Category: Espace Culture

  • L’actrice roumaine Cosmina Stratan à l’affiche du film français « Frère et sœur »

    L’actrice roumaine Cosmina Stratan à l’affiche du film français « Frère et sœur »

    Le public de Roumanie a
    pu voir le film d’Arnaud Desplechin « Frère et sœur », sorti en
    salles à travers le pays au début de cette année. En compétition officielle à
    Cannes en 2022, le film est porté par Marion Cotillard et Melvil Poupaud, les
    interprètes des personnages Alice, qui est actrice, et Louis, qui est poète.
    Eloignés depuis une vingtaine d’années, ils se revoient inévitablement lors de
    la mort de leurs parents. Parmi les autres noms mentionnés au générique de
    « Frère et sœur » on retrouve l’actrice roumaine Cosmina Stratan, déjà
    récompensée en 2012 à Cannes pour sa prestation exceptionnelle dans la
    production « După dealuri/Au-delà des collines », du réalisateur
    roumain Cristian Mungiu.

    Dans le film d’Arnaud Desplechin, Cosmina Stratan incarne
    Lucie/Lucia, une immigrante roumaine

    Elle est aussi la confidente d’Alice. Le
    réalisateur français a aussi invité notre compatriote à rejoindre la
    distribution de son film « Tromperie », mais la pandémie a mis un
    terme à ce projet. Cosmina Stratan nous en donne davantage de détails: « Je
    continuais à regretter le manque de synchronisation, vu surtout la rareté de
    ces occasions quand un réalisateur que vous admirez vous propose de jouer dans
    son film. Seulement, voilà,
    Arnaud Desplechin a compris les raisons de
    mon refus et j’ai eu le sentiment qu’il m’a réservé une place dans son nouveau
    scénario dès le début. Alors, j’ai eu
    moins de trac que d’habitude, parce que je savais que mon personnage était créé
    pour moi. D’ailleurs, je ne peux pas
    dire qu’il a été trop difficile, car, de toute façon, moi je suis une admiratrice
    de
    Marion Cotillard et je n’ai pas eu de mal à le
    jouer. J’ai remarqué que tous les acteurs et mes partenaires de jeu préférés
    réussissent à surmonter rapidement le sentiment d’être mal à l’aise des
    premiers moments. Parce que ce n’est pas facile pour nous, acteurs, de démonter
    cette barrière du début ; en fin de compte, nous ne sommes que des gens
    qui se rencontrent pour la première fois sur un plateau de tournage et il nous
    est impossible d’ignorer la distance qui nous sépare. Mais nous partageons un
    même but, qui est celui de maîtriser nos personnages respectifs au plus vite et
    d’explorer ensemble les différentes situations du film. Avec Marion Cottilard,
    ce processus s’est passé très naturellement, elle a souhaité surmonter cette
    distance et nous avons très bien collaboré. Il y a eu de la synchronisation et
    ça nous a beaucoup aidé, surtout qu’on est presque submergé par les émotions
    quand on travaille avec une personne qu’on admire beaucoup. »


    Originaire
    de la ville d’Iaşi (est de la Roumanie), Cosmina Stratan a fait des études de
    journalisme et a rejoint la rédaction de la revue « Opinia
    studenţească ».

    En 2008, elle a choisi d’étudier l’art de l’acteur à
    l’Université d’art théâtral et cinématographique de l’Université de Bucarest.
    Après avoir joué dans plusieurs courts-métrages, Cosmina Stratan a campé le
    rôle de Voichița, une jeune none qui revoit l’amie de son enfance, dans le film
    « După dealuri/Au-delà des collines » du réalisateur roumain Cristian
    Mungiu. Ce rôle lui a valu le prix de la meilleure actrice au Festival du film
    de Cannes. Le réalisateur français Arnaud
    Desplechin a quant à lui déclaré avoir choisi Cosmina Stratan pour le rôle de
    Lucie dans son film « Frère et sœur », grâce à sa prestation dans la
    production roumaine. Cosmina Stratan revient au
    micro de RRI : « Ce
    rôle est, je trouve, un tournant pour moi, même s’il m’a été proposé au début
    de ma carrière. Un tournant, car « După dealuri » a été mon premier
    film important et mon premier emploi payé en tant qu’actrice. A la fac, nous
    faisions des tas d’exercices avec nos collègues étudiants de la section
    Réalisation de film, mais ces rôles n’étaient pas payants. Dans mon cas, tout
    est arrivé ensemble, le premier emploi payant, le premier rôle principal et le
    Prix de la meilleure actrice à Cannes. Ce fut une confirmation que je cherchais
    d’ailleurs, car le métier d’acteur a aussi des inquiétudes. Nous avons besoin
    d’un retour, d’une réponse pour que je sache si j’étais au bon endroit. Car
    j’avais essayé de faire un autre métier, devenir actrice a été ma seconde
    option et le rôle dans « Au-delà des collines » m’a énormément aidée.
    Cette reconnaissance professionnelle, à travers la visibilité du film et de mon
    personnage, m’a aidée à poursuivre ma carrière et m’a fait espérer que j’allais
    jouer dans d’autres films. D’une certaine manière, cette histoire m’a rassurée
    que je me verrai proposer d’autres films aussi. Parce que je ressentais cette
    anxiété ressentie par pas mal d’acteurs au début de leur chemin professionnel,
    surtout s’ils sont indépendants et ne font pas partie de la troupe d’un théâtre
    quelconque. Au début, imaginer l’avenir est assez compliqué. »



    Cosmina Stratan a aussi joué dans le
    court-métrage « Interfon 15 », écrit et réalisé par Andrei Epure et
    présenté à Cannes en 2021, dans le cadre de la Semaine de la Critique. (Trad.
    Ileana Ţăroi)

  • L’exposition de sculpture « Andezit 10 »

    L’exposition de sculpture « Andezit 10 »

    La galerie
    d’art Simeza de Bucarest a accueilli au mois de novembre l’exposition de groupe
    itinérante « Andezit 10 ». La présentation dans la capitale roumaine
    est en fait la dernière étape d’un périple, à travers la Roumanie, des
    créations de dix artistes visuels reconnus. Les sujets sont groupés autour du
    thème central « Via Transilvanica – La route qui unit », faisant
    référence au trajet touristique de 1.400 kilomètres qui traverse la Roumanie,
    depuis le monastère de Putna (dans la province de Moldavie, au nord-est) à la
    ville de Drobeta-Turnu Severin (au sud-ouest du pays). Certaines des bornes
    kilométriques sur le trajet sont réalisées en andésite (une roche magmatique
    produite par l’éruption d’un volcan).

    Lors du vernissage, le sculpteur et
    initiateur du projet, Maxim Dumitraș, a expliqué comment l’exposition
    accueillie par la galerie Simeza est née et comment le groupe d’artistes s’est
    formé: « L’idée
    de cette exposition est née lors d’un symposium de sculpture monumentale Via
    Transilvanica, quand chaque artiste a réalisé cinq ou six bornes kilométriques.
    Or, tous les dix avaient participé à ce symposium. Nous avons choisi l’andésite
    comme matériau et chacun de nous a proposé des projets personnels, qui, je
    pense, vont acquérir aussi une dimension monumentale avec le temps. Moi, j’ai
    rassemblé l’équipe sur la base de ce travail sur l’andésite, qui est une roche
    très dure, plus dure que le granite. Il fallait, tout naturellement, de
    l’expérience pour travailler ce matériau et l’on est passé à la sélection des
    artistes. Chacun a donc réalisé 6 bornes, sur un projet personnel. L’exposition
    a été présentée au Musée d’art comparé de Sângeorz-Băi, à Baia Mare, à Sighetu
    Marmației, à Bacău, à Iași et maintenant le cycle d’une année prend fin à la
    galerie Simeza de Bucarest. Les pièces, nous les avons travaillées sur la
    colline de Via Transilvanica, pour les exposer ensuite le long du trajet. La
    réalisation de l’exposition a toujours pris en compte la salle allouée. »



    Maxim
    Dumitraș a ensuite parlé du travail de l’andésite, une roche dure, difficile à dompter: « C’est une
    technique particulière, qui emploie des disques spéciaux, parce qu’on ne peut
    pas jouer avec certains matériaux. La roche est très dure, mais quand la
    sculpture est finie, c’est fantastique. Je l’ai utilisée pour la première fois
    dans le circuit des sculptures il y a une dizaine d’années ; on a aussi
    beaucoup travaillé lors des symposiums. Cette roche résiste bien au passage du
    temps, aux intempéries. Ce qui est également intéressant c’est qu’on peut
    l’utiliser de la structure du gri jusqu’à celle sur-façonnée, qui rappelle le
    verre. »



    L’artiste
    visuel Bogdan Pelmuș, dont plusieurs créations sont présentées à la galerie
    Simeza, a parlé de sa participation au projet « Andezit 10 »: « Moi, je n’ai
    pas fait des études de sculpture, en fait j’ai étudié la peinture, mais j’ai
    trouvé intéressant de travailler sur un objet. Personnellement, je travaille
    sur un objet, sur la vidéo et d’autres médias. Et puis, le matériau, je l’ai
    aussi trouvé très intéressant, parce qu’il est très dur, très lourd, pouvant
    mener à un résultat final contraire de ce qu’on a cherché. Tout dépend de
    comment on joue avec lui. »



    Quels sont
    les ouvrages de Bogdan Pelmuș exposés à la galerie Simeza? « Ce sont deux pièces intitulées « Zbor/L’envol »
    et deux dessins, qui s’approchent d’une certaine manière de l’idée de dualité,
    de recherche intérieure, de trésor, d’enfance. Comment, en tant qu’adulte,
    peut-on faire ressortir des idées de son être le plus profond. »



    Présent au
    vernissage, le président de l’Union des Artistes plasticiens (UAP), Petru
    Lucaci, a déclaré, à son tour: « C’est magnifique tout ce qui se passe ici. Le fait
    d’assister à un tel déploiement de forces est un défi pour les sculpteurs et
    pour nous, car nous pouvons parler même de force. L’andésite est une roche très
    dure. J’ai regardé les sculpteurs lors des symposiums et j’avoue avoir été
    impressionné par le type d’effort qu’ils assument afin d’identifier dans le
    bloc de pierre une image, une idée, une forme, un message. Les ouvrages sont
    intéressants, le groupe est homogène, mais nous pouvons y identifier de
    nombreuses personnalités différentes, car il s’agit d’artistes aguerris, avec
    une grande expérience du travail dans des colonies artistiques et avec de tels
    matériaux. Celui-ci est inédit, et sa force d’expression est très particulière.
    Nous avons l’habitude des colonies de pierre blanche de Viștea, avec un
    calcaire plus délicat, plus malléable, plus facile à dompter. L’andésite est
    tout le contraire, un défi extraordinaire avec un effet frappant. »



    Petru Lucaci
    a ensuite abordé le concept du projet, dont les commissaires sont les artistes eux-mêmes: « Je trouve
    que l’exposition a de la logique et de la force, elle est aussi unitaire, car
    ceux, qui s’y sont associés, se connaissent très bien les uns les autres,
    savent quel est leur potentiel individuel et celui du matériau employé. Et je
    crois qu’ils ont trouvé la meilleure formule de mettre en œuvre leurs idées. »



