Tag: histoire

  • 23.07.2022

    23.07.2022

    Lettre – Cinq états membres de l’Union européenne – Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie et Pologne – ont demandé à l’Union de redoubler d’efforts pour combattre les réinterprétations russes et les distorsions de l’histoire dans le contexte de l’agression contre l’Ukraine. Dans une lettre commune, citée par l’agence DPA, les cinq Etats ont également demandé aux institutions européennes d’assumer un rôle de leader dans la préservation de la mémoire historique et dans la prévention de la manipulation des faits. « La Russie n’a jamais condamné les crimes des soviétiques et sa direction actuelle tolère ouvertement et même soutient avec de l’enthousiasme son héritage soviétique », lit-on dans cette lettre. Par rapport aux atrocités des nazis, la mémoire des crimes soviétiques n’a toujours pas trouvé une place dans la conscience des européens », précise le même document. « Sans une évaluation précise, honnête et exhaustive du passe, il nous sera impossible de prévenir effectivement les futures crimes sur notre continent ou d’investiguer les actuelles crimes en Ukraine », lit-on dans la lettre signée par les leaders des cinq états.

    Exercice – Les forces navales roumaines, participent avec trois bâtiments de guerre du 14 au 25 juillet à l’exercice multinational « Breeze 22 », organisé et mené par les Forces navales bulgares, qui se déroule dans les eaux territoriales du pays voisin, dans les eaux internationales de la mer Noire et dans le port bulgare de Burgas. L’édition de cette année de l’exercice « Breeze 22 » réunit des forces et des officiers d’Etat major d’Albanie, de Belgique, de France, de Géorgie, de Grèce, d’Italie, de Lettonie, de Pologne, de Turquie et des Etats Unis. L’objectif principal de l’exercice est de consolider l’interopérabilité, au niveau tactique entre le personnel naval et les unités participantes, par l’exercice des procédures opérationnelles de guerre conventionnelle et non-conventionnelle et de lutte contre les menaces asymétriques.

    Justice – Le ministère de la Justice de Bucarest a envoyé au Conseil supérieur de ma magistrature les projets de statut de juges et des procureurs, de l’Organisation judiciaire de de l’organisation du Conseil. Les premières variantes de ces documents, élaborés en septembre 2020, on fait l’objet de débats publics jusqu’en avril dernier et ont été modifiées à plusieurs reprises par la suite. Le ministre Cătălin Predoiu a affirme que l’avis accordé à ces lois par le Conseil supérieur de la magistrature et toutes les étapes institutionnelles parcourus jusqu’à la promulgation par le président de la Roumanie constitueraient « des bornes institutionnelles essentielles » qur la voie de la construction et la modernisation du système judiciaire. Il a déclaré que l’adoption des projets était un double objectif dans le cadre du Mécanisme de coopération et de vérification et du Plan national de relance et de résilience. Rappelons-le, le Mécanisme de coopération et de vérification, institué en 2007, lorsque la Roumanie a adhéré à l’Union européenne a comme objectif de signaler les éventuelles défections dans le domaine de la Justice et de proposer des remèdes.

    Covid – Près de 7 400 nouveaux cas de coronavirus ont été rapportés ces 24 h en Roumanie sur 24 400 tests effectués, ont annoncé ce vendredi les autorités de Bucarest. Les régions les plus touchées sont Bucarest et les départements de Cluj, Constanţa, Prahova Timiş et Iaşi. Le taux d’infection calculé pour 14 jours est de 1,58 cas de contamination par mille habitants. Plus de 2 600 malades de Covid sont hospitalisés à travers le pays, dont 171 nécessitent des soins intensifs. 7 décès des suites de la maladie ont également été enregistrés. Coté immunisation, l’OMS affirme qu’il faut réaliser de nouveaux vaccins pour arrêter les infections. Selon l’OMS, les vaccins ont sauvé des millions de vies humaines mais n’ont pas réussi à réduire d’une manière décisive la transmission du virus. L’OMS appelle les chercheurs à développer de nouveaux vaccins, censés réduire le nombre des infections. Sinon, il y aura toujours le risque de développer des variantes de virus résistantes aux vaccins.

    Canicule – La canicule sévit en Europe et fait des victimes. Les incendies de végétation, qui ont ravagé le continent ces dernières semaines ont détruit déjà une superficie plus étendue que celle brûlée l’année dernière, précise le Service européen spécialisé de suivie Copernicus. Plus de 27 mille hectares ont été détruites par les flammes en Italie, près de 40 mille en France, quelque 200 mille hectares en Espagne, 10 mille en Roumanie et plus de 48 mille hectares au Portugal. Et cette vague de chaleur fait aussi des victimes, dont la majorité des personnes âgées, mais aussi des personnes actives qui décèdent au travail. Parmi elles, un Roumain de 58 ans décédé à Madrid dans l’entrepôt où il travaillait. Au moment du drame à l’intérieur du bâtiment la température était de 46 degrés.

    Météo – La vague de chaleur étouffante s’est propagés ces jours-ci partout en Roumanie. Une alerte code rouge à la canicule est valable dans cinq départements de l’ouest et du nord-ouest du pays. Selon les météorologues, dans ces régions les températures maximales sont comparables aux records absolus et iront de 39 à 42 degrés. Aujourd’hui également une alerte code orange à la canicule et à l’inconfort thermique accentué dans plusieurs régions de la moitié est de la Roumanie, où l’indicateur Humidex dépasse le seuil critique des 80 unités. Les maximas tourneront autour des 40 degrés à l’ombre. Une alerte code jaune à la canicule est également en vigueur sur la moitié sud du pays. 34 degrés à midi à Bucarest.

  • Zogru, de Doina Rusti

    Zogru, de Doina Rusti

    Parue chez les Editions du Typhon en mars 2022, la traduction en français par Florica Courriol du roman « Zogru » de la romancière roumaine Doina Rusti, invite les lecteurs à découvrir l’histoire passionnante d’un spectre. Une écriture envoûtante, ce livre étrange a été récompensé en 2007, du Prix du meilleur romain de la part de l’Association des Ecrivains roumains. Alors, on ne saurait nous déclarer surpris que Charlotte Fromenteaud, notre collègue et libraire chez Kyralina, a choisi d’en faire son coup de cœur.

  • L’explorateur Iuliu Popper

    L’explorateur Iuliu Popper

    Il s’éteindra à Buenos Aires en 1893, à seulement 35 ans, dans des circonstances pour le moins suspectes. Après avoir suivi des études universitaires en France, à l’Ecole polytechnique et à l’École nationale des ponts et chaussées de Paris, polyglotte avéré, maîtrisant 7 langues, Popper se laisse happer par l’appel du large. Son premier arrêt aura lieu en Egypte, où il obtient un poste de maintenance sur le chantier du canal de Suez, puis il visite tour à tour l’Inde, la Chine et le Japon, avant de rentrer pour une brève période en Roumanie, en 1881. Il n’y restera pas longtemps. Il partira par la suite en Asie, aux Etats-Unis, au Canada et jusqu’en Alaska, avant de descendre à Cuba et au Mexique, où il travaillera en tant qu’ingénieur, géographe, cartographe, et journaliste. En 1885, alors qu’il se trouve au Brésil, il apprend la découverte de la Terre de Feu. Il ne sera pas long à se rendre en Argentine, pour se lancer dans l’aventure de sa vie, l’exploration d’abord, l’exploitation minière ensuite, de la Terre de Feu. C’est en tant qu’employé d’une compagnie de prospections que Popper s’établit en Terre de Feu. Le rapport qu’il rédige à la suite de cette première mission de prospection s’avèrera suffisamment convaincant pour qu’il y soit à nouveau envoyé en 1886 pour approfondir ses recherches, accompagné cette fois d’un autre ingénieur et d’une équipe de spécialistes. Popper ne s’y était pas trompé : la Terre de Feu regorgeait de gisements d’or. Son équipe s’attelle dès lors à documenter la trouvaille, photos et preuves à l’appui. C’est en 1887, dans la baie de San Sébastien, qu’il érige les premières installations de traitement du minerai et les premières habitations pour les ouvriers censés y travailler. La colonie fondée par l’explorateur roumain connaîtra un essor rapide. Popper se dote d’une armée privée, pour le protéger des convoitises. Malheureusement pour lui, la compagnie qui l’embauchait fera faillite peu de temps après, et il se voit obligé de rentrer en Argentine en 1889.

