Category: Espace Culture

  • Mircea Cantor à Art Safari 2023

    Mircea Cantor à Art Safari 2023

    Plus de 600 œuvres d’art sont exposées
    dans centre-ville de la capitale roumaine, Bucarest, à l’intérieur du Palais
    Dacia-Roumanie. C’est bien la 11e édition du plus grand pavillon
    d’art de Roumanie : le déjà célèbre Art Safari. Cette année, il aborde plusieurs
    thématiques : art contemporain de France et de Roumanie et art de
    patrimoine d’Espagne et de Roumanie.




    En donnant le coup d’envoi de cette 11e
    édition, sa directrice générale, Ioana Cioca, a déclaré :

    « Si vous avez jamais pensé que l’art était
    ennuyeux, alors sachez que vous changerez tout de suite d’avis en franchissant les
    portes de l’exposition préparée par nos artistes invités. Ici, à Art Safari,
    vous verrez des autoportraits, des scènes avec des paysans, des lumières
    spectaculaires, même des danseurs de l’Opéra de Paris, des toiles, des huiles
    et, surprise, des plantes qui poussent dans des baskets aussi. »







    Un des artistes présents dans le cadre
    de cette 11e édition d’Art Safari est le lauréat du prix Marcel
    Duchamp 2011, Mircea Cantor. L’artiste roumain qui vit et travaille entre
    Paris, en France, et Cluj, en Roumanie, survole différents milieux artistiques,
    à commencer par le cinéma, en passant par la peinture et les installations,
    ainsi que les interventions éphémères. Il nous a parlé de ses deux créations
    exposées à Art Safari 2023.






    Mircea Cantor : « Il s’agit d’une exposition réunissant
    plusieurs lauréats du prix Duchamp, une sélection qui s’intitule « Palace
    of Memory » (Le Palais de la Mémoire). Moi, j’y suis invité avec deux ouvrages
    inédits pour la Roumanie, dont un est cette rosette réalisée avec des cannettes
    de soda. Elle a été inspirée par la rosette de la cathédrale de Reims, en France,
    lors d’une résidence artistique de 2007. J’ai vu cette rosette-là et j’ai voulu
    créer un dialogue entre l’artiste contemporain que je suis et l’art classique,
    ancien. Mais que pourrais-je faire ? On y retrouve Chagall, avec ses
    vitraux magnifiques. Les rois de France y ont été couronnés. C’est donc un
    endroit très prestigieux et je cherchais quelque chose comparable à l’histoire
    de cet endroit. Et en faisant, en weekend, la navette entre Paris et Reims, à
    un moment donné j’ai vu un mendiant près de l’Hôtel de ville de Paris, qui
    fabriquait une sorte de cendriers, comme il les appelait, et qui avaient la
    forme de cette rosette. Cela m’a beaucoup plu. Ce fut un véritable déclic. Je
    lui ai demandé de m’en fabriquer 2000 sur le même modèle avec lesquels j’allais
    faire cette rosette. Il a accepté et c’est ainsi qu’est née cette
    rosette : de l’idée de sublimer le banal à l’aide de quelque chose qui
    peut aller plus loin, vers une expérience esthétique, par un acte artistique
    bien défini. C’est-à-dire, le spirituel, que signifie aujourd’hui ce spirituel
    qui est sous nos yeux ? Il faut juste le transformer, le transmettre, le
    sublimer dans une œuvre d’art. C’est ça le rôle de tout artiste, n’est-ce pas,
    de sublimer la réalité, pas de l’exprimer telle qu’elle est. Du coup, il existe
    des artistes divers, de domaines divers, certains optent pour le dessin,
    d’autres pour la sculpture, d’autres encore pour le cinéma. Par exemple,
    Clément Cogitore est un artiste qui me plaît beaucoup, qui travaille beaucoup
    avec le film, tout comme moi, et qui présente son film dans cette exposition.
    (…) Ma seconde création est quelque chose de très spécial, de très beau, elle
    m’est très chère, puisqu’elle est née d’une relation de longue durée avec Geta
    Brătescu (n.d.r : artiste plasticienne, photographe, écrivaine). Une
    relation d’amitié entre artistes. En fait, en 2014, alors que je lui rendais
    visite dans son atelier, et j’y allais assez souvent, je lui ai dit :
    « Madame, je vous lance un défi, comme ça, entre collègues. J’aimerais utiliser
    vos mains dans une chorégraphie, parce que la main, vous le savez très bien,
    est l’instrument de l’artiste. Un artiste travaille avec ses mains. Il a besoin
    de ses mains pour matérialiser ses idées, ce que son cœur ou sa tête lui dicte.
    Alors, j’ai fait plein de photos que vous pouvez voir ici, dans cette
    exposition. J’en ai apporté 7, une pour chaque journée de travail avec les
    mains, une sorte d’hommage rendu au travail, qui a donné du courage et de
    l’élan à de nombreux artistes de la nouvelle génération, et à moi-même aussi…
    C’est un aspect qui m’a beaucoup aidé, même si je ne sais plus s’il existe
    encore de nos jours. Mais c’est un aspect important parce que l’art est
    toujours direct, il va de l’artiste à l’artiste, de l’artiste au public, il n’a
    pas d’intermédiaire (…) »







    Autant de sources d’inspiration pour Mircea
    Cantor, cet artiste roumain pas comme les autres. Et ses projets ne s’arrêtent
    pas là : « J’ai plein de
    projets, dont une exposition dont je suis le commissaire et que j’aimerais voir
    inaugurer au niveau national et international. Puis, il y a le monument d’Ivan
    Patzaichin (n.d.r. sportif roumain, champion du kayak-canoë). On est 5 artistes
    à travailler là-dessus et il sera inauguré le 8 septembre à Tulcea. Récemment,
    j’ai été nominé pour un prix de dessin en France appelé «DrawingNow» et dont
    les lauréats seront annoncés fin mars. Aussi, un livre qui paraîtra cet
    automne. Beaucoup de projets… »






    Comme vous avez pu le constater, Mircea
    Cantor est un artiste contemporain avec une vision spéciale du monde et de
    l’art. Rien d’étonnant donc qu’il ait déjà été récompensé par de nombreux prix
    prestigieux. Micea Cantor nous en parle :
    « « Duchamp » est un prix prestigieux. J’en suis honoré, je suis
    ravi de l’avoir reçu, car c’est en quelque sorte la confirmation de la carrière
    d’un artiste. Il est remis lorsqu’un artiste a déjà une grande visibilité sur
    la scène artistique. S’y ajoute le Prix Richard que j’ai reçu en 2004, qui
    récompense les jeunes artistes français. C’est la preuve qu’on te fait
    confiance en tant qu’artiste. D’ailleurs, c’est très rare qu’un artiste soit
    récompensé des deux prix. On est très peu nombreux. Cela, parce que les prix
    Richard et Duchamp sont en quelque sorte le couronnement de la carrière
    artistique. Mais il faut encore le confirmer dans le temps. De nombreux
    artistes ont reçu ce prix et puis ont disparu. Ce n’est pas une critique à leur
    adresse, je veux dire qu’il faut garder la flamme vivante, garder un regard
    frais, c’est notre responsabilité pour les années à venir. Ce prix nous oblige
    à continuer notre travail pour garder sa confirmation ».






    Avant de terminer, précisons que Mircea
    Cantor est le seul artiste roumain à avoir décroché le prix Marcel Duchamp. Pour
    ce qui est d’Art Safari, ce n’est pas sa première participation. Cette année,
    ses deux créations peuvent être admirées à Bucarest, dans le cadre de l’exposition
    « Le Palais de la Mémoire» qui occupe tout un étage du Palais Dacia,
    aux côtés d’autres artistes internationaux qui ont décidé de revisiter
    l’histoire et la culture par une approche contemporaine. A ne par rater donc
    Art Safari, le plus grand rendez-vous de l’année avec les arts visuels. Pour
    davantage de détails sur les expositions et les artistes, rendez-vous sur le
    site www.artsafari.ro. (trad. Valentina Beleavski)

  • Film roumain au Forum de la Berlinale

    Film roumain au Forum de la Berlinale

    Le film « Între revoluții/Between Revolutions/Entre
    deux révolutions », du réalisateur roumain Vlad Petri, sera projeté à la
    Berlinale de cette année dans la section Forum. Le Festival international du
    film de Berlin a lieu du 16 au 26 février. S’appuyant sur des documents
    d’archives, le film raconte les parcours de vie et les destins de deux femmes, la
    Roumaine Maria et l’Iranienne Zahra, deux étudiantes, amies et collègues, à
    l’Université de médecine de Bucarest dans les années 1970. Quand, en 1979, le
    changement politique devient une certitude en Iran, Zahra rentre dans son pays
    natal, où elle prend activement part à la révolution en cours. Durant les deux
    années suivantes, les deux jeunes femmes ne communiquent plus que par des
    lettres. Encadrés par deux révolutions, leurs échanges écrits parlent du combat
    des femmes pour faire entendre leurs voix, de sociétés en train de changer
    radicalement et d’une amitié à toute épreuve.

    Le réalisateur Vlad Petri a
    utilisé des images et des documents des archives, mais aussi des éléments de
    fiction, avec pour résultat un long-métrage hybride, mélange de documentaire et
    de fiction. « Pour moi, c’est un film sur un passé récent, qui résonne
    très fort avec la réalité immédiate. Il présente une histoire subjective, au
    féminin, sur deux pays et deux sociétés géographiquement situés à des milliers
    de kilomètres les uns des autres, qui ont mis en place des systèmes politiques
    inédits et où les gens se sont peu à peu fait écraser par des appareils
    politiques répressifs. C’est un film d’actualité, qui dialogue avec les
    manifestations d’Iran, où les femmes se battent pour leurs droits et pour une
    société équitable, comme ce fut aussi le cas en 1979 »
    , affirme le
    réalisateur Vlad Petri, qui ajoute : « Je commencerais avec ce que j’ai
    dit au sujet des actuelles manifestations en Iran. En fait, j’ai commencé le travail de réalisation de ce film il y
    a trois ans, quand il n’y avait pas beaucoup de manifs. C’est une coïncidence
    le fait qu’au moment où nous lançons le film, là-bas ont lieu les protestations
    les plus impressionnantes depuis la Révolution islamique de 1979; peut-être
    aussi les plus impressionnantes de tout le Moyen Orient. Je pense aussi que
    cette fois-ci en Iran, c’est la première révolution menée par les femmes, quelque
    chose d’incroyable pour cette région du monde. Quant à mon intérêt pour les
    sujets politiques, il est vrai que je suis passionné par l’Est de l’Europe et
    par le Moyen Orient. J’ai voyageait en Iran et dans d’autres pays de la région,
    alors le film s’est construit sur plusieurs directions. Les conversations avec
    ma mère ont également été importantes; elle a fait des études de médecine et
    m’a parlé des jeunes des pays d’Orient qui venaient faire des études universitaires
    en Roumanie. Moi, je suis né en 1979, année de la Révolution islamique. Cette
    histoire s’est construite par couches superposées et nous avons trouvé des
    connexions, des ressemblances, mais aussi des différences entre la Révolution
    islamique et la Révolution anticommuniste de 1989 en Roumanie. Il m’a semblé
    intéressant de tester ce terrain et de parler d’espoir, d’optimisme, du désir
    d’un changement radical. Car les deux révolutions ont produit des
    transformations radicales et je continue de croire que ce sont les plus
    importantes révolutions du siècle passé. »



