Tag: histoire

  • 13.06.2020 (mise à jour)

    13.06.2020 (mise à jour)

    Coronavirus en Roumanie – En Roumanie, l’état d’alerte institué par les autorités ce 15 mai, sur toile de fond de pandémie doit expirer la semaine prochaine, mais l’exécutif a annoncé qu’il souhaitait le prolonger. Une décision en ce sens sera adoptée au cours de la prochaine réunion du gouvernement. Le premier ministre Ludovic Orban a réaffirmé que cette mesure n’était pas politique, mais qu’elle reposait sur les conseils des spécialistes, vu que le risque d’une nouvelle vague de l’épidémie était toujours élevé. Le prolongement de l’état d’alerte devrait être adopté par le Parlement, mais l’opposition politique de Bucarest a annoncé qu’elle voterait contre cette mesure. Aux dires du président par intérim du principal parti d’opposition, le PSD, Marcel Ciolacu, un état intermédiaire devrait être institué, pour au moins 15 jours. Selon le rapport le plus récent du Groupe de Communication stratégique, 275 nouveaux cas d’infection au nouveau coronavirus ont été enregistrés, ces 24 dernières heures, alors que 171 malades sont actuellement en soins intensifs. Sur les 21.700 personnes infectées, 1394 sont décédées. A l’extérieur de la Roumanie, quelque 3400 Roumains ont été dépistés positifs au nouveau coronavirus et 114 sont décédés.

    Transports – Les chemins de fer de Roumanie remettent en circulation à compter de ce lundi les trains internationaux de voyageurs sur le trajet Craiova, dans le sud de la Roumanie et Vidin dans le nord-ouest de la Bulgarie et retour, suspendus à cause de la pandémie de Covid 19. La société de transport ferroviaire CFR annonce dans un communiqué qu’elle porte des pourparlers avec les administrations ferroviaires européennes partenaires pour la relance de la circulation des trains roumains vers des destinations à l’extérieur. CFR Calatori rappelle qu’à bord des trains, le port du masque est obligatoire pour toute la durée du voyage. Par ailleurs, lundi, le ministère des Transports de Bucarest publiera la liste des Etats avec lesquels les liaisons aériennes seront reprises. Les autorités doivent également décider de la liste des pays dont les voyageurs ne seront plus obligés à observer une période de 14 jours de quarantaine ou de confinement à domicile une fois arrivés sur terre roumaine.


    BNR – La fermeture à grande échelle de l’activité dans de nombreux secteurs économiques, dans l’effort de limiter la propagation de l’infection au nouveau coronavirus et la compression accentuée de la demande de consommation, et la baisse de la consommation extérieure, produiront un recul sévère de l’économie roumaine durant le deuxième trimestre, met en garde la Banque centrale de Roumanie. Cet avertissement est lié au déclin souffert par l’économie roumaine par la fermeture brusque d’entreprises et d’activités, surtout dans le transport, le tourisme, l’hôtellerie, les activités récréatives, l’industrie et le commerce. La croissance économique a augmenté considérablement dans le 1er trimestre de l’année 2020, alors que le marché de l’emploi a connu une détérioration subite au mois de mars, adoucie par l’utilisation du chômage partiel, stimulé par les autorités par des leviers budgétaires, selon un document rendu public par le Conseil d’administration de la Banque nationale de Roumanie. Le nombre de contrats de travail a pourtant augmenté et cette évolution pourrait s’accentuer à partir du 1er juin, lorsque le chômage partiel par temps de pandémie sera suspendu. Selon les spécialistes de la Banque centrale roumaine, le taux annuel d’inflation sera supérieur à 3% cette année même après une baisse évidente au 2e trimestre.

    Descente des mineurs – Le premier ministre roumain, Ludovic Orban a appelé samedi les magistrats à établir la vérité dans le dossier de la descente des mineurs de la Valée du Jiu à Bucarest du 13 au 15 juin 1990, dossier qui n’a pas été résolu jusqu’à présent. Les protestations contre le président Ion Iliescu et le gouvernement dirigé à l’époque par le Front du salut national ont commencé le 22 avril 1990 et la police est intervenue en force sur la Place de l’Université le matin du 13 juin. Les 14 et 15 juin ont été marqués par la descente à Bucarest des mineurs qui ont dévasté le bâtiment de l’Université, l’Institut d’Architecture, les sièges de journaux et de partis d’opposition. Les procureurs militaires ont terminé il y a trois ans les enquêtes dans un dossier visant ces événements, qui a été ensuite renvoyé à la Justice. Selon le réquisitoire, au cours de l’attaque violente visant les protestataires, quatre personnes ont été tuées par balles alors que 1388 personnes ont été blessées Plusieurs anciens responsables ont été ainsi traduits en Justice parmi lesquels Ion Iliescu, le président roumain de l’époque, Petre Roman, ex premier ministre, son adjoint Gelu Voican Voiculescu, ainsi que Virgil Magureanu ancien patron des renseignements roumains. En mai 2019, la Haute Cour de Cassation et de Justice a restitué le dossier au Parquet pour que les procureurs recommencent l’enquête, puisque le réquisitoire des procureurs militaires n’était pas conformé à la loi. En 2014, la Cour européenne des Droits de l’Homme a émis une décision qui oblige la Roumanie à poursuivre les investigations dans ce dossier.

    Météo – L’Administration nationale de météorologie a émis une alerte Code Orange aux pluies torrentielles et aux orages dans 31 départements de Roumanie, valable jusqu’à dimanche matin. A l’exception de 3 départements de l’ouest et de plusieurs du sud du territoire, tous le pays sera frappé par des averses torrentielles, de la grêle et par des rafales de vent de plus de 80 km à l’heure. Les quantités d’eau dépasseront les 40 litres par mètre carré pour arriver jusqu’à 80 litres par mètre carré. Les météorologues ont mis à jour un code jaune au temps mauvais, émis vendredi prolongeant cette alerte jusqu’à mardi matin. Dans 15 départements du sud-est et de l’ouest du pays des périodes d’instabilité accentuée se succéderont. L’instabilité caractérisera aussi la météo le long de la semaine prochaine.

  • Visite virtuelle du musée national d’histoire de la Roumanie

    Visite virtuelle du musée national d’histoire de la Roumanie

    Le musée national d’histoire de la Roumanie a invité le public à transformer le confinement en l’opportunité de visiter ses nombreuses expositions virtuelles en format 2D et 3D, ses collections numériques à thème comportant des biens culturels ainsi que des archives numériques de patrimoine. Tout cela est disponible à titre gratuit sur le site Internet du musée. Le 8 mai, il y a 48 ans, le musée national d’histoire de la Roumanie ouvrait ses portes au grand public. Vu le contexte actuel, le musée restera fermé même après le 15 mai, dans les conditions de relâchement. N’empêche. La présence des visiteurs dans l’espace virtuel est impressionnante, précise Ernest Oberländer-Târnoveanu, le directeur de l’institution : « Les collections recèlent plusieurs centaines de milliers de pièces, dont beaucoup s’avèrent essentielles pour comprendre l’histoire de la Roumanie. Certaines sont uniques en Europe et font partie du patrimoine de l’humanité. Nos collections couvrent, d’un point de vue chronologique, environ 600.000 ans d’existence des humains. Il s’agit de l’intervalle de temps allant du Paléolithique inférieur, quand apparaissent les premiers signes d’activité humaine, jusqu’à nos jours. Nous avons donc y compris des documents liés à la vie économique, politique et sociale de la Roumanie contemporaine. »

    Il y a 10 ans, le musée national d’histoire de la Roumanie a démarré un programme intense et systématique de numérisation, explique Ernest Oberländer-Târnoveanu, le directeur de cette institution culturelle. « Il s’agit de tours virtuels des expositions permanentes et temporaires, mais aussi de projets de numérisation du patrimoine. A présent, notre musée s’enorgueillit du programme le plus complet et diversifié de présentation de ses collections dans l’espace virtuel. 32 tours virtuels de certaines expositions sont accessibles actuellement sur le site du musée. Elles couvrent l’histoire moderne, contemporaine, médiévale, antique, le patrimoine de certains musées de l’étranger présenté par le biais des expositions temporaires. On peut également remarquer le résultat de certaines expositions internationales, réalisées en partenariat avec des musées d’Europe. Je mentionnerais, à titre d’exemple, l’exposition Images dans les Balkans »

    .Le touriste virtuel a le choix parmi tant d’expositions qu’il peut visiter à toute heure et qui l’emmènent dans n’importe quel coin du pays ou du monde : « Ces expositions illustrent des périodes importantes : Antiquité, Moyen-Age ou bien les époques moderne et contemporaine. Une des expositions présentées au public et intitulée La Roumanie 1989 se réfère à la chute du régime communiste. Nous avons aussi des expositions virtuelles vraiment superbes, qui présentent l’or et l’argent de la Roumanie. Une exposition itinérante, réalisée en 2013, a permis au public de Roumanie et de Hongrie de découvrir des pièces d’une valeur exceptionnelle du patrimoine roumain, dont certaines sont uniques en Europe et au monde. Il y a aussi des expositions consacrées à des voïvodes roumains, tels que Mircea le Vieux ou Etienne le Grand. Enfin, d’autres expositions font découvrir à nos visiteurs virtuels des évènements marquants de l’histoire de la Roumanie, comme la participation à la Seconde Guerre mondiale ou le parachèvement de l’unité nationale en 1918. »

    Ces expositions sont complétées par un musée virtuel de l’Union, poursuit notre interlocuteur, Ernest Oberländer-Târnoveanu, directeur général du musée national d’histoire de la Roumanie : « En 2018, mes collègues, en partenariat avec plusieurs musées du pays et d’Europe, ont commencé à travailler à la réalisation d’un musée virtuel de l’Union. A part cela, nous avons en vue des projets virtuels très amples et fort intéressants. Je mentionnerais, par exemple, Imago Romaniae. Il s’agit d’un site sur lequel on trouve à présent plus de 12.800 images historiques de l’espace roumain : photos, cartes postales, lithographies illustrant de manière chronologique la période contemporaine jusqu’en 1947. C’est fascinant de pouvoir voyager dans le temps, de découvrir la Roumanie de ces derniers siècles, de voir non seulement des endroits, dont certains sont restés inchangés, mais aussi des visages. Car un pays n’est pas qu’un espace géographique, il est représenté par ses habitants aussi. »Un autre projet virtuel d’envergure du musée national d’histoire de la Roumanie s’appelle « 2019, chefs-d’œuvre du patrimoine culturel national ».