    Le Centre d’études de l’histoire des Juifs de Roumanie avait récemment rendu hommage à la personnalité de Iuliu Popper, à travers une exposition que sa conservatrice, Anca Tudorancea, nous présente : « Voyez-vous, devant vos yeux s’étalent les images agrandies de l’album réalisé par Popper en 1886, lorsqu’il s’évertuait à mettre en évidence le potentiel d’exploitation que recelait la Terre de Feu. Il s’agit en fait du premier album photos jamais réalisé de la Terre de Feu, un véritable exploit scientifique, cartographique et géographique, que nous devons entièrement au travail de Popper. A côté de cela, vous trouverez le texte de la conférence qu’il avait tenue à l’Institut géographique d’Argentine. Aussi, avant sa mort prématurée, à seulement 35 ans, sachez qu’il était déjà parti à la conquête de l’Antarctique. À vrai dire, Iuliu Popper est le premier Roumain à avoir exploré les cinq continents. Et vous trouverez des noms aux sonorités roumaines dans l’Argentine d’aujourd’hui. Prenez Rio Carmen Sylva, Sierra Carmen Sylva, Urechea, Lahovary, Rosetti, tout cela c’est de lui. »

    En 1887, dans une lettre adressée à Vasile Alexandrescu Urechia, secrétaire de la Société géographique roumaine de l’époque, Popper se livre et nous fait découvrir par ces mots la joie profonde qui l’animait en explorant ces contrées vierges, situées à l’autre bout du monde: « Je ne vous raconterai pas les émotions que me font ressentir les péripéties et les incidents qui émaillent mes voyages, guidés par les seules aiguille magnétique de ma boussole et l’étoile du Nord ; les paysages grandioses qui s’ouvrent à l’improviste devant mes yeux ; les merveilles de l’orographie, les merveilles hydrologiques et géologiques ; la flore et la faune sauvages et tellement variées, que nul humain n’avait jamais rencontrées ; enfin, tous ces phénomènes naturels inattendus qui apparaissent au beau milieu d’un territoire jamais foulé jusqu’alors par un pied d’homme. » C’est bien d’ailleurs la personnalité d’exception de l’explorateur que la conservatrice de l’exposition, Anca Tudorancea, a voulu mettre en exergue : « Popper avait un caractère bien trempé, il était un homme de chair et d’os, une personnalité particulière, avec ses lumières et ses ombres. L’on se demande à quoi il pouvait ressembler physiquement. On le représente souvent avec des cheveux roux, mais je crois qu’il s’agit plutôt d’un stéréotype, lié à ses origines juives. Au fait, le mot espagnol « Rubio » se traduit par « blond ». Il nous a laissé des lettres merveilleuses en une langue espagnole très fouillée. Mais, chose plus remarquable encore, de ces lettres, qu’il avait adressées à la Société géographique roumaine et dont nous avons hérité, ressort son patriotisme profond. Il clame sans répit : « je suis roumain, je suis né et mourrai roumain ». L’ironie de l’histoire fait qu’il n’a jamais eu la nationalité roumaine. Il est né en Roumanie, mais au sein de la communauté juive, qui ne jouissait pas à l’époque de l’ensemble des droits civils. Mais c’est à Iuliu Popper que l’on doit ces noms roumains que l’on rencontre en Terre de Feu. Il l’avait fait comme marque d’estime à l’égard de la maison royale de Roumanie notamment, qui patronnait la Société nationale de géographie ».

    Quoi qu’il en soit, Iuliu Popper occupe à coup sûr une place particulière dans l’histoire de l’Argentine, et dans l’histoire des grandes découvertes géographiques. Sa vie inspira bon nombre de créateurs de littérature, de bandes dessinées et de film, alors que son nom fut adopté par une troupe rock chilienne contemporaine. C’est dire l’envergure de l’empreinte laissée par l’aventurier roumain d’origine juive sur le continent sud-américain. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Nicolae Steinhardt

    Nicolae Steinhardt

    Nicolae
    Steinhardt a été un des intellectuels roumains du XXe siècle qui se sont violemment
    confrontés à l’histoire. Né dans une famille juive, près de Bucarest, en 1912,
    il s’éteint à l’âge de 77 ans, en mars 1989, neuf mois avant la chute du régime
    communiste. Son père, ingénieur et architecte, avait combattu sur le front de
    la Grande Guerre, où il fut blessé et décoré pour sa bravoure.


    Nicolae
    Steinhardt fait ses débuts littéraires dans la revue du lycée « Spiru
    Haret », de la capitale. Durant les années de faculté, il est un habitué
    du cénacle littéraire « Sburătorul », coordonné par l’influent
    critique littéraire Eugen Lovinescu. En 1936, il devient avocat et obtient le
    titre de docteur en droit constitutionnel à l’Université de Bucarest.


    Nicolae Steinhardt commence à publier
    des chroniques littéraires et des essais sous le pseudonyme « Antistihus ».
    Avant son limogeage de la rédaction de la « Revista Fundațiilor Regale »
    sous la pression de la législation antisémite en vigueur à la fin des années 1930,
    il avait publié trois volumes de réflexions sur la spiritualité judaïque.


    Le nouveau régime, installé le 6 mars
    1945, ne se montrera pas bienveillant envers Steinhardt et ceux qui avaient
    refusé de collaborer. En 1947, il reçoit un double coup: un nouveau limogeage
    par la « Revista Fundațiilor Regale » et la radiation du barreau. En
    1958, deux ans après la révolution anticommuniste de Hongrie, Nicolae
    Steinhardt est arrêté avec le groupe « Noica-Pillat », dénommé ainsi
    d’après le philosophe Constatin Noica et l’écrivain Dinu Pillat. Accusé de
    complot contre l’ordre social, une accusation récurrente contre les opposants
    du pouvoir, il est condamné à 12 ans de prison.