    Quel est le
    bilan sur 2023 de l’UAP? Qu’est-ce que l’Union prépare à l’intention du public?
    Le président Petru Lucaci répond: « Pour l’instant, nous essayons de dresser le bilan du Salon
    national d’art contemporain, un événement d’envergure selon moi. Il a été
    accueilli dans quinze espaces différents, dont certains de grandes dimensions,
    par exemple les huit galeries d’exposition aménagées dans les anciennes salles
    de production du Combinat du fonds des plasticiens, qui s’est transformé en un
    hub culturel. Très probablement, le plus grand de Roumanie, où se passent des
    choses extraordinaires, que les galeries de la ville, de moindres dimensions,
    ne peuvent héberger. Le tout nouveau siège de l’UAP a aussi une galerie d’art
    au rez-de-chaussée et l’exposition mise en page là-bas, nous essayons de la
    montrer au plus grand nombre dans un contexte plus officiel, au moment de
    l’inauguration du bâtiment. C’est pour la première fois que l’Union a sa propre
    maison, pour ainsi dire, et ça c’est extrêmement important. »
    , a conclu le président de l’Union
    des Artistes plasticiens (UAP), Petru Lucaci. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Le projet « Accelerator »

    Le projet « Accelerator »

    En octobre
    dernier, l’art contemporain a mis le point final à la compétition visant
    l’obtention de financement européen. Un des programmes censé aider et
    promouvoir l’art contemporain s’intitule « Accelerator, mentorat et
    production pour les artistes émergents » et il est mis en œuvre par
    l’association culturelle « Eastwards Prospectus » (ACEP). Conçu en
    tant qu’incubateur, le programme a pour mission de soutenir dix artistes en
    début de carrière, en mettant à leur disposition les outils nécessaires pour
    une approche stratégique, intégrée et durable de leurs carrières artistiques.

    Dix artistes en début de carrière

    La Galerie GAEP compte parmi les partenaires importants du Projet
    « Accelerator » et son directeur, Andrei Breahnă, qui est aussi le
    manageur du projet et président de l’ACEP, en donne davantage des détails: « Le Projet Accelerator, ce programme de mentorat et de production pour
    les artistes émergents, touche à sa fin, au bout de deux années de travail et
    pas mal d’aventures, on va dire. La dernière étape, déroulée cet été, a été
    consacrée au projet d’art dans l’espace public. Après les sessions de mentorat
    à la galerie et l’exposition accueillie, pendant trois mois, par la Galerie G4
    et enrichies de nombreux événements connexes, nous avons mobilisé nos forces
    pour préparer cette étape d’art dans l’espace public, à laquelle ont participé
    sept des dix artistes participants. Leur approche a été suffisamment flexible,
    car nous n’avons pas voulu quelque chose de rigide, ni de thématique imposée.
    Pratiquement, à l’étape de mise en page du projet, nous avons décidé de leur
    proposer l’idée de travailler avec des communautés et de trouver, en fait, des
    espaces habités d’une manière ou d’une autre par des communautés et d’essayer
    de créer à travers leurs ouvrages un lien entre ces espaces publics et les gens
    qui y habitent. »


    Une grande diversité d’ouvrages



    Quelles créations
    le Projet « Accelerator » a-t-il engendrées ? Andrei Breahnă répond:
    « Nous avons obtenus une grande diversité d’ouvrages, notamment dans la
    zone expérimentale. D’ailleurs, nous les avons fortement encouragés à
    expérimenter. Pour vous donner un exemple, une artiste islandaise, mentor dans
    le cadre du projet, est venue en Roumanie pour deux jours. Spécialisée en
    projets d’art dans l’espace public, elle nous a présenté quelques ouvrages
    particulièrement ambitieux, durant un voyage d’étude en Islande. Un des
    ouvrages, qui a été présenté à Bucarest, Timișoara et Cluj, était une création
    expérimentale composée d’une boule de craie que l’on lançait et qui dessinait
    ainsi une ligne visible ou invisible entre différentes zones de la ville.
    L’idée était de montrer que nos villes, du moins les grandes agglomérations,
    sont des espaces géographiques étendus, où, très souvent, il existe des quartiers
    entiers sans accès à la culture, où il faut parcourir de très longues distances
    afin d’accéder à un espace culturel. Alors, les artistes ont imaginé ce lien
    qui s’est mis en place d’une façon extrêmement concrète, car chaque artiste
    participant a fait rouler cette boule de craie, créant ainsi un lien direct
    entre les espaces des villes. Donc cette idée d’interaction a été très
    intéressante. »


    Incursion sonore à Oltenita



    Le directeur
    de la Galerie GAEP, Andrei Breahnă, a également parlé d’une autre création
    réalisée dans le cadre du Projet « Accelerator », une œuvre sonore
    cette fois-ci, exécutée dans la ville d’Oltenița (sud de la Roumanie). Il s’est
    aussi attardé sur les difficultés rencontrées durant la mise en œuvre du projet: « Nous avons eu, par exemple, un ouvrage sonore à Oltenița. Une des
    artistes participants au projet, Alina Ion, qui est originaire de cette ville,
    a imaginé une promenade durant laquelle elle raconte au flâneur, via des audioguides, la ville de son enfance. Il faut dire,
    d’ailleurs, qu’Oltenita est une très intéressante ville-port sur le Danube. Une
    autre création à caractère semi-permanent, signée par Maria Mandea, se trouve à
    peu près devant le cinéma Gloria, dans l’arrondissement 3 de Bucarest. C’est
    lié à son étude sur le jeu, la notion de propriété, d’habitation, d’espace. Là
    aussi, nous avons ajouté un événement, avec des jeux auxquels les passants ont
    été invités à participer. Ce fut donc tout une aventure, surtout si l’on pense
    au fait que nous n’avions jamais réalisé de tels projets. Il a fallu beaucoup
    interagir avec les pouvoirs locaux, afin d’obtenir les autorisations
    nécessaires. Cela nous a permis de constater et, malheureusement, de nous
    confronter à un vide législatif, puisqu’il n’existe pas, en Roumanie, une
    législation concernant l’art dans l’espace public, aussi bien du point de vue
    du monument que de celui de l’événement. En fin de compte, nous avons réussi à
    atteindre notre objectif, en impliquant plusieurs villes, en interagissant avec
    plusieurs types de communautés et en impliquant les artistes. Nous avons
    cherché à ajouter cette dimension de l’art à l’espace public, car nous avons
    voulu ajouter une dimension bien plus accessible à l’art contemporain. »


    Le projet va continuer

    Andrei
    Breahnă a enfin fait savoir que le projet allait continuer : « Le projet ne s’arrête pas là. Sa beauté vient du fait qu’il repose sur
    un besoin très concret, à savoir offrir une dimension stratégique aux artistes
    qui ont fini leurs études et qui ont déjà une pratique artistique, leur montrer
    le fonctionnement du système d’art contemporain, du marché de l’art, le
    fonctionnement de l’art dans l’espace public, la façon de communiquer dans le
    cadre de la pratique artistique et de travailler avec un commissaire
    d’exposition. Le projet continue, donc, et personnellement je souhaite que
    cette série d’accélérateurs constitue un élément de l’identité de notre
    association. »
    , a conclu Andrei Breahnă, manageur du Projet « Accelerator »,
    président de l’association culturelle « Eastwards Prospectus » (ACEP)
    et directeur de la Galerie GAEP. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • L’actrice Dorina Lazăr – rôle principal dans le plus récent film de Radu Jude

    L’actrice Dorina Lazăr – rôle principal dans le plus récent film de Radu Jude

    Dorina Lazăr est une des actrices les plus appréciées de Roumanie, aussi bien par le public que par les critiques de cinéma. Avec une riche carrière faite de dizaines de rôles de théâtre, film et télévision, DorinaLazăr a reçu cette année le Prix d’excellence accordé par Radio Roumanie Culture/Radio România Cultural. Durant une vingtaine d’années, elle a également assumé la direction du Théâtre Odeon, de Bucarest, un poste dont elle s’est servi pour, entre autres, soutenir les jeunes artistes et parier sur les productions innovantes. À 83 ans, Dorina Lazăr est de nouveau au premier-plan théâtral et cinématographique, grâce à deux rôles remarquables : le premier est le rôle principal dans la pièce de théâtre « Neliniște/Inquiétude », d’Ivan Vîrîpaev, dont la mise en scène appartient à Bobi Pricop ; le second est également un rôle principal, mais cette fois-ci dans le plus récent film du réalisateur Radu Jude, « Nu aștepta prea mult de la sfârșitul lumii/ N’attends pas trop de la fin du monde », gagnant du Léopard d’argent- Prix spécial du jury, de la Mention du jury œcuménique et du Premier prix du jury jeune au Festival international du film de Locarno.



    Cette production, proposition de la Roumanie à l’Oscar du meilleur film international 2024, est une satire qui se moque du nouveau capitalisme roumain.Ce road-movie contemporain met en scène un personnage féminin, Angela, interprétée par Ilinca Manolache, qui traverse un Bucarest bondé et hostile, il raconte aussi le drame d’un homme paralysé à la suite d’un accident du travail, mélangé à une comédie sur le tournage d’un film de Santé Sécurité au travail. Dans une interview pour RRI, Dorina Lazăr a parlé de son rôle dans le film « Nu aștepta prea mult de la sfârșitul lumii/ N’attends pas trop de la fin du monde/Do Not Expect Too Much From The End Of The World », dans lequel sont insérées, dans une sorte de dialogue avec le temps présent, des scènes de la production « Angela merge mai departe/Angela va de l’avant » réalisé par Lucian Bratu en 1982, avec Dorina Lazăr dans le principal rôle féminin.



    C’était une expérience professionnelle particulièrement agréable et un honneur pour moi. J’ai été très contente de rencontrer Radu Jude et de tourner avec lui. J’ai travaillé avec une équipe superbe, je pense surtout aux acteurs, pleins de talent et tellement appliqués. « Angela merge mai departe/Angela va de l’avant » est un très bon film, que je vous recommande très chaleureusement de voir. Il résiste à l’épreuve du temps, bien qu’il ait été réalisé sous le régime communiste. Tous les acteurs en sont très bons et le réalisateur Lucian Bratu a eu une approche pleine de délicatesse du scénario écrit par Eva Sîrbu. En fait, mon rôle avait été écrit pour une autre actrice, Rodica Tapalagă, mais elle ne conduisait pas et on en a cherché une autre, qui ait le permis de conduire. Moi, je prenais ma voiture tous les jours et donc j’ai été choisie pour interpréter le rôle d’Angela. Et ça a été parfait pour l’équipe du film, car le tournage a été particulièrement difficile. Maintenant, pour revenir au film de Radu Jude, je remercie le réalisateur d’avoir fait preuve de tant de délicatesse, c’était extraordinaire pour moi de tourner les scènes avec mon ancien partenaire László Miske, dans le même appartement où nous avons filmé « Angela va de l’avant ». Et pendant le tournage, j’ai remarqué sur des étagères, des photos de moi et de László Miske, prises il y a quarante ans, durant le tournage d’ « Angela va de l’avant ». Je n’ai pas de mots pour vous dire mon plaisir, à quel point je me suis sentie mise en valeur. C’est un vrai plaisir de travailler avec Radu Jude. En plus, il réussit à se débrouiller, quelle que soient les circonstances., a raconté Dorina Lazăr.