    Les lettres présentées dans le film sont écrites par Lavinia
    Braniște, qui s’est inspirée de lettres dénichées dans les archives de la
    Securitate (la police politique du régime communiste de Roumanie) et de poèmes
    de deux importantes autrices roumaine et iranienne: Nina Cassian et Forugh
    Farrokhzad respectivement. L’écrivaine Lavinia Braniște raconte comment cela
    s’est passé: «Quand nous avons commencé à
    travailler sur le projet, Vlad
    avait déjà imaginé l’histoire, qui incluait aussi un échange de lettres entre
    les deux personnages, et donc il m’a donné suffisamment d’éléments. On ne se
    connaissait pas, lui et moi, ce qui fait que sa proposition m’a complètement
    surprise, m’a fait sortir de ma zone de confort, comme on dit, parce que je n’avais
    pas travaillé sur un projet comme celui-ci. J’étais flattée et aussi effrayée
    par sa proposition, que j’ai acceptée avec une énorme joie. Il m’a fallu passer
    par une longue documentation avant de commencer à écrire, parce que je ne savais
    pratiquement rien de la Révolution islamique. J’ai été constamment en contact
    avec Vlad durant toutes les étapes du projet. Le hasard fait que ma mère ait
    été étudiante à la fin des années 1970, donc elle aussi m’a raconté des choses
    sur cette période-là. Pour les années 1980, j’ai mes propres souvenirs et donc
    des points communs avec Vlad ; de ce fait, nous avons construit cette
    histoire ensemble, arrivant en fin de compte à très peu de texte. Somme toute,
    la réalisation du film a été un processus continu et une expérience très
    intéressante pour moi. »




    Le film « Între revoluții/Between
    Revolutions/Entre deux révolutions » fait partie des 28 productions
    sélectionnées, parmi les plus des 2.000 propositions venues du monde entier, dans
    la section Forum du Festival international du film de Berlin. Le long-métrage
    « Mammalia », du réalisateur Sebastian Mihăilescu, fait lui aussi
    partie de la sélection. D’ailleurs, cette année, plusieurs cinéastes et projets
    de Roumanie sont à l’affiche de la Berlinale. L’actrice Judith State participe
    au programme « European Shooting Stars », tandis que l’atelier
    « Berlinale Talents », organisé chaque année durant le festival,
    accueille cinq cinéastes roumains: la réalisatrice et actrice Alina Șerban,
    l’actrice Ioana Chițu, Oana Furdea qui
    travaille dans la distribution de films, la critique de cinéma Dora Leu et
    l’ingénieur du son Marian Bălan. S’y ajoutent le projet « Export Only »
    des productrices Ada Solomon et Carla Fotea, présent au Berlinale Market, tandis
    que la série HBO « Spy/Master », écrite par Adina Sădeanu, se
    retrouve au nouveau programme « Berlinale Series », le monteur Cătălin
    Cristuțiu est membre du jury des courts-métrages, alors que le réalisateur Radu
    Jude fait partie du jury de la compétition officielle. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • La saison culturelle roumano-française à Timișoara 2023

    La saison culturelle roumano-française à Timișoara 2023

    Victor
    Brauner (1903-1966) et Constantin Brâncuși (1876-1957) sont deux des plus
    importantes personnalités culturelles et artistiques roumaines, reconnues à
    l’échelle internationale. Artiste juif originaire de Roumanie, Victor Brauner a
    été un peintre, sculpteur et poète surréaliste, une des figures de proue de ce
    courant artistique. Constantin Brâncuși est considéré comme le père de la
    sculpture moderne et du langage artistique contemporain. Le programme
    « Timișoara – Capitale européenne de la culture 2023 » leur dédie
    deux expositions complexes : « Victor Brauner: Inventions et
    magie », ouverte du 17 février au 28 mai de cette année, et respectivement
    « Constantin Brâncuși: Sources roumaines & perspectives universelles »,
    à visiter entre le 30 septembre 2023 et le 28 janvier 2024.

    Ovidiu Șandor, président
    de la fondation « Art Encounters », co-organisatrice des événements,
    a expliqué les deux expositions ainsi que la Biennale Art Encounters,
    accueillie par la ville de Timișoara du 19 mai au 16 juillet 2023: « Certes, nous avons présenté ici ce soir la contribution de la fondation
    Art Encounters, partenaire du Musée national d’art et de l’Institut français,
    au programme Capitale culturelle. Un programme très ambitieux, qui inclut des
    événements exceptionnels dans tous les domaines. Parlant de la contribution de
    notre fondation, je mentionnerais premièrement de l’exposition dédiée à Victor
    Brauner. C’est la première vraie rétrospective Victor Brauner au pays natal de
    cet artiste malheureusement trop peu connu chez nous. Nous espérons faire
    changer cette situation à travers de nombreux ouvrages prêtés par le Centre
    Pompidou de Paris, mais aussi de plusieurs musées du pays. Moi, je crois que
    cette expo offre au public l’occasion de découvrir ou de redécouvrir la
    création de cet artiste surréaliste, très important dans le monde. Un artiste
    juif né en Roumanie, dont la vie a été profondément secouée par la deuxième
    guerre mondiale, et dont la signification reste actuelle dans le monde où nous
    vivons. Il y aura ensuite la Biennale Art Encounters, arrivée à sa cinquième
    édition, un événement axé sur la relation entre l’art et la technologie, dont
    le commissaire est le Suisse Adrian Notz. À la différence des deux autres
    expositions, qui présentent de figures culturelles du patrimoine, la Biennale
    présente la contribution de la jeune génération d’artistes de Roumanie, de
    l’est de l’Europe, mais aussi d’artistes internationaux de premier rang à la
    présentation de la réalité actuelle, de notre relation avec l’art, avec la
    technologie et tout ce qui nous entourent. Le 30 septembre, nous aurons le
    vernissage de l’exposition Brâncuși, première rétrospective Brâncuși depuis 50
    ans en Roumanie et en Europe Centrale et Orientale. Nous ramenons
    symboliquement chez nous les créations de maturité artistique de Brâncuși
    détenues par des musées tels le Centre Pompidou, la Tate Modern Gallery de Londres,
    la Fondation Guggenheim de Venise. Nous y ajoutons des ouvrages de jeunesse,
    gardés dans des musées roumains – le Musée national d’art de Bucarest, le Musée
    national d’art de Craiova, une exposition organisée en partenariat avec le
    Musée national d’art de Timișoara et l’Institut français. »



    Ovidiu
    Șandor a ensuite expliqué ce que l’exposition « Victor Brauner: Inventions
    et magie » propose au public: « Dans
    le cas précis de l’expo Brauner, il va y avoir un grand nombre de ses
    créations, beaucoup de peintures, probablement sa technique la plus connue, et
    puis une série de dessins importants. Ce sont des ouvrages réalisés durant sa
    période de création roumaine, et surtout bucarestoise, dans les années 1920-30,
    lorsque Brauner était un des piliers de l’avant-garde locale. Et puis aussi,
    des créations de la période vécue en France, depuis les années 1940 jusqu’à sa
    mort, survenue dans les années 1960. L’expo couvrira donc l’ensemble de sa
    carrière, avec quelques-unes de ses sculptures et une interview filmée de
    l’artiste. Les visiteurs pourront admirer des ouvrages célèbres, dont cet
    autoportrait avec un œil blessé, ce qui allait lui arriver quelques années plus
    tard, lorsqu’un ami lui arracha un œil dans une altercation dans un bar. Donc, une
    sorte de prémonition, très en phase avec la pensée surréaliste, qui voyait une
    relation quasi cachée entre le réel et l’irréel, entre la vie et le rêve, entre
    les choses certes et la magie, et ainsi de suite. »



    Ovidiu
    Șandor a également dévoilé les surprises de la grande rétrospective « Constantin
    Brâncuși: Sources roumaines & perspectives universelles »: « Dans le cas de Brâncuși, c’est un nombre important de sculptures de sa première
    période de création et de la période de maturité. L’exposition Brâncuși, dont
    la commissaire est Doina Lemny, veut mettre en exergue la transformation du
    jeune artiste Brâncuși, qui part de Roumanie en emportant dans ses bagages la
    tradition et la culture locales et qui découvre tout seul, à Paris, un univers
    culturel international impressionnant. L’exposition montre la transformation subie
    par les créations de Brâncuși, qui atteignent les formes raffinées de portée
    universelle. Nous y ajouteront un paquet important de photographies réalisées
    par Brâncuși lui-même, un chapitre de son œuvre trop peu connu et apprécié en
    Roumanie. En fait, Brâncuși découvre un jour l’appareil photo et passe
    longtemps à poser ses ouvrages à l’intérieur de son atelier, à attendre la
    meilleure lumière pour les photographier seuls ou savamment mélangés … Moi, j’y
    vois une leçon que Brâncuși nous livre pour nous apprendre comment nous
    devrions regarder ses sculptures. En plus, il y aura aussi des dessins, sa
    correspondance avec des amis de Roumanie, des films dont certains réalisés par Brâncuși
    lui-même et d’autres par des artistes importants de l’époque, qui ont filmé Brâncuși
    en train de travailler. »
    ,
    a enfin précisé Ovidiu Șandor, président de la fondation « Art
    Encounters », de Timişoara. (Trad. Ileana Ţăroi)



  • L’exposition « Max Hermann Maxy – De l’avant-garde au socialisme »

    L’exposition « Max Hermann Maxy – De l’avant-garde au socialisme »

    Le Musée national d’art de Roumanie (MNAR) invite
    son public à une nouvelle exposition, ouverte jusqu’à la fin du mois d’avril. Intitulée
    « M.H. Maxy – De l’avant-garde au socialisme », elle est consacrée à
    Max Hermann Maxy, artiste roumain d’origine juive qui a vécu entre 1895 et 1971.
    Peintre, scénographe, professeur à L’Institut des arts plastiques, Maxy a été
    un des plus importants membres de l’avant-garde de Roumanie, fondateur de la
    revue « Integral » et directeur du Musée d’art du pays. Il fut une
    personnalité en égale mesure complexe et forte, controversée et critiquée, un artiste
    dont le talent s’est exprimé durant deux époques historiques distinctes: dans
    la Roumanie monarchique jusqu’en 1947 et dans la Roumanie du nouveau régime
    communiste au cours de la seconde partie de sa vie.