    C’est en prison qu’il se convertit à la
    religion chrétienne orthodoxe, avant d’être libéré en 1964, après avoir purgée six
    années de sa peine. L’expérience carcérale est la source de son livre le plus
    connu, Jurnalul fericirii/Le Journal de
    la Félicité, qui a eu un impact très fort sur la conscience collective
    roumaine au début des années 1990. George Ardelean, éditeur de la
    correspondance de Nicolae Steinhardt, rappelait les deux formes d’enfer
    décrites dans Le Journal de la Félicité,
    ainsi que dans plusieurs lettres: « Il y a l’enfer du détenu
    seul dans une cellule, un homme dans un face-à-face rude avec le temps pur,
    qu’il doit remplir. Rappelons-nous, par exemple, le destin de Lena Constante,
    qui a passé 3 000 jours, c’est-à-dire 8 ans, seule dans un cachot où il n’y
    avait que les quatre murs, un lit, levé durant la journée, et une tinette. Pas
    de téléphone, pas de journaux ni de livres, pas d’horloge non plus, sans
    personne d’autre à ses côtés. Et puis, il y a l’autre enfer, le vacarme d’une
    cellule surpeuplée. Ça me rappelle Le Journal de la Félicité et les paragraphes « Bughi
    Mambo Rag », qui captent le croisement des dialogues à l’intérieur
    exsangue d’une cellule de prison. »



    Après sa sortie de prison, Nicolae Steinhardt publiera cinq
    volumes de critique littéraire et d’essais, quinze autres allant être publiés après
    sa mort. À partir de 1967,
    il commence à chercher un monastère où il puisse entrer dans les ordres et
    c’est en 1980 qu’il devient moine au monastère de Rohia, dans le département de
    Maramureș. « Dans Le Journal de la Félicité, on
    trouve plusieurs épisodes de 1938, quand Steinhardt se trouvait à Interlaken,
    en Suisse, pour participer aux réunions du Groupe d’Oxford, un groupe
    protestant œcuménique. Cela est une borne importante dans le rapprochement de Steinhardt
    avec la religion chrétienne, après l’échec de son intégration à la synagogue. Entre
    1935 et 1937, lui et son ami Emanuel Neuman, « Manole » du Jurnalul
    fericirii, avaient essayé d’intégrer la synagogue et d’assumer complètement
    l’identité judaïque. Leurs tentatives n’ont pas abouti, on ne sait pas
    pourquoi, et les chemins spirituels des deux amis se sont séparés. À Interlaken, Nicolae
    Steinhardt est fasciné par les débats et, un matin, un Irlandais lui dit avoir
    rêvé que Steinhardt allait recevoir le baptême. Cet épisode est aussi raconté
    dans ses lettres. »
    , raconte George Ardelean.


    La correspondance de Nicolae Steinhardt est fascinante, avoue
    l’éditeur George Ardelean: « Nous y avons trouvé plein de défis. Tout
    d’abord, celui de rassembler les quelques 1200 lettres et d’identifier leurs
    destinataires. Nous avons fait des recherches dans des archives personnelles, dans
    celles de diverses institutions, des monastères de Rohia, Cernica et Sâmbăta, du
    Musée national de la littérature roumaine, du Conseil national d’études des
    archives de l’ancienne Securitate. Il y a eu ensuite les lettres publiées après
    1990 dans différents volumes et dans la presse culturelle. L’autre étape
    particulièrement difficile a été celle d’identifier un critère pour y mettre de
    l’ordre. Nous avions trois possibilité : premièrement, un ordre
    chronologique absolu, deuxièmement les destinataires dans un ordre alphabétique
    et, troisièmement, la variante que nous avons choisie, une mise ensemble des
    deux premiers critères – regrouper les lettres en fonction du
    destinataire, dans un ordre chronologique de la correspondance avec celui-ci. »



    Les deux volumes de correspondance de Nicolae Steinhardt viennent
    compléter l’œuvre d’un grand penseur, mais ils sont également des livres
    d’histoire contemporaine de la Roumanie. (Trad. Ileana Ţăroi)



  • Une victime du régime communiste : Gheorghe Ene Filipescu

    Une victime du régime communiste : Gheorghe Ene Filipescu

    Pour l’écrivaine et angliciste Monica Pillat, petite-fille du poète Ion Pillat et descendante, par son père, de la famille des grands hommes politiques Brătianu, reconstituer l’histoire récente de sa famille est un projet assumé depuis longtemps. Elle a commencé par ramener dans l’espace public la biographie et l’œuvre de son père, Dinu Pillat, un important intellectuel de l’entre-deux-guerres, que le régime communiste avait jeté en prison au début des années 1960, pour avoir écrit un roman sur un sujet désapprouvé par le parti communiste. En 2021, c’est la branche maternelle de la famille qui se place au premier plan. De ce côté-là, un personnage particulièrement important a été le grand-père, auquel sa petite-fille a dédié le livre « Bunicul meu fără mormânt. Gheorghe Ene-Filipescu/Mon grand-père sans tombe. Gheorghe Ene-Filipescu ».

    Né dans une famille de paysans en 1884, Gheorghe
    Ene-Filipescu fut un enfant illettré, qui partit pieds nus de son Olténie
    natale à Bucarest, où il devint apprenti cordonnier. Des années plus tard, il
    allait ouvrir un atelier de chaussures de luxe sur Calea Victoriei (l’avenue de
    la Victoire), la principale artère de la capitale. Son talent et ses qualités
    professionnelles furent récompensés par un prix reçu à Barcelone, en 1929, et
    reconnus également dans son propre pays,où il devint le président du Syndicat
    professionnel des maîtres cordonniers de Roumanie, ainsi que député social-démocrate. L’écrivain
    et essayiste Horia Roman Patapievici esquisse le portrait d’un homme qui a
    réussi à gravir l’échelle sociale grâce à son travail et à son talent. Il y a une phrase qui rend l’essentiel du savoir-faire de cet ouvrier exceptionnel, une phrase écrite dans le Livre d’or de son atelier de cordonnerie, sur Calea Victoriei: s dans la Roumanie de l’entre-deux-guerres. C’est la vie d’un homme qui part du niveau social le plus bas pour arriver là où nous pouvons reconnaître l’excellence et la décence. Nous pouvons reconnaître l’accomplissement personnel dans une société qui lui avait permis de commencer à la base et de se hisser à l’élite. Nous devrions réfléchir au fait que l’élite était composée de gens qui pouvaient commencer en bas de l’échelle. Comme c’est d’ailleurs le cas de Gheorghe Ene Filipescu. C’est l’histoire d’un homme qui illustre ce qui nous plaît, ce qui nous attire, ce qui continue de fasciner dans la Roumanie de cette époque-là, un pays où il existait un équilibre entre le bien et le mal et où la liberté rendait possible l’expression de la beauté, même si le mal existait, bien évidemment., a-t-il expliqué.

    Gheorghe Ene Filipescu s’est appuyé sur son expérience de vie et il a voulu aider les autres à travers l’implication politique, un aspect de sa biographie développé par l’écrivain Horia Roman Patapievici. : J’avais un préjugé négatif lié au fait que Gheorghe Ene Filipescu avait été social-démocrate et qu’il avait apprécié le mot socialisme. Et je veux dire que Gheorghe Filipescu m’a aidé à comprendre la manière dont on peut regarder et vivre le socialisme, pour que ce qui se trouve au bout du chemin – et, de mon point de vue, il s’agit presque toujours de manque de libertés, de misère et finalement de terreur – se présente sous une lumière différente. Il est un homme humble, qui, très jeune déjà, avait épousé la cause socialiste. Il y a deux textes qu’il avait dictés à sa fille, Cornelia Pillat, la mère de Monica Pillat. L’un date de l’été 1936. Il s’intitule « Un glas din popor către oamenii superiori/Une voix du peuple parle aux hommes supérieurs » et il a été publié dans une plaquette en 1938. L’autre texte est son discours « Constatări asupra meseriilor/Remarques sur les métiers » prononcé au Parlement. Je voudrais vous dire à quoi ressemblait le socialisme de Gheorghe Filipescu, bien qu’il fût assassiné par les socialistes, pas par les siens, mais par ces socialistes qui revendiquent un principe du même paquet d’idées. Quel est donc le socialisme de Gheorghe Ene Filipescu? Eh bien, son socialisme est fait d’accès à la prospérité par le travail, de liberté pour les métiers, de possibilité pour les ouvriers et les artisans d’obtenir un rôle social, à travers la propriété et le profit. Gheorghe Filipescu rejette clairement la privation de liberté et le contrôle des esprits. Cette condamnation apparait explicitement dans sa plaquette de 1938. Le socialisme de Filipescu est un socialisme du maître ouvrier, de la liberté du métier, de la supériorité portée par le travail. La plaquette de 1938 s’adresse aux gens supérieurs, dont elle donne la définition. L’être supérieur accroît par ses propres mains ce qu’il a reçu.