    Nous écoutons Ernest Oberländer-Târnoveanu : « A l’heure actuelle, 71 expositions virtuelles sont construites autour de certains objets très importants de notre collection. Il y a même des éléments qui relèvent de l’histoire secrète. Comme une étiquette de musée contient peu d’informations, nous avons ressenti le besoin de concevoir des expositions autour de tel ou tel objet, sans oublier d’évoquer les gens qui ont consacré leur vie à cet objet précis, depuis sa création jusqu’au moment où il est entré dans le patrimoine muséal. Nous n’avons jamais imaginé que notre musée serait fermé en temps de paix, mais nous nous sommes préparés pour l’espace virtuel. Un espace où nos contemporains, roumains et étrangers, sont toujours plus présents et où sont transférées de plus en plus d’activités, y compris celles liées à la culture. »

    Alors que la visite d’un musée est conditionnée par le temps, ces tours virtuels, on peut les faire n’importe quand et n’importe où. Le site Internet du musée national d’histoire de la Roumanie vous invite à passer un bon bout de temps à découvrir ses riches expositions. (Trad. Mariana Tudose)

  • Fêter Pâques dans l’entre-deux-guerres

    Fêter Pâques dans l’entre-deux-guerres

    L’historien enregistre aussi bien les grands moments de l’histoire, qui sortent de l’ordinaire, tout comme la vie quotidienne, les mœurs et les coutumes des gens, leurs fêtes religieuses. L’étude de l’histoire récente a cette particularité de pouvoir faire renaître un quotidien, tombé aujourd’hui en désuétude, mais que nos aînés ont, parfois, bien connu. Un tel moment particulier était sans doute la fête de Pâques, dans la période de l’entre-deux-guerres. Les témoignages recueillis par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine nous font ainsi revivre l’atmosphère patriarcale qui caractérisait les fêtes pascales dans la Roumanie d’autrefois.

    C’est bien de cette atmosphère particulière que se souvient le médecin, professeur, écrivain et traducteur Constantin Dimoftache Zeletin, fils de prêtre, alors qu’il remémorait la Pâques orthodoxe de son enfance, fêtée dans sa commune natale de Burdusachi, dans le département de Tecuci, qui n’existe plus et qui était situé dans l’est de la Roumanie. Ecoutons-le : « Pâques était la mère des fêtes pour nous. On l’attendait impatiemment. Mon père s’absentait souvent, car il devait aller bénir les maisons des villageois, comme c’est la coutume chez nous. Et notre commune était étendue, comptant plusieurs villages, éparpillés sur les collines, et des maisons dans les sous-bois. Il passait partout, sans regarder la météo, s’il pleuvait, s’il y avait de la boue ; il parlait à chacun, il faisait ses prières, et pour tous ces gens, qui vivaient dans leurs cabanes, dans ces villages reculés, cela marquait le début des fêtes pascales. Mon père était un homme correct, ça lui prenait un temps fou de passer dans tous les foyers, mais il ne se dédouanait jamais. Il rentrait le soir, mort de fatigue. »

    Préparer le gâteau traditionnel, le cozonac, faisait aussi partie des coutumes de cette fête. Cela se faisait en famille, tout le monde mettait la main à la pâte. Constantin Dimoftache Zeletin :« Préparer le cozonac était un véritable rituel. Ma mère s’arrangeait pour que mon père soit disponible à ce moment-là, pour autant que mon père soit jamais disponible. L’on avait une grande cuve, qui servait à pétrir. près de 20 kilos de pâte. Ma mère devait en faire en quantité, parce qu’elle était femme de pope, et recevait du monde le dimanche de Pâques. Je me souviens qu’elle mettait beaucoup de beurre dans cette pâte. Du beurre maison, fabriqué à partir du lait de nos vaches. Pétrir la pâte était un rituel en soi. C’était presque sacré. Parce que la qualité du cozonac tient à cela, c’est bien connu. Et mon père, un mec d’allure plutôt athlétique, était chargé de mener à bien l’opération. Il prenait un bout de la pâte, le soulevait presque jusqu’au plafond, puis le laissait tomber d’un coup. Je dois dire que c’était assez impressionnant. Pendant ce temps, ma mère chauffait le beurre, et le versait en filet dans la pâte. Et il fallait prendre des précautions particulières pendant l’opération. Ne surtout pas ouvrir la porte, car il fallait qu’il fasse bien chaud, à température constante, dans la pièce où la pâte était pétrie, puis laissée monter. On recouvrait à l’aide d’un tissu la cuve où la pâte était laissée reposer pendant un bon moment. Ma mère disait que la pâte de cozonac est comme un homme à la sortie du bain. Il ne faut pas qu’elle prenne froid. »

    Mais le clou de la fête était la messe de Pâques, tenue à l’église. Et pour le jeune Zeletin d’alors, ces moments représentaient une sorte de communion avec Dieu : « Pâques c’est la résurrection. La nuit de Pâques, tout était prêt, ma mère tombait de fatigue, épuisée. On l’était tous, d’ailleurs. On se couchait tôt le soir, et l’on se réveillait vers 23h30. L’église était tout près et l’on était réveillé par le son des cloches. C’était un son particulier, car quelqu’un avait mis une quantité importante d’argent dans l’alliage utilisé pour tourner ces cloches. Plus il y a de l’argent dans l’alliage, mieux cela sonne. Pour moi, ce réveil au son des cloches est synonyme de froid sacré. J’étais transi de froid, ou c’était peut-être l’émotion. J’avais un certain sentiment de peur lorsque, enfant, je franchissais le seuil de l’église. J’étais un enfant plutôt timide. Evidemment, personne ne faisait attention à moi, les gens étaient plongés dans leurs prières, dans leurs pensées, et moi je me sentais comme perdu. »

    Du souvenir ému qui ressurgit de cette fête magique de Pâques remémorée par M Zeletin, cette fête qu’il avait vécue auprès de ses parents et de ses autres frères et sœurs, dans sa communauté natale, le mal semble avoir quitté le monde, pour laisser la place au seul espoir : « Je cherchais ma mère des yeux, je la regardais. Elle s’asseyait. Elle avait sa place à elle, les gens la lui gardaient, dans une église archicomble. Sa place l’attendait, avec une fleur posée dessus. Et lorsque ma mère arrivait, une femme prenait la fleur et la mettait de côté. Ma mère était respectée. D’abord parce qu’elle était la femme du prêtre, ensuite parce qu’elle dirigeait la chorale. Et elle chantait plutôt bien. Elle était arrivée à organiser une chorale à quatre voix dans ce petit village reculé. Et elle changeait souvent de répertoire. Une fois c’était la liturgie selon Tchaïkovski, une autre fois la liturgie selon Mandicevschi. Quand je vous parle, c’est comme si je la voyais en chair et en os devant moi, dirigeant sa chorale, tournant parfois la tête vers l’autel, où officiait mon père. »

    Il est certain que les souvenirs d’enfance demeurent gravés à jamais dans notre mémoire, idéalisés parfois par le temps qui passe. Mais elles demeurent précieuses, empreintes de nostalgie, témoignages d’un monde où la célébration des fêtes religieuses était sacrosainte, alors que ces fêtes réglaient et marquaient la vie même de la communauté.(Trad Ionuţ Jugureanu)

  • Le Musée d’Histoire nationale et d’Archéologie de Constanta

    Le Musée d’Histoire nationale et d’Archéologie de Constanta

    Cette semaine, nous vous invitons à une escapade radiophonique à Constanţa, ville port à la Mer Noire, là où se trouve un des musées les plus riches de Roumanie. Il s’agit du Musée d’Histoire nationale et d’Archéologie dont les collections réunissent plus de 430.000 objets, allant du Paléolithique jusqu’à l’époque moderne. Même si les portes du musée sont actuellement fermées aux visiteurs, en raison de la pandémie de coronavirus, une visite reste toujours possible en ligne. Dès le départ, précisons qu’à la différence d’autres musées départementaux qui se donnent pour tâche de mettre en lumière le patrimoine local, ce musée couvre une thématique nationale. Le visiteur y peut découvrir des objets en terre cuite d’origine grecque, romaine, byzantine ou encore médiévale, des armes ou des outils en pierre, bronze ou fer, des éléments d’architecture datant de l’Antiquité, tels des colonnes, des chapitaux ou des bas-reliefs. Une fois à l’intérieur, vous allez découvrir les riches collections de sculptures, de vases, de statues ou encore de bijoux. Et puis, n’oublions pas d’admirer la prestigieuse collection de monnaies d’argent, de bronze et d’or dont plusieurs sont uniques au monde.

    Cristian Ceagra nous accompagne tout au long de cette visite virtuelle du Musée d’Histoire et d’Archéologie de Constanţa: « La Dobroudja est une terre merveilleuse, plutôt mal connue et dont l’histoire est très riche. Quel que soit l’itinéraire choisi, le touriste finira par tomber sur des vestiges ou des ruines aux histoires extraordinaires. La Dobroudja est le lieu où la terre, la mer et le Danube se donnent rendez-vous, l’endroit où se trouve ce delta fabuleux autour duquel un tas de légendes gravitent. Ces histoires cachent toujours un brin de vérité. Des vestiges antiques en sont la preuve et je pense, par exemple, au fameux Serpent Glykon. Autant de détails qui, mis ensemble, représentent une excellente carte de visite pour cette région où le touriste se sentira facilement à l’aise, tellement elle est multiculturelle et pluriethnique! »

    Le Serpent Glykon est une divinité romaine, une statue unique au monde, datant du deuxième siècle avant J.C et qui se trouve au rez-de-chaussée du musée, à côté d’autres objets exceptionnels. Pendant notre visite virtuelle, vous aurez l’occasion d’admirer le groupe statuaire de Fortuna, la déesse de la chance, et de Pontos, personnification mâle de la mer, les deux protecteurs du port de Tomis, ancien nom de Constanţa. Parmi les artéfacts les plus prestigieux dont le musée s’enorgueillit, notons l’Edicule, au centre duquel se trouve une représentation de la déesse Némésis ou encore la collection de bijoux en or. A l’étage, les enfants seront contents de tomber sur les défenses d’un mammouth.