    « Neliniște/Inquiétude » est la quatrième pièce de théâtre d’Ivan Vîrîpaev – dramaturge, metteur en scène, réalisateur, producteur et acteur russe, qui vit en Pologne. Son travail artistique n’est plus visible dans son pays natal, car frappé d’interdiction en raison de sa position contre la guerre en Ukraine.


    La pièce « Inquiétude » est mise en scène par Bobi Pricop au Théâtre Odeon, de Bucarest. « Tout comme la vie, le théâtre provoque de l’inquiétude; chacun de nous est un nœud d’inquiétudes diverses, que l’art, sous toutes ses formes, essaie de et, parfois même, réussit à dénouer », déclare le metteur en scène Bobi Pricop, selon lequel le rôle joué par Dorina Lazăr « est absolument incroyable de force et de vérité scénique écrasante».


    Dorina Lazăr, interprète du rôle de l’écrivaine Ula Richter, affirme que:



    Quand j’ai invité le metteur en scène Bobi Pricop à monter un spectacle au Théâtre Odeon, c’était l’année dernière et moi, j’étais encore la directrice de l’établissement. J’avais dit à Bobi Pricop de nous proposer des choses et il est venu avec cette pièce, « Inquiétude », de Vîrîpaev. J’ai posé la question de la distribution des rôles et il m’a dit que j’allais interpréter le rôle principal. J’ai tout de suite dit non. Pour deux raisons : premièrement, j’ai l’âge que j’ai et on ne sait jamais quand le moment arrive, c’est pourquoi je ne voudrais pas que le théâtre mette de l’argent dans un spectacle qui ne pourrait plus être joué après. Et puis, il peut arriver que je perde la mémoire, or il est très difficile de trouver un remplaçant pour un tel rôle. Mais quand j’ai lu la traduction du texte – je l’avais déjà lu en anglais – je me suis rendu compte que je l’aimais beaucoup et que je voulais ce rôle, coûte que coûte. Et me voilà donc engagée dans ce voyage, avec cinq autres acteurs, que des vedettes de la scène.



    Nicoleta Lefter, Niko Becker, Alexandru Papadopol, Mihai Smarandache et Gabriel Pintilei ont complété la distribution du spectacle avec la pièce « Inquiétude », sélectionné à la plus récente édition du Festival national de théâtre. (Trad. Ileana Ţăroi)






  • La traductrice Lora Nenkovska, invitée aux ateliers FILIT

    La traductrice Lora Nenkovska, invitée aux ateliers FILIT

    Produit de la collaboration
    entre le Musée national de la littérature roumaine Iaşi et le Mémorial Ipoteşti
    – Centre national d’études Mihai Eminescu, les ateliers FILIT, arrivés à leur
    neuvième édition, ont précédé, comme à l’accoutumé, le Festival international
    de littérature et traduction Iași – FILIT. Lora Nenkovska, agrégée de langue et
    de littérature roumaine à l’université « Kliment Ohridski » de Sofia,
    est aussi une excellente traductrice bulgare de littérature roumaine et une
    participante de longue date aux ateliers FILIT. Au micro de RRI, elle a donné
    son avis sur ces ateliers, dont le but affirmé est de soutenir la coopération
    culturelle, la mise en lumière du patrimoine et de la création contemporaine à
    une échelle internationale.

    Avant tout, j’oserais dire
    que ce genre d’événements est vital pour nous, traducteurs. Il est très
    important que nous puissions nous rencontrer et parler de nos projets et de nos
    questions professionnelles. La traduction est un apprentissage permanent, un
    processus qui ne s’arrête jamais, tout comme ma carrière universitaire ;
    nous sommes une sorte d’étudiants qui ne cessent jamais d’apprendre. Et c’est
    un choix personnel, le fait d’apprendre, de chercher, de lire. En ce qui me
    concerne, j’aime me connecter à ce que font mes collègues étrangers, chacun ayant
    son propre goût en matière de littérature, aux traductions qu’ils sont en train
    de réaliser, aux nouveautés qu’ils ont découvertes, car c’est ainsi que nos
    échanges deviennent particulièrement intéressants. En plus, ce que j’aime
    beaucoup dans ces ateliers c’est que nous avons aussi droit à des conférences
    passionnantes, comme celles tenues récemment par des écrivains et des critiques
    littéraires tels Bogdan Crețu, Doris Mironescu, Florin Bican, Ioana Both, Radu
    Vancu. Le contenu de ces présentations intéresserait, je crois, tout un chacun
    qui lit ou étudie la littérature roumaine. La plupart de ces conférences, qui
    ont été plutôt théoriques, ont voulu nous faire mieux comprendre, plus en
    profondeur, la littérature roumaine. Bogdan Crețu nous a parlé du prince
    encyclopédiste Dimitrie Cantemir, un sujet que j’ai beaucoup apprécié, car
    j’aime énormément le livre de Cantemir « La Licorne aux portes de l’Orient ».
    Il est donc vital pour moi de me connecter aux préoccupations professionnelles
    de mes collègues, d’échanger des opinions, de parler des livres que nous traduisons,
    des dernières parutions de littérature roumaine. Nous sommes, si vous voulez,
    une petite société internationale qui parle roumain et discute de la
    littérature roumaine.


    Lora Nenkovska a traduit en bulgare des œuvres de Matei
    Vișniec, Petru Cimpoeşu, Mircea Eliade, Dan Lungu, Claudiu Komartin, Elena
    Vlădăreanu, Simona Popescu, Ioan Es. Pop, Max Blecher, Andreea Răsuceanu. Depuis
    quelques années, elle a aussi traduit des extraits de romans écrits par les
    autrices nommées aux Prix Sofia Nădejde de la littérature féminine. Lora
    Nenkovska a également parlé sur RRI de sa passion pour la littérature roumaine
    et de l’accueil favorable de la part du public bulgare: Ma rencontre avec la littérature roumaine a
    été un pur hasard. Je suis arrivée en Roumanie en 2003, par le biais
    d’une bourse d’études. A l’époque, j’étudiais des langues des Balkans – le grec
    et le néogrec, l’albanais, le serbo-croate et le roumain. Comme vous le savez, à
    cette époque-là, il était quasi impossible de sortir de Bulgarie pour étudier
    une langue étrangère. Mais une possibilité s’est créée et j’ai passé un mois à
    Timișoara, où ma coordinatrice a été l’écrivaine Adriana Babeți et tout a été
    magnifique. La plupart de mon temps, je l’ai passé à la faculté, mais j’ai également
    eu la chance d’assister à plusieurs spectacles de théâtre, présentés dans le
    cadre d’un festival pour les étudiants. J’y ai vu pour la première fois des
    pièces de Matei Vișniec et je me suis dit que si un dramaturge d’une telle qualité
    existait dans cette littérature, il était impératif de mieux la connaître.
    C’est comme ça que, avant de rentrer dans mon pays, j’ai acheté un grand nombre
    de livres, pratiquement une bibliothèque entière. Je me suis donc mise à lire
    de la littérature roumaine, que je trouve très vivante et diverse ; et les
    découvertes ne s’arrêtent pas. J’aime aussi, et beaucoup, l’attention portée
    aux questions sociales. En tant que traductrice, je suis très intéressée par
    cet aspect, par le sujet du livre, car je ne regarde pas un texte uniquement du
    point de vue du style. Et puis, la littérature écrite par des femmes
    m’intéresse aussi.


    La dernière traduction en bulgare d’un livre roumain, signée
    par Lora Nenkovska, est celle du roman « Le vent, l’esprit, le souffle »
    (« Vântul, duhul, suflarea ») d’Andreea Răsuceanu, parue aux éditions
    bulgares ICU Publishing. La traductrice prépare aussi une étude consacrée aux
    traumatismes abordés dans la littérature roumaine contemporaine écrite par des
    femmes. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • “N’attendez pas trop de la fin du monde” de Radu Jude

    “N’attendez pas trop de la fin du monde” de Radu Jude

    Chef-d’œuvre de collage et de montage,
    dramatique et comique à la fois, le dernier titre du cinéaste roumain, Radu
    Jude, N’attendez pas trop de la fin du monde représente la proposition de la
    Roumanie aux Oscars du meilleur film étranger en 2024. La comédienne Ilinca
    Manolache și l’acteur amateur Ovidiu Pîrșan sont les protagoniste de ce long
    métrage récemment sorti en salle, en Roumanie. Présenté en première au Festival
    international de film de Lucarno, le film a été récompensé du Prix du jury, de
    la Maintien du jury oecuménique et du Prix du public jeune.

    Considéré comme l’un des cinéastes les plus
    importants du moment, Radu Jude fait ses débuts en 2009 quand son premier long
    métrage, La Fille la plus heureuse du monde décroche le prix de la
    Confédération internationale des cinémas d’art et d’essai à la Berlinale. En
    2015, son film Aferim est sélectionné en compétition officielle au 65e
    festival international du film de Berlin et obtient l’Ours d’argent du meilleur
    réalisateur. En 2018, le film Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme
    des barbares est couronné par le Globe de cristal du Festival de Karlovy Vary.

    Dans un article sur la publication en ligne
    les Inrockuptibles, Robin Vaz affirme et nous citons En montant ces séquences
    avec des extraits d’un film produit dans les années 1980 sous la dictature de
    Ceaușescu et à la gloire d’une chauffeure de taxi modèle, le cinéaste met en
    perspective le pouvoir économique d’aujourd’hui avec le pouvoir politique
    d’hier. Dans les deux cas, les images dominantes reposent sur des mécanismes pervers
    qui dépouillent les plus démuni·es de leurs propres reflets, paroles et
    histoires. Par le zoom et le ralenti, Jude exhume alors du fond de la pellicule
    des figures du lumpenprolétariat que la censure avait tenté de dissimuler
    derrière le visage d’une brave travailleuse héroïque.



    En octobre dernier, lors d’une conférence de
    presse, la Roumanie annonçait sa proposition aux Oscars. Invités aux micro de
    RRI, le réalisateur Radu Jude et la protagoniste, Ilinca Manolache, se penchent
    sur l’avatar numérique créé dans le film.

    Ce film se nourrit de mon désir de mettre à
    profit ma frustration envers ce type de dynamique si présente dans la société
    roumaine. Moi, j’avais déjà travaillé avec Ilinca pour des rôles secondaires et
    je voulais absolument lui offrir un rôle principal. J’ai été séduit par l’idée
    de cet avatar car il m’a permis de formuler des critiques d’une manière très
    intelligente. Après, les collages ont ouvert plusieurs voies à l’exploration.Et
    puis, enfin, j’ai tenté de répondre à travers ce film à la question qu’est ce
    que c’est qu’une image? Qu’est-ce qu’une image représente-t-elle en rapport
    avec la réalité? Qu’est ce que l’humanité perd avec toutes ces images
    virtuelles qui ont le vent en poupe, avec l’Intelligence artificielle qui rend
    les choses parfois plus compliquées. Il y a une certaine énergie qui se
    dégagent de toutes ces plateformes en ligne qui nous renvoient au début du
    cinéma.