    Son adhésion à la cause socialiste n’a pas empêché les communistes, arrivés au pouvoir après 1947, de jeter Gheorghe Ene Filipescu en prison, dans le cadre des épurations menées dans les institutions du pays. Horia Roman Patapievici revient au micro : Il a été arrêté en 1949, alors qu’il souffrait de tuberculose pulmonaire et de diabète. Donc, cet homme a été incarcéré et soumis à un régime d’extermination. Là, je cite Monica Pillat: « Deux jours après l’incarcération de mon grand-père à Târgu Ocna, le 19 février 1952, le commandant Al. Roșianu dispose l’ouverture d’un dossier d’action informative sur le criminel politique détenu Filipescu Ene, afin d’établir « son comportement et ses manifestations politiques durant sa détention dans votre pénitentiaire car, lors du procès du 16 janvier 1952, au Tribunal militaire Bucarest, il a eu une attitude hostile envers l’Union soviétique et notre régime démocratique, affirmant ouvertement qu’il n’était pas d’accord avec la politique appliquée par notre régime dans la République populaire roumaine. » Au tribunal, lorsqu’il a été autorisé à s’exprimer, il n’a pas demandé pardon. Il a dressé un réquisitoire contre ses accusateurs, sans clamer son innocence, mais en affirmant que les autres étaient dans le faux. Et ça c’est quelque chose d’impressionnant: cet homme jeté en prison s’est montré parfaitement digne, égal à soi-même et aux idées qu’il avait soutenues librement. Des idées qu’il a également affirmées durant son emprisonnement.

    Au tribunal, lorsqu’il a été autorisé à s’exprimer, il n’a pas demandé pardon. Il a dressé un réquisitoire contre ses accusateurs, sans clamer son innocence, mais en affirmant que les autres étaient dans le faux. Et ça c’est quelque chose d’impressionnant: cet homme jeté en prison s’est montré parfaitement digne, égal à soi-même et aux idées qu’il avait soutenues librement. Des idées qu’il a également affirmées durant son emprisonnement.

    Gheorghe Ene Filipescu mourut en détention, en 1952, et son corps fut jeté dans une fosse commune à Târgu Ocna. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Le 10 Mai, une date historique pour les Roumains

    Le 10 Mai, une date historique pour les Roumains

    La journée du 10 mai est importante en Roumanie, et ce
    pour trois raisons. Elle marque en effet trois grands moments de l’histoire du
    pays : sa prise d’indépendance face à l’Empire Ottoman, l’arrivée du roi Carol de Hohenzollern
    Sigmaringen à Bucarest et son couronnement. Le 10 mai, la Roumanie célèbre donc
    la Journée de l’indépendance nationale. La guerre russo-turque qui éclate en avril
    1877 est l’occasion idéale pour la Roumanie de s’émanciper de son voisin
    Ottoman. Une indépendance déclarée par le Parlement, mais qu’il fallait aussi gagner
    sur le champs de bataille. Les troupes roumaines, sous le commandement du roi
    Carol 1e, ont joué un rôle déterminant dans la guerre russo-turque.
    Cette prise d’indépendance a été l’un des moments clé du règne du monarque. Le
    Congrès de Berlin de 1878 entérine l’indépendance absolue de la Roumanie.


    A l’occasion de cette
    journée commémorative, le chef de l’Etat roumain, Klaus Iohanis, a déclaré que
    tous ceux qui s’étaient sacrifiés à l’époque avaient jeté les bases du
    développement de la Roumanie européenne d’aujourd’hui. « Aujourd’hui, il est de notre devoir de soutenir et de diffuser
    les valeurs et les principes que nous partageons avec nos partenaires
    euro-atlantiques », a affirmé
    le Président roumain. Il a rappelé que l’épanouissement de la culture, le
    développement de l’industrie, des transports et des infrastructures, ainsi que les
    relations internationales de la Roumanie, étaient le résultat direct de la
    prise d’indépendance du pays. Il a par ailleurs souligné qu’une journée comme
    celle-ci était d’autant plus importante aujourd’hui, face à la résurgence de la
    mentalité impérialiste au nom de laquelle un état se retrouve victime d’une
    invasion barbare. Et d’ajouter que la liberté, le droit des nations à disposer
    d’elles-mêmes, la protection de la vie et de la dignité, sont autant de valeurs
    fondamentales au cœur de la communauté démocratique à laquelle nous
    appartenons. Le Premier ministre Nicolae Ciucă a lui aussi transmis un message
    à l’occasion de la journée du 10 mai, affirmant qu’en ces temps troublés,
    l’appartenance de la Roumanie à l’OTAN et à l’UE garantissait la protection du
    pays, une protection également renforcée par le partenariat transatlantique.

    Le
    10 mai est aussi marqué par la Journée de la Royauté, autrefois considérée comme
    la Fête nationale roumaine entre 1866 et 1947, date de l’arrivée au pouvoir des
    communistes. Le 10 mai est aussi la date de début de règne du Roi Carol de
    Hohenzollern Sigmaringen, le premier d’une dynastie de 4 monarques. Avec le
    consentement de l’Empereur Napoléon 3 et celui du roi de Prusse Guillaume 1e,
    Carol 1e se rend en
    Roumanie. Il arrive à Bucarest le 10 mai 1866, date du début de son règne. Le
    10 mai 1881 cette fois, le Parlement roumain vote et change le statut de la
    Roumanie, passant de Principauté à Royaume, faisant de Carol 1e le
    premier roi roumain. Sachez enfin que la célébration du 10 mai a été interdite
    une première fois en 1917 par l’occupation allemande, et une seconde fois par
    le régime communiste à partir de 1947, date à laquelle le Roi Mihai a été
    contraint d’abdiquer. (Trad : Charlotte Fromenteaud)

  • Il est beau mon chapeau

    Il est beau mon chapeau

    Il
    s’agit aujourd’hui d’un accessoire aux allures désuètes. Mais au siècle passé,
    il était synonyme de prestige, d’honorabilité, porteur d’innombrables messages,
    déchiffrés et compris par les membres des communautés concernées. C’est bien du
    chapeau qu’il s’agit, puisque l’exposition « Chapeau, accessoire, élégance
    et leurs messages dans le Brasov de l’entre-deux guerres » vient d’arriver
    à Oradea, dans le nord-ouest de la Roumanie. Et puisque que l’on parle de
    prestige, l’exposition est accueillie dans l’un des petits bijoux
    d’architecture d’Oradea, la « Maison Darvas – La Roche ». Nous avons
    discuté de cette exposition unique en son genre avec Bogdana Balmuş, directrice
    des relations publiques du Musée ethnographique de Braşov.