    Cristian Ceagra explique: « A l’étage, vous aurez l’occasion de voir le crâne d’un ours des caverne datant d’une époque où la faune commençait à changer. C’est la période où les hommes ne sont plus que des chasseurs- cueilleurs et deviennent, petit à petit, sédentaires. Une diversité de cultures néolithiques apparaissent et du coup, le rôle de la culture en général et de la céramique, en particulier, se renforce. Une fois devenu sédentaire, l’homme commence à se construire un foyer et à gérer sa vie. On a une reproduction pour comprendre comment les gens ans vivaient, il y a 6000 ou 7000. C’est l’époque où ils renoncent petit à petit aux peaux et aux fourrures d’animaux pour se couvrir de tissus. »

    La visite virtuelle du Musée d’Histoire et d’Archéologie de Constanta se poursuit, avec un coup d’œil jeté aux expositions non permanentes. Cristian Ceagra raconte: « On a mis en place de nombreuses expositions à même d’attirer toutes les catégories de public, quel que soit le niveau de connaissances ou le pays d’origine. On espère surprendre nos visiteurs, même ceux qui ont cherché sur Internet à se documenter sur l’histoire de la Dobroudja. On a beau lire à l’avance pour connaître telle ou telle région, il faut se rendre sur place et constater que tout ce qu’on a trouvé sur Internet ne représente qu’un faible pourcentage de tout ce qu’on peut découvrir en faisant le voyage. La plupart de nos expositions sont temporaires. Même si le musée doit sa renommée aux vestiges antiques, les expositions attirent, elles aussi, leur propre public. On a eu, par exemple, une exposition de presse avec des journaux d’il y a cent ans, bilingues, appartenant aux différentes communautés ethniques locales. »

    Si vous voulez visiter un jour le musée de Constanţa, soyez prêts à lui consacrer deux ou trois heures. En revanche, sur Internet, la visite peut durer autant que vous voulez, en fonction de vos intérêts. Cristian Ceagra précise que: « Les touristes se disent impressionnés par la possibilité de faire un tour en ligne, car ils ne s’y attendaient pas. C’est ce qu’ils n’arrêtent pas de nous dire. Le musée renferme des tas d’histoires et de légendes, que les gens ne connaissent pas et qu’ils sont enthousiasmés d’apprendre. On nous a déjà posé la question pourquoi une telle visite virtuelle n’est pas plus médiatisée. Une ville cosmopolite comme Constanţa, habitée, déjà à l’Antiquité, par des gens venus de tous les coins de l’empire romain, transmet son héritage culturel aux générations futures. Ici, les habitants, quelle que fût leur religion – musulmane, juive, chrétienne – ont cohabité en paix. Ce fut la principale raison qui a permis à cette ville de se développer tout au long de son histoire de 2500 ans. »

    Ouvert en 1878, le Musée d’Histoire nationale et d’Archéologie de Constanţa renferme un grand nombre de trésors: des objets appartenant aux cultures néolithiques de Hamangia et de Gumelniţa, des outils agricoles de l’époque médiévale, des sarcophages datant du premier ou deuxième siècle après J.C., des amphores de l’Antiquité romaine et des statues de divinités grecques. Autant d’objets que vous pourriez découvrir durant le tour virtuel que le musée propose sous le titre « Incursion virtuelle dans l’histoire antique de la ville de Tomis ». La page internet du musée vous offre également accès à une galerie de photos et une autre vidéo, ainsi qu’à une carte interactive. Autant de détails censés vous faire la visite aussi agréable que possible. (trad. Ioana Stancescu)

  • Le Trophée de Trajan d’Adamclisi

    Le Trophée de Trajan d’Adamclisi

    L’Antiquité romaine glorifiait
    ses vainqueurs par des titres, des célébrations et des monuments publics. L’un
    de ces monuments, c’est le Trophée de Trajan ou Tropaeum Traiani en latin,
    érigé en Dobroudja, dans le sud-est de la Roumanie, dans la commune
    d’Adamclisi. Le Sénat et le peuple romain ont rendu hommage à l’empereur Trajan
    en érigeant un monument impressionnant à sa victoire dans la première guerre
    dacique, celle des années 101-102. Tropaeum Traiani est considéré comme l’un
    des monuments antiques les plus grands et les plus emblématiques de la Roumanie
    d’aujourd’hui et il est en fait l’élément central de tout un ensemble. Ce que
    l’on peut voir aujourd’hui, c’est une reconstruction sous la supervision
    d’archéologues, achevée en 1977.


    Les premières fouilles à
    Adamclisi ont commencé en 1882, quatre ans après que la Roumanie a reçu la
    Dobroudja à la suite de la guerre roumano-russo-turque de 1877-1878. Grigore Tocilescu,
    fondateur de l’école roumaine d’archéologie, a lancé les campagnes de fouilles
    et de recherches qui allaient avoir lieu les cent années suivantes. Le monument
    central est un socle cylindrique avec 40 mètres de diamètre et il dispose de
    beaucoup de rangées de marches circulaires. Au-dessus du socle cylindrique est
    placé un toit tronconique avec des ornements sous forme d’écailles, tandis qu’au
    milieu du socle se dresse une structure hexagonale. Au sommet de la structure
    se trouve le trophée, un légionnaire romain avec quatre boucliers, haut de près
    de 11 mètres. À la base du trophée on retrouve deux groupes statuaires
    contenant la représentation de trois prisonniers daces. La hauteur de
    l’ensemble du monument est à peu près égale au diamètre de base de 40 mètres.


    L’archéologue
    Alexandru Barnea a conduit les fouilles sur le site archéologique d’Adamclisi
    et nous a donné des détails sur ce monument : « Le monument d’Adamclisi fait partie, en fait,
    d’un complexe de monuments qui se trouve sur la colline près du village actuel
    et il est de loin le plus imposant et le plus connu de tous. Il existe à
    proximité deux autres monuments importants et les ruines d’une ville. À
    proximité du monument triomphal est sis un tumulus, la tombe d’un commandant
    dont nous ne connaissons pas le nom. Un peu plus loin, à quelques centaines de
    mètres de là, se trouvent les ruines d’un autel funéraire à la mémoire de ceux
    qui sont tombés dans la bataille qui a eu lieu dans cette région. Il s’agit des
    batailles qui ont eu lieu près du village actuel, sur le plateau où se trouve
    aujourd’hui le monument, mais aussi dans les environs, entre les Daces et les Romains.
    C’était en 102, à la fin de la soi-disant première guerre dacique, lorsque les Daces
    ont essayé d’attaquer les Romains dans leur propre province. »


    La présence romaine au Bas-Danube a été consolidée
    un siècle et demi avant les guerres daciques contre les Romains. Alexandru
    Barnea a souligné que la province de Mésie inférieure, l’ancien nom de la Dobroudja,
    faisait partie intégrante de la civilisation et de la culture romaines : « Avec une carte historique dépliée devant nous,
    nous verrons que la Dobroudja était dans l’Empire romain, c’est-à-dire qu’elle
    faisait partie d’une province de l’empire appelée la Mésie inférieure. Dans
    cette province, l’organisation romaine existait déjà, il y avait une armée
    romaine, l’administration romaine fonctionnait. À ce moment dramatique pour les
    Daces, le roi Décébale et ses alliés germaniques attaquèrent les Romains sur leur
    propre territoire en essayant de faire une diversion à l’hiver 102. Attaqués
    par surprise, les Romains ont résisté fermement ; ils subissent de
    nombreuses pertes, puis se reprennent peu à peu. Les troupes qui y sont
    envoyées ont vaincu l’alliance daco-germanique de Décébale. Suite à ces
    batailles l’empereur Trajan lui-même décide d’élever un monument en souvenir de
    cette bataille tragique. »


    L’ensemble qui comprenait le monument comportait
    également un autel funéraire, sur les murs desquels étaient inscrits les noms
    des quelque 3800 soldats romains tombés au combat dans la bataille d’Adamclisi.
    Il existe aussi un mausolée avec trois murailles concentriques dans lequel le
    commandant romain, qui a décidé au prix de sa vie de la victoire romaine en 102,
    a été enterré. Alexandru Barnea parle des interprétations données au monument : « Le monument, érigé semble-t-il d’après le
    projet du célèbre architecte Apollodore de Damas, a été inauguré en 109.
    Quelques années plus tard, lorsque la paix régnait là aussi, dans la région du Bas-Danube,
    et en Dacie, devenue province romaine, la Colonne Trajane a été inaugurée à
    Rome en l’an 113. La Colonne, ainsi que le monument
    d’Adamclisi, sont pour ainsi dire les deux documents de naissance du
    peuple roumain – un original et un double. D’ailleurs, de nombreux historiens
    l’ont affirmé à propos de ces deux monuments. Les recherches sur ce monument,
    le tumulus et l’autel funéraire ont été achevées depuis longtemps, il n’y a pas
    grand-chose à dire sur la partie interprétation archéologique. Il reste par
    contre encore beaucoup de choses en ce qui concerne l’interprétation artistique
    et peut-être aussi l’interprétation historique des représentations sur le
    monument triomphal. »


    À Adamclisi, il existe aussi une cité romaine fondée
    par l’empereur Trajan sur l’emplacement de l’ancienne agglomération géto-dace.
    Une basilique préservée in situ complète l’héritage d’il y a près de 2.000 ans.
    (Trad. : Ligia)

  • Le portrait de Lascăr Catargiu

    Le portrait de Lascăr Catargiu

    Descendent d’une illustre famille de boyards moldaves, Catargiu voit le jour en 1823, à une époque où les valeurs de la modernité pénétraient avec vigueur les principautés roumaines. Jusqu’en 1859, il occupe divers postes dans l’administration locale de la principauté de Moldavie. Membre du parti Conservateur, il est un fervent défenseur de l’union des deux principautés roumaines de l’époque, la Moldavie et la Valachie, sous une même autorité, celle d’Alexandru Ioan Cuza, qui monta quasiment au même moment sur les trônes de ces deux principautés. Catargiu devient très rapidement un homme politique rompu aux arcanes du pouvoir. Et c’est ainsi qu’en 1866, il s’allie avec les libéraux afin de détrôner le même Alexandru Ioan Cuza, à la faveur d’un coup de palais. Membre de la Régence qui s’ensuivit, il prône l’instauration d’une monarchie constitutionnelle pour la jeune Roumanie, en faisant appel à une lignée de souche étrangère. Travailleur, ambitieux, habile négociateur, Lascăr Catargiu s’impose comme chef de file des conservateurs, qui le perçoivent comme un facteur d’équilibre et de garantie de l’unité du parti.

