différentes catégories sociales ou d’âge. A quoi ressemble la Roumanie contemporaine vue à travers les histoires des gens habituels qui y vivent? Cristina Modreanu : « Elle semble plutôt traumatisée par cette période de transition de près de 30 ans, écoulés depuis la révolution anticommuniste. Si je me rapporte à cette période, c’est parce que cette année le thème visait justement la transition post-communiste. Pourtant, des histoires racontées lors de la première édition s’y inscrivent aussi. On y voit donc une Roumanie bouleversée par les événements historiques, une Roumanie où les gens ont essayé de trouver leur voie et où, en grandissant, ils ont tenté de trouver des repères, une Roumanie qui ressemble à un chantier, on pourrait dire, mais aussi, en quelque sorte, pleine d’espoir, pleine d’optimisme et capable de renaître, après n’importe quelle tragédie.»
    (Trad.: Dominique)