    Elle nous a d’abord
    expliqué d’où était venue l’idée de cette exposition, déjà accueillie par de
    nombreux musées : « Notre collègue Oana Țigănuș est à
    l’origine de ce projet. C’est une passionnée, diplômée des Beaux Arts. Elle
    travaille au Musée ethnographique, et à force d’être constamment entourée de
    près de 35 000 œuvres et objets, rien d’étonnant alors qu’une idée comme
    celle-ci ait germé dans son esprit. »



    Le
    curateur de l’exposition propose au public un voyage dans le temps, imprégné
    des parfums d’antan. Une époque où les matières composant les chapeaux et
    autres accessoires des élites de l’entre-deux guerres étaient toujours en accord
    avec la mode d’Europe occidentale. Le public peut d’ailleurs découvrir une
    sélection de chapeaux emblématiques de cette époque. L’exposition regroupe un
    ensemble unique de pièces et va jusqu’à reconstituer les célèbres ateliers de
    chapeau et de couture de cette période.


    L’exposition est
    temporaire et itinérante, comme nous l’a expliqué Bogdana Balmuş : « L’exposition
    « chapeau, accessoire, élégance et leurs messages dans le Brasov de
    l’entre-deux guerres » est arrivée à Oradea, dans la Maison Darvas – La
    Roche qui offre un cadre vraiment original. Au départ, l’exposition a été
    organisée au sein du Musée de la civilisation urbaine de Brasov, à la fin de
    l’année dernière. Et elle a rencontré un franc succès ! Si vous vous
    rendez à Oradea, nous vous encourageons à venir voir ! Vous pourrez y
    découvrir toutes ces merveilles d’un autre temps, dont les chapeaux qui, au
    siècle dernier, transmettaient un message très clair. Vous observerez leurs
    notes d’élégance et de raffinement. Avant, lorsque l’on rencontrait quelqu’un,
    il suffisait de regarder comment il portait son chapeau et en quel matériau il
    était confectionné pour connaître son origine sociale. »



    L’exposition
    est ouverte aux visiteurs jusqu’à la fin du mois de juin 2022, dans le Musée
    « Maison Darvas – La Roche » d’Oradea, le premier musée de Roumanie
    ouvert aux touristes dans un bâtiment Art Nouveau, inauguré en août 2020. Nous
    avons demandé à Bogdana Balmuş si les chapeaux exposés étaient originaux : « Une partie d’entre eux oui, qui
    appartient au Musée ethnographique de Braşov. Les autres font partie d’une
    collection privée prêtée au musée afin que les visiteurs puissent en profiter.
    Surtout n’hésitez pas à venir y jeter un œil. Il existe même un espace dans le
    musée pour essayer des chapeaux qui ont été spécialement conçus pour
    l’occasion, sur les modèles de Cristina Dragomir, du début du 20ème
    siècle. Vous avez la possibilité de prendre des photos afin de repartir avec un
    joli souvenir de l’exposition. »



    Pour
    les visiteurs, c’est l’occasion de voyager dans le temps et d’en revenir avec
    des souvenirs plein la tête. Mais ce n’est pas tout, le musée a plus d’un tour
    dans son sac et l’exposition leur réserve une dernière surprise.


    Un
    Musée des chapeaux, mais du chapeau de paille cette fois, a été inauguré en
    2001 à Crişeni, dans le département de Harghita, à l’initiative de Lajos Szőcs,
    dont la famille a confectionné des chapeaux de paille sur trois générations. Le
    Musée a ouvert ses portes dans une maison de campagne traditionnelle rénovée et
    l’exposition y a été aménagée à l’aide du Centre départemental pour la culture.
    La première pièce met en avant tous les modèles de chapeau de paille du pays.
    La pièce suivante expose différents ustensiles et objets de décoration. Enfin,
    la dernière pièce présente les différentes techniques et étapes de fabrication,
    du séchage de la paille au chapeau terminé. On y trouve aussi le plus grand
    chapeau de paille du pays, d’un diamètre de 2 mètres pour un poids de 2,65 kg
    et dont la fabrication a nécessité 500 m de paille et 1,5 km de fil.


    Dans la cour du Musée les touristes
    peuvent admirer une collection extraordinaire. Plus de 600 pierres sculptées
    par la nature et aux formes impressionnantes, ainsi qu’un chapeau de 5 mètres. (Trad :
    Charlotte Fromenteaud)

  • L’historien Constantin Kirițescu

    L’historien Constantin Kirițescu

    La Première guerre mondiale a été un chapitre de
    l’histoire marqué par le choix de l’humanité de se libérer de ses frustrations par
    une violence extrême. Les historiens ont confirmé que les opérations militaires
    étalées sur les quatre années de conflit avaient fait près de 10 millions de
    morts. La Grande Guerre a aussi fait l’objet d’ouvrages littéraires en tous
    genres : fiction, analyse historique politique et militaire, militantisme
    au bénéfice des invalides de guerre, leçon de morale. Beaucoup de ces textes
    sont devenus des best-sellers grâce au talent des auteurs, qui ont réussi à rendre
    avec réalisme la situation sur le front et derrière les lignes de combat. En
    Roumanie, sont bien connus des livres tels que le roman « Ultima noapte de
    dragoste, întâia noapte de război/Dernière nuit d’amour, Première nuit de
    guerre » de Camil Petrescu, « Opera de asistență și reeducație a
    invalizilor de război din România/L’œuvre d’assistance et de rééducation des
    invalides de guerre en Roumanie » du médecin orthopédiste Ion Ghiulamila,
    des textes pacifistes et de mémoires blâmant la guerre, des ouvrages très bien
    reçus par le public. Le livre d’histoire le plus apprécié a été « Istoria
    războiului pentru întregirea României, 1916-1919/L’histoire de la guerre pour
    la réunification de la Roumanie 1916-1919 », de Constantin Kiriţescu,
    un ouvrage largement consulté par ceux qui se sont penchés sur la Grande Guerre.


    Ce qui
    est surprenant c’est que cet auteur n’était en fait pas historien. Constantin
    Kiriţescu est le 3 septembre 1876 à Bucarest, où il s’est éteint le 12 août
    1965, à l’âge de 88 ans. Une longue vie, au cours de laquelle il fut le témoin
    de deux changements radicaux de visions du monde, en 1918 et en 1945.
    Constantin Kiriţescu naquit et se forma dans la Roumanie construite par le
    premier monarque, Carol I de Hohenzollern-Sigmaringen, pendant la seconde
    moitié du XIXe siècle. Il fut présent lors du triomphe de la naissance de la
    Grande Roumanie, sous le deuxième roi, Ferdinand I, en 1918. Et il assista à,
    l’effondrement de la démocratie sous les coups de massue du régime communiste
    appuyé par l’Union soviétique après 1945. Constantin Kiriţescu a été docteur en
    zoologie et enseignant au très réputé lycée Sfântu Sava/Saint Sava de Bucarest.
    La Roumanie lui doit la mise au premier plan des recherches sur ses reptiles et
    ses amphibiens. Ainsi, il publia le volume intitulé « Cercetări asupra
    faunei herpetologice a României/Recherches sur la faune herpétologique de
    Roumanie » et il découvrit, en Dobroudja, au sud-est de la Roumanie, une
    espèce de serpent rare, appelé « le boa des sables » Eryx jaculus,
    vivant dans les alentours de la ville danubienne de Cernavodă, ainsi qu’une
    espèce endémique de triton, le Triturus dobrogicus. Passionné d’histoire et
    publiciste, il décrivit dans ses textes des gens qu’il avait croisés et des
    lieux qu’il avait parcourus. Il s’intéressa à l’éducation et à l’enseignement
    roumain, ayant représenté la Roumanie dans ce domaine à la Ligue des nations,
    l’ancêtre de l’Organisation des Nations unies.