    Sa personnalité bien trempée s’exprime à nouveau lors de la crise politique de 1871 qui, sans son intervention, risquait de dégénérer en une crise dynastique, comme l’affirme l’historien Sorin Cristescu. « Le rôle joué par Lascar Catargiu à cette occasion a été déterminant dans la résolution du conflit. L’on peut dire qu’il a sauvé le trône du roi Carol 1er qui, confronté à la fronde du monde politique, désarçonné, menaçait de tout lâcher. Les libéraux avaient organisé une grande réunion populaire à Bucarest, censée compromettre la communauté allemande de Bucarest et, par ricochet, le roi, qui était d’origine allemande. Face à cette situation, Lascar Catargiu a agi d’une manière extrêmement résolue. En sa qualité d’ancien membre de la Régence, il s’est présenté devant le roi, lui a proposé ses services, et lui a affirmé qu’il serait en mesure de lui offrir le gouvernement solide dont le pays avait besoin s’il le nommait président du Conseil. »

    Mais quelles qualités avaient fait de lui le chef de file des conservateurs, un parti qui comptait pourtant dans ses rangs des personnalités remarquables ? Sorin Cristescu. « Lorsqu’il est nommé à la tête du Conseil des ministres par le roi, le 11 mai 1866, sa réputation n’est plus à faire. Pourtant le parti conservateur comptait une kyrielle de personnalités d’envergure. Des gens cultivés, de grandes personnalités politiques, telles que Petre Carp et Titu Maiorescu. Lascăr Catargiu n’était pourtant pas un grand orateur, il n’avait pas de prétentions intellectuelles et n’était pas particulièrement agressif dans ses échanges. Un homme plutôt modeste, posé, mais solide et qui inspirait la confiance. Alors que face à Petre Carp, l’on pouvait ne pas se sentir à l’aise du tout. Il n’était pas commode. Ni avec ses amis, et encore moins avec ses adversaires politiques. Et c’est sans doute ses qualités de négociateur qui ont servi à Lascăr Catargiu et lui ont permis de vite devenir la coqueluche des conservateurs. Il y avait en lui cette modestie, ce verbe mesuré, et c’est pour cela que les gens se sentaient à l’aise et en confiance en sa présence ».

    Lascăr Catargiu a été nommé à 4 reprises à la tête du gouvernement roumain. L’un de ses gouvernements, celui qu’il dirigea entre 1871 et 1876, a ouvert la voie vers l’indépendance à la Roumanie, une indépendance finalement obtenue de haute lutte, au sens propre du terme, lors de la guerre russo-turque de 1877/1878. Mais l’ironie de l’histoire n’a pas permis à Lascar Catargiu de récolter les lauriers de la victoire. En effet, c’est au libéral Ion C. Brătianu que reviendront la gloire et les honneurs de l’indépendance de la Roumanie. Quant au premier gouvernement Catargiu, l’historien Sorin Cristescu rappelle : « Il s’agissait en fait du premier gouvernement qui faisait suite à l’union des deux principautés roumains : la Valachie et la Moldavie. Ce gouvernement a mené son mandat à terme, chose plutôt rare pour l’époque. Mais il a réussi cela, parce qu’il s’est avéré être un gouvernement extrêmement efficace. Il avait rétabli les finances du pays, dans un contexte défavorable. Grâce à cela, il a remporté les élections, haut la main. Puis, à l’extérieur, il a fait montre d’une attitude fort courageuse, en rejetant l’e firman du Sultan à l’égard de la nomination du roi Carol 1er par le Conseil des boyards, un décret qui maintenait la Roumanie parmi les Etats vassaux de la Sublime Porte, lui défendant de signer des accords commerciaux avec des Etats tiers. Lascar Catargiu a franchi le pas, signant la convention commerciale avec l’Autriche, en 1875, posant ainsi un geste résolu d’indépendance et défiant ainsi l’empire Ottoman. Il aurait pu se maintenir encore 4 ans au pouvoir, s’il n’y avait pas eu la révolte des chrétiens de Bosnie qui marqua les prémices de la guerre russo-turque de 1877/1878 ».

    Un adage célèbre, attribué à Lascar Catargiu, a traversé les époques pour parvenir jusqu’à nous. Il s’agit d’une fameuse réplique, adressée à la reine Elisabeth, épouse du roi Carol 1er, je cite : « Ceci n’est pas possible, Majesté !». Car s’il était plutôt facile à vivre, Lascar Catargiu se montrait ferme, voire intraitable dès qu’il estimait que l’on s’apprêtait à franchir une limite. L’historien Sorin Cristescu détaille ce moment : « Lorsqu’il s’était ainsi écrié, il occupait le poste de ministre des Affaires intérieures d’un gouvernement dirigé par un autre conservateur, le général Ioan Emanoil Florescu. Il est sorti de ses gonds au moment où il a appris que la reine caressait l’espoir de faire marier le prince héritier, Ferdinand, à sa dame de compagnie, Hélène Vacarescu. Ceci était, pour ce légaliste farouche, tout simplement impensable. En effet, les boyards qui avaient choisis de mettre une dynastie étrangère sur le trône du jeune Etat roumain, l’avaient fait à dessein, dans le but de mettre un terme aux revendications dynastiques des familles régnantes roumaines et aux guéguerres qui s’ensuivaient. Or, la constitution stipulait que le roi ne pouvait prendre pour épouse qu’une princesse issue d’une des familles régnantes européennes, mais certainement pas une Roumaine ».

    En 1899, à 76 ans, Lascăr Catargiu s’éteint suite à un arrêt cardiaque, le jour même de sa nomination par le roi, pour la 4-e fois, à la tête du Conseil des ministres. Dans l’éloge funèbre rédigé pour l’occasion, l’historien, écrivain et philosophe Titu Maiorescu, contemporain du défunt, mentionnait, je cite : « Le parti conservateur a perdu un homme honnête et infatigable. C’est grâce à ces qualités et à son courage qu’il a bénéficié de l’autorité qui a été la sienne au sein du parti conservateur tout au long de sa vie politique », fin de citation. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • La cité de Fagaras

    La cité de Fagaras

    Nous mettons le cap sur le centre de la Roumanie. Le département de Brasov est renommé parmi les passionnés de montagne et de monuments historiques. C’est aussi une contrée connue pour le tourisme actif, qui offre de multiples possibilités de loisirs et d’importants sites culturels à découvrir. Une des localités avec une croissance constante du nombre de touristes, c’est la ville de Fagaras. Elle est située aux pieds du massif homonyme, soit la montagne la plus haute de Roumanie, et d’une des plus spectaculaires routes de Roumanie, le Transfagarasan. Il ne faut pas oublier de visiter l’imposante cité qui se trouve au beau milieu de la ville. C’est un des monuments historiques les mieux préservés de Roumanie, jugé par des revues et des sites de tourisme internationaux comme la deuxième cité la plus belle au monde après un château d’Allemagne du 19e siècle. La cité de Fagaras est beaucoup plus ancienne. Sa construction a débuté au 14e siècle pour s’achever en 1650. A présent, son intérieur pourrait être décrit comme mélange entre un musée classique et une reconstitution d’espaces qui ont eu des destinations des plus diverses.

    Horia Pirau, muséologue au Musée de la Contrée de Fagaras « Valer Literat », explique : « C’est une des quelques cités de Roumanie qui n’ont jamais été conquises. Elle fut assiégée à 26 reprises, mais ses portes n’ont jamais été ouvertes face à un adversaire. A une seule exception près. Elle a ouvert ses portes devant le voïvode roumain Michel le Brave en 1600. Suite à la défaite de Mirăslău, celui-ci s’est retiré dans notre forteresse avec une partie des troupes et avec son épouse. L’architecture de la citadelle est en style Renaissance italienne, la planimétrie est un peu plus différente de celle des autres forteresses transylvaines. La majorité suit le style Vauban, en forme d’étoile, mais la citadelle de Fagaras a la forme d’un quadrilatère irrégulier, dont le côté le plus long est celui du nord-ouest. Au bout de ce côté on retrouve la Tour de la Geôle. Du sommet de cette tour, on peut suivre tout mouvement grâce à une vue à 360 degrés. A chaque fois qu’une attaque était préparée, les soldats à l’intérieur de la cité savaient immédiatement de quoi il s’agissait afin de faire les préparatifs nécessaires. Puis, je mentionnerais la Salle du Trône, située au deuxième étage. C’est ici que se trouve le trône et les armoiries de la ville de Fagaras, représentées par deux poissons. Puis, il y a aussi la Salle de la Diète. C’est ici que l’on peut admirer des meubles du 17e siècle reconstitués, vu qu’à l’époque des années 1948 – 1962 la cité a été transformée en prison politique communiste. »

    La citadelle peut être visitée quotidiennement, du lundi au vendredi, un ticket d’entrée coûte seulement 15 lei, soit 3 euros pour les adultes et 7 lei (1 euro et demi) pour les enfants. Les touristes peuvent visiter avec le même ticket le Musée du Pays de Fagaras « Valer Literat » qui peut s’enorgueillir de quelque 20 mille pièces.