    L’exposition suit la
    chronologie de la biographie de l’artiste à travers des peintures, de l’art
    graphique, des projets de scénographie, des objets d’art et des revues. Le
    directeur général du MNAR et commissaire de l’exposition, Călin Stegerean, a
    parlé de l’artiste:
    « Il a été une figure exceptionnelle de l’art roumain du XXème siècle,
    premièrement en tant que chef de file du mouvement d’avant-garde à
    l’entre-deux-guerres, fondateur d’une importante revue d’avant-garde, « Integral »,
    et d’un atelier d’art décoratif autour de cette revue. En même temps, il a été
    un scénographe très doué, qui a travaillé avec différentes troupes de théâtre
    d’avant-garde. Après l’avènement du régime communiste, il a occupé plusieurs
    fonctions dirigeantes dans l’appareil d’État.
    Ainsi, par exemple, fut-il le président de « Fondul Plastic » ou
    encore, à partir de 1950, le directeur du premier Musée national d’art de
    Roumanie, dénommé à l’époque le « Musée d’art de la République Populaire
    Roumaine ». Il a appuyé le mouvement d’avant-garde, qu’il avait découvert
    en Allemagne, où il avait fait ses études. Plus tard, il a intégré les rangs
    des organisateurs de grandes expositions d’art d’avant-garde de
    l’entre-deux-guerres en Roumanie, écrivant aussi pour toutes les revues
    spécialisées, véritable lieu de rencontre des arts plastiques avec la
    philosophie, avec tout ce qui a renouvelé le langage artistique. Il a été un
    ami proche de Marcel Iancu, de Tristan Tzara, Ilarie Voronca, Ion Călugăru, tous
    des collaborateurs de la revue « Integral ». Le lien était très fort,
    car les élites s’appréciaient mutuellement et se fréquentaient. En 1942, il a
    rejoint le Parti communiste. L’époque était très trouble, les Juifs étaient persécutés,
    il y avait ces actions dont le but était de supprimer l’ethnie juive. Mais le
    mouvement d’avant-garde rassemblait des gens de gauche, leur passage aux
    recettes du réalisme socialiste ayant emprunté un chemin légèrement différent
    de celui d’autres artistes. Maxy s’est intéressé aux catégories de population
    défavorisées de Roumanie. Les années 1930-40 témoignent de cet intérêt pour les
    ouvriers, pour les gueules-noires, pour ces classes qui n’étaient pas des plus
    favorisées. Du point de vue de la conception, l’exposition prend en compte les
    deux époques historiques, d’une étendue quasi égale, couverte par son activité
    – la période monarchique et la période communiste. Reconnu comme chef de file,
    il a été le promoteur d’un renouveau du langage artistique, durant la première
    période, un renouveau dont notre culture avait fortement besoin, en plus d’une
    ouverture vers l’international. Durant la seconde période, il a lancé des
    signaux concernant une certaine liberté de création, de représentation, qui l’a
    poussé à récupérer en quelque sorte les éléments d’expression utilisés à
    l’entre-deux-guerres. Certes, sans l’envergure ni l’inspiration de cette
    période, mais rendre cela possible après une période de pression et de
    dogmatisme idéologiques fut un signal très fort pour les collègues
    artistes. »


    Călin Stegerean a également parlé de l’activité de
    Maxy à la tête du MNAR: « Maxy a pratiquement configuré ce musée. Je dois vous dire que les
    meilleurs entrepôts de tableaux sont ceux mis en place par Maxy dans ce musée.
    Et c’est aussi lui qui, avec d’autres collègues, a organisé la Galerie d’art
    roumain et la Galerie d’art universel. En même temps, il a eu l’idée de créer
    des activités parallèles aux expositions, dans le but d’éduquer le public et de
    soutenir le lien entre les arts et la vie. »


    Lors du vernissage de l’exposition, le président
    de la Fédération des Communautés juives de Roumanie, Silviu Vexler, a parlé lui
    aussi de Maxy: « Maxy est une des personnalités les plus complexes de l’art roumain, tout
    en étant aussi l’un des artistes juifs
    les plus connus de Roumanie, aux côtés de Marcel Iancu, de Victor Brauner ;
    ils sont, si vous voulez, les symboles les plus visibles et les plus facilement
    reconnaissables de la présence des artistes juifs de Roumanie. En même temps, Maxy
    est un artiste extrêmement complexe dont les créations changent avec le
    contexte des époques traversées. Il est donc essentiel de présenter,
    simultanément avec ses tableaux, le contexte de leur création et de l’activité
    de Maxy. Pourtant, bien qu’il ait été une personnalité d’une telle envergure,
    Maxy a été très peu connu du large public et l’exposition proposée par le Musée
    national d’art est une chance exceptionnelle de le découvrir. »


    Silviu Vexler a aussi parlé de Maxy l’homme: « Je ne crois
    pas que l’on puisse ignorer les personnes. Je crois que l’on peut arriver à un
    point où l’on comprenne que, parfois, la création n’a pas de lien avec certains
    aspects négatifs de l’individu, mais on ne peut pas passer l’éponge dessus. La
    situation de ce genre la plus célèbre est celle de Wagner. Jusqu’à l’heure où
    l’on parle, Wagner est un artiste non seulement extrêmement controversé, mais,
    par exemple en Israël, sa musique a été à l’affiche d’un seul concert. En même
    temps, il est impossible de ne pas reconnaître que l’œuvre de Wagner est un
    élément fondamental de la signification de l’opéra. Mais je ne suis pas
    d’accord avec les tentatives de rayer tout ce qui a été négatif dans la vie
    d’une quelconque personne en raison de son œuvre. Ces deux choses sont complémentaires, à mon avis, il faut les
    connaître toutes les deux et comprendre leur vraie valeur. Ce qu’un artiste
    pense aura inévitablement une influence sur son œuvre. C’est pour cela que je soulignerais la valeur ajoutée de cette
    exposition dédiée à Maxy se trouve dans le fait qu’elle montre toutes les
    facettes de sa vie. Ce ne sont pas de simples toiles exposées, car le contexte
    de la société dans laquelle il les avait créées, l’évolution de sa vie et la
    manière dont son œuvre en a été touchée ont un grand poids. »,
    a conclu le
    président de la Fédération des Communautés juives de Roumanie, Silviu Vexler.
    (Trad. Ileana Ţăroi)

  • L’acteur Iulian Postelnicu primé à Cottbus et à Namur

    L’acteur Iulian Postelnicu primé à Cottbus et à Namur

    « Oameni de
    treabă/Des gens bien »,
    le dernier film du réalisateur roumain Paul
    Negoescu, sur un scénario écrit par Radu Romaniuc et Oana Tudor, a été présenté en première internationale au
    Festival du film de Sarajevo. Il a également fait partie de la sélection de
    plus de 17 festivals et fut récompensé du Grand prix « Golden Atlas »
    au Festival international du film d’Arras (France), ainsi que d’une Mention spéciale
    du jury au Festival international du film francophone de Namur (Belgique). L’acteur
    Iulian Postelnicu, interprète du principal rôle masculin, s’est vu lui aussi
    récompenser le travail à travers deux prix aux Festivals internationaux de
    Cottbus (Allemagne) et de Namur. La production est sortie en salle en Roumanie
    à la fin du mois de novembre dernier. « Des gens bien » met en scène
    un agent de la police rurale, qui rêve d’avoir un verger et de mener une vie
    tranquille, alors qu’autour de lui des gens influents font la loi et qu’une
    série d’imprévus le mettent au pied du mur. Le jury du Festival international du film francophone de Namur a
    attribué le prix de la meilleure interprétation à Iulian Postelnicu, en expliquant
    ainsi son choix: « Ce film a été unanimement acclamé par les membres du
    jury pour le travail des acteurs, notamment celui de l’interprète du rôle
    principal qui nous a épatés, tout comme le décor, le scénario et l’engagement.
    Nous avons apprécié ce film d’un humour noir sans pareil, qui a le pouvoir de
    nous faire découvrir un pays, une région, une culture, tout en restant
    universel, un film qui provoquera le rire, l’émotion et des questions chez tous
    ceux qui auront la chance et le plaisir de le voir. »


    Diplômé, en 2002, de l’Université d’Art théâtral et
    cinématographique « Ion Luca Caragiale » de Bucarest, la section Art
    de l’acteur, Iulian Postelnicu a écrit des scénarios pour des séries télévisées
    roumaines à succès. Son talent a été distingué de deux Prix Gopo (du cinéma
    roumain): le prix du meilleur rôle masculin dans le film « Arest/Garde à
    vue », du réalisateur Andrei Cohn, et le prix du meilleur scénario pour le
    film « Neidentificat/Non-identifié », écrit avec le réalisateur
    Bogdan George Apetri. Iulian Postelnicu explique son choix très attentif des
    rôles, avec un penchant pour le travail de composition, et affirme que le rôle
    d’Ilie, le policier qui entame la seconde moitié de sa vie sous la pression de
    plusieurs décisions importantes à prendre, avait été une mise à l’épreuve. Un rôle
    principal est une occasion de s’épanouir, de mettre en évidence son art, de
    donner le meilleur de soi-même. Un tel personnage se prête
    à une multitude de nuances, tandis qu’une apparition brève ne laisse pas de la
    place à une approche pareille. Il est vrai que tout rôle principal ne
    m’intéresse pas, car, puisqu’on est en Roumanie, l’argent ne réussit pas à
    compenser l’effort, le temps et l’énergie investis dans la réalisation d’un
    rôle principal. Je le dis parce que c’est mon métier, ce n’est pas un
    passe-temps, jouer et écrire des scénarios sont les deux occupations grâce
    auxquelles je gagne ma vie., explique-t-il.


    Iulian Postelnicu a fait un très sérieux travail de
    documentation pour pouvoir interpréter le policier Ilie dans le film « Des
    gens bien ». Parler avec l’accent de la contrée de Botoșani, au nord de la Moldavie, a été l’un des défis, raconte
    Iulian Postelnicu: L’idée a été de me rappeler l’accent de Focșani, ma ville natale,
    et de le modifier légèrement, pour le rendre plus proche de la façon de parler
    des gens de la zone nord de la Moldavie. J’ai fait pas mal d’exercices,
    essayant d’apporter la couleur locale au personnage Ilie. Bien-sûr, ça n’a pas
    été l’unique enjeu, car on ne peut pas réduire Ilie à sa façon de parler, mais
    le dialecte est un plus, selon moi. Quand j’ai lu le scénario la première fois,
    j’ai beaucoup aimé le fait de pouvoir imaginer Ilie et visualiser l’action.
    L’histoire était vraisemblable et truffée d’humour aussi à cause du langage des
    personnages. Je ne pense pas que le public étranger capte ces nuances, mais
    cela renforce l’aspect comique pour les spectateurs roumains. Ma documentation
    a aussi impliqué la lecture de la législation, d’ouvrages sur l »’Académie
    de police, sur la routine des policiers des régions rurales ou des petites
    villes, j’ai voulu apprendre davantage sur les vergers. J’ai trouvé pas mal
    d’enregistrements et de reportages sur internet, qui m’ont aidé à me faire
    image assez bonne de mon personnage, donc le travail de documentation m’a
    énormément aidé.