    « Istoria
    războiului pentru întregirea României, 1916-1919/ L’histoire de la guerre pour
    la réunification de la Roumanie 1916-1919 », le volume auquel
    Constantin Kirițescu doit sa célébrité, est un ouvrage solide, paru en deux et
    trois volumes et en trois éditions. La première fut celle de 1922-1923,
    pratiquement au lendemain de la Grande Guerre, suivie par la deuxième en
    1925-1927. La troisième édition date de 1989. Interviewé par le Centre
    d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, le professeur et économiste
    Costin Kirițescu se souvenait en 1994 du succès du livre écrit par son père. « Le livre a d’abord été publié en deux volumes ; après, il a
    fallu en tirer une deuxième édition, revue et mise à jour, en trois volumes.
    Cela montre aussi la persévérance de l’auteur, ce qui n’était pas simple pour
    lui, car il n’avait pas combattu sur le front en raison d’un handicap physique.
    Mais les gens qu’il connaissait et l’immense bibliographie parcourue l’ont aidé
    à écrire ce livre qui est, parait-il, un ouvrage de référence.
    », a-t-il dit.


    La
    troisième édition a été imprimée en 1989, dernière année d’existence du régime
    communiste et aussi une année de censure draconienne, raconte Costin Kirițescu. « Moi, j’étais fonctionnaire au ministère des finances lorsqu’un
    émissaire du Comité central du Parti communiste a voulu savoir s’il était
    possible de sortir une troisième édition du livre. Évidemment, moi j’ai dit oui
    et ce fut le début d’une véritable tragi-comédie. Elena Ceauşescu a appris
    l’existence de ce projet, alors elle a convoqué le secrétaire en charge des
    sciences historiques pour en avoir la confirmation et quand elle a eu cette
    confirmation, elle lui a lancé un encrier à la tête. Au bout de tout un tas de
    tergiversations et de reports, pour un prétexte ou un autre, la troisième
    édition du livre de mon père est parue à l’automne 1989. Cette édition a été
    complétée et annotée par mon père. Mes propres interventions, de quelques mots
    seulement, ont déplu au parti et j’ai dû les enlever. Et ce fut tout. »
    , a-t-il raconté.


    Constantin Kirițescu a été un professeur
    de zoologie passionné d’histoire, auquel nous devons l’un des ouvrages les plus
    appréciés de l’historiographie roumaine. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • L’historien Ioan Mihalyi de Apșa

    L’historien Ioan Mihalyi de Apșa

    Le
    Maramureș est une des plus anciennes provinces historiques, habitées par des
    ethniques roumains, de la Roumanie actuelle, tandis que le Pays de Maramureș
    est une des nombreuses entités étatiques médiévales à population d’ethnie
    roumaine du bassin des Carpates, mentionné dans des documents officiels pour la
    première fois en 1199. Les habitants du Maramureş ont joué un rôle essentiel
    dans l’apparition de l’État féodal de Moldavie, au cours de la première moitié du XIVe
    siècle. Ce fut à cette époque-là qu’un chef local, prénommé Dragoș, et ses
    compagnons d’armes traversèrent les Carpates vers l’est pour y établir une
    ligne de défense de la frontière du royaume de Hongrie. Cela allait constituer
    plus tard le noyau de l’État moldave médiéval. Le Pays de Maramureș fut rattaché à la Hongrie
    médiévale et ses chefs locaux furent anoblis. Après la conquête du royaume
    hongrois par l’Empire ottoman en 1526, le Maramureș intégra la principauté de
    Transylvanie, pour passer, en 1688, sous l’autorité de l’Autriche. En 1867, suite
    à la réforme de l’Empire des Habsbourg et l’apparition de l’Autriche-Hongrie,
    le Maramureș fut rattaché à la Hongrie. En 1918, au lendemain de la Grande
    Guerre, les représentants de sa population votèrent en faveur de l’union de
    leur province avec le royaume de Roumanie.


    L’historien Ioan Mihalyi de Apșa est une
    des figures de proue du Maramureș. Il est né en 1844 dans une famille de
    Roumains, anoblis au Moyen Âge, de la commune d’Apșa de Mijloc, sise à présent
    en Ukraine. Son père avait été « comite » ou comte de Maramureș, et
    il avait rempli les fonctions de commissaire révolutionnaire durant la
    révolution de 1848-1849 et de juge à la Cour royale de Hongrie. Il avait eu un
    frère aîné, Victor Mihalyi de Apșa, qui avait été le métropolite de l’Église roumaine unie avec Rome de 1895
    à 1918. Ioan fit le même choix de carrière que son père et s’inscrivit à la
    Faculté de droit de l’Université de Budapest, où il soutint sa thèse de
    doctorat en 1869, devenant ainsi le premier de sa province à obtenir ce titre
    académique.


    Lucia, née en 1903, fut un des huit enfants d’Ioan Mihalyi de
    Apșa. En 1993, le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine a eu la
    chance extraordinaire de l’interviewer et d’enregistrer ses souvenirs. Lucia
    Mihalyi de Apșa y a parlé de l’ancienneté de sa famille, du courage de sa
    grand-mère lorsque son grand-père et d’autres leaders des Roumains avaient été
    jetés en prison, accusés d’être en contact avec des révolutionnaires de 1848.
    Lucia s’est souvenue du récit de l’audience obtenue par sa grand-mère avec
    l’empereur François-Joseph. « Mon arrière-grand-père s’appelait
    lui-aussi Ioan Mihaly et il a eu beaucoup d’enfants, sept je crois. Mon
    grand-père aussi a été emprisonné pour avoir soutenu les révolutionnaires. Ma
    grand-mère, Iuliana Nan, s’est rendue à Vienne où elle a demandé une audience à
    l’empereur François-Joseph, car certaines de ses petites-filles étaient dames
    d’honneur à la cour impériale. Elle a raconté à François-Joseph que notre
    grand-père ne soutenait pas les révolutionnaires, qu’il avait juste parlé avec
    eux. Iosif Man, le dernier préfet roumain du Maramureş, avait parlé avec les
    révolutionnaires qui venaient de Baia Mare et qui auraient pu commettre ici
    aussi des atrocités comme ils en avaient fait en Transylvanie. Au Maramureş, la
    révolution n’avait pas été sanglante. Mais l’empereur avait dit à ma grand-mère
    qu’il ne pouvait pas libérer les détenus, et alors ma grand-mère lui a
    répliqué : « Quelle sorte d’empereur es-tu, si les Hongrois ne
    t’obéissent pas ? » François-Joseph lui a dit que personne n’avait osé lui
    parler ainsi et, deux semaines plus tard, les prisonniers étaient libres. »
    , a-t-elle dit.


    Dans la capitale de la Hongrie, Ioan Mihalyi
    de Apșa entra en contact avec les idées progressistes de son époque, étant
    notamment conquis par celle de latinité, qui circulait déjà dans sa région
    natale. Par ailleurs, le cursus d’histoire occupait une place importante dans
    la structure des études de droit. L’étude de la langue hongroise, décidée en 1867,
    s’avéra être un défi supplémentaire pour les jeunes roumains à la recherche de
    leurs origines. Ioan Mihalyi de Apșa devint ainsi historien. Son livre le plus
    important, intitulé « Diplome maramureșene din secolul XIV și XV/Diplômes
    du Maramureş des XIVe et XVe siècles »
    , est un recueil de documents
    officiels en latin concernant le Pays de Maramureş, le premier ouvrage de ce
    genre consacré à sa terre natale. En 1902, l’Académie roumaine accordait un
    prix à l’auteur, en signe d’appréciation de ses recherches et de son travail.