    Horia Pirau, muséologue : « Cela vaut la peine de le visiter, d’admirer les chapiteaux d’origine italienne, le mobilier, même si celui-ci est partiellement reconstitué. A ne pas rater le lac de la forteresse, qui accueille des oiseaux, afin notamment de recréer l’atmosphère du 17e siècle. Toutes ces infos se retrouvent aussi dans le matériel de promotion de cette attraction, en anglais, français et allemand. Il y a aussi des brochures en hongrois et à l’avenir nous souhaitons promouvoir aussi cet objectif en italien et en espagnol. Nous avons des touristes qui nous rendent visite annuellement. Nous avons décidé d’offrir des tickets gratuits à certains d’entre eux. Il faut le reconnaitre, l’aspect de notre forteresse est dû aussi au rôle bénéfique des touristes. C’est grâce à ces tickets que nous préservons l’histoire, et cela nous permet de restaurer certains éléments. »

    Et voilà, l’invitation a été lancée. N’hésitez pas de vous rendre au cœur de la Roumanie afin de découvrir une des cités médiévales les plus belles au monde. (Trad. Alex Diaconescu)

  • L’histoire à la portée de tous – L’exposition « The Dracula Investigation »

    L’histoire à la portée de tous – L’exposition « The Dracula Investigation »

    De double origine, hollandaise et roumaine, ils ont grandi à Sighișoara, renommée ville médiévale transylvaine, au centre de la Roumanie. Ils sont passionnés d’histoire et c’est de là qu’est partie la décision d’enrichir l’offre culturelle de leur ville natale. Même si Sighișoara se trouve déjà sur toutes les cartes touristiques, on peut toujours mieux faire. C’est ainsi qu’une exposition inédite a vu le jour, une invitation dans le monde fascinant de Vlad Țepeș, connu aussi sous le nom de Vlad l’Empaleur. Vlad Țepeș est né en 1431, à Sighișoara, d’un père prince de Valachie, Vlad II ou bien Vlad Dracul. Vlad II rejoint l’Ordre du dragon, qui visait à protéger les intérêts de la chrétienté de l’Empire ottoman, d’où son surnom de « Dracul », le Dragon. Son fils, Vlad Țepeș, sera désigné du même nom, transformé par les étrangers en Drăculea ou Dracula. L’appellation est rendue célèbre bien plus tard, par Bram Stoker, dans le roman homonyme. Vlad Țepeș a lui aussi été prince de Valachie, à trois reprises, en 1448, de 1456 à 1462 et en 1476. C’est autour de cette personnalité historique que les huit frères ont construit une exposition.

    « The Dracula Investigation » / « L’Investigation Dracula » présente l’histoire de Vlad Țepeș au-delà des légendes. Une personne sensible, un enfant traumatisé, Vlad Dracula – le fils, le frère, le guerrier.Un des huit frères, Timon, 26 ans, raconte pour Radio Roumanie comment a commencé le projet :
    « Ca fait longtemps que nous voyons tous ces jeunes qui partent de Sighișoara. Il y a peu d’opportunités ici et très peu de monde démarre de nouveaux projets ou crée des activités pour les touristes. Les gens qui visitent la ville disent qu’il n’y a rien à faire outre les 2-3 heures de promenade dans la ville médiévale. C’est comme ça que nous nous sommes dit qu’il y avait sûrement des possibilités. C’était un long processus, nous n’étions pas toujours d’accord, mais, jusqu’à présent, c’est une réussite. Au début, par exemple, nous pensions faire nous-même la scénographie de l’exposition. C’est ainsi que nous avons rencontré Silvia, car nous savons que nous ne pouvons pas tout faire ou bien que d’autres peuvent faire certaines choses mieux que nous. Et maintenant nous pensons déjà à des projets futurs. »

    Silvia dont parle Timon est la scénographe Silvia Ioana Horobeanu. Elle nous raconte comment elle s’est jointe au projet : « Au départ, Timon m’a contacté et m’a parlé de leur initiative. J’ai trouvé ça intéressant qu’ils voulaient raconter notre histoire d’une façon innovante. Je leur ai proposé une version moderne et minimaliste, car je crois que la simplicité est primordiale quand ont veut raconter des faits historiques. Au départ, j’ai eu l’idée de faire des projections ou d’utiliser l’animation. Après, j’ai pensé aux jeux d’ombres et de lumières, pour arriver ensuite à l’idée de transparence. »

    Petit à petit l’exposition a pris forme et aujourd’hui elle utilise toutes ces techniques, les projections, l’animation, les ombres chinoises et les sculptures. C’est Vlad lui-même qui guide le visiteur à travers les cinq pièces et qui raconte l’histoire de sa vie. La technologie est mise au service de l’histoire, pour créer une expérience immersive et interactive pour le visiteur. Le résultat final a aussi à voir avec l’âge des entrepreneurs. Lemre, le frère cadet de Timon, explique : « J’aime beaucoup tout ce qui est médiéval, j’aime l’histoire. Nous savions qu’il y avait du potentiel, sans savoir exactement quoi faire. Nous réfléchissions autour de Sighișoara, où nous avons grandi, et dont le centre-ville est inscrit au patrimoine de l’UNESCO. Or, dès qu’on entend parler de la Transylvanie, on pense à Vlad Țepeș, à Dracula. Or d’habitude les gens ne connaissent pas la vraie histoire, mais plutôt les contes avec des vampires. Nous avons décidé de raconter la vérité, car elle est aussi intéressante. Mais il fallait rendre la réalité attrayante, unique pour les gens qui visitent l’exposition. »

    C’est vrai que la mise en scène de « L’Investigation Dracula » interpelle. La scénographe Silvia Ioana Horobeanu parle d’un élément de décor un peu particulier : « Je voulais créer une certaine sensation pour les visiteurs. Toute la narration de l’exposition se déroule à l’extérieur. Nous avons alors décidé d’introduire dans cet espace fermé, entièrement blanc, un élément de l’extérieur. Nous pensions aussi au son, avoir comme un son extérieur, mais diffuser ça dans les enceintes semblait artificiel. En plus, on voulait que les gens ressentent une sensation physique. C’est là qu’est apparue l’idée du gravier. Les garçons m’ont détesté, ils en ont porté des seaux et des seaux. Mais, au final, ils étaient contents : ils ont vu que c’était cohérent avec le projet. »

    D’autres jeunes artistes roumains ont travaillé aux côtés de Silvia Ioana Horobeanu, des écrivains, des sculpteurs, et ensemble ils ont créé un parcours d’exposition qui dure 20 minutes. Les huit frères sont ouverts aux critiques : ils ont placé deux urnes à la sortie de l’expo et encouragent les visiteurs à y déposer un billet avec leurs impressions. Une urne accueille les avis positifs, l’autre – les avis négatifs. D’ailleurs, un écriteau « Satisfait ou remboursé » est affiché au même endroit.Plusieurs lieux de Roumanie évoquent la figure historique de Vlad Țepeș : la Vieille cour royale de Bucarest ou le Château des princes à Târgovişte. Voilà que l’exposition « L’Investigation Dracula » de Sighișoara peut venir s’inscrire dans un itinéraire qui retrace la vie du plus célèbre prince roumain. (Trad. Elena Diaconu)

  • Des goûts et des couleurs du monde : une histoire du tannin (I).

    Des goûts et des couleurs du monde : une histoire du tannin (I).

    Cette semaine nous allons nous pencher sur une molécule. Oui une molécule qui est au centre de la vie et de la nature. Il donne des couleurs aux plantes, donne du goût aux aliments. Il peut être bénéfique, mais toxique également. Il s’agit du tannin, dont nous allons retracer l’histoire et voir la fonction avec notre invité Marc-André Sélosse qui est professeur au Museum national d’histoire naturelle.



  • Nicolae Iorga, l’enseignant exemplaire

    Nicolae Iorga, l’enseignant exemplaire

    Parmi les cent personnalités roumaines retenues en 2006, à l’occasion d’un concours organisé par la Télévision publique roumaine, Nicolae Iorga a occupé la 17e place. Et cette place dans le cœur de la postérité il la doit sans doute, au-delà de ses nombreuses qualités, à celle d’exemplaire enseignant.

    Né en 1871 dans la ville de Botoșani, dans le nord-est de la Roumanie, fils d’avocat, Nicolae Iorga étudiera l’histoire dans les universités roumaines, italiennes, françaises et allemandes. Polyglotte, travailleur infatigable, l’on voit Iorga traiter avec aisance et une remarquable maîtrise des sujets d’études historiques des plus variés, depuis l’histoire des Roumains et l’histoire universelle et jusqu’aux thématiques communes à la philosophie de l’histoire. Fruits de ses recherches, il publie tout au long de sa vie près de 20 mille articles et une œuvre historique prolixe, concentrée en 1.200 volumes et brochures de spécialité. Conservateur, sensible aux courants politiques autoritaristes, il va fonder, en 1910, avec l’avocat et le professeur des universités A.C. Cuza, le parti National Démocrate. Iorga militera pourtant pour l’entrée de la Roumanie du côté de l’Entente dans la Grande Guerre. Par la suite, il deviendra l’un des proches du roi Carol 2, qui le nommera à la tête du Conseil des ministres en 1931. Mais par-dessus tout, Nicolae Iorga est un pontife de l’enseignement, et il se sent investi d’une véritable mission à l’égard du développement du système de l’Education nationale.

    L’historienne Eliza Campus, une de ses émules, avait accordé en 1999 une interview au Centre d’Histoire orale de la Radiodiffusion roumaine. Elle brosse un portrait ému de son professeur, véritable modèle dans la vie et la profession.

    Eliza Campus : « Je suivais les cours d’histoire universelle à la faculté d’Histoire de l’Université de Bucarest. C’est Nicolae Iorga qui donnait ces cours. Dès le début, j’ai eu de très bonnes relations avec lui. Je portais le deuil après la mort de mon père. Il l’avait remarqué, et s’est approché de moi et m’a demandé si j’avais besoin de quoi que ce soit. Il devait sans doute penser que j’avais des soucis d’ordre financier, mais je travaillais déjà comme institutrice. Son attention m’avait touché. Depuis, nos rapports ont été extrêmement proches. Il m’a guidé dans les études, et j’ai pu aussi avoir accès à sa bibliothèque et y travailler pour les examens. Ces rapports, de Maître à élève, se sont prolongés jusqu’à la fin de mes études universitaires ».

    Nationaliste à l’ancienne, Nicolae Iorga n’a pas tardé d’entrer en conflit avec les nationalistes radicaux et extrémistes de la Garde de Fer dans les années 30. Les légionnaires, comme se plaisaient à se faire appeler les partisans du mouvement fasciste roumain, le tenaient pour responsable moral de la mort de leur leader, Corneliu Zelea Codreanu, tué en 1938. Le journaliste Pan Vizirescu, grand admirateur de la personnalité du professeur, expliquait dans une interview enregistrée en 1996 le contexte qui donna naissance au conflit entre le grand historien et le mouvement fasciste roumain, et qui s’achèvera tragiquement, par la mise à mort de Nicolae Iorga, en 1940.