    « Oameni de treabă/Des gens bien » est une
    co-production des sociétés Papillon Film et Tangaj Production, de Roumanie, Screening Emotions, de Bulgarie, et Avanpost
    Production, également de Roumanie. (Trad. Ileana Ţăroi)



  • « Le Trésor de Svechtari. L’or des Traces sud-danubiens »

    « Le Trésor de Svechtari. L’or des Traces sud-danubiens »

    Le Musée
    national d’histoire de la Roumanie accueille ces temps-ci une exposition
    exceptionnelle – « Tezaurul de la Sveștari. Din aurul tracilor
    sud-dunăreni/Le Trésor de Svechtari. L’or des Traces sud-danubiens » – qui
    renoue avec la tradition de la collaboration muséale en matière d’histoire et
    d’archéologie avec nos voisins bulgares. Le trésor de Svechtari (nord-est de la
    Bulgarie) a été découvert en novembre 2012 dans la nécropole tumulaire d’une
    ville fortifiée construite au IVème siècle avant J.-C. Le directeur du MNIR, Ernest Oberländer-Târnoveanu, a parlé de cette
    collaboration et des objets exposés:


    « Au bout de plus de 45 ans d’interruption, le Musée national d’histoire
    de la Roumanie et l’Institut national d’archéologie et musée de Sofia ont
    repris leur collaboration. En avril dernier, l’Institut de Sofia a accueilli
    une grande exposition consacrée aux armes des élites traces. Le musée de
    Bucarest et l’Institut d’études éco-muséales de Tulcea (Est de la Roumanie) y
    ont exposé plusieurs objets fastueux, découverts dans la tombe princière d’Agighiol
    (fin du IVème siècle av. J.-C.). En réponse à l’événement de la capitale
    bulgare, une exposition absolument magnifique a été inaugurée à Bucarest, avec
    des objets récupérés dans un des tombeaux royaux de Svechtari. Un événement associé
    à un thème plus large, car le Musée national d’histoire de la Roumanie
    accueille aussi l’exposition d’objets en or gètes du sud du Danube « Dacia,
    ultima frontieră a romanității/La Dacie, dernière frontière de la
    romanité ». Cette exposition, qui vient compléter le Trésor historique et
    la copie de la Colonne de Trajan, permet aux visiteurs de connaître des
    facettes particulières de l’art et de la civilisation des Gètes, qui, tout
    comme les Daces, faisaient partie du monde trace. Nous avons pensé que le
    Trésor était le meilleur endroit pour exposer ces magnifiques bijoux en or de
    Svechtari aux côtés de leurs cousins et cousines découverts sur le territoire
    de la Roumanie. »


    Pourquoi
    ce trésor est-il différent d’autres, découverts par les archéologues? Qu’est-ce
    qu’il y en a d’exceptionnel? Ernest Oberländer-Târnoveanu répond à ces
    questions:


    « Je commencerais avec le site fortifié,
    un des grands centres au sud du Danube. Les archéologues et les historiens
    bulgares ainsi que bon nombre de nos confrères roumains considèrent qu’il
    s’agit de Helis, la capitale de Dromichaetes. Ce serait donc là qu’auraient eu
    lieu les événements racontés par Diodore de Sicile, la rencontre de Dromichaetes
    avec le roi Lysimaque et ses fils, vaincus sur le champ de bataille. Tout
    autour du site, situé d’ailleurs au milieu d’un paysage exceptionnel, les
    fouilles ont déterré une nécropole avec des tumuli de grandes dimensions.
    L’archéologue bulgare Diana Gheorghieva en a étudié un et elle a eu la chance
    extraordinaire de tomber sur une situation rare dans son domaine d’activité: relique
    naturelle, un chêne géant antique était encastré dans la paroi extérieure du
    tumulus. Chez les indo-européens, le chêne est un arbre sacré, consacré à Zeus,
    père des dieux. Attachée aux branches, une cassette en bois était remplie de
    bijoux féminins et de pièces de harnais. Le tombeau avait une structure en
    pierre, avec une chambre centrale voûtée, innovation technologique importante
    du IVème siècle et du début du IIème siècle av. J.-C. Deux personnages y ont
    été enterrés et les archéologues ont pu documenter, pour la première fois, un
    tombeau royal érigé autour d’un arbre sacré. Le lieu devenait lui aussi sacré
    et les personnages enterrés étaient placés sous la plus haute protection
    possible, celle du père des dieux. Le trésor est composé de tiares et bracelets
    féminins ornés de représentations d’animaux mythologiques ou fantastiques-
    griffons ou têtes de lion – et de pièces de harnais. Il s’agit donc d’une
    offrande féminine et d’une autre, masculine. Toutes les découvertes
    archéologiques de tombeaux princiers – que ce soit aux bouches du Danube à
    Agighiol, ou dans la Plaine de Munténie à Peretu (au sud de la Roumanie), ou
    bien ailleurs – nous font croire que les élites traces considéraient que la vie
    après la mort continuait avec les mêmes éléments de leur vie sur Terre. Durant
    leur existence terrestre, ils étaient des chefs militaires, dont le cheval
    faisait partie de la présence royale. Alors, ce roi inconnu y avait déposé des
    pièces en or, des ornements du harnais de son cheval préféré, tandis que son
    épouse y avait mis de ses bijoux. Car il était hors de question de se présenter
    devant les dieux sans se parer d’or, d’objets indiquant leur position sociale.
    »


    Qu’est-ce
    qui rend uniques les pièces du trésor découvert en Bulgarie ? Réponse du
    directeur du Musée national d’histoire de la Roumanie, Ernest
    Oberländer-Târnoveanu:


    « Ce sont des objets issus d’ateliers
    grecs de la meilleure tradition classique, car au IVème siècle les Gètes maintenaient
    un contact serré avec les Grecs, ayant adopté des éléments importants de leur
    civilisation. Ils aimaient donc le vin et probablement le poisson, les bijoux
    raffinés. Ce que nous voyons ici ce sont des bijoux royaux, peu accessibles aux
    gens ordinaires. Or, ça n’arrivent pas souvent qu’un musée tel le nôtre
    accueille une telle découverte. Le trésor de Svechtari n’a pas beaucoup voyagé
    au-delà des frontières bulgares. L’exposition est ouverte au public roumain et
    aux touristes étrangers jusqu’au mois de juin 2023, tandis que la grande
    exposition « La Dacie, dernière frontière de la romanité », qui
    inclut ce sujet aussi, reste ouverte jusqu’en mai, car en juin elle voyagera en
    Italie, au Musée national romain. »,
    a conclu le directeur du
    Musée national d’histoire de la Roumanie, Ernest Oberländer-Târnoveanu. (Trad.
    Ileana Ţăroi)

  • La fête du Nouvel An en Roumanie

    La fête du Nouvel An en Roumanie

    Le passage
    d’une année à l’autre est sans nul doute un moment festif pour tout un chacun.
    Même si pour certains, le 1er Janvier renvoit à une simple convention, la nuit
    qui le précède est une occasion de faire la fête partout dans le monde. Connu
    jadis sous la dénomination de Petit Noël, le Réveillon du Nouvel An est
    marqué dans la tradition roumaine par toute une série de rituels qui débutent
    le 30 novembre, à la Saint André et prennent fin le 7 Janvier, à la Saint Jean
    Baptiste. Toute une série de rituels païens sont ressuscités en cette période
    de fête pour marquer le passage vers la nouvelle année. Surtout dans la
    campagne roumaine, les traditions ancestrales sont toujours vivantes et
    accompagnent le quotidien des villageois durant les fêtes d’hiver. Par exemple,
    un ancien culte du Soleil se reflète dans des rituels tels la Danse de l’Ours
    ou de la Chèvre. La tradition veut que les costumes soient préparés une semaine
    avant Noël, tandis que les masques doivent être confectionnés bien à l’avance
    par les maîtres artisans locaux qui essaient de leur mieux de créer des
    personnages expressifs et rigolots.






    Delia
    Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare explique :




    Pour
    le Nouvel An, la tradition veut que les groupes de chanteurs de cantiques
    fassent du porte à porte pour faire part de leurs voeux à leurs proches, aux
    membres de leurs familles ou à leurs voisins. Les cantiques de la route, comme
    on les appelait jadis, n’existent plus de nos jours. La tradition veut que
    durant la Nuit de la Saint Sylvestre, au Maramures, par exemple, les villageois
    se réunissent pour chanter toute sorte de cantiques dont une partie renvoient à
    des rituels païens. Là-bas, les chansons parlent de toute sorte de symboles
    solaires, de la nature ou de la renaissance.





    Dans
    les villages de Roumanie, les gens pensent que le divin leur devient accessible
    à travers les rituels et les traditions de fin d’année. Voilà pourquoi, les
    voeux que l’on se fait en cette période de fête sont considérés par les
    communautés locales comme vraiment importantes et essentielles.

    Sabina Ispas,
    directrice de l’Institut d’ethnographie et de folklore « Constantin Brăiloiu »
    de Bucarest, détaille au micro de Radio Roumanie : Nous
    remarquons une suite de traditions et de cérémonies parmi lesquelles, le rituel
    de la sorcova, très prisé par les enfants.Même
    chose au sujet de la cérémonie du Pluguşor, pratiquée par les jeunes hommes
    mariés du village, avec sa version pour les enfants, qui se déplacent en
    groupe, de foyer en foyer, pour prononcer des vœux, censés assurer la
    protection du foyer et de ses hôtes, et la richesse des récoltes au printemps.
    Ces rituels sont des cantiques populaires censés chasser la peur, la
    malédiction et le péché, et qui, dans certaines régions, ne prennent fin que le
    7 janvier, à la Saint Jean. Toutes ces fêtes de Noël et du Nouvel An sont en
    rapport avec la tradition de l’ouverture des cieux. Cela renvoie au concept de
    théophanie, selon lequel la volonté divine se manifeste, devient compréhensible
    et accessible. A ce moment, le divin descend sur terre, se répand, se dévoile aux
    êtres humains. Ce sont des instants particuliers, lors desquels les gens
    apprennent la volonté divine, ce que présage la nouvelle année, qui vient de
    commencer. Ils perçoivent cela non pas comme une sorte de sorcellerie ou de
    magie, mais véritablement comme un message transmis par Dieu lui-même, et qui
    leur devient accessible, lisible et compréhensible. »»





    Et
    puis, c’est toujours pendant la Nuit du Nouvel An que jadis, les jeunes filles
    essayaient de deviner leur promis. Sabina Ispas : Il
    existe dans la tradition roumaine toute une série de coutumes et de pratiques
    censées permettre aux gens d’entrer en communication avec la divinité. Par
    exemple, les jeunes filles qui souhaitaient apprendre davantage sur leur futur
    mari étaient tenues pour chercher des objets cachés d’avance, en fonction
    desquels elles pouvaient se faire une idée sur leur promis. Un charbon ardent
    indiquait que leur fiancé aura les cheveux bruns, des branches sèches
    indiquaient un homme plus âgé.









    Pour
    l’histoire de la culture roumaine, la période de fin d’année allant de Noël à
    la Saint Jean représente l’une des plus riches en rituels et en traditions
    ancestrales. La société moderne a transformé la Nuit de la Saint Sylvestre en
    un prétexte pour faire la fête jusqu’à l’aube, aux côtés de la famille et des
    proches. Quoi qu’il en soit, les cérémonies qui accompagnent le passage d’une
    année à l’autre ont un double rôle. Il s’agit, d’abord, d’« enterrer » l’année
    qui vient de s’achever, avant de fêter la naissance de la nouvelle, pour
    marquer l’éternel recommencement.



  • Noël en Roumanie

    Noël en Roumanie

    Chez
    les Roumains, Noël est une des plus importantes fêtes de l’année. Dans la
    société moderne, cette fête de la joie partagée qu’est la Nativité a acquis des
    dimensions commerciales ; pourtant, depuis des siècles, l’état d’esprit
    des gens semble inchangé, notamment dans les vieilles communautés rurales. Là,
    les traditions et les coutumes sont toujours présentes et respectées, affirme
    Sabina Ispas, directrice de l’Institut d’ethnographie et de folklore
    « Constantin Brailoiu », de Bucarest.






    Sabina
    Ispas : « Le 23 décembre, les gens préparent les jours
    festifs compris entre Noël (le 25
    décembre) et la Saint Jean (le 7 janvier). On les appelle les 12 jours festifs.
    Le 23 et parfois aussi le 24 décembre, a lieu « colindatul
    copiilor », les noëls des enfants, en ouverture des cérémonies et des
    rituels liés à ces fêtes spéciales de l’hiver. Dans la société traditionnelle, un
    moment plein de significations pourrait être celui des noëls chantés par le
    groupe d’hommes, en fait, un rituel d’intégration de la communauté, de chaque
    famille et de chaque membre d’une famille dans le temps sacré de l’événement
    qu’est la naissance de notre Seigneur. Un répertoire spécialisé s’adressait
    justement à ce rituel d’intégration et mentionnait la maison et ses habitants,
    à commencer par le père de famille, son épouse, les enfants en âge de se
    marier, les enfants en bas âge. Dans des situations exceptionnelles, il y avait
    aussi des noëls pour les morts, si un décès avait eu lieu dans la maison en
    question au cours de l’année en train de s’achever. Les chanteurs de noëls
    recevaient des cadeaux, dont invariablement une couronne de pâte à pain, du vin
    et un morceau de viande spécialement préparé pour eux ».