    Ioan Mihalyi de Apșa a été un
    représentant des Romains dépourvus de droits nationaux et civiques. Il avait
    affirmé cette mission assumée devant l’envoyé du gouvernement hongrois, qui lui
    demandait de faire preuve de loyauté en imposant l’utilisation de la langue
    hongroise dans les communautés roumaines. Lucia Mihalyi de Apșa a décrit cette
    rencontre. « Ils nous ont pris la petite église
    bâtie par mon père. Parce qu’ils ont demandé que la messe, le sermon, l’école
    confessionnelle, tout se passe en hongrois. Et mon père a dit : cela fait
    700 ans que nous avons une constitution. Si nous faisons la messe et l’école en
    hongrois, le paysan n’enverra plus son enfant à l’école. Et un peuple qui
    n’avance pas finira par disparaître. Alors, on lui a dit d’aller à Bucarest
    avec ses idées, mais mon père a répondu qu’à Bucarest vivaient des Roumains qui
    n’avaient pas besoin d’avocat. Il leur a dit qu’il restait sur place pour
    défendre les paysans, trop pauvres et trop persécutés par l’État hongrois.
    », a-t-elle raconté.


    Ioan Mihalyi de Apșa s’est éteint en 1914,
    sans pouvoir assister à la fin de la Grande Guerre. Une conflagration terrible,
    qui s’est achevée par l’avènement d’un monde nouveau et d’un nouveau pays pour
    les Roumains du Maramureş. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Vacances tunisiennes pour les Roumains

    Vacances tunisiennes pour les Roumains

    Pour l’été, le ciel bleu, le sable fin, une mer chaude sont des atouts que les Roumains recherchent et apprécient. Si en plus il y a un patrimoine historique exceptionnel à visiter et que tout se passe à l’ombre des palmiers c’est encore mieux, et voilà déjà quelques atouts solides pour leur choix de vacances. Et on peut aussi assaisonner cela d’un mot magique – le désert — à découvrir nécessairement quand on pense à des vacances en Tunisie.



  • La censure, ses formes et son histoire (II)

    La censure, ses formes et son histoire (II)

    Cette semaine, suite de notre dicussion sur la censure avec notre invité Jean-Yves Mollier, historien et professeur émérite à l’Université de Versailles. Après nous être penchés sur les formes anciennes de censure, nous allons analyser ses formes plus actuelles, plus douces et insidieuses qui peuvent venir de différentes formes de pouvoir : des forces économiques à la société civile.



  • « Autos, sucreries et histoires sur la ville de Ploiesti »

    « Autos, sucreries et histoires sur la ville de Ploiesti »

    2021 a été une année importante pour l’Association pour l’Education et le développement urbain (AEDU) dont l’activité est ciblée surtout sur l’histoire de la ville de Ploiesti, ce centre pétrolier du département de Prahova, sis à une soixantaine de km au nord de Bucarest. L’ONG a organisé des tours guidés dans la ville, des expositions et parrainé la publication de nombreux volumes parmi lesquels « Ceux que nous avons oubliés. La répression communiste à Ploiesti (1948 – 1964) » et « Troquets, balles et palais. 12 histoires à Ploiesti ». Ce dernier fait partie de la collection « Memento » qui a marqué le début de la maison d’édition de l’Association. Fin 2021, un nouveau volume est sorti dans cette même collection : « Automobiles, sucreries et autres histoires sur la ville de Ploiesti ».

    Suivant le modèle des autres livres de la série, il s’agit d’un volume collectif, dont les auteurs de différents âges remémorent les périodes historiques vécues à Ploiesti. Détails avec l’historien Lucian Vasile, directeur de l’Association d’éducation et de développement urbain : « Il y a une quinzaine d’auteurs. Ils sont originaires de Ploiesti et d’autres villes roumaines et étrangères, d’Allemagne et d’Italie. C’est un volume très varié dans lequel tout lecteur trouvera sans nul doute quelque chose relatif à son univers, à son époque préférée et aux lieux qu’il aime. La plupart d’entre eux ont déjà participé à l’élaboration d’au moins un des livres précédents, mais il y a aussi de nouveaux auteurs, tels Livia Dimulescu et Emilio Cives. D’ailleurs, l’histoire de la vie de M Cives est impressionnante, vu qu’il était membre d’une famille italienne de Ploiesti durant l’entre-deux-guerres et qu’il fut forcé de quitter la Roumanie au début de la période communiste. A l’époque, quelque 10 % des habitants de la ville étaient Italiens, Français, Américains, Britanniques ou d’autres ethnies que celle majoritaire roumaine. »

    Le volume « Automobiles, sucreries et autres histoires sur Ploiesti » vise le 20e siècle et contient des histoires d’avant et d’après l’installation du communisme. Il s’agit d’un siècle entier comprimé en 336 pages, poursuit Lucian Vasile. « Certes, d’autres histoires vont vous amuser, comme celle des autos d’autrefois, notamment de celles héritées d’avant-guerre et qui constituaient des présences à part dans les années 1960-1970. Mais il s’agit aussi des autos que la génération de mes parents a connues, c’est-à-dire celles produites à l’époque communiste. La présence du mot « sucrerie » n’est pas le fruit du hasard non plus, puisque le livre présente plusieurs recettes schématiques des sucreries produites dans les maisons des familles de la ville de Ploiesti. Je mentionnerais une seule histoire qui vaut la peine d’être découverte : celle de Letzler Penchaș, un des leaders de la communauté juive qui a connu tous les états : victime, collabo, héros, personnage coupable et ainsi de suite. Ce n’est qu’un exemple de la manière dont l’histoire injuste nous met dans toute sorte de postures. »

    Les lecteurs de ce récit de mémoires sur la ville de Ploiesti sont également invités à découvrir cette ville ou du moins ce qu’il reste de la vieille ville dans le cadre de tours guidés organisés par l’Association AEDU.

  • Personnalités féminines de l’histoire de la Roumanie

    Personnalités féminines de l’histoire de la Roumanie

    C’était le 1er décembre 2021, à l’occasion de la Fête nationale roumaine, que la Banque nationale avait émis une coupure de 20 lei, soit près de 4 euros, une première. Mais la véritable première consiste en l’effigie de la sous-lieutenante Ecaterina Teodoroiu, héroïne tuée au combat pendant la Grande Guerre, que la nouvelle coupure affiche fièrement. Et c’est toujours au mois de décembre de l’année passée que le gouvernement roumain a promue une loi qui vise à faire de 2022 l’année « Smaranda Brăescu », pour honorer la première femme parachutiste de Roumanie.

    Deux images du féminisme exemplaire auquel la Roumanie essaie, sans doute un peu tardivement, de rendre hommage par ces gestes à haute valeur symbolique. Par son sacrifice suprême, Ecaterina Teodoroiu a, en effet, représenté le symbole même de l’héroïsme roumain durant la Première guerre mondiale. Femme soldat qui refusa de se voir confinée derrière le front, elle gagna de haute lutte le droit de prendre les armes et de participer en première ligne à bon nombre de combats acharnés, aux côtés de ses camarades hommes. Née en 1894, dans le département de Gorj, dans une famille de paysans, Ecaterina Teodoroiu se fait remarquer depuis les bancs de l’école, décrochant son diplôme d’institutrice à Bucarest, après avoir fréquenté l’école allemande de Târgu Jiu. Intrépide et volontaire, elle suit également des cours d’infirmière. Mais l’entrée de la Roumanie dans la Première guerre mondiale aux côtés de l’Entente, en août 1916, fut accueillie dans la liesse par une bonne partie de l’opinion. Des jeunes volontaires, issus de toutes les régions du royaume, se pressaient alors aux portes des casernes.