    Effectivement, Robin Vaz affirme sur le même
    site les Inrockuptibles que tous ces
    collages déconstructivistes de Radu Jude évoquent les films de Godard, tout en
    se parant d’un humour dévastateur. Comment le cinéaste a-t-il construit ce
    film, et comment a-t-il fait pour insérer
    la partie en noir et blanc datant des années 1980?


    A parler de tous ces extraits du film en noir
    et blanc, les choses se sont construites pas à pas, parce que même le projet,
    dans son ensemble, il s’est construit pas à pas. Je n’ai pas eu dès le départ
    l’idée de faire un montage qui mélange le fil principal à l’histoire d’un avatar
    et aux images en noir et blanc extraites du long-métrage de Lucian Bratu,
    Angela avance. Tout cela est venu au fur et à mesure que le projet avançait.
    Nous avons décidé de tourner non seulement en noir et blanc, mais aussi sur une
    pellicule cinématographique d’une largeur de 16 mm, par souci de faire une
    sorte d’expérience en voie de disparition
    .






    Comment Ilinca Manolache a-t-elle reçu la
    proposition de faire un tel rôle?


    Pour moi, le plus important a été de rester
    attentive à tout ce que Radu voulait de moi, à me concentrer sur les choses
    qu’il me prétendait à faire. Quand j’ai lu le scénario, je m’y suis retrouvée,
    donc, le personnage était assez proche de moi. Je suis tellement fière d’avoir
    fait ce rôle qui me représente beaucoup que j’avoue que parfois, il m’arrive de
    me poser la question: et maintenant, comment ma carrièreva évoluer? Est-ce que
    l’avenir pourrait-il m’apporter un autre rôle tout aussi important que celui du
    film de Radu?




    Interrogé sur sa participation, l’acteur
    amateur Ovidiu Pîrșan a ajouté:


    Pour moi, ce projet reste ma plus belle
    expérience de vie. C’est pour la première fois que j’ai joué dans un film et je
    suis comblé. Quant à mon personnage, je l’ai vite incarné, car, je ne sais pas
    si vous le savez, mais moi, dans ma vraie vie, je suis vraiment immobilisé dans
    un fauteuil roulant. Donc, en quelque sorte, j’ai porté à l’écran ma propre
    histoire, mais d’une manière différente
    . (trad. Ioana Stancescu)

  • La banlieue bucarestoise à l’entre-deux-guerres…

    La banlieue bucarestoise à l’entre-deux-guerres…

    En septembre dernier, le Musée de la capitale roumaine a inauguré une
    exposition qui invite les visiteurs à une incursion dans l’histoire de
    Bucarest, de 1918 à 1939, soit durant les années qui ont séparé les deux
    guerres mondiales. Jusqu’au mois de novembre, le public est attendu au Palais
    Sutu, au centre-ville historique, pour découvrir des « Aspects de la
    banlieue bucarestoise de l’entre-deux-guerres ». Capitale de la Roumanie,
    Bucarest est, avec ses 2 millions d’habitants, le centre industriel et
    commercial le plus important du pays, principal pôle artistique, culturel et
    médiatique de chez nous. Attesté pour la première fois en 1459, il devient
    en 1862 capitale des Principautés roumaines de Valachie et de Moldavie.

    Pour
    plus de détails sur certains aspects liés à l’histoire de Bucarest de l’entre-deux-guerres,
    nous avons interrogé le muséographe et commissaire d’exposition, Cezar Petre Buiumaci:


    « L’idée d’une telle exposition est venue de la nécessité de
    présenter au public les transformations de la capitale au fil des années,
    notamment entre les deux guerres quand elle a subi l’une des plus grandes
    expansions territoriales. Cet accroissement s’explique par le fait que Bucarest
    est resté une cité ouverte, accueillante, malgré les tentatives de limiter son
    extension géographique et démographique. Le fait d’avoir fixé la capitale de la
    Valachie au bord de la Dambovita avant de faire de cette même ville capitale
    des Principautés unies et plus tard, de la Roumanie, a créé un véritable mirage
    qui n’a pas cessé de séduire les gens. Voilà pourquoi, Bucarest a attiré des
    allogènes qui s’y sont installés avec leur propre bagage culturel, en
    transformant la ville en une métropole multiculturelle. Mais puisque la plupart
    des étrangers qui y arrivaient étaient moins fortunés, ils optaient pour des
    quartiers périphériques, en contribuant de cette manière à l’élargissement de
    la ville ».


    Le Musée de la capitale roumaine possède une série de photographies de la
    banlieue bucarestoise, plus précisément des zones vers lesquelles la ville
    allait s’élargir et qui ont disparu durant la deuxième partie du siècle
    dernier.

    Qu’est-ce que le muséographe Cezar Buiumaci s’est-il proposé à réaliser à travers
    cette exposition mise en place à l’aide des ressources issues du patrimoine du
    Musée?


    « J’ai essayé et j’espère avoir réussi à réaliser un miroir de
    la périphérie urbaine d’une ville en plein essor. La dynamique de Bucarest est
    unique dans le paysage roumain, son élargissement étant constant – d’où le
    permanent changement auquel nous assistons. Si au 17e siècle la ville
    s’arrêtait vers la zone de l’actuelle Place de l’Université, au début du 19e
    siècle elle arrivait jusqu’à la zone où se trouve aujourd’hui l’Athénée
    roumain, pour arriver à la fin du 19e siècle à la Place de la
    Victoire, en suivant une route circulaire périphérique sur un parcours reliant
    les principales gares de la ville. Pour mieux comprendre le phénomène de la croissance
    géographique de Bucarest, il faut aussi fouiller dans les données statistiques.
    Celles-ci présentent les données démographiques suivantes : en 1831,
    Bucarest recensait environ 60 000 habitants. En 1859 le nombre d’habitants en
    avait doublé. En 1878 on a le triple, pour arriver à 230 000 habitants à la fin
    du 19 siècle et à 300 000 au début du 20e. En 1930, c’est-à-dire au
    milieu de l’entre-deux-guerres, Bucarest comptait 640 000 habitants, puis
    1 million – au milieu du siècle passé et le double dans les années 1980. »




    Et alors, que peut-on voir concrètement dans le cadre de cette exposition
    proposée par le palais Suțu ? Cezar Buiumaci nous guide :


    « Notre exposition présente la périphérie de la ville,
    selon un itinéraire qui suit la route mentionnée antérieurement, avec tout ce
    qui se trouvait à ce moment-là à l’extérieur de ce boulevard périphérique, à
    savoir des zones qui allaient être démolies et qui avaient été documentées sur
    demande de l’administration locale par les grands photographes de l’époque. Il
    s’agit de 60 photographies, donc 60 clichés montrant des aspects de la vie dans
    ces quartiers-là. On peut voir les anciens troquets, les rues avant d’être asphaltées,
    les grands boulevards qui marquaient la sortie de la ville avant d’être pavés
    et des zones qui sont carrément méconnues aujourd’hui. On peut aussi y voir les
    gens se baigner dans les lacs ou laver leurs animaux et leurs automobiles. On
    les voit sortir la glace de l’étang durant l’hiver pour mettre à froid les
    aliments pendant l’été. On voit aussi comment l’on ferrait les chevaux ou l’on
    faisait pâtre les moutons dans la zone connue aujourd’hui comme Calea Plevnei
    (pas loin du centre-ville actuel). C’est ce type d’images que nous exposons.
    Elles avaient été commandées par la municipalité pour présenter la périphérie
    de la capitale de cette époque-là. ».




    Voilà donc, une belle occasion de voir la capitale telle qu’elle était il y
    a des décennies et à réfléchir à son évolution passée et future. A découvrir au
    Musée de la ville de Bucarest. (Trad. Ioana Stancescu, Valentina Beleavski)

  • “Mammalia”, un drame surréaliste

    “Mammalia”, un drame surréaliste

    Le drame surréaliste «Mammalia », réalisé par Sebastian
    Mihailescu a été présenté pour la première fois dans le cadre de la section
    Forum de la 73e édition du Festival international du film de Berlin et il est
    désormais projeté dans les salles de cinéma de Roumanie. Ce film a été projeté
    en avant-première nationale à Cluj dans le cadre du Festival international du
    Film Transilvania TIFF. La production a été sélectionnée aussi au Festival du
    Film d’Uruguay et a été incluse dans la compétition SMART7, un programme
    itinérant qui met l’accent sur des voix novatrices et qui repose sur sept
    festivals prestigieux. « Mammalia » a été présenté également à Kino Pavasaris à
    Vilnius (en Lituanie) et IndieLisboa (au Portugal). « Mammalia » (une
    coproduction Roumanie, Allemagne, Pologne) est un voyage surréaliste à travers
    la crise de la masculinité, écrite par Sebastian Mihăilescu et Andrei Epure.

    Le film mélange le drame au mystère et à la comédie.


    Sebastian Mihăilescu a évoqué au micro de RRI
    la manière dont il est arrivé à réaliser le film, le type de cinéma dans lequel
    s’inscrit « Mammalia », la compétition SMART7 et l’itinéraire international du
    film. « Pour
    ce qui est de la démarche, j’ai essayé de m’approcher d’un cinéma poétique. Un
    cinéma poétique qui utilise pleinement les moyens du cinéma, évidemment : le
    montage, le temps, la lumière et c’est pourquoi j’ai appréhendé la pellicule
    comme un environnement analogique. J’ai probablement choisi cette approche
    aussi parce que j’ai peur du temps. C’est mon combat avec le temps, avec ma
    peur du temps, des choses que j’ai également dit dans les sessions de
    questions-réponses. Au sujet de SMART7, il est vrai, c’est la première fois
    qu’un film roumain est sélectionné dans ce circuit. Ce mois-ci, le film sera
    projeté à deux reprises à Reykjavík, et je serai sans nul doute présent à l’une
    de ces projections. Le film sera aussi projeté à Salonique. Et pour évoquer le temps,
    pour moi, le cinéma est ma deuxième carrière, que j’ai commencée à 27 ans.
    Avant de faire du cinéma, j’ai été ingénieur informatique. Cette année, j’ai
    fêté mon 40e anniversaire et je crois que c’est un moment important pour toute
    personne. Je n’étais pas épanoui et c’est pourquoi j’ai abandonné ma carrière
    d’informaticien. Initialement, je voulais devenir peintre, je n’ai pas eu ce
    courage, puis j’ai voulu devenir architecte, et là à nouveau je n’ai pas eu le
    courage. C’est ainsi que j’ai atterri à l’Université Polytechnique, mais
    parallèlement je me suis occupé du design, j’ai continué à peindre et à faire
    de l’art de rue. Mais le désir de m’exprimer par l’art a toujours été présent
    chez moi. J’ai essayé de l’exprimer comme j’ai pu et le film lie toutes ces aptitudes.
    Ma passion pour la littérature, pour la peinture, pour l’image et pour la
    photographie. »






    István Téglás joue le rôle
    de Camil, un homme de 39 ans qui se lance dans un voyage onirique dans lequel
    la banalité et le fantastique s’entremêlent.