    Le
    Maramureş est probablement une des peu nombreuses régions de Roumanie où les
    traditions de Noël n’ont pas été altérées par des influences citadines,
    explique Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord, de Baia Mare : « Au Maramureş, Noël est une très belle fête, marquée de très beaux
    rituels, liés aux préparatifs, aux trois grands jours de Noël et à la fin des
    fêtes de la Nativité. Nous tenons absolument à le souligner, car chaque étape a
    ses propres rituels, très bien préservés, qui, s’ils ne sont pas respectés à la
    lettre, annulent l’effet d’un autre rituel. La Veille de Noël joue un rôle
    presque plus important que la Fête de la Nativité elle-même. C’est la Veille
    que les villages bourdonnent d’activités, les grands plats festifs mijotent
    dans les cuisines, alors que les habitants respectent le jeûne, car, chose très
    importante, cela signifie la purification et le sacrifice, pour être ensuite
    bien et en bonne santé tout au long de l’année qui vient ».






    Le
    repas de Noël est l’élément central de la célébration de la Nativité dans
    toutes les communautés de Roumanie. Avant de goûter les plats de fête, les
    membres de la famille s’agenouillent
    pour prier Dieu. À la fin du repas, ils se lèvent tous au même moment,
    en signe de profonde communion spirituelle. Dans la soirée, des groupes de
    jeunes hommes, munis de torches, arpentent le village en chantant des noëls.




    Leurs
    couvre-chefs sont décorés de petites branches de myrte et de fleurs de géranium,
    raconte Delia Suiogan : « La Veille de Noël également, la maîtresse de
    maison doit préparer la couronne de pain à mettre sur la table que vont
    entourer les chanteurs de noëls et leurs amphitryons. La couronne sera posée sur
    une serviette brodée, étalée sur du foin vert, spécialement coupé pour des
    fêtes comme celle-ci. Ce même jour, les femmes de la maison préparent aussi les
    petites couronnes de pain, pour récompenser l’effort artistique et les vœux des
    chanteurs de noëls, des plus jeunes aux plus âgés. Le maître de maison, lui,
    doit descendre des noix du grenier et apporter des pommes. La maison est
    joliment décorée et la table ornée est ramenée au centre de la pièce. Dans
    cette région, il y a un très beau rituel, qui fait qu’une chaîne rattache entre
    eux les pieds de la table, pour conjurer une nouvelle année sans problèmes,
    pour maintenir l’unité de la famille et pour protéger les animaux de la ferme
    contre les voleurs et les maladies. Les premiers groupes, qui se mettent à
    sillonner le village en chantant des noëls, rassemblent entre 5 et 8 enfants,
    filles et garçons, en fonction des relations de famille ou d’amitié qui
    existent entre eux, car ils vont chanter chez d’autres membres de leurs
    familles ou chez des amis. La Veille de Noël, ces chanteurs peuvent commencer leur
    itinéraire même en fin de matinée et ils sont très bien accueillis par les
    hôtes ».







    Dans
    les villes, les semaines qui précèdent Noël se transforment en une course aux
    achats. Le sapin, les décorations et les cadeaux pour les proches sont les
    objectifs de ceux qui souhaitent passer des fêtes inoubliables, tandis que les
    gourmands se sentent gâtés par les plats festifs spécifiques. Pourtant, la Fête
    de Noël est le moment parfait de réparer les erreurs commises et de renouer les
    relations interhumaines, en vue d’un nouveau commencement. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Collections de littérature roumaine contemporaine à la Foire Gaudeamus

    Collections de littérature roumaine contemporaine à la Foire Gaudeamus

    Après deux années d’existence en ligne, la foire du livre la plus
    appréciée de Roumanie, organisée par la radio publique, retrouve le format qui
    l’a consacré depuis une trentaine d’années. L’édition actuelle a accueilli plus
    de 600 événements éditoriaux, les quelque 200 participants ayant offert au
    public un choix de produits particulièrement divers. Invitées au micro de RRI,
    Eli Bădică, coordinatrice de la collection « N’autor » des Editions
    Nemira, et Diana Iepure, chargée des relations publiques aux Editions Paralela
    45 et coordinatrice de la collection Prima Dragoste/Le Premier amour, ont
    parlé, justement, de ces démarches censées ramener la littérature roumaine
    actuelle sur le devant de la scène.

    La collection Prima dragoste, coordonnée
    par Diana Iepure, s’est lancée avec cinq romans d’auteurs et autrices de
    Roumanie -Diana Geacăr, Andrei Crăciun, Andrei Doșa, Alina Pietrăreanu, Cristina
    Ispas – lancés au Salon du livre Bookfest de l’été dernier. C’est de la
    littérature contemporaine dédiée aux jeunes lecteurs, à retrouver aussi,
    bien-sûr, à la Foire Gaudeamus. Diana Iepure ajoute : « Il
    existe une continuité dans la programmation, ce qui fait que nous allons
    publier un micro-roman de Ștefan Manasia, « Platanii din Samothraki/Les
    platanes de Samothraki ». Ștefan Manasia est un auteur, poète et essayiste
    de la génération 2000. Très talentueux, il est aussi très apprécié par les
    lecteurs. « Les platanes de Samothraki » est son deuxième livre de
    prose et l’on pourrait le comparer à un film d’art pour les lycéens.
    Le héros est un adolescent initié dans ses recherches par
    son oncle. C’est un garçon au grand cœur et toute sa générosité jaillit sans
    entrave du livre de Ștefan Manasia, que les élèves de lycée ne peuvent pas ne
    pas aimer. Comme je l’ai souvent répété, nous avons invité nos auteurs à écrire
    un livre pour les ados, un livre tel qu’ils auraient aimé lire quand ils étaient
    élèves et qu’ils n’avaient pas trouvé. C’est comme ça qu’est née la collection
    « Prima Dragoste » et il est vrai que les écrivains ont imaginé des
    micro-romans extraordinaires. Chose valable aussi pour le livre de Ștefan
    Manasia, lancé à la Foire Gaudeamus, au stand de notre maison d’édition. Je
    voudrais ajouter que les Editions Paralela 45 ont participé à cette édition de
    Gaudeamus avec leur plus grand stand jamais installé sur une foire ou salon du
    livre. En fait, nous avons voulu faire une présentation très détaillée, car
    nous avons mis en lumière toutes les facettes d’une maison d’édition et là, je
    pense à tous les genres littéraires constituant notre spécialité. »

    Il y a quatre ans, la maison
    d’éditions Nemira lançait la collection de littérature roumaine contemporaine « N’autor »,
    qui parle sur différentes tonalités du monde qui est le nôtre. C’est une
    collection plébiscitée par les lecteurs de littérature roumaine actuelle, la
    dernière parution en date – « Solomonarul/L’Ensorceleur » de Florin
    Chirculescu – s’annonçant déjà comme un best-seller. Eli Bădică, la
    coordinatrice de la collection « N’autor », a aussi présenté
    d’autres nouveautés à l’intention du public : « Le
    livre de Florin Chirculescu est effectivement un livre-événement. C’est
    une œuvre remarquable à plus d’un titre ; il y a le style et il y a aussi
    le sujet, puisque la figure tutélaire en est le plus important poète roumain,
    Mihai Eminescu, que l’auteur réussit à humaniser. Personnellement, je n’ai pas
    connaissance d’un autre texte de pareille envergure qui fasse un portrait
    tellement réel d’Eminescu. C’est le résultat, très original et plein d’humour,
    d’une documentation et d’une érudition extraordinaires. Il y a eu ensuite les
    nouvelles éditions du roman « Un cal într-o mare de lebede/Un cheval dans
    une mer de cygnes » de Raluca Nagy et des « Povestiri din Garaj/Récits
    du Garage » de Goran Mrakić. Le hasard a fait que ces deux livres
    paraissaient au même moment, ce qui me fait penser à une tournée de 2018, faite
    en compagnie de ces deux auteurs après le lancement de leurs livres respectives.
    À Gaudeamus, parmi les nouveautés présentées, nous avons proposé le premier
    roman de Goran Mrakić, « Micile plăceri ale morții/Les petits plaisirs de
    la mort », paru au début de cet automne. Dans ce livre, l’auteur continue
    à réaliser la cartographie littéraire de la région de Banat, qu’il avait
    commencé dans le volume antérieur. Le premier roman, un roman-puzzle, de Horea
    Sibișteanu est paru lui-aussi cet automne. Horea Sibișteanu est à sa deuxième
    création publiée dans la collection « N’autor ». Le livre, dont le
    titre est « Întinde mâna, Tiberiu/Tend ta main, Tiberiu », a pour
    personnage principal un jeune homme à la recherche de son identité et de l’acceptation
    de soi-même. Il essaie aussi de refaire son enfance, des années 1990, et de se
    comprendre soi-même dans un présent très proche de nous. Autre nouveauté, le
    premier roman de Liviu Ornea, que le monde connait en tant que mathématicien,
    traducteur, universitaire, chercheur, critique de théâtre. Après le début avec
    « Viitorul Anterior/Futur antérieur » en 2020 il est revenu cette
    année avec « Viața ca o glumă proastă/La vie comme une mauvaise
    blague ».



    Pour la première fois, les organisateurs de Gaudeamus et
    leurs partenaires – Opera Comică pentru Copii/L’Opéra-Comique pour les enfants et
    l’Association Versus – ont aménagé deux espaces dédiés aux activités
    interactives pour les plus jeunes visiteurs. Le Concours national de lecture « Mircea
    Nedelciu », ouvert aux élèves de lycée, a réuni des adolescents de tout le
    pays ; cette année, selon une formule inédite, les concurrents ont été
    invités à écrire des essais envoyés en format vidéo sur le thème « Centenaire
    Marin Preda. Le centième anniversaire de sa naissance ». (Trad. Ileana
    Ţăroi)







  • Alexandru Belc fait ses débuts dans le long-métrage

    Alexandru Belc fait ses débuts dans le long-métrage

    Après une première projection en ouverture du festival Les Films de Cannes à Bucarest, le film a fait le tour de plus de 45 cinoches à travers le pays, les spectateurs ayant eu l’occasion de rencontrer l’équipe de réalisation. « Metronom » raconte l’histoire d’un groupe de lycéens roumains des années 1970, qui écrivent une lettre à l’animateur d’une émission de musique rock, Metronom, diffusée sur radio Free Europe. La situation se complique lorsque Sorin, le petit ami d’Ana, et toute sa famille ont la chance de quitter définitivement le pays, ce qui implique la séparation des deux tourtereaux. Mara Bugarin et Șerban Lazarovici, deux des acteurs à l’affiche du film, ont raconté pour RRI leur travail de se glisser dans la peau de deux adolescents de l’époque communiste et d’assumer les personnages principaux. C’est l’esprit à la fois rebelle et romantique du personnage Ana qui a conquis l’actrice Mara Bugarin : « Il m’a été assez difficile de déchiffrer la force intérieure d’Ana et la façon dont elle s’exprime dans le contexte d’un régime assez oppressif. J’ai essayé de me connecter au personnage, de ne pas m’en éloigner, vu qu’Ana vit dans les années1970, alors que moi je suis née beaucoup plus tard. Je n’ai pas voulu la regarder comme si elle était une simple forme sans fond, ni la juger en me positionnant en hauteur pour ainsi dire. C’était la plus grande difficulté et le plus gros défi de ce rôle. Pour moi, c’était difficile, mais aussi très beau. Les scènes de la Securitate, que j’ai tourné en compagnie de deux des meilleurs acteurs roumains du moment, Vlad Ivanov et Mihai Călin, ont également été très importantes pour moi. »