    Pan Vizirescu : « Le professeur Iorga, c’était juste après la mort de Codreanu, le leader de la Garde de Fer, avait tenu une conférence aux Fondations royales où il avait employé ces mots : « Je voulais leur donner conseil, en père, non pas leur couper la tête ». Or les partisans de Codreanu l’ont depuis tenu pour responsable de la mort violente de leur leader, alors qu’il n’y était pour rien ».

    L’historien littéraire Gabriel Țepelea avait rencontré pour la première fois Nicolae Iorga à l’occasion des célébrations de l’Union de la Transylvanie, de la Bessarabie et de la Bucovine avec la Roumanie, le 1 décembre 1933, alors qu’il n’avait que 17 ans. Bien des années plus tard, en 1999, Țepelea se confiait au micro de la Radio roumaine en ces termes sur la personnalité du savant : « Je le vois comme s’il était là, devant moi, avec sa barbe de patriarche, dans son habit bleu de cérémonie, en uniforme de conseiller royal. Il était devenu membre du parti marionnette du roi Carol 2, le Front de la renaissance nationale. Et je me suis alors rendu compte combien c’était trompeur tout cela, combien était facile de piéger une personnalité tellement énorme comme Nicolae Iorga avec des honneurs qui ne valaient pas cher. Et que des gens tout à fait probes et remarquables s’avéraient complètement incapables de mettre le holà aux ambitions démesurées du roi Carol 2. Et qu’ils avaient été dupés, acquiesçant à la dictature royale, à la suppression des partis politiques, à la suppression de la démocratie, allant progressivement jusqu’à devenir les complices de l’instauration des régimes autoritaires, en faisant fi de nos alliances traditionnelles ».

    Nicolae Iorga a d’ailleurs été présent sur les ondes de Radio Roumanie. L’ingénieur du son Paul Știubei se rappelait dans son interview de 1994 la prestation de 1940 du professeur Iorga au micro de la radio publique roumaine : « Il avait une feuille de papier devant lui, mais il parlait librement. Je l’avais écouté alors, j’avais aussi suivi ses conférences radiophoniques, où il ne s’en tenait pas du tout au texte qu’il avait préparé. Je me souviens qu’une fois le directeur général de la radio est descendu dans ma cabine et m’a demandé de le laisser au pupitre. Il se tenait prêt à lui couper le micro, car il avait une peur bleu que Nicolae Iorga ne commence à charger les Allemands. C’était en 1940, l’on était passé du côté des Allemands, la Wehrmacht était là, et les conférences étaient diffusées en direct. »

    Le 27 novembre 1940, des tueurs de la Garde de Fer allaient kidnapper Nicolae Iorga, de sa maison de Sinaia. Il avait 70 ans. Ils l’amenèrent dans un bois près de Bucarest et l’achevèrent par balles, sans autre forme de procès. Le destin d’un grand savant se voyait tragiquement arrêté par la folie meurtrière de quelques fanatiques. Son œuvre scientifique et le souvenir qu’il a laissé parmi ses contemporains n’ont pas pour autant pu être brisés par ces balles. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • L’Assemblée nationale d’Alba Iulia

    L’Assemblée nationale d’Alba Iulia

    Journée froide d’hiver, le 1er décembre 1918 fut une journée remplie de joie. Même si de nos jours, les festivités solennelles qui marquent chaque année cet événement ont fini par en éroder un peu la valeur, en nous faisant penser que l’enthousiasme général manifesté par la population à ce moment-là n’aurait pas été si grand, les sources de l’époque attestent le fait qu’en Transylvanie, les foules manifestaient ouvertement leur joie à l’approche de ce 1er décembre. Cette joie marquait la fin d’une guerre traumatisante de tranchées. A la joie de voir la paix enfin s’installer s’ajoutait celle de la naissance la Grande Roumanie, pour laquelle tant de gens avaient sacrifié leur vie sur les fronts des Carpates et du Danube.

    La joie des Roumains d’Autriche-Hongrie s’explique aussi par le fait que beaucoup d’entre eux avaient combattu pendant toutes les 4 années difficiles de guerre et vu la mort sous ses formes les plus terrifiantes. Si ce n’étaient que les 12 combats menés le long de la rivière Isonzo, à la frontière italo-slovène, cela aurait suffi pour justifier la joie avec laquelle les gens accueillaient la paix. La presse de l’époque, les correspondances, les journaux et les mémoires conservés jusqu’à nos jours témoignent de l’atmosphère enthousiaste des jours qui ont précédé le 1er décembre 1918. Les gens voulaient s’organiser, écarter les effets de la guerre, ramener dans leur pays la paix, la prospérité économique et la sécurité. Un retour à la normalité en ce début d’hiver et à l’approche des fêtes de fin d’année 1918 était considéré avec beaucoup d’optimisme.

    En 2000, Clement Bolfă, originaire de la commune de Maieru, du comté de Bistrița-Năsăud, a accordé une interview au Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine. A ce moment-là, il avait 90 ans. Il se rappelait qu’en 1918, alors qu’il était un enfant de 8 ans, élève au cours élémentaire, les adultes autour de lui étaient animés par la joie mobilisatrice qui a précédé l’union. « J’étais à l’école et j’avais un instituteur, Barna Ionuc, qui nous a raconté qu’il devait se rendre à l’Assemblée d’Alba Iulia et que c’était un grande assemblée parce que la Transylvanie rejoignait la mère-patrie, la Roumanie. Et puis, à son retour, il nous a raconté comment c’était et nous a appris les chansons : « Sur notre drapeau il est écrit Union », « La Grande Ronde », « La Ronde de l’Union ». J’avais les larmes aux yeux… Notre instituteur nous a raconté comment la Transylvanie s’est unie avec la Roumanie et comment tous les participants à l’Assemblée ont crié, demandant qu’elle s’unisse à la Roumanie. Quant il est revenu d’Alba Iulia, il a organisé une fête à l’école et nous avons chanté. Et ce fut une grande joie en ces temps-là. Une grande, grande joie. »

    Avant 1918, Emil Wagner a été membre du Parti national roumain et ensuite membre du Parti national paysan. Il a très bien connu Iuliu Maniu, chef du Parti national paysan et, en 2000, il avait 104 ans. Il se rappelait, au micro de Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, l’atmosphère des jours qui ont précédé le 1er décembre 1918. Emil Wagner a fait partie de la délégation qui devait entrer en contact avec le Parti national roumain de Bucovine. Il y était accompagné par un autre membre important du Parti national paysan, Ilie Lazăr. L’euphorie de ces jours-là a été doublée de moments extrêmement tendus. Wagner se rappelle qu’en août 1918, Alexandru Vaida-Voevod, homme politique marquant du Parti national roumain et député au Parlement de Pest, avait été mandaté pour demander l’indépendance de la Transylvanie au nom des Roumains. « Vaida a pris la parole devant le Parlement hongrois et a demandé l’indépendance. Alors, le comte Tisza, qui était le président du gouvernement, a dit que Vaida était un traître. Alors, Iuliu Maniu a pris, lui aussi, la parole en demandant la même chose. Et alors, un membre de la famille des Habsbourg, Ferdinand, s’est lui aussi levé et a dit : « Nous ne pouvons pas accuser ces gens-là d’être des traîtres de leur pays, car ils sont nos députés, ils ne sont pas des traîtres. C’est normal qu’ils demandent l’indépendance de la Transylvanie ! Et on a demandé que l’indépendance de la Transylvanie soit soumise au vote. Et on a voté, mais ce Habsbourg qui avait parlé n’a pas voté. Pourtant, sa proposition a évité à Iuliu Maniu et à Vaida d’être exécutés, car le comte Tisza demandait qu’ils soient exécutés. »

    La présence des femmes sur la scène de la Grande Union n’a pas été moins importante que celle des hommes. Les mères, les épouses, les sœurs, les filles des grands hommes qui ont contribué à la Grande Union n’ont cédé en rien à leurs fils, leurs époux, leurs frères, leurs pères. Lucia Mihaly de la commune d’Apșa, fille d’un grand avocat roumain, se rappelait qu’elle avait brodé le tricolore qu’elle a arboré sur le balcon de leur maison de Sighet, au Maramureș. C’est devant ce drapeau que les nouveaux fonctionnaires de l’Etat roumain ont prêté serment, après le 1er décembre 1918. « En 1918 mon frère est venu de Cluj et il a apporté à notre mère un drapeau de Iuliu Maniu. Je l’ai brodé de soie colorée et nous sommes allés, avec mon frère, sur la place du centre-ville. Et les délégués sont venus de chaque village pour aller à Alba Iulia et mon frère a prêté serment et chacun a dit qu’il ne rentrerait pas sans qu’une décision favorable soit prise. Ensuite ils sont partis – certains à pied, d’autres en charrette ou à cheval, car les Hongrois avaient arrêté les trains à destination d’Alba Iulia. Mon frère est parti, lui aussi, et lui et Ilie Lazăr portaient le drapeau. »

    En effet, quelle joie peut être plus grande que celle qu’un peuple éprouve quand une guerre dévastatrice de 4 ans finit et qu’elle s’achève par un nouveau pays ? (Trad. : Dominique)

  • Nouveau film sur la reine Marie de Roumanie

    Nouveau film sur la reine Marie de Roumanie

    C’est une production roumaine avec une participation internationale, centrée sur la contribution de la souveraine à la Conférence de paix de Paris de 1919 lorsque l’Union de 1918, et par conséquent l’existence de la Grande Roumanie, ont été reconnues. Le film, signé par le réalisateur britannique Alexis Sweet Cahill, d’après un scénario écrit par Brigitte Drodtloff et Maria Denise Theodoru, a pour actrice dans le rôle principal Roxana Lupu, secondée par Adrian Titieni (dans le rôle de Ionel Brătianu), Daniel Plier (le roi Ferdinand), Anghel Damian (le futur roi Carol II), Philippe Caroit (le comte de Saint-Aulaire), Richard Elfyn (qui joue Lloyd George) et Patrick Drury (dans le rôle de Woodrow Wilson).