    Une fois perdu le contrôle sur son
    travail, sur son statut social et sur sa relation amoureuse, Camil se lance
    dans une quête de soi et finit par remettre en question son identité et sa
    masculinité. En suivant sa partenaire, il arrive au sein d’une étrange
    communauté, avec des rituels troublants, dans laquelle il arrive finalement à
    se confronter à un renversement tragicomique de rôles.

    Le rôle de Camil, un des plus difficiles


    « Ca
    a très difficile pour moi et j’ai souvent été très agité. Cette manière de
    travailler un film, lorsqu’on ne sait jamais ce qui va se passer, peut provoquer
    toute sorte d’états d’âme. Qui plus est, après plusieurs jours de travail, on
    commence à fatiguer lorsqu’on doit tourner quotidiennement, parfois en
    commençant à 5 heures du matin par
    exemple. Mais j’ai essayé de me concentrer, d’être présent, c’était l’aspect le
    plus important et je crois que j’ai réussi. Certes, ça a été un rôle très
    difficile aussi du point de vue physique et je le dis même si je suis habitué à
    ce genre de travail, j’ai joué des rôles difficiles aussi dans des spectacles
    de théâtre. J’étais entraîné, préparé en ce sens, mais les défis ont également
    été assez nombreux. Par exemple, j’ai dû entrer dans l’eau dehors à la fin
    octobre, lorsqu’il faisait froid. Dans de telle conditions le costume de
    scaphandre peut aider jusqu’à un certain point, après quoi il ne reste qu’à
    résister. « Mammalia » est une sorte de film dans le cadre duquel le
    réalisateur m’a offert une liberté totale, mais aussi une sorte de direction,
    parce que les situations que je devais interpréter étaient claires. C’est pourquoi
    je ne me suis jamais senti perdu.
    » István Téglás


    L’acteur a également évoqué sa collaboration à Mammalia
    avec des acteurs non-professionnels. « Généralement,
    j’aime travailler avec des gens qui n’ont pas de diplôme parce qu’il me semble
    qu’ils sont plus ouverts que les acteurs professionnels. Je le savais depuis
    longtemps. J’ai souhaité travailler avec des acteurs amateurs et voilà que ce
    rêve s’est réalisé. Nous nous sommes très bien entendus et dans les séquences
    en question, je me suis en quelque sorte laissé diriger par eux, au lieu de les
    conduire moi-même. Et j’ai beaucoup aimé cette situation, même si généralement
    en tant qu’acteur il n’est pas facile de le faire. Le plus souvent, on
    veut ou on est tenté de prendre les choses en main. Mais l’expérience de
    Mammalia s’est très bien déroulée. »



    Hormis István Téglás, la distribution du film inclut
    aussi Mălina Manovici, Denisa Nicolae, Steliana Bălăcianu, Rolando Matsangos,
    Mirela Crețan, Andreea Gheorghe, Mircea Bujoreanu, Marian Pîrvu, Dan Zarug
    Mihai et Elena Chingălată. (trad. Alex Diaconescu)




  • « Arsenie. La vie dans l’au-delà», un documentaire controversé

    « Arsenie. La vie dans l’au-delà», un documentaire controversé

    Le long métrage « Arsenie. La vie dans l’au-delà » est
    un documentaire du type road movie (qui fait voyager) écrit et réalisé par Alexandru
    Solomon, inspiré de la vie du moine Arsenie Boca et du culte qui s’est créé autour
    de sa personne.


    Sa première internationale a eu lieu à Karlovy Vary, où le
    film a été inclus dans la compétition « Proxima » de la 57e
    édition de cette prestigieuse manifestation. On le retrouve également à l’affiche
    de la sélection nationale du festival Astra Film prévu du 15 au 22 octobre à Sibiu
    (centre).


    Le film vient d’être projeté dans les salles de Roumanie.
    Les réactions n’ont pas tardé et ont été des plus controversées. Si bien que deux
    institutions publiques ont refusé de projeter le film d’Alexandru Solomon, alors
    que l’Archevêché de Sibiu est allé jusqu’à demander aux organisateurs du
    Festival Astra Film de Sibiu de l’interdire. La réponse des organisateurs a été
    ferme : « Ce film documentaire
    a cette qualité unique : il ramène devant le public des questions et des
    débats réels pour les gens, il expose et propose aux spectateurs d’approcher
    tout sujet de plusieurs perspectives. Un film documentaire porte l’empreinte
    des valeurs partagées par ses réalisateurs et souvent il touche à des sujets très
    sensibles face auxquels le public peut avoir des réactions très différentes. Ce
    qui est un avantage. Nous souhaitons tous avoir une société ouverte, avec des
    gens libres de tous les points de vue ».


    Mais, au fait, d’où viennent ces controverses ? Pour
    le comprendre, il faut d’abord connaître le sujet du film. Eh bien, Alexandru
    Solomon suit les traces d’Arsenie Boca, un moine persécuté par le régime communiste.
    En fait, Arsenie Boca était un hiéromoine, c’est-à-dire un moine qui, à la
    demande de son supérieur, a été ordonné prêtre. Le documentaire nous emmène sur
    ses traces. Les pèlerins et le réalisateur recréent les supposés miracles
    réalisés par Arsenie Boca. C’est au travers des yeux des fidèles, suivis par un
    réalisateur plutôt sceptique, que le film tente de montrer comment l’image de
    ce moine qui sera canonisé, se reflète dans la société roumaine. C’est un véritable
    phénomène, affirme Alexandru Solomon :




    « A mon avis, le phénomène Arsenie Boca
    en dit long sur la manière dont la société roumaine fonctionne en ce moment. C’est
    bien un phénomène, une construction qui est née sous nos yeux ces 30 dernières
    années. Ce qui est aussi intéressant, c’est que très peu de moines ou saints ont
    bénéficié d’une telle envergure, d’une telle popularité, au 21e siècle.
    Je pense notamment au fait que ce culte n’a cessé de prendre de l’ampleur après
    la mort d’Arsenie Boca, en 1989. Mon film a justement pris cette direction. Je l’ai
    déjà dit, mon film n’est pas et ne se propose pas d’être une biographie d’Arsenie
    Boca, même s’il reconstitue quelques moments de sa vie. C’est la raison pour
    laquelle j’ai opté pour une formule qui est à la limite de la fiction. Puisque
    ce culte réunit une série de couches de fiction, de légendes qui se superposent
    aux faits réels. En fait, on n’arrive plus à faire la différence entre ce l’invention
    et le fait historique. Alors je me suis également intéressé à cet aspect, à ce
    processus de fiction qui se tisse autour d’un personnage réel et à la manière
    dont, en fin de compte, la légende éclipse l’histoire. »




    Selon Alexandru Solomon, pour de nombreux Roumains, la
    légende du moine Arsenie Boca remplit le vide laissé par les désillusions de ces
    dernières décennies. En fait, son film veut montrer ce que ce culte dit de la
    société roumaine, qui a construit une figure très populaire qui lui offre de l’espoir
    et de la compassion par ces temps difficiles. Alexandru Solomon poursuit :




    « Au-delà de l’influence de l’Eglise Orthodoxe
    sur toutes nos vies, j’ai voulu comprendre le fondement populaire de ce type de
    culte, de cette pensée magique, en fin de compte, qui se sépare de la tradition
    européenne fondée sur le rationnel. Car il s’agit d’un phénomène qui n’est pas
    local, ni propre à la Roumanie. A regarder dans le monde, on voit partout une
    sorte de retour à la pensée magique, qui se manifeste par exemple dans les théories
    conspirationnistes d’Amérique, de Turquie ou de Pologne. Quant à la Roumanie,
    ici, je trouve qu’il existe un profond sentiment d’abandon social, ressenti par
    de larges pans de la société, qui se réfugient dans la foi. La confusion que je
    dénonce à la fin de mon film porte sur mon constat que l’on a beau confronter
    les légendes et les faits historiques, la pensée magique et la raison, il y
    aura toujours un mur insurmontable séparant les deux. Et pour cause. Les gens écoutent
    les arguments rationnels, ils lisent des textes sur les faits, mais en fin de compte
    cela ne change pas leurs convictions. C’est quelque chose que j’ai compris en
    réalisant ce film. Et donc, je respecte la foi des gens, qui est intouchable. A
    mon avis, c’est leur droit de croire. Si cela les aide, alors très bien. Mais
    mon film s’interroge sur ce qui ce passe si cette foi est spéculée. Moi, j’explore
    le moment où cette foi devient une source de manipulation commerciale, financière,
    politique même, et devient la norme imposée aux autres. »




    Autant de questions auxquelles le film « Arsenie. La
    vie dans l’au-delà » d’Alexandru Solomon tente de répondre. Une chose est
    sûre, tout sujet lié à la religion suscite toujours des controverses, notamment
    dans un pays très croyant, comme la Roumanie. Et ce documentaire n’y fait pas
    exception. (Trad. Valentina Beleavski)







  • La première exposition d’envergure dédiée à Constantin Brancusi en Roumanie

    La première exposition d’envergure dédiée à Constantin Brancusi en Roumanie

    En cette fin d’année 2023 et jusqu’au début de 2024,
    l’exposition-événement la plus importante consacrée à Constantin Brancusi en
    Roumanie et en Europe de l’Est au cours des 50 dernières années est ouverte à
    Timișoara (dans l’ouest de la Roumanie). Intitulée « Brancusi :
    sources roumaines et perspectives universelles », elle est le moment phare
    du programme « Timișoara – Capitale européenne de la Culture 2023 ».


    Constantin Brancuși (1876-1957) était un sculpteur
    roumain dont la contribution au renouvellement du langage et de la vision
    plastique de la sculpture contemporaine universelle a été considérable. Il est
    symboliquement considéré comme « le père de la sculpture moderne ».
    Brancusi fait ses débuts en tant qu’artiste en Roumanie, puis à partir de 1903,
    il poursuit sa carrière à Paris, ses œuvres de maturité – les plus valeureuses
    d’ailleurs – étant réalisées en France.