    Şerban Lazarovici : « Moi, j’ai eu moins de journées de tournage que Mara parce que j’ai intégré le projet assez tard ; les discussions avec le réalisateur Alexandru Belc sur le personnage et son évolution, je les ai eues directement sur le plateau de tournage, avant d’entendre « Action ! ». Ces échanges avec l’équipe restreinte du film m’ont beaucoup aidé à me glisser dans l’atmosphère de l’histoire. Je pourrais vous parler des choses qui me différencient de Sorin, mon personnage. Je suis sûr que je n’aurais pas réagi comme lui. Il m’est arrivé d’entendre des remarques des spectateurs, qui me disaient que je ne pouvais pas savoir ce que j’aurais fait à la place de Sorin, si j’avais vécu à cette époque-là. Moi, je maintiens mon opinion et j’affirme que je ne pense pas avoir eu la même attitude envers la personne aimée, je crois que j’aurais réussi à l’avertir d’une manière ou d’une autre. »

    Mara Bugarin et Șerban Lazarovici, les titulaires des rôles principaux dans le film « Metronom », se sont aussi attardés sur les réactions des spectateurs. Mara Bugarin : « Pour moi, les réactions du public sont importantes et révélatrices, et les propos des spectateurs m’ont émue et poussée à continuer à faire ce que je fais. Je me suis rendue compte que le film a aussi un certain effet thérapeutique, il y a eu des rencontres où les spectateurs nous ont raconté des situations très personnelles, qu’ils avaient vécues sous le régime communiste. Et c’est très émouvant de se voir confier de telles histoires. Tu comprends que, par ta simple présence dans un film dont l’action se déroule à une époque que tu n’as jamais connue, tu aides les gens à dire des choses qu’ils n’ont probablement jamais exprimées. »

    Șerban Lazarovici : « En effet, la réaction du public roumain a été très importante pour moi aussi, surtout qu’il s’agit d’une histoire de l’époque communiste. J’étais très curieux de voir la réaction du public roumain et je suis d’accord avec Mara ; à la fin de la plupart des projections, des spectateurs nous racontent des situations de leur jeunesse ou adolescence, vécues à cette époque-là. Et je trouve très intéressant le fait que les gens nous font de plus en plus confiance, au point de comparer leurs histoires personnelles avec ce qui se passe dans le film. »

    « Metronom » a été bien accueilli par la presse spécialisée. « Variety » l’a qualifié d’hommage « intelligent et assumé rendu à une génération de Roumains damnés ». Le chroniqueur a aussi remarqué que « ce début stylisé, lent et bénéficiant d’une très riche imagination « est infiniment plus qu’une simple version roumaine du drame de Romeo et Juliette ». « Metronom est un magnifique exemple de cinéma », écrit The Upcoming, tandis que Cineuropa note que « dans une industrie du film où les cinéastes s’intéressent rarement aux protagonistes femmes ou jeunes, le personnage Ana de « Metronom » se transforme en un véritable symbole lumineux d’une certaine attitude envers la vie. » (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Celula de Artă – cinq années d’existence

    Celula de Artă – cinq années d’existence

    Le paysage culturel et artistique de Bucarest inclut,
    depuis cinq années, une galerie d’art non-conventionnel. « Celula de
    Artă/La Cellule d’art » est une galerie-aquarium, ouverte sur la rue, qui
    cherche à livrer le message artistique directement aux passants. Le concept de
    la galerie laisse les ouvrages d’art s’évader des contraintes d’un espace
    conventionnel pour interagir avec un public nouveau, qui ne fréquente pas les
    vernissages d’art ou autres événements du même genre. Un dialogue libre, direct
    et non-conformiste fait ainsi tomber une barrière physique et temporelle qui
    sépare l’objet d’at et celui qui le contemple.

    L’artiste visuel Daniel Loagăr
    fait partie des fondateurs de « Celula de Artă » et connait en détail
    l’histoire, le concept et l’équipe de la galerie bucarestoise.


    « Il faut commencer avec un peu d’histoire, pour que les choses soient
    plus claires: l’atelier de création où je travaille fonctionne dans le hub
    culturel « Carol 53 » de Bucarest. D’autres artistes, de domaines
    divers (peinture, photographie, musique, bijoux, créations en métal, cuir, mais
    aussi remise à neuf de vélos classiques), ont investi ce centre culturel.
    « Celula de Artă » est née de notre besoin de nous exprimer et de
    montrer au public notre travail. Un groupe d’artistes, membres du hub, a fondé
    la galerie, qui a officiellement ouvert ses portes en octobre 2017, lors de la
    Nuit blanche des galeries, avec l’exposition « Wood Be Nice ».
    Ultérieurement, lors de la Nuit des maisons de la même année, nous avons aussi
    proposé une première performance, un live painting. Mais nous avons compris
    très rapidement que notre démarche, d’exposer seulement les artistes du hub,
    était égoïste. Nous nous sommes rendu compte que d’autres artistes aussi
    souhaitaient exposer leurs créations là-bas. C’est comme ça qu’est née « Celula
    de Artă » telle que le public actuel la connaît. « Celula de
    Artă » n’est pas une galerie d’art au sens classique du mot, et cela pour
    plusieurs raisons. C’est un espace de type « artist run space »,
    autrement dit elle est organisée et gérée par des artistes et leurs ami, qui y
    consacrent gracieusement une partie de leur temps libre. Dans notre équipe, il
    y a des gens qui font du graphic design, d’autres du social media, des photos-vidéos,
    du web design, des Relations publiques, de la logistique. Notre équipe n’est
    pas nombreuse, mais nous essayons de répondre à tous les besoins. Il n’y a pas
    d’horaires d’ouverture à « Celula de Artă ». L’objet d’art peut être
    regardé et admiré directement depuis la rue, 24 heures sur 24, 7 jours par
    semaine. Vient ensuite le public très divers de la galerie. Les amateurs d’art
    et les amis des artistes consomment ce que nous exposons, tout comme dans une
    galerie classique, mais les gens moins aguerris le font aussi. Nos expositions
    sont également vues par des passants lambda, par des élèves qui rentrent d’école,
    par des grands-parents qui vont au marché etc. Une autre raison qui fait que nous
    soyons différents, pour ainsi dire, est notre choix d’exposer quasi
    exclusivement des ouvrages en première ou bien spécialement créés pour l’espace
    tridimensionnel de type aquarium qu’est notre galerie. Nous mettons en avant
    des créations d’artistes en début de carrière, encore étudiants en licence ou
    en master, ou en train de préparer une thèse, des artistes sans formation
    formalisée dans ce domaine, des artistes qui exposent pour la première fois
    leurs créations, des artistes expérimentalistes, des artistes courageux, qui
    aiment provoquer mais aussi relever des défis, des artistes qui souhaitent
    collaborer avec nous et des artistes qui se sont déjà fait connaître sur le
    marché de l’art. Nous exposons de l’art contemporain en tout genre – peinture,
    sculpture, mix media, installation, new media – et nous accueillons des
    performances, du live painting, de la musique live, des installations interactives
    ou encore des lancements de revues. »




    Daniel Loagăr a ajouté une présentation rapide des
    principales réalisations des cinq années d’activité de la galerie « Celula
    de Artă »:


    « A l’heure où l’on parle, nous sommes arrivés à l’événement n° 137 et à
    une bonne centaine d’artistes exposés. Nous n’avons pas vraiment fait le
    calcul, mais c’est à peu près ça. Sur les 137 événements, j’en mentionnerais
    les plus inattendus. La performance de Teodor Grigoraș, qui a suivi le modèle
    de « Rostopasca » et s’est enfermé dans la galerie durant 30 heures
    pour peindre 30 tableaux. L’installation new media de Dorin Cucicov, qui
    intégrait chaque passant à une galerie virtuelle. Une expo manifeste pro-Ukraine
    réalisée, cette année, sur la Place Regele Mihai à Bucarest. Une expo mise en
    place en collaboration avec l’association « Art Mirror » de Cluj et
    consacrée à l’environnement, présentée à Chișinău, en République de Moldova. Un
    live painting à l’occasion de l’ouverture de la « Galerie Verticale »,
    durant lequel les artistes ont peint des toiles les yeux bandés. Une
    performance de body drawing de l’artiste et amie Evghenia Grițco, de la ville
    ukrainienne de Tchernovtsy. Un projet de grandes dimensions appelé « IN-TO-IT »,
    réalisé en collaboration avec ASUNAB – l’Association des Etudiants d’UNARTE, un
    projet qui a inclus de la musique live diffusée par Radio IN-TO-IT, une exposition
    de groupe des étudiants d’UNARTE et une installation des étudiants en design.
    Une expo manifeste « Bombe și oameni »/Des bombes et des gens, pro-Ukraine
    et contre la guerre, une première du genre réalisée en Roumanie et dont Raluca
    Ilaria Demetrescu et moi-même avons été les commissaires. Il faudrait aussi que
    je mentionne les nouveaux espaces « Celula de Artă », à savoir pop-up
    windows « Celula Art Kulterra Gallery », qui est le résultat d’une collaboration entre
    notre galerie et la galerie « Kulterra » débutée en avril 2022, et
    puis « Galeria Verticală by Celula », une nouvelle galerie de la
    marque « Celula » dans la cour de « Random Space », un
    espace pour consommer de l’art. La « Galerie Verticale » s’est
    ouverte en mai 2022.
    »


    L’artiste
    visuel Daniel Loagăr a aussi exprimé son souhait concernant la galerie
    « Celula de Artă » pour les cinq prochaines années:


    « Moi, je crois que nous allons continuer à avancer sur le même chemin.
    Nous essayerons de dénicher des gens brillants, inconnus du public, aussi
    nombreux que possible, d’expérimenter, de jouer, de créer des performances. ».