    Pour rendre véridique l’atmosphère d’époque, pour les tournages dans des lieux historiques tels que le Palais de Cotroceni, le Château de Peleş, le Quai d’Orsay, mais surtout pour le sujet et la manière dont il a été présenté, le film « Marie, reine de Roumanie » a reçu le Prix du public à la section « Les avant-premières de l’automne » au Festival « Les Films de Cannes à Bucarest ». Sur son implication dans cette production, la collaboration avec le producteur Gabi Antal et sur sa participation à des projets roumains en général, le réalisateur Alexis Sweet Cahill a déclaré :« Gabi m’a lancé la proposition au mois de mai. Il est venu à Rome, où j’habite à présent, et nous avons parlé du projet. Je connaissais une grande partie de l’équipe roumaine pour avoir filmé ici plus de 200 publicités. J’étais connu comme le baron de la bière de Bucarest parce que j’ai réalisé des clips publicitaires pour des clients concurrents. Par conséquent, je connaissais les membres de l’équipe, et ce sont les meilleurs des meilleurs. Surtout ceux qui se sont chargés des effets visuels auxquels j’ai beaucoup fait appel dans notre film. Nous avons recréé une partie de l’ancien Bucarest, la Gare du Nord de Paris et l’extérieur de l’Hôtel Ritz. Les tournages réalisés par le directeur de la photographie Gabriel Kosuth ont été fantastiques. Lorsqu’on est entouré par les meilleurs techniciens et par la meilleure équipe, impossible de ne pas réussir. J’ai eu beaucoup de chance. »

    Ce qu’il a obtenu, c’est un film dans lequel la reine Marie – dont on a célébré très récemment les 144 ans depuis la naissance – devient un modèle de patriotisme et de détermination. Alexis Sweet Cahill:« Si un super-héros ne porte pas de cape, c’est comme s’il n’était pas perçu comme tel. N’est-ce pas ? Et de nos jours, nous n’avons pas vraiment d’exemples réels de héros. Je pense que la reine pourrait être un tel exemple. Et maintenant, en Roumanie, je pense que ce serait le bon moment pour présenter de tels exemples. Surtout que tout ce que nous présentons a vraiment eu lieu. Nous n’avons rien fait pour embellir la réalité. La modalité dont nous avons dépeint la reine est tout à fait authentique. En fait, j’ai filmé une demi-heure de plus par rapport à ce qui paraît à l’écran. Toutefois, j’ai coupé beaucoup d’images justement pour mettre les points sur les i et pour ne pas nous laisser distraire par des détails d’ordre émotionnel. J’ai souhaité que tout soit réaliste au possible. »

    Un film réaliste, qui respecte la vérité historique, était nécessaire dans le cas de la reine Marie dont l’implication diplomatique dans la reconnaissance de la Grande Union de 1918 n’était pas bien connue par le public de Roumanie, estime l’actrice Roxana Lupu :« Je le dis en toute humilité, je n’en savais pas trop sur la reine Marie. A l’école, même si c’était après la chute du communisme, je n’ai pas vraiment appris beaucoup de choses sur la famille royale, même si j’ai toujours aimé l’histoire. Enormément de choses ont été écrites sur elle, parce que c’était une personne particulièrement fascinante, et je trouve que le film la présente sous beaucoup d’aspects : femme, épouse, souveraine, amante, mère, amie etc. C’était une personne plurivalente. Le comble, c’est que tous ces atouts étaient bien représentés chez elle. »

    Par ce rôle, Roxana Lupu n’en est pas à son premier personnage royal. Elle a également joué la reine Elizabeth II dans les documentaires de la BBC « Inside Buckingham Palace » et « Inside Windsor Castle », ainsi que sa sœur, la princesse Margaret, dans un autre documentaire, « Private Lives of Monarchs ». Les deux sont des membres de la famille élargie de la reine Victoria d’Angleterre dont provenait également la souveraine de Roumanie. Quant à l’impact sur le public roumain du film « Marie, reine de Roumanie », Roxana Lupu n’a aucun doute : « J’ai vu comment ce film a été reçu en Roumanie, lors de sa projection au festival « Les Films de Cannes » et lors des autres qui ont eu lieu dans le pays. Les gens sont très enthousiasmés et reçoivent le film comme une bouffée d’air frais. Les spectateurs nous ont dit : Nous avions besoin d’apprendre ces choses-là et Nous nous réjouissons de voir ce film, nous sommes émus ou encore A quand la suite?. Nous aurons peut-être fait un travail de pionniers en la matière et c’est un bon début pour d’autres films historiques sur la monarchie. »

  • La formidable histoire de la Radiodiffusion roumaine

    La formidable histoire de la Radiodiffusion roumaine

    C’était le 1er novembre 1928 que la voix de Radio Roumanie se faisait entendre pour la première fois. Les aspirations que les Roumains exprimaient à la fin des années ’20 donneront le ton à ces premières émissions. Depuis lors, la Radio roumaine s’est avérée un tournesol efficace des bouleversements qui ont traversé et secoué, parfois violemment, la société roumaine, tout au long du 20e siècle.



    Ainsi, le 23 août 1944, la Roumanie passait-elle, avec armes et bagages, dans le camp des Alliés, provoquant l’effondrement rapide des positions allemandes dans les Balkans. La Roumanie écourtait en cela la durée de la Seconde Guerre mondiale, et limitait ainsi les pertes humaines et matérielles subies par les pays combattants. Vasile Ionescu, directeur de Radio Roumanie de l’époque, a été présent au conseil de guerre convoqué par le roi Michel, le soir du 23 août 1944. Il s’en souvient :



    « C’est dès 18h00 et jusqu’à environ 22h00, le soir historique du 23 août 1944, que j’ai assisté dans le cabinet même du souverain aux décisions censées renforcer le coup d’Etat qui avait eu lieu peu de temps auparavant. Ce coup d’Etat, fomenté et mené par le roi, avait arrêté le maréchal Antonescu, notre Duce local, grand allié d’Hitler, et ses principaux collaborateurs. Parmi ces derniers, notons le professeur Mihai Antonescu, vice-président du Conseil des ministres mais également ministre des Affaires étrangères et de la Propagande, Constantin Pantazi, ministre de la Guerre, le général Piki Vasiliu, à l’époque de son arrestation secrétaire d’Etat aux Affaires intérieures et commandant des gendarmes, enfin, Gheorghe Alexianu, professeur des universités et ancien gouverneur de la Transnistrie. Radu Lecca, commissaire général aux questions juives, avait été arrêté plus tôt, le même jour, entre 15h30 et 16h00. »



    En 1968, les troupes du Pacte de Varsovie, à l’exception notable de celles de la Roumanie, allaient envahir la Tchécoslovaquie pour mettre un terme à la politique réformiste d’Alexandre Dubcek. L’ingénieur Ilie Drăgan a fait partie de l’équipe technique de Radio Roumanie, qui a transmis en direct le discours de Nicolae Ceaușescu, celui-là même qui l’a rendu célèbre, alors qu’il condamnait l’intervention de l’URSS dans ce pays frère. Ecoutons-le :



    « C’était en 1968, l’on m’a appelé en urgence, car il fallait transmettre en catastrophe, en direct, le meeting qui avait lieu place de la République. J’y suis arrivé avec une équipe technique, on filmait, monté sur un camion de la Télévision, l’on avait improvisé une place pour le correspondant là-même, sur le toit du camion. Cela a été une transmission extrêmement difficile, nous avons eu du mal à pénétrer à travers la foule qui se pressait pour assister au discours. Je me rappelle être parvenu à placer le camion un peu à l’écart, juste devant une fenêtre du bâtiment qui abritait le Comité central du parti communiste roumain. C’est grâce à des techniciens des PTT que l’on est parvenu à réaliser les connexions, juste un quart d’heure avant le début du discours. Nous étions en contact permanent avec la cabine de transmission et le contrôle général de la Radio ».



    A Radio Roumanie Internationale, les grands moments de l’histoire universelle ont été enregistrés sur bande magnétique. Le premier homme sur la Lune a certainement été l’un de ces moments d’exception. Sergiu Levescu, journaliste au Service français de la RRI, se rappelle comme si c’était hier cette journée du 20 juillet 1969, jour où l’équipage d’Apollo 11 allait fouler sous ses pas le sol lunaire. On l’écoute revivre ces moments :



    «Lorsque l’on a abordé cet événement, les disputes géopolitiques entre l’Est et l’Ouest ont été laissées de côté. Vous savez, lorsqu’Amstrong est sorti du module, nous nous sommes tous réunis dans le bureau de la rédactrice en chef de l’époque, Hortensia Roman, pour entendre la transmission à la radio. C’était émouvant, vous savez, ce compte à rebours : « 100 mètres, 50 mètres… ». Et puis, lorsqu’il s’y est posé, on a été submergés par la joie ».



    Lors d’un enregistrement réalisé en 1960, lors des Jeux olympiques de Rome, Ion Ghiţulescu, notre envoyé spécial, transmettait le sacre de Iolanda Balas, grande athlète roumaine, devenue championne olympique au saut en hauteur :



    «L’on entend le silence au moment où Iolanda Balas prépare son 3e essai, à 1,85 m. Elle prend son élan, touche et se lance !… Nous assisterons à la festivité où notre championne recevra la médaille d’or en saut en hauteur, épreuve féminine. En ce moment même, la recordwoman roumaine, Iolanda Balaş, gravit les marches du podium. Pour ses performances, pour sa volonté à toute épreuve, pour sa réussite, la Roumanie est avec vous, Iolanda! »



    La poète Ana Blandiana a été une des premières personnalités à faire entendre sa voix pendant les heures fébriles de la Révolution anticommuniste du 22 décembre 1989 :



    « Mes amis, j’arrive de ce pas depuis la place du Palais où, ensemble avec les dizaines de milliers de nos concitoyens, j’avais du mal à croire être arrivée à ce jour où l’on puisse prendre part à la chute du régime. C’était très dur à imaginer, après tant d’années d’humiliation, que l’on puisse achever cela, cette chose insensée, non pas grâce à des arrangements politiciens, non pas en s’appuyant sur des forces étrangères, mais par nous-mêmes, tout seuls, en s’appuyant juste sur notre force de caractère, sur notre détermination. Arriver à faire cela. Les victimes tombées à Timişoara et les victimes tombées à Bucarest nous ont rendu d’un coup cette indispensable et formidable confiance en nous-mêmes, en la force de notre unité ».