    Début septembre, à Bucarest, le siège de la Banque
    Nationale de Roumanie, a accueilli une conférence de presse durant laquelle les
    organisateurs de l’exposition-événement de Timişoara ont présenté tous les
    détails de cet événement unique en Roumanie. Ovidiu Șandor, le président de la
    Fondation Art Encounters et commissaire de l’exposition dédiée à Brancusi, explique
    ce que cet événement représente pour le grand public roumain :


    « Cette
    exposition est importante pour plusieurs raisons. C’est la première exposition
    dédiée à Brancusi en Roumanie ces 50 dernières années. A mon avis, ce retour de
    Brancusi dans son pays d’origine est important, y compris dans le contexte de
    ce qui se passe autour de nous. Dans des moments compliqués, tels ceux que nous
    sommes en train de traverser, il est important revenir de aux points de
    référence des Roumains, tels que Brancusi. C’est une exposition qui se tient
    une fois par génération. C’est une occasion pour le public d’admirer tant les
    œuvres que Brancusi a réalisées durant sa jeunesse, que ses créations de
    maturité, qui l’ont rendu célèbre. C’est une présentation spéciale, conçue par
    Doina Lemny, qui témoigne de toutes les influences roumaines que Brancusi
    utilise à Paris, mais aussi du processus de transformation et de perfectionnement
    grâce auquel les œuvres de Brancusi ont acquis une importance universelle. »


    Mais quelles sont justement les chefs-d’œuvre que cette
    exposition a réunis à Timisoara ? Ovidiu Șandor explique :


    « …Même
    si nous tous, nous croyons connaître Brancusi, parfois il est important de
    regarder ses œuvres sur place. Il est important de s’immerger dans l’univers de
    Brancusi, que l’exposition ouvre grâce la centaine d’œuvres qui témoignent de
    ses préoccupations diverses : la sculpture, la photographie, le dessin.
    Ces préoccupations sont présentées tant en relation avec la Roumanie et avec ce
    que lie Brancusi à son pays natal, qu’avec la place de Brancusi dans l’art
    universel. (…) Nous avons fait venir une collection importante de plus de 20
    sculptures. Il s’agit, d’un côté, de plusieurs sculptures iconiques de
    Brancusi, tels « Maïastra », « Oiseau en vol »,
    « Mademoiselle Pogany », « Le Baiser ». Mais il y a aussi
    des sculptures moins connues, tels « Borne-frontière », réalisée par
    Brancusi en 1945, lorsque la Roumanie avait perdu la Bessarabie. Par ailleurs,
    il y a aussi des parties moins connues de sa création, comme par exemple la
    photographie et le dessin, qui est une composante importante de l’art de tout
    sculpteur. Plus encore, il y a aussi des documents qui témoignent de la
    modalité dont il est resté en context avec des personnes de son pays d’origine.
    Par ailleurs, il y a aussi un film, réalisé par Brancusi lui-même, mais aussi
    d’autres films réalisés par des artistes importants, dans lesquels Brancusi apparait
    en personne. Par conséquent nous avons à faire à une présentation et pas forcément
    à une rétrospective. C’est une exposition qui présente, d’une manière
    synthétique, la complexité de ses œuvres et les préoccupations diverses qu’il a
    eues en tant qu’artiste, le tout illustrant aussi l’homme qui était Constantin
    Brancusi. A part l’exposition, nous préparons aussi un catalogue, une
    publication sérieuse, coordonnée aussi par Doina Lemny, qui inclut 16
    contributions nouvelles concernant Brancusi. Il est également important de
    préciser qu’il s’agit de la première exposition sur Brancusi qui place l’artiste
    dans le contexte roumain. »


    Doina Lemny est la commissaire
    de l’exposition et un des experts internationaux de l’art de Brancusi les plus
    importants. Elle a déclaré que :


    « Comme
    je le dis à chaque fois, c’est un retour symbolique de Brancusi dans son pays
    natal, pays qu’il n’a jamais quitté dans son esprit. Brancusi a toujours été
    lié à son pays, mais il s’est développé en France. Si on essaye de le juger, en
    se demandant pourquoi il a légué l’atelier à la France, c’est parce que c’était
    l’endroit où, 50 ans durant, il a crée tous ses chefs-d’œuvre. Mais il a été
    toujours conscient que ses œuvres de début étaient en Roumanie, c’est-à-dire celles
    se trouvant actuellement au Musée de Craiova ou au Musée National d’Art de
    Bucarest. »


    Doina Lemny nous dit aussi d’où
    proviennent les œuvres de l’exposition « Brancusi : sources
    roumaines et perspectives universelles » que l’on peut voir ces mois-ci à
    Timisoara :


    « Nous
    nous sommes limités à deux musées et à la Fondation de Vénice. Nous avons été
    limités par l’espace de Musée de Timisoara, qui n’est pas très généreux. Il y a
    seulement 11 salles d’exposition, ce qui est peu, et on ne peut pas y entasser
    les sculptures, on ne peut pas les empiler pour les présenter toutes en même
    temps, car on ne les voit plus, elles s’entretuent. Nous avons donc fait appel
    à la générosité de deux grands musées, la Gallérie Tate, qui nous a prêté trois
    des quatre œuvres dont elle dispose – et il faut saluer ce geste – et le Centre
    Pompidou, qui possède, grâce à l’Atelier Brancusi, la plus grande collection d’œuvres
    de Brancusi au monde. Nous n’avons pas fait appel aux musées américains pour
    des raisons d’espace, comme je l’ai déjà dit, et évidemment pour des raisons de
    coût. »


    Mais que signifié l’artiste
    Brancusi pour Doina Lemny, un des spécialistes dans l’art de Brancusi les plus
    importants au monde :




    « Brancusi
    est un homme qu’il faut interroger constamment, car il garde toujours son
    mystère. Plus j’avance, plus je me pose des questions supplémentaires sur cet
    homme qui savait analyser et puis reproduire chaque instant de la vie. Il
    reproduisait des formes, mais pas l’être. Il reproduisait une idée, et non pas
    un personnage. Pour moi, Brancusi reste un mystère et peut-être que je n’ai jamais
    réussi à pénétrer pleinement son mystère. Portant, il a lui-même dit : « Ne
    posez pas de questions aux créateurs et il ne faut pas que l’on révèle ou que
    l’on lève complètement le voile ». »



    L’exposition
    « Brancusi : sources roumaines et perspectives universelles » est
    ouverte du 30 septembre 2023 au 28 janvier 2024, de 10h à 20h. Les informations
    détaillées relatives au programme de visite, à l’achat des billets, aux visites
    guidées et aux visites scolaires sont disponibles sur le site dédié à
    l’exposition :https://brancusi-2023.info/.
    Les organisateurs de l’événement invitent tous ceux qui souhaitent la visiter à
    acheter leurs billets d’avance, en fonction des jours et des plages horaires
    disponibles. Rappelons-le avant de terminer, cette exposition est le moment
    phare du programme Timisoara, Capitale Européenne de la Culture 2023 et aussi
    un de ses temps forts francophones. (Trad. Andra Juganaru)

  • Le meilleur court-métrage roumain au Festival du film ANONIMUL

    Le meilleur court-métrage roumain au Festival du film ANONIMUL

    Cette
    année, au Festival international du film indépendant « ANONIMUL »,
    accueilli par la petite commune de Sf. Gheorghe, dans le Delta du Danube, le
    prix du public a été attribué au court-métrage roumain « Antrenamentul de
    noapte/Entraînement nocturne » du réalisateur roumain Bogdan
    Alecsandru. Sur les 100 courts-métrages de la sélection festivalière, le
    critique de film Ionuţ Mareş en a choisi 12, dont quelques-uns étaient dus à
    des noms connus du cinéma roumain. « Entraînement nocturne » avait
    déjà été sélectionné parmi les meilleurs films roumains récents, projetés dans
    le cadre des Journées du film roumain au Festival international du film
    Transilvania (TIFF) de cette année.

    Pour Bogdan Alecsandru, fraîchement diplômé
    du programme de master de réalisation cinématographique de l’Université
    nationale d’art théâtral et cinématographique (UNATC) « Ion Luca
    Caragiale » de Bucarest, c’était sa deuxième présence dans la compétition
    des courts-métrages du Festival ANONIMUL. L’année dernière, il y participait
    avec son premier film, « Casa noastră/Notre maison ». Dans un
    entretien après l’annonce du palmarès, Bogdan Alecsandru a parlé du sujet de
    son film et des réactions du public : C’est la deuxième année que je participe à Anonimul, dans la compétition
    réservée aux courts-métrages, et c’est aussi la deuxième année que ce festival
    est très spécial et très spécifique. J’y ai rencontré des gens qui font leurs
    réservations des mois à l’avance, puisque, tout le monde le sait, le festival a
    lieu dans un endroit assez isolé. Il n’y a pas grand-chose à faire à Sf.
    Gheorghe et ça c’est tout à fait extraordinaire, car les gens s’y rassemblent
    pour regarder des films ensemble, d’où cette atmosphère très spéciale. Moi,
    j’ai été » très content d’y être venu. Pour moi, il est très important
    d’entrer en contact avec ce public très spécial et dédié, et, d’ailleurs,
    l’attribution de ce prix du public, accordé aux jeunes réalisateurs, est le
    résultat d’un vote aussi bien physique qu’en ligne. En ce qui me concerne, je
    dirais que c’est une expérience formatrice. Chaque court-métrage bénéficie de
    deux projections dans le cadre du festival. L’une d’entre elles est suivie
    d’une séance de questions-réponses, qui est en fait l’unique occasion de
    rencontrer directement le public. J’ai trouvé les réactions plutôt
    enthousiastes et ça m’a réjoui, parce que mon but était de réaliser un film
    assez amical avec les spectateurs, un film dont les éléments
    « horror » et même « thriller » étaient des plus classiques
    du genre. Je m’attendais donc à ce que le film plaise, mais je ne m’attendais
    pas du tout à recevoir ce prix. Car, malgré son approche plutôt pop, il parle
    d’un sujet assez sensible en Roumanie, qui est la relation entre deux personnes
    du même sexe.



    Bogdan
    Alecsandru avoue son intérêt pour le cinéma queer, qui est encore une zone de
    création de niche en Roumanie. Il dit aussi qu’il n’est pas pressé de débuter
    dans le long-métrage, car il est toujours passionné par le genre court, qu’il
    n’a pas suffisamment exploré : En Roumanie, on fait assez peu de cinéma queer, c’est-à-dire du cinéma
    qui raconte des histoires construites autour de relations entre des personnes
    du même sexe. Ce genre a toutefois déjà été abordé, mais le tout premier film
    queer roumain est sorti assez tard, en 2006 – c’était « Les liaisons
    maladives » de Tudor Giurgiu. Je crois qu’il en existe de très nombreuses
    histoires qui n’ont pas été racontées du tout ou qui, certaines, ont été
    racontées ces derniers temps, et moi, ce qui m’intéresse c’est de les mettre un
    peu plus en lumière. Actuellement, je m’intéresse à cette zone du
    court-métrage, que l’on peut, certes, considérée comme un exercice ou un
    entraînement. Mais pour moi, le court-métrage est une espèce en soi, d’une
    grande valeur, et c’est pourquoi je continuerai à l’explorer dans les années à
    venir. Autrement dit, j’essaie, pour l’instant, d’éviter de réaliser des
    courts-métrages qui puissent être pris pour des débuts ou des démos de futurs
    longs-métrages. Je ne sais pas ce que je ferai plus tard… je suis encore jeune
    et mes points d’intérêt changent assez vite. Parlant du cinéma roumain, il me
    semble qu’il traverse un bon moment et au festival Anonimul, j’ai été heureux
    de me retrouver dans une sélection majoritairement féminine. Beaucoup de ces
    artistes sont aussi des amies et je me réjouis de leur parcours professionnels.
    Je constate aussi avec plaisir la multiplication des films populaires et là je
    pense aux films de type « Team-building », qui a enregistré un grand
    nombre d’entrées, chose rare pour les productions roumaines. Ca me parait bien
    parce que ça pourrait faire changer la perception du public roumain sur les
    films autochtones, mais aussi les aspects commerciaux. Je crois qu’une
    industrie fonctionnelle doit inclure les deux types de films, celui d’art et
    celui populaire et commercial.