    (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Cent cinquante ans depuis la naissance de Nicolae Iorga

    Cent cinquante ans depuis la naissance de Nicolae Iorga

    Le
    Complexe muséal national Neamț de Piatra-Neamț (nord-est de la Roumanie)
    accueille, entre octobre 2022 et janvier 2023, une exposition consacrée par le
    Musée national d’histoire de la Roumanie (MNIR) à l’une des plus importantes
    personnalités culturelles, historiques, académiques et politiques roumaines: « Nicolae
    Iorga (1871-1940), 150 ans depuis sa naissance ». Historien, critique
    littéraire, documentaliste, poète, encyclopédiste, auteur de mémoires,
    ministre, parlementaire, premier ministre, professeur des universités et membre
    de l’Académie – cette longue liste de titres académiques, fonctions publiques
    et qualités professionnelles ne dessine, en fait, qu’une partie de la
    remarquable personnalité de Nicolae Iorga. La chercheuse et commissaire de
    l’exposition Cristina Paiușan-Nuică, explique le concept de l’événement
    consacré à Iorga: « Il faut dire que cette exposition s’appuie sur la Collection « Iorga-Pippidi ». Et
    je tiens à remercier le professeur des universités Andrei Pippidi, petit-fils
    de Nicolae Iorga par sa mère, Liliana Iorga-Pippidi, fille de l’historien. Le
    Pr Pippidi a donné au Musée national d’histoire de Roumanie une collection
    absolument précieuse, un acte de générosité qui s’inscrit dans la continuité des gestes
    similaires de son grand-père et de sa mère. Nous exposons l’extrait de
    naissance de Nicolae Iorga, des certificats et diplômes d’études, y compris le
    diplôme du doctorat obtenu à Leipzig. Nous avons des photos de famille de Nicolae
    Iorga et ses 11 enfants – 4 issus de son premier mariage avec Maria Tasu et 7
    autres du second mariage avec Catinca Iorga. Nous avons un magnifique portrait
    de Catinca Iorga, réalisé par le peintre Schweitzer-Cumpăna, que nous avons
    restauré dans notre musée. La toile a été présentée pour la première fois à
    Bucarest et maintenant elle est exposée ici, à Piatra-Neamț. Nous avons aussi
    ce que j’appelle une histoire miniature de l’Europe, faite des diplômes de Docteur
    Honoris Causa et des distinctions conférés à Nicolae Iorga à travers le temps. Il
    a reçu un diplôme de membre correspondant de l’Académie du Chili. Nicolae Iorga
    a pratiquement traversé l’océan et parcouru aussi les Amériques, ce qui est un
    sujet très intéressant à développer
    . »


    Quels
    autres objets l’expo de Piatra-Neamț contient-elle? Notamment le chapitre
    consacré à la ville de Piatra-Neamț. Réponse de la commissaire d’exposition Cristina
    Paiușan. « L’exposition de Piatra-Neamț présente toutes ces choses-là.
    Les visiteurs peuvent y voir plusieurs objets personnels de Nicolae Iorga,
    donnés à l’Institut d’histoire qui porte son nom et que nous avons inclus dans
    cette exposition. Il y a par exemple une de ses plumes, une paire de lunettes,
    un étui en argent pour ses crayons et stylos, une loupe, des lettres personnelles,
    d’autres lettres reçues de la part de grandes personnalités de son temps. Et,
    puisque Nicolae Iorga a eu une bonne relation avec la ville de Piatra-Neamț – ayant
    fait de nombreuses visites dans la région, dans la ville, aux monastères de
    cette contrée, ma collègue Mihaela Verzea, directrice adjointe du musée de
    Piatra-Neamț, et moi-même avons mis en place une petite vitrine qui parle de
    Iorga et de Piatra-Neamț. On y voit deux objets très précieux: deux lettres,
    l’une envoyée par Elena Cuza en 1909, l’année de sa mort. L’ancienne épouse du
    prince régnant Alexandru Ioan Cuza avait passé les dernières années de sa vie
    dans la ville. L’autre lettre est signée par le docteur Flor, qui avait soigné
    l’ancienne princesse. Elena Cuza remercie Nicolae Iorga pour tout ce qu’il
    avait fait pour la nation roumaine et pour la préservation du souvenir de son
    ancien époux. C’est une lettre très intéressante, à côté de laquelle on peut
    voir une carte de visite du prêtre Constantin Matasă. Celui-ci a protégé les
    monuments de la région de Neamț, étant également très proche de Nicolae Iorga,
    qui a été le président de la Commission des Monuments historiques
    . »


    La
    chercheuse et commissaire d’exposition Cristina Paiușan avouait au sujet de
    l’exposition consacrée à Nicolae Iorga : « J’espère
    que chaque visiteur y trouvera quelque chose de nouveau sur Nicolae Iorga,
    l’homme et le père de famille, sur sa relation avec ses enfants, qu’il a
    énormément aimés. Des choses inédites sur le grand amour qui le liait à son
    épouse. L’une de ses plus belles lettres d’amour se retrouve dans le recueil
    publié par le Pr Pippidi sous le titre « Lettres à Catinca ». L’homme
    Iorga, Nicu l’amoureux écrivait à une demoiselle assez sobre, qui ignorait qu’elle
    allait lier sa vie à celle du déjà célèbre Nicolae Iorga. L’expo a été
    présentée à Bucarest, cette fois-ci elle est à Piatra Neamț et nous espérons la
    faire voyager à travers le pays et mettre à chaque fois en lumière le lien
    entre Nicolae Iorga et le lieu où on va la présenter. Nous espérons ramener à
    l’attention du public un grand savant et un grand homme, l’historiographie
    roumaine et ce que Nicolae Iorga a représenté pour elle et pour le peuple
    roumain. Car Nicolae Iorga a été un des fondateurs de la Roumanie réunie, son
    rôle étant, aujourd’hui encore, fort important, à mon avis. Quand l’on fait des
    recherches sur un sujet ou sur une bibliographie, on se dit « voyons ce
    que Iorga a écrit là-dessus !
    ». Et ce n’est qu’après que l’on cherche
    tout ce qui a été écrit sur le sujet en question depuis Iorga jusqu’à nos
    jours. », a conclu a chercheuse et commissaire d’exposition Cristina
    Paiușan. (Trad. Ileana Taroi)

  • Le Delta de Bucarest – un nouveau film d’Eva Pervolovici

    Le Delta de Bucarest – un nouveau film d’Eva Pervolovici

    « Le Delta de
    Bucarest », le tout dernier documentaire signé par la réalisatrice
    roumaine Eva Pervolovici, vient de sortir dans les salles de cinéma de
    Roumanie. Vivant actuellement en France, Eva Pervolovici a confié aux actrices
    Sandrine Bonnaire et Ada Condescu la tâche de raconter à l’écran l’histoire
    d’un lieu particulièrement intéressant de la capitale roumaine. Ce fut là que
    le monastère de Văcăreşti, un des plus beaux du sud-est de l’Europe, fut érigé
    au début du XVIIIème siècle. Le lieu de culte allait disparaître en 1986, sur
    l’ordre du dictateur communiste Nicolae Ceausescu, malgré les protestations de
    nombreuses personnalités culturelles de l’époque. Quelques restaurateurs ont
    réussi à sauvegarder des fresques et des icônes de celles qui ornaient le
    monastère. Des propriétaires de terrains et d’habitations du quartier ont été
    expropriés pour faire place à un ouvrage hydrotechnique démarré et ensuite
    abandonné par le régime communiste. Au fil du temps, un grand nombre d’espèces
    d’oiseaux, dont certaines rares, ont trouvé refuge sur le site laissé à
    l’abandon. En 2012, une équipe de spécialistes en aires protégées s’est chargée
    d’y créer un parc naturel. A présent, le Parc naturel est une des attractions
    touristiques de Roumanie, grâce à l’écosystème formé et développé à proximité
    du centre-ville de Bucarest.

    Présenté en première en
    Roumanie au Festival international du film Transilvania (TIFF) de Cluj-Napoca, le documentaire Le Delta de Bucarest, de la
    réalisatrice Eva Pervolovici, est sorti dans les salles de cinéma de Roumanie à
    la fin du mois de septembre et rencontrera le public français le printemps
    prochain. La réalisatrice Eva Pervolovici s’est lancée dans cette démarche très
    personnelle, de récupération de la mémoire des lieux, après avoir reçu une
    tapisserie de l’artiste plasticienne Lena Constante, condamnée, en 1954, à
    douze ans de prison.


    Tout a été déclenché par cette tapisserie
    de Lena Constante, une amie de la famille, qui a été détenue à Văcărești et
    dans plusieurs autres prisons de la Roumanie des années 1960. Pour moi, sa
    tapisserie a été une sorte d’appel du passé ; elle a éveillé en moi le
    besoin de lire davantage sur l’histoire de ces femmes emprisonnées et de
    documenter leur histoire. Elle a aussi attisé ma curiosité et m’a conduite vers
    le livre « Evadarea tăcută/L’Évasion muette », de Lena Constante, qui
    m’a fait découvrir la réalité d’autres femmes enfermées à Văcărești, dont
    quelques-unes ont curieusement écrit leurs mémoires en français et les ont
    publiées en France. Mais il ne faut pas oublié que ces livres ont été écrits avant
    1989, lorsqu’il était plus sûr d’écrire en français ce genre de témoignages
    dangereux pour l’auteur. Je mentionnerais Adriana Cosmovici, qui a écrit « Au
    Commencement était la fin » (1951), un livre publié chez Humanitas sous le
    titre « La început a fost sfârşitul. Dictatura roşie la Bucureşti ».
    Ecrit en roumain, le livre est d’abord paru à Paris, la traduction en français
    étant assurée par Monica Lovinescu, une amie proche d’Adriana Cosmovici.
    Adriana Cosmovici a réussi à fuir la Roumanie dans les années 60 et à s’établir
    en France. C’était à l’époque du régime répressif de Gheorghe Gheorghiu-Dej,
    avant l’arrivée au pouvoir de Ceaușescu. Vivre en France n’était pas non plus
    simple, car les Français, tout comme une majorité d’Occidentaux, avaient une bonne
    opinion du communisme et considéraient que ceux qui pensaient différemment
    étaient des fascistes. Cela rend encore plus précieuse l’aide offerte par
    Monica Lovinescu, journaliste réputée de Radio Free Europe, qui avait soutenue Lena
    Constante à Paris. Outre les livres de Lena Constante et d’Adriana Cosmovici, dans
    mon documentaire j’emploie aussi des citations du roman « Le cachot des
    Marionnettes – quinze ans de prison.
    Roumanie 1949-1964/ Închisoarea marionetelor.


    « Il n’existe
    aucun endroit où se cacher quand l’histoire vient te chercher », affirme à
    un moment donné la narratrice dans le documentaire « Le Delta de
    Bucarest » – une phrase qui pourrait être le motto du film. Au fur et à
    mesure que sa documentation du sujet avançait, Eva Pervolovici a choisi de placer l’accent sur les souvenirs
    des anciennes détenues.


    J’ai fini par faire le tri de toutes les informations
    recueillies et le film se concentre sur les témoignages des femmes, même si la
    prison de Văcărești avait aussi une aile réservée aux hommes. J’ai fait ce
    choix parce que, dans mon opinion, la voix des femmes est encore trop peu
    écoutée. Nous parlons beaucoup des héros de guerre ou des héros de la lutte
    anticommuniste, mais nous ne disons quasiment rien des femmes qui ont elles-aussi
    souffert énormément, souvent pour des raisons inventées contre elles. Certaines
    femmes ont été emprisonnées tout simplement parce qu’elles se sont trouvées au
    mauvais endroit, au mauvais moment, comme ce fut le cas de Lena Constante, qui
    n’était même pas impliquée en politique. J’ai trouvé qu’il était important de préserver
    les témoignages de ces femmes qui ont souffert et qui ont survécu, car elles
    avaient beaucoup de force, elles étaient pugnaces et ont réussi à surmonter des
    événements très durs et très injustes et à réaliser, en fin de compte, des
    choses lumineuses. Lena Constante, par exemple, est connue et reconnue aussi
    bien pour ses mémoires écrites que pour ses tapisseries. C’est le côté
    optimiste et positif du film, qui parle de la force de survie de ces femmes,
    qui est en même temps une leçon. Cela nous montre comment surmonter les moments
    très difficiles de la vie et en tirer profit.