    Le 1er janvier 2007, la Roumanie rejoignait le club sélect des pays développés et civilisés de l’Union européenne. Le 20 décembre 2006, Radio Roumanie transmettait la séance solennelle du Parlement roumain, occasion pour une déclaration politique du président d’alors, Traian Băsescu :



    « Rappelons ces deux phrases concises, d’une valeur politique exceptionnelle, et qui consacrent ce moment qui demeurera à jamais dans l’histoire de la Roumanie, mais aussi dans l’histoire de l’UE. Le Conseil européen salue chaleureusement l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, en tant qu’Etats membres à part entière, à partir du 1er janvier 2007 ».



    Tout au long de ses 91 années de son histoire, Radio Roumanie a été tantôt acteur, tantôt observateur attentif de l’histoire du pays et du monde. Et Radio Roumanie poursuivra sur cette même lancée, car c’est bien cela sa raison d’être.



    (Trad. Ionut Jugureanu)

  • L’Afrique du Sud en perspective (II)

    L’Afrique du Sud en perspective (II)

    Cette semaine nous abordons le deuxième volet de notre cycle démission sur lAfrique. Plus précisément nous évoquerons le système ségrégationniste dit dapartheid, sa mutation en un mouvement plus ample dopposition au pouvoir raciste sud-africain. Avec notre invité Jérôme Tournadre qui est chercheur au Centre national de la recherche scientifique et qui a travaillé pendant longtemps dans cette société.



  • Petru Groza

    Petru Groza

    Petru
    Groza a été l’une des personnalités politiques roumaines les plus complexes de
    la seconde moitié du 20e siècle. Né en 1884, dans le département de
    Hunedoara, situé en Transylvanie, Petru Groza suivra les cours de la faculté de
    Droit et d’Economie politique de l’Université de Budapest, puis de celle de
    Leipzig, où il décroche son doctorat, en 1907. Avocat, il commence sa carrière
    politique au sein du Parti national roumain, fervent défenseur des droits des
    Roumains de Transylvanie, alors partie de l’empire d’Autriche-Hongrie. Sa
    carrière politique prend un tournant en 1918,
    lorsqu’on le voit rejoindre le Parti du peuple, puis le Front des agrariens.
    Antifasciste résolu dans les années 30, Petru Groza se rapproche de la gauche de
    l’époque, s’alliant au Parti socialiste et au Parti des Magyars, mais il se
    rapproche également des communistes, mis hors la loi en 1921. Ce rapprochement
    marquera sa carrière politique, relancée de manière spectaculaire après
    l’occupation soviétique de la Roumanie, durant la seconde moitié de l’année
    1944.






    Et
    c’est ainsi que l’on voit, le 6 mars 1945, le gouvernement rouge dirigé par
    Petru Groza, porté au pouvoir par les soviétiques, en dépit de la résistance acharnée
    et légitime du roi Michel. A partir de ce moment-là, la Roumanie se voyait
    entrer, et ce pour 45 ans, dans la sphère d’influence soviétique. Sous la
    férule du premier ministre Petru Groza, la propriété privée se voyait bannir
    progressivement de Roumanie, les partis politiques étaient supprimées, à l’exception
    notable, bien évidemment, du parti communiste, devenu parti unique, la
    monarchie était abolie pour laisser la place à la république populaire, enfin,
    les anciens hommes politiques, les intellectuels et tous ceux qui pouvaient
    représenter un quelconque danger pour le parti communiste se voyaient tout
    simplement jeter en prison et dans des camps d’extermination. L’image de Groza se
    moue ainsi d’une figure marginale du monde politique bourgeois vers la figure centrale
    du régime communiste instauré en Roumanie à la faveur des chars de l’Armée
    rouge.






    Mais
    qui était-il au fait ? Qui était en vérité ce personnage à l’apparence
    débonnaire, mais aux manières douteuses ? Après 1989, les historiens n’ont eu de cesse
    d’essayer de déceler la vérité, à travers les contours flous et contradictoires
    laissé par le passage de l’homme à travers l’histoire récente de son pays.
    Parmi les sources de choix, évidemment, l’histoire orale des témoins oculaires.
    Parmi ces sources, citons d’abord sa fille, Maria Groza, devenue assistante et
    principale confidente de cet homme politique aux mille visages. Elle se livrait
    en 1995, dans une interview accordée au Centre d’histoire orale de la
    Radiodiffusion roumaine.




    Mia Groza se souvient de la lutte acharnée livrée
    par son père pour garder le pouvoir : « Il
    y avait des tendances contradictoires qui se manifestaient à l’époque. La
    réforme agraire, par exemple, c’est l’un des sujets qui lui tenait à cœur. Puis
    ce qui se passait en Transylvanie vers la fin de la guerre, surtout les
    événements qui ont eu lieu à Cluj. Concernant la question agraire, il n’était
    pas partisan des kolkhozes, il savait ce que représentait pour le paysan d’être propriétaire de son lopin de terre. Mais bon, il y avait tout ce contexte, et la
    pression des soviétiques de surcroît. Au plan externe, il voulait renouer les
    liens avec les Etats voisins, dans le contexte de l’après-guerre. Il disait, je
    cite, « on peut être de bons amis avec je ne sais quelle puissance, mais
    l’essentiel c’est d’avoir de bons voisins ». Et c’est pour cela qu’il
    s’était rendu personnellement dans tous les pays voisins, y compris à Moscou,
    évidemment. Moi, je l’avais accompagné lors de ce voyage, mais je n’ai pas
    assisté à l’entrevue qu’il a eue avec Staline. C’est qu’un soir, nous sommes
    allés ensemble à l’Opéra, au Bolchoï, qui mettait en scène des spectacles
    extraordinaires. Lui, il adorait l’opéra. Et donc, on était dans notre loge, et
    l’émissaire de Staline est venu le chercher, là même, à l’Opéra, et a invité
    mon père à rencontrer le généralissime. Il est allé sur le champ, et ils sont
    longtemps restés discuter des problèmes qu’avait la Roumanie à l’époque et de
    ses perspectives ».







    Pamfil Ripoşanu, ancien
    ambassadeur et membre du Parti national paysan de Iuliu Maniu, ce parti qui
    s’est érigé comme l’une des oppositions politiques les plus redoutables au
    processus de soviétisation de la Roumanie, avait été ami d’enfance du premier
    ministre communiste Petru Groza. Le regard qu’il portait en 1995 sur cette
    amitié et sur la personnalité de Petru Groza, à la fois ami et adversaire
    politique, est empreint de nostalgie.






    Pamfil Ripoşanu : « J’étais dans le bâtiment du
    gouvernement au mois de mars 1945. Il y a avait des négociations entre les divers
    partis politiques pour la formation d’une nouvelle coalition de gouvernement.
    Et alors que ces négociations avançaient d’une manière satisfaisante, Groza m’appelle
    et me dit de regarder par la fenêtre. Et je vois des chars soviétiques défiler
    sur Calea Victoriei, l’avenue de la Victoire, juste devant le bâtiment de la
    présidence du Conseil. Et c’est au moment où Groza me demande « que faire ? »
    que l’on annonce l’arrivée de l’émissaire de Staline, Vâchinski, accompagné
    d’un général qui traduisait. Et Vâchinski dit d’emblée à Groza: « Je vous
    apporte le message du grand Staline, qui vous demande de former le
    gouvernement. Ce n’est que lorsque vous seriez à la tête du gouvernement
    roumain, que la Transylvanie sera rendue à la Roumanie ». La convention
    d’armistice, signée à Moscou par Vişoianu, précisait déjà que le territoire de
    la Transylvanie, en entier ou en sa plus grande partie, revenait à la Roumanie.
    Mais Vâchinki faisait miroiter la possibilité d’obtenir la Transylvanie entière.
    Groza a voulu vérifier et il a appelé Staline. Et on lui a confirmé que, en
    effet, 48 heures après qu’il ait formé le gouvernement, la Transylvanie
    reviendrait à la Roumanie. Groza était forcément rouge et extrêmement
    ému ».





    Les décisions prises à
    l’époque vont marquer pour longtemps la destinée de la Roumanie. Pamfil
    Ripoşanu poursuit : « Après le
    pacte scellé entre Ribbentrop et Molotov,
    la partie nord de la Transylvanie avait été cédée aux Hongrois. Et alors, après
    avoir appelé Moscou, Groza me dit : « Je vais de ce pas au Palais, pour annoncer mon agrément au
    Souverain. Toi, vas chez Maniu, et dis-lui ce à quoi tu as assisté ici ».
    J’y suis allé, j’ai rapporté à Iuliu Maniu, le président de mon parti, la
    teneur de la rencontre à laquelle j’avais assistée, avec Vâchinski. Cela
    l’avait mis dans tous ses états. Deux heures plus tard, Groza nous rejoint,
    chez Maniu. Lui aussi était extrêmement agité. Et Groza plaide auprès de Maniu,
    pour que ce dernier rejoigne la nouvelle formule de gouvernement. Il lui
    dit : « Monsieur le président, ne me laissez pas seul ». Le
    président était Maniu. Mais Maniu refuse, et il dit à Groza : « Petre
    Groza, je n’entre pas au gouvernement. Et je vous conseille de faire de même.
    Ce serait dommage de salir votre réputation et votre nom. J’ignore où se trouve
    votre épouse, parce que j’aimerais l’appeler et lui demander de vous faire
    entendre raison ». A ce moment-là, Groza est sorti de ses gonds, il tape
    du poing sur le bureau de Maniu, et lui crie au visage, je cite :
    « Monsieur le président, je jette aux oubliettes mon nom, pourvu que je
    puisse aider mon pays, ne fut-ce que pour 5 minutes ! Mes enfants n’ont qu’à
    changer de nom, s’ils le veulent! ». Et c’est ainsi que cela s’est
    passé. »







    Petru Groza est mort en 1958,
    à 73 ans. Le régime qu’il avait aidé à s’installer lui survivra encore 31 ans,
    jusqu’au mois de décembre 1989. (Trad. Ionut Jugureanu)