    Sur
    le générique du film « Entraînement nocturne » on peut lire les noms
    des acteurs Andrei Giurgea, Tiberius Zavelea, Gabriel Spahiu, Marc Titieni,
    Rareş Ularu, Horaţiu Băcilă, Vlad Tudoran, Robi Brage et Antonio-Daniel Petrică.
    (Trad. Ileana Ţăroi)

  • « Pour une femme barbare »

    « Pour une femme barbare »

    Un nouveau recueil de théâtre signé Saviana Stănescu,
    « Pour une femme barbare », est récemment paru aux Editions Tracus
    Arte, traduit de l’anglais par Diana Benea, à qui l’on doit également une étude
    introductive. Lors du lancement accueilli par la Librairie Cărturești Verona de
    Bucarest, le public a écouté les interventions du directeur du Musée national
    de la littérature roumaine, Ioan Cristescu, de la critique de théâtre Oana
    Cristea Grigorescu et du metteur en scène Andrei Măjeri. A cette même occasion,
    l’actrice Adelaida Zamfira (présente aussi dans la distribution du premier
    spectacle de Saviana Stănescu, « Saviez-vous que les trains racontent des
    histoires d’Infantes? ») a lu plusieurs monologues inclus dans le volume
    mentionné. Dans sa préface au volume « Pour une femme barbare »,
    Diana Benea écrivait : « Ces vingt dernières années, Saviana Stănescu
    est devenue un nom emblématique de la dramaturgie américaine, une expression du
    croisement Est-Ouest, des cultures et des traditions théâtrales différentes, un
    croisement entre l’absurde et carnavalesque Est européen et le réalisme
    psychologique américain. Si toute l’activité de l’autrice est décrite par cette
    métaphore des ponts qu’elle construit entre continents, cultures, langues et
    artistes d’espaces différents, alors la présente édition espère consolider un
    tel pont vers le public roumain, à travers une sélection de pièces de théâtre
    récentes, mises en scène et publiées notamment au cours de la dernière décennie. »
    En 2000, l’Union théâtrale de Roumanie UNITER avait récompensé Saviana Stănescu
    du Prix de la meilleure pièce de théâtre de l’année. Ses premières pièces en
    roumain (L’Infante ; Mode d’emploi ; Compte à rebours) ont été mises
    en scène par Radu Afrim, Theo Herghelegiu, Anca Maria Colțeanu, Tudor Țepeneag.
    Présente au lancement de nouveau volume, Saviana Stănescu a parlé de son
    oscillation entre les deux espaces, roumain et américain, et de son passage
    d’une littérature marquée par les réalités est-européennes à une écriture « globale ».

    Ces ponts entre deux cultures, ce vécu entre deux mondes,
    entre deux continents, entre deux langues et beaucoup d’autres
    « entre », m’ont marquée ces derniers temps. Alors, par ma façon
    d’écrire, je tente de retenir cette oscillation entre les identités, les
    cultures et les continents. En Amérique, je plaisante en disant que je suis un
    écrivain américain de 22 ans, puisque j’y suis arrivée en 2001 et j’y ai recommencé
    à zéro. C’est à ce moment-là que je me suis mise à écrire en anglais. Donc,
    d’une certaine manière, je n’ai que 22 ans comme écrivain américain. Bon, il
    est évident que je suis écrivaine et dramaturge roumaine depuis bien plus
    longtemps, mais pour moi il a été important de me réinventer, de repartir à
    zéro. Comme on l’a déjà dit ici, ma curiosité est vive chaque jour, tout ce qui
    se passe dans le monde m’intéresse. C’est quelque chose qui vient peut-être de
    ma zone journalistique, ou peut-être du fait que j’ai toujours aimé explorer des
    sujets divers. Je me suis toujours intéressée à des domaines variés, depuis les
    maths à la littérature, depuis la technologie de l’information à la danse. Et
    tout ça se retrouve dans ma façon d’écrire du théâtre. Je suis curieuse par
    nature, il me semble important de mettre les réalités du moment dans une pièce.
    Il me semble important de créer une situation dramatique, de créer une histoire.



    Si, durant la période de ses débuts littéraires, quand
    elle écrivait en roumain, Saviana Stănescu était attirée par la zone de
    l’absurde, depuis son arrivée aux Etats-Unis, ses textes ont acquis une forte
    dimension sociale et politique. Saviana Stănescu.

    Quand je
    suis arrivée aux Etats-Unis, je me suis heurtée à une réalité de l’immigrant. C’était
    difficile de repartir à zéro, d’être différente, de voir que les gens ne me
    reconnaissaient pas, de ne pas être considérée au même niveau que les écrivains
    locaux. J’ai donc tout repris à zéro, j’ai essayé de montrer ce que je suis capable
    de faire, d’apprendre des autres. Cette nouvelle réalité m’a fait comprendre
    qu’en Roumanie, j’étais quelqu’un de gâtée. En Roumanie, je me permettais
    d’explorer la l’absurde, de m’évader dans des mondes divers. En Amérique, j’ai
    eu des problèmes financiers, j’ai dû affronter un monde beaucoup plus dur,
    surtout à New York. Je vous le disais, il a fallu recommencer à zéro, donc je
    suis redevenue étudiante, alors qu’en Roumanie j’étais une écrivaine connue. Recommencer
    à zéro, c’est quelque chose de très fort. Comme Diana Benea l’écrivait dans la
    préface du volume « Pour une femme barbare », j’ai aussi vécu des moments
    sociaux-politiques importants. Et
    puis, en Amérique, mon écriture a acquis un nouveau thème: les relations de
    pouvoir entre les pays. Puisque j’avais compris qu’il s’agissait d’un rapport
    de pouvoir différent, car nous ne pouvons pas comparer la perception que les
    gens ont des Etats-Unis avec la celle de la Roumanie. Je m’étais rendu compte
    que je me trouvais dans un autre monde, un monde du pouvoir, de la domination
    économique, un monde avec des problèmes de discrimination raciale et de genre,
    avec des problèmes économiques différents de ceux de la Roumanie. J’ai dû m’adapter et assumer un autre rythme.
    Mes pièces montrent, bien évidemment, ces nouvelles réalités. Je suis une
    personne empathique, donc si je vis pendant un certain temps dans un certain
    endroit, je vais écrire une pièce qui reflète les problèmes de cet
    endroit-là, tout en espérant que mon
    texte parle aussi à un niveau plus ample, qu’il ait une résonance globale.



    Saviana
    Stănescu enseigne, à présent, l’écriture dramatique et le théâtre contemporain
    à l’Ithaca College, après huit ans passés à enseigner à la Tisch School of the
    Arts de l’Université de New York.(Trad. Ileana Ţăroi)

  • “Les années ’60”, un nouveau succès du théâtre radiophonique roumain

    “Les années ’60”, un nouveau succès du théâtre radiophonique roumain

    Nous parlons aujourd’hui de théâtre radiophonique. La
    production du département du Théâtre national radiophonique de la radio
    publique roumaine intitulée « Les années 1960 », écrite par Ema Stere et
    mise en scène par Mihnea Chelaru, vient de décrocher le trophée de la meilleure
    pièce européenne – BBC Best European Drama. Précisons que depuis 2012, les prix
    BBC Audio Drama récompensent chaque année l’originalité et la qualité
    remarquable du spectacle radiophonique britannique, diffusé en direct et en
    ligne, et les artistes impliqués. La catégorie Best European Drama a vu le jour,
    elle, en 2019, afin de mettre en valeur le rôle des radios publiques
    européennes dans la diffusion et le développement des spectacles de théâtre
    radiophonique, réunissant autour d’elle la communauté internationale des
    producteurs de ce type de spectacles.






    « Les années ’60 » est une pièce roumaine qui a
    figuré dans la sélection de plusieurs autres festivals internationaux, tels que
    le Grand Prix Nova et le Prix Europa. C’est l’histoire de l’échec d’une
    génération, en fait de la première génération de jeunes isolés du monde libre
    durant les années de consolidation du régime communiste en Roumanie.






    Le texte est signé par la journaliste et écrivaine Ema
    Stere, qui a connu la consécration avec son roman « Les enfants de Marcel
    » (Copiii lui Marcel), récompensé par le prix de l’Union des écrivains de
    Roumanie et le prix « Sofia Nădejde » pour la littérature écrite par les
    femmes. Ema Stere écrit aussi de courtes nouvelles très appréciées. Elle est
    aujourd’hui au micro de RRI pour nous parler de l’importance de ce prix décerné
    par la BBC et du récit à l’origine de la pièce « Les années ’60 », un texte
    que Mihnea Chelaru a adapté et mis en scène pour la radio.




    Ema Stere : « C’est
    un prix très important par la valeur que lui confère la BBC et c’est aussi la
    seule distinction de la compétition accordée à une production qui n’appartient
    pas à la BBC. Créée juste après le Brexit, la catégorie Best European Drama,
    offre un seul prix à une seule pièce européenne. Moi, j’ai assisté à la
    cérémonie de la remise des prix, qui récompensait plusieurs catégories :
    émissions radio, théâtre radiophonique et podcasts. Le récit « Les années
    ’60 » (Anii ’60) est paru dans le premier numéro de la revue de prose courte
    « Iocan ». C’est là que Mihnea Chelaru l’a lu et a voulu en faire une
    pièce de théâtre radiophonique. Pour moi, c’est un texte très personnel. Je
    l’ai écrit en pensant, avec une sorte de frustration, au destin de la
    génération de ma mère. Je l’ai écrit très vite, en 3 heures seulement. Mais le
    spectacle, dans sa forme actuelle, est le grand mérite du metteur en scène
    Mihnea Chelaru, qui a réussi à en faire un véritable joyau de la technique du
    son. A mon avis, le plus important c’est d’aimer les gens avec lesquels on
    travaille. Plus encore, dans le cas précis de cette histoire, le hasard a fait
    que l’on ait vécu tous les deux des expériences similaires, ce qui a sans doute
    compté pour beaucoup. »







    En fait, ce n’est pas la première
    collaboration entre Ema Stere et Mihnea Chelaru. Ils ont signé ensemble
    d’autres productions radiophoniques qui ont rencontré le succès à l’international,
    une fois sorties des studios de la rédaction du Théâtre national radiophonique
    de Radio Roumanie. Mihnea Chelaru est connu pour ses innovations en matière
    d’art du son, ses créations étant distinguées par de nombreux prix à
    d’importants festivals internationaux de théâtre radiophonique.