    Eva
    Pervolovici a également réalisé le film « Marussia », son premier
    long-métrage. Lancée en 2013, cette production a reçu de nombreuses récompenses
    internationales. (Trad. Ileana Ţăroi)



  • L’association « De Basm »

    L’association « De Basm »

    « De Basm/De contes de fée » – l’association
    des écrivains pour enfants et adolescents, est une organisation professionnelle
    créée en 2018 et dédiée à la littérature roumaine contemporaine pour enfants,
    qui soutient les auteurs et facilite l’accès des enfants de milieux défavorisés
    aux livres et aux contes de fées. Ses nombreux projets lui ont permis d’offrir
    à des milliers d’enfants et de jeunes la possibilité de rencontrer leurs
    auteurs et ouvrages préférés dans des bibliothèques, établissements scolaires,
    musées, maisons de la culture, foires du livre et festivals. Les écrivains
    membres de l’association se rendent régulièrement dans les communes rurales et
    les communautés défavorisées où ils mettent en place des ateliers de création et
    des dons de livres à travers les Caravanes De Basm. Le festival « LittleLit »,
    organisé lui aussi par l’association, facilite la connexion de la littérature
    pour enfants de Roumanie avec celle internationale, tandis que les ressources
    éducationnelles créées par les écrivains viennent étayer le travail des élèves,
    des enseignants et des bibliothécaires. Cette année, l’association De Basm a organisé,
    dans plusieurs communes du pays, une série d’ateliers éducatifs axés sur
    l’amitié, l’inclusion sociale, la diversité et la tolérance, des ateliers
    ouverts aux enfants âgés de six à dix ans. Cela fait partie du projet « Joacă-ți
    cartea!/Joue ta carte ! », qui a débuté par une ample campagne de
    collecte de livres.






    L’autrice Victoria Pătrașcu a parlé du rôle assumé par
    l’association dont elle est un des membres fondateurs : « De Basm, l’association des écrivains
    pour enfants et adolescents, s’est proposé, dès sa création, d’épauler les
    créateurs de littérature pour enfants de Roumanie et surtout de faciliter l’accès des enfants, surtout de
    ceux issus de milieux défavorisés, à la littérature contemporaine écrite pour
    eux. Tout le monde sait qu’un grand nombre de bibliothèques du milieu rural ont
    un fonds de livres obsolète ou très maigre. Les enfants n’y arrivent pas à lire
    des histoires contemporaines et donc ne se retrouvent pas dans leurs lectures. Ils
    n’ont pas non plus l’occasion de rencontrer des auteurs contemporains et ils
    sont souvent étonnés de voir des écrivains en chair et en os, vivants pour
    ainsi dire. À chaque fois, les rencontres sont extraordinaires, les enfants
    sont impressionnés par nos histoires et contes et découvrent comment ils
    peuvent s’approcher de la littérature. Notre projet, « Joacă-ți Cartea! »,
    un des plus récents, s’est proposé de faire apprendre des choses par le jeu et
    les contes. Moi-même, j’ai animé deux ateliers à Conțești et à Titu, deux
    communes du département de Dâmbovița. À Conțești, j’ai eu droit à une rencontre
    extraordinaire. Dans cette commune, vit aussi une communauté rom traditionnelle
    et j’ai pu échanger avec un grand nombre d’enfants de cette communauté, qui
    visitaient une bibliothèque pour la première fois de leur vie. Ils y ont
    découvert le monde fabuleux des livres, des contes et des dessins et ils en ont
    été nombreux à demander des cartes
    d’abonné, ce qui nous a ravis, vous vous en doutez. Je dois dire aussi que nous
    n’étions pas seuls dans cette démarche, puisque nous avons eu deux partenaires
    extraordinaires – le Réseau des bibliothèques communales EduC
    ab, et la maison
    d’édition Arthur, qui nous a aidés à y mettre à jour le vieux fonds de livres
    local. »








    « Joacă-ți cartea!/Joue ta carte ! » s’est
    poursuivi avec la mise au point d’un kit pédagogique par les membres de
    l’association « De Basm ». C’est un projet important, censé offrir
    aux enseignants et aux bibliothécaires des méthodes alternatives et modernes
    d’utilisation des contes de la littérature pour enfants. Le projet veut
    également disséminer les valeurs européennes et encourager la pensée critique
    des enfants.


    L’autrice Victoria Pătrașcu, membre fondateur de
    l’association De Basm, écrit des livres et des pièces de théâtre pour enfants. Sa
    carrière a débuté en 2008, avec un livre, « Ziua în care a fugit somnul/Le
    jour où le sommeil s’en est allé », qui a rencontré un franc succès auprès
    du public. Un scénario tiré de ce livre a été mis en scène par la rédaction
    Théâtre radiophonique, de Radio Roumanie.






    Victoria Pătrașcu parle de son activité : « En
    plus de mes activités au sein de l’association De Basm, j’essaie aussi
    d’écrire. L’histoire la plus récente que j’ai écrite s’intitule « Dragonul
    32 » et elle a été lancée un peu tardivement, lors de la Foire Bookfest, à
    Bucarest, où j’ai été heureuse de rencontrer de nouveau les enfants. C’est
    l’histoire d’une ligne de tram qui va de la périphérie au centre-ville, reliant
    ainsi en quelque sorte deux mondes. C’est un tram qui aide une fillette à
    découvrir la vraie ville de Bucarest, mais aussi la ville fantastique de son imagination, puisque
    souvent les enfants, qui regardent par la fenêtre d’un véhicule, voient les
    choses d’un œil différent de nous autres adultes. C’est une histoire inspirée
    par ma fille et par nos voyages quotidiens vers son école, par les gens
    rencontrés pendant des années dans le tram 32. Nos allers-retours sur cette
    ligne, qui lie le quartier de Rahova à la zone centrale de la ville, ont été une occasion de voir tant de maisons, toujours belles malgré leur état de
    délabrement, des barres d’immeubles qui, aux yeux de la fillette de mon histoire,
    ressemblent à d’immenses dortoirs ou à des géants. C’est un conte plein de
    tendresse, qui parle aussi des gens de la rue ayant trouvé refuge dans le
    ventre du Dragon 32. Cette histoire se prête à de nombreux sujets de débat
    avec les lecteurs, c’est aussi un livre qui bénéficie des illustrations
    absolument exceptionnelles réalisées par Mihaela Paraschivu. »
    , a conclu l’écrivaine Victoria
    Pătrașcu. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • L’exposition « Shaving the Caterpillar »

    L’exposition « Shaving the Caterpillar »

    La
    Galerie d’art contemporain Mobius, de Bucarest, accueille,entre la mi-octobre
    et la mi-novembre, l’exposition intitulée « Shaving the Caterpillar »
    et signée par Ileana Pașcalău. Née dans la ville de Caransebeș (à l’ouest de la
    Roumanie), mais établie à Berlin, Ileana
    Pașcalău est une artiste visuelle et historienne de l’art particulièrement
    intéressée par l’histoire du corps humain, notamment du corps de la femme.
    Voici comment elle a mise en page son expo: J’ai réalisé cette expo, « Shaving the Caterpillar », ensemble
    avec la commissaire Valentina Iancu, à l’invitation de la Galerie Mobius.
    L’exposition, dont le titre « Smulgând părul omizii » se traduirait
    par « Arracher les poils de la chenille », est une incursion dans
    l’histoire médicale du corps féminin. Le point de départ du projet est une
    recherche plus ample, que je suis depuis 2017 déjà, quand j’essayais de choisir
    un thème pour ma thèse de doctorat. Il s’agit donc d’une investigation
    théorique, déroulée sur plusieurs années et axée sur l’anatomie de la femme, vue
    par les médecins, des hommes pour la plupart, entre les XVIIème et XIXème
    siècle. J’ai souvent souligné, en parlant de cette expo, le poids de mon
    environnement familial dans le développement de ces idées. Ma mère, médecin
    interniste, m’offrait des tas d’instruments et d’accessoires médicaux en guise
    de jouets. Mes grands-mères, infirmières dans des cliniques
    d’obstétrique-gynécologie, m’ont transmis cet intérêt pour l’anatomie de la
    femme, tout comme une espèce de curiosité à l’origine de l’investigation de
    type artistique. »



    En
    quoi consiste sa démarche créatrice ? Quelles sont les questions à
    l’origine de cette démarche ou qu’elle veut éveiller chez le public ?
    Ileana Pașcalău a répondu: « Mes ouvrages parlent d’histoires assez douloureuses. Ma démarche
    artistique repose sur les informations comprises dans une étude, des
    informations que j’ai souvent ressenties comme choquantes, douloureuses, et
    leur présentation au public pourrait s’avérer traumatisante à nouveau. Loin
    d’être scientifique dans un sens médical, psychiatrique, psychologique ou
    autre, ma recherche est artistique, une étude de l’histoire qui ouvre le sujet
    de l’anatomie féminine, sans la capacité ni la prétention de tout dire. Et
    puisque j’utilise un vocabulaire médical tout au long de ma démarche théorique
    et pratique, j’espère que l’expérience des visiteurs ressemble à celle
    ressentie quand on touche une cicatrice de grandes dimensions. Éveiller des
    questions et le désir d’obtenir des réponses: Que s’est-il passé dans la
    construction de l’anatomie de la femme par des médecins et des hommes? Combien
    douloureuses les théories médicales ont-elles été pour les femmes? Avec quelles
    conséquences? Ou bien des questions telles « cette cicatrice est-elle
    guérie »? Qu’est-ce qu’il en reste? Même cette expression très courante
    « elle est hystérique » n’est qu’une fiction de type XIXème siècle. Il
    faut donc faire attention lorsqu’on traite quelqu’un d’hystérique, car c’était
    un instrument de manipulation et de torture. Enfin, mais pas en dernier lieu,
    une question du genre: comment éviter des blessures avec de tels effets? Qu’est-ce
    qu’on en apprend? Comment devenir de plus en plus fortes? »



    Ileana
    Pașcalău a aussi analysé l’exposition, les ouvrages présentés et le parcours
    proposé aux visiteurs: «Un premier fil narratif de l’expo s’appuie
    sur la question: «Comment le deuxième sexe est-il né? » Une première
    partie de l’expo inclut des dessins rappelant les discours et les illustrations
    de médecine des traités scientifiques des XVIIème et XVIIIème siècles, des
    dessins qui retracent une histoire de l’anatomie féminine marquée par les
    obsessions des médecins liées à son appareil de reproduction. Il s’agit donc de
    montrer comment les médecins ont construit l’image anatomique de la femme en
    partant de l’utérus, considéré comme le principal élément de différenciation
    entre les sexes. Plus encore, l’utérus était considéré comme un organe
    capricieux, dangereux, capable de déclencher la folie et des déviations
    comportementales majeures. Dans la seconde partie de l’expo, on parcourt le
    siècle des Lumières, lorsqu’il y a eu la première représentation d’un squelette
    féminin. C’est le moment où le second sexe acquiert une cage thoracique et une
    colonne vertébrale. C’est un moment important, que j’ai marqué artistiquement
    par des installations réalisées en cuir artificiel et métal. D’ailleurs, le
    cuir, par ses connotations organiques, est un matériau que j’ai spécialement
    utilisé dans cette exposition. J’ai coupé, perforé, collé des couches de cuir,
    tel un médecin chirurgien. D’où cette comparaison entre l’artiste et le
    médecin, qui m’a guidée durant ma démarche créatrice. L’exposition culmine avec
    le moment final, de l’ « hystérie », et j’y mets des guillemets
    car j’insiste sur le fait que l’hystérie a été une fiction, avec l’espoir que
    le public garde au moins cette idée, de ne plus utiliser ce mot. »
    (Trad. Ileana Taroi)