    Mihnea Chelaru nous explique comment
    cette collaboration pour le récit d’Ema Stere est née : « Dès que je l’ai lu dans la revue
    « Iocan », j’ai su que je voulais adapter ce récit d’Ema Stere au
    théâtre. Mais je sentais que c’était un sujet qui m’était plutôt méconnu.
    L’univers décrit par Ema me semblait fantastique, comme un film de Fellini, si
    vous voulez, très adéquat pour une adaptation radiophonique. Mais je ne savais
    pas quelle approche adopter. Et puis, il y a un an et demie j’ai vécu une
    expérience qui m’a rapproché davantage de ce récit. Ce n’est qu’à ce moment-là
    que j’ai compris toutes les nuances du texte. Alors je l’ai adapté pour la
    radio et c’est ainsi que ce petit bijou sonore a vu le jour. Ema Stere est une
    écrivaine que j’aime beaucoup, notamment pour sa capacité d’observer des
    détails qui restent dans l’ombre pour la plupart d’entre nous. Nous avons
    collaboré l’année dernière aussi, pour un autre spectacle mis en scène d’après
    un de ses récits. Il s’agit de la pièce « Comment se comporter avec ses
    clients », récompensé dans la section des Pièces Courtes du Festival de théâtre
    radiophonique Grand Prix Nova. Moi, quand si je suis captivé par un sujet et
    que j’aime le style de l’auteur, je réussis à m’imaginer l’histoire d’un point
    de vue sonore aussi. Si je ne peux pas me l’imaginer ainsi, alors c’est
    difficile pour moi de l’adapter. Pour ce qui est de la bande originale du
    spectacle « Les années ’60 », je dois préciser que, ce n’est pas moi qui
    l’ai créée, bien que je sois ingénieur du son. C’est mon collègue Madalin
    Cristescu qui a trouvé des idées absolument fantastiques. »







    Notons pour terminer que des acteurs
    célèbres du théâtre roumain prêtent leur voix aux personnages de toutes les
    pièces de théâtre radiophonique. « Les années ’60 » n’y fait pas
    exception. La pièce a été diffusée en première en 2022 et se trouve actuellement
    sur le site eTeatru.ro, aux côtés d’une vaste sélection de pièces de théâtre
    radiophonique produites par Radio Roumanie. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Le documentaire « Apropierea » est sorti en salles en Roumanie

    Le documentaire « Apropierea » est sorti en salles en Roumanie

    Le film documentaire « Apropierea/Too Close »,
    du réalisateur Botond Püsök, est
    sorti en salles en Roumanie le lundi 16 mai. Récompensé de nombreux prix
    internationaux, dont celui du meilleur film de non-fiction attribué dans la
    catégorie « Voix émergentes du documentaire », à la vingt-neuvième
    édition du Festival du film « Astra », de Sibiu, il a aussi été un
    des candidats aux Prix GOPO 2023 du cinéma roumain.

    Cette coproduction
    roumano-hongroise raconte l’histoire d’Andrea, qui essaie de construire une
    nouvelle vie pour elle-même et pour ses deux enfants, après la condamnation de
    son ancien compagnon à plusieurs années de prison pour abus sexuel. Mais la
    majorité des habitants de son village soutient ouvertement son ex et
    l’influente famille de celui-ci. Les gens refusent de croire les accusations à
    l’origine de sa condamnation, accusant à leur tour Andrea et sa fille d’avoir
    lancé des mensonges contre cet homme. Lorsqu’elle apprend la libération
    conditionnelle pour bon comportement de l’individu, Andrea se voit contrainte
    de se battre contre la mentalité de la communauté où elle vit, afin de protéger
    ses enfants et de guérir les blessures du passé. En 2016, le réalisateur
    Botond Püsök présentait son documentaire « Angela » à Astra Film
    Festival et au Festival DocuArt, où il décrochait le prix de la mise en scène.
    Le film est construit autour d’Angela, une jeune femme d’une communauté Rom,
    qui réussit à s’en sortir.


    RRI a interrogé le
    réalisateur Botond Püsök sur les sujets abordés dans ses films, des sujets
    difficiles, dont on parle peu ou pas du tout dans la société: « Les sujets dont nous choisissons,
    le plus souvent, de ne pas parler sont ceux qui me fascinent le plus.
    Ce qui m’attire c’est justement ce silence autour d’eux, qui m’incite à faire
    le film, j’essaie de comprendre pourquoi il y a ces tabous et pourquoi nous
    choisissons plutôt de ne pas en parler. C’est comme ça que je suis arrivé au
    motif du traumatisme et de la guérison. Ce thème, je l’aborde déjà depuis
    plusieurs années, j’ai réalisé des documentaires qui en parlent. La lutte menée
    par les personnages de mes films – une lutte qui nous définit en profondeur et
    qui ne connait pas de limites ni de censure – m’a énormément inspiré. Quand
    nous subissons des traumatismes d’une telle gravité, quand nous comprenons
    qu’il n’y a personne à nos côtés, que personne ne peut nous aider et que nous
    sommes nous-mêmes notre unique aide, nous découvrons des choses inattendues et
    inconnues. C’est pourquoi, à travers mes films, je ne me concentre pas sur le
    traumatisme proprement dit, mais plutôt sur le processus psychologiques de
    guérison traversé par les personnages. Si ces thèmes ou histoires ne
    contenaient pas tant de lumière, je ne pourrais pas les raconter. C’est cet
    espoir qui m’inspire moi et le public aussi, je l’espère. »

    Le réalisateur Botond Püsök a également
    présenté son documentaire « Too Close » au Festival du film
    documentaire et des droits de l’homme One World Romania. Cette production
    revient sur le phénomène des abus sexuels et des violences contre les enfants,
    ayant lancé une campagne de prise de conscience nationale. En Roumanie, 3% des
    adolescents ont déclaré avoir été victimes de viol en 2019, fait savoir une
    enquête de l’ONG Save The Children. Botond Püsök est confiant que la force
    de son documentaire le transformera en une plateforme où la pensée critique
    puisse s’exprimer librement, où l’action civique soit encouragée : « C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de faire
    des documentaires, bien que le cinéma de fiction ait été ma première matière
    d’étude. Je crois que le documentaire peut avoir un impact émotionnel plus fort
    que le film de fiction, malgré un public moins nombreux. Et si, à la fin de la
    projection, ce public a la possibilité d’échanger des idées et des opinions
    avec le réalisateur et les protagonistes, l’impact s’amplifie. C’est quelque
    chose d’incroyable, la connexion qui se crée est tellement intense que cela
    devient mon autre raison de continuer à réaliser ce genre de documentaire
    observationnel. Les statistiques européennes concernant les abus sexuels sur
    les enfants et les violences contre eux sont extrêmement inquiétantes, la
    Roumanie comptant parmi les pays qui enregistrent le plus grand nombre de cas.
    C’est pourquoi je crois qu’il est important d’aborder ces thèmes. Il est aussi
    de notre devoir de raconter ces histoires, de nous informer, de ne pas
    prétendre que ces choses n’existent pas ou que cela ne nous arrivera jamais. Je
    crois que nous pouvons avancer à petits pas, qu’il existe des solutions pour
    nous aider. Si nous en parlons, si nous brisons cette culture du silence autour
    du sujet de l’abus, sur les mineurs en premier lieu, à ce moment-là nous
    pourrons peut-être faire changer quelque chose. C’est ce que je pense. »



    Le film documentaire « Apropierea/Too Close »
    est une coproduction roumano-hongroise, réalisée par Luna Film, de Roumanie,
    Spot Productions et RTL Hongrie. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • L’exposition « I Love Sushi » au Musée national d’histoire de Roumanie

    L’exposition « I Love Sushi » au Musée national d’histoire de Roumanie

    Le Musée
    national d’histoire de Roumanie (MNIR) accueille, jusqu’à la fin du mois de
    juin, une exposition consacrée à la culture japonaise. Intitulée « I Love
    Sushi », elle met au premier plan la « Washoku » – la cuisine du
    pays du Soleil levant – riche d’une longue histoire et tradition, qui fascine
    gourmands et passionnés de culture et d’histoire.

    La muséographe Cristina
    Tătaru explique le thème de l’événement: « Le Musée national d’histoire
    de Roumanie se réjouit d’accueillir, du 28 avril au 30 juin, l’exposition
    « I Love Sushi » sur un thème inédit dans notre programme. Comme ce
    titre l’indique, il s’agit du sushi, le mets-phare de la cuisine japonaise. Nous
    devons cet événement à l’ambassade du Japon en Roumanie et à la Fondation Le
    Japon, institution non-profit à l’origine d’un nombre impressionnant de projets
    de promotion de la culture nippone dans le monde. C’est grâce à elles que le
    public bucarestois peut admirer cette exposition itinérante, un guide visuel à
    travers l’histoire d’un plat mondialement connu, d’une tradition culinaire
    inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, emblème de la
    fascinante culture et civilisation japonaise. Au fait, l’exposition propose une
    incursion dans l’histoire du sushi, depuis sa première mention par une source
    écrite du VIIIème siècle jusqu’à nos jours, quand il connait d’innombrables
    formes et interprétations à travers le monde. On le trouve même prêt à la
    consommation dans les supermarchés de notre capitale. »



    Mais
    qu’est-ce que le sushi, au juste, Cristina Tătaru ? « L’exposition
    définit très simplement le sushi comme le symbole de la cuisine japonaise, un
    mets importé du sud-est de l’Asie continentale. Là-bas, le poisson, péché dans
    les canaux boueux des rizières, fermente avec le riz dans des baquets en bois,
    mais seul le poisson est consommé quand la fermentation est terminée. Le sushi
    est présenté comme une spécialité culinaire essentielle de la culture
    japonaise, dont les nobles se servaient pour payer le tribut au Shogun à
    l’époque d’Edo. On présente aussi ses qualités nutritionnelles, le sushi étant
    un plat sain et raffiné, peu calorique et très équilibré en termes de
    protéines, graisses et glucides, dont tout le monde parle aujourd’hui, dans le
    contexte des préoccupations pour une alimentation saine, que nous devrions tous
    adopter. »
    , a-t-elle répondu.


    Cristina
    Tătaru explique la structure de l’exposition « I Love Sushi »: « Je dois commencer par vous dire que l’exposition
    « I Love Sushi » est très bien construite, riche en couleurs et
    structurée en trois chapitres majeurs. Le premier nous introduit dans le monde
    des sushi et parle de l’origine et des nombreux ingrédients de la recette de
    base. Ici, on découvre une installation qui présente 150 variétés de sushi. Le
    deuxième chapitre est consacré à l’histoire du sushi à l’époque d’Edo, c’est-à-dire
    depuis le début du XVIIème siècle jusqu’à la seconde moitié du XIXème, et aux
    estampes japonaises, à l’art Ukiyo-e et à la littérature de cette époque
    lointaine, où le sushi occupait une place gastronomique de choix. Le troisième
    chapitre est consacré aux temps présents et nous montre le parcours, depuis les
    « nigiri-sushi » traditionnels, préparés dans les restaurants
    japonais, aux célèbres « Californian Rolls », des rouleaux de riz,
    légumes frais et tranches de tons, le tout enveloppé dans de délicates feuilles
    d’algues, des réinterprétations contemporaines très répandues dans les
    restaurants occidentaux. Les visiteurs entrent dans cette histoire, tellement
    belle et bien construite, à l’aide d’estampes, de modèles de sushi réalisés
    avec énormément de réalisme, à l’aide aussi de vidéos documentaires et
    d’installations. On y voit par exemple la maquette à l’échelle 1/1 d’un stand
    japonais de l’époque d’Edo, ainsi qu’une installation plus élaborée, qui montre
    un chef en train de préparer différents sushis. »
    , a conclu Cristina Tătaru,
    muséographe au MNIR. (Trad. Ileana Ţăroi)