    Et Ecaterina Teodoroiu ne fut pas en reste. Décorée au front, élevée au grade de sous-lieutenant à la suite de ses actes de bravoure, elle tombera au combat le 22 juillet 1917, fauchée par une rafale de mitraillette, lors d’une puissante attaque allemande contre les positions roumaines. L’historien Ioan Scurtu nous raconte la manière dont son sacrifice ne manquera pas de marquer pour longtemps la mémoire des contemporains. « Dès 1917, Ecaterina Teodoroiu devient une vraie légende. Ses camarades de combat lui vouent un véritable culte, car elle montre à maintes reprises sa bravoure, son héroïsme. Et puis, le fait qu’une femme ait demandé et soit parvenue à combattre au front, c’était déjà inouï pour l’époque. Capturée au cours des combats menés sur les hauteurs de Rășina-Peșteana-Tunși, dans la nuit du 3 au 4 novembre 1916, elle réussit à s’échapper, avec des blessures légères. On la retrouve à nouveau dans les combats déroulés près de Bărbătești et Țânțăreni, puis de Filiași, où elle est blessée aux deux jambes par un obus, évacuée et, plus tard, hospitalisée à l’Hôpital militaire Roi Ferdinand de Iași. Tout le monde, la reine Marie la première, l’implore alors de rester derrière le front et d’investir son énergie dans les actions de la Croix rouge. Elle refuse, insistant de reprendre sa place dans une unité de combat. En 1921, lors de l’anniversaire du centenaire de la révolte menée par Tudor Vladimirescu, la dépouille d’Ecaterina Teodoroiu a été transférée à Târgu Jiu, le monument funéraire érigé à cette occasion étant l’œuvre de la sculptrice Miliţa Pătraşcu. Le roi Ferdinand, la reine Marie, l’historien Nicolae Iorga, tout comme le maréchal Alexandru Averescu, commandant de la Première guerre mondiale, avaient tous rendu hommage à la personnalité exceptionnelle d’Ecaterina Teodoroiu. »

    Pour ce qui est de Smaranda Brăescu, à laquelle la Roumanie rend hommage cette année, elle naît en 1897, à Tecuci, dans l’est de la Roumanie. Diplômée de l’Académie des beaux-arts, elle deviendra la première femme pilote, la première parachutiste et la première monitrice de vol à moteur de l’histoire de l’aviation roumaine. Caractère fort et tenace, elle deviendra championne européenne de saut en parachute en 1931, à 34 ans, lors d’un saut réalisé à 6.000 mètres d’altitude, avant de devenir championne mondiale l’année suivante, à Sacramento, aux Etats-Unis, lorsqu’elle réussit un saut de 7.400 mètres, établissant du coup, et pour une vingtaine d’années, le nouveau record mondial. Pour ces exploits, Smaranda Braescu reçut la Grand-croix de l’Ordre du Mérite aéronautique. Ana Maria Sireteanu, arrière-petite-fille de Smaranda Brăescu, remémore sur nos ondes le caractère d’airain de la grande championne. « Dans la ville de Satu Mare, à la suite d’un saut en parachute, elle avait été blessée aux deux jambes. Elle a été opérée et hospitalisée durant 5 mois. Ensuite, 7 mois après l’accident, elle allait gagner le championnat européen, puis le championnat du monde l’année suivante. C’est dire combien elle était une battante, combien son désir de voir hisser les couleurs de son pays sur la plus haute marche du podium mondial était invincible. »

    Durant la Deuxième guerre mondiale, Smaranda Braescu avait rejoint la fameuse « Escadrille blanche » de l’aviation sanitaire, qui avait activé aussi bien sur le front de l’est, contre les Soviétiques, que sur le front de l’ouest, après le mois d’août 44, en Transylvanie, en Hongrie et en Tchécoslovaquie. En 1946, alors que le rouleau compresseur communiste, mis en place en Europe de l’Est par Staline et l’Armée rouge, fraudait les élections en Roumanie, elle avait publiquement dénoncé la fraude électorale, en rédigeant une pétition, aux côtés de 11 autres personnalités. Poursuivie par le pouvoir communiste, elle entre alors dans la clandestinité et trouve asile dans un monastère de Transylvanie. En dépit d’une intervention chirurgicale réalisée clandestinement à la clinique universitaire de Cluj, elle décède d’un cancer du sein le 2 février 1948, à 51 ans. Le lieu de sa dépouille demeure à ce jour inconnu, car Smaranda Brăescu fut enterrée sous un faux nom. (Trad. Ionuţ Jugureanu)

  • La psychiatrie dans l’ère soviétique (I)

    La psychiatrie dans l’ère soviétique (I)

    Cette semaine troisième volet de nos émissions sur « Une histoire de la psychiatrie soviétique » avec son auteur Grégory Dufaud qui est enseignant à sciences-po Lyon. Ce chapitre est plus spécifiquement dédié aux périodes les plus dures de l’URSS avec la stalinisation et la déstalinisation. Comment la pratique psychiatrique peut-elle se donner des directions de recherche scientifique, des idéaux, trouver sa propre autonomie dans de telles conjonctures ?



  • L’histoire du système médical roumain: la Fondation de Pantelimon

    L’histoire du système médical roumain: la Fondation de Pantelimon

    À Bucarest, l’hôpital Pantelimon a été un tel établissement, situé en fait dans la commune homonyme, devenue avec le temps un des quartiers de l’est de la capitale. Son nom et sa renommée rappelaient le monastère Sf.Pantelimon/Saint Pantaléon, érigé à la même époque. Le document attestant la fondation de l’établissement hospitalier date de l’année 1731, mais les travaux de construction ont en fait débuté en 1735 pour finir à peine en 1750. L’année 1735 a été décisive, à cause de l’épidémie de peste, qui touchait fortement la population la plus défavorisée, qui cherchait d’habitude du traitement dans les monastères. D’ailleurs, le prince régnant de Valachie, Grigore II Ghica, fondateur de l’hôpital, a aussi décidé que le nouvel établissement traite également les maladies transmissibles. Un autre hôpital, entièrement dédié à cette catégorie de maladies, a été construit plus tard, l’hôpital Sf. Pantelimon accueillant les patients atteints d’autres maladies. Au XIXe siècle, l’établissement a subi plusieurs transformations, dont certaines initiées par Constantin Caracaș, un des premiers médecins formés en Occident et qui se sont impliqués dans le développement du système de santé public valaque.



    Mihaela Diana Sprânceană, mastérante de la Faculté d’histoire de l’Université de Bucarest, rappelle les faits : « Au cours de la première moitié du XIXe, en 1832 plus exactement, le prince Grigore IV Ghica, fait démolir l’ancien hôpital et construire de nouvelles salles pour accueillir 37 malades, ce nombre allant augmenter avec le temps. L’hôpital est reconstruit entre 1867 et 1869, étant doté de 80 lits. L’établissement est ouvert aux patients, femmes et hommes, atteints de maladies chroniques, de maladies vénériennes, mais aussi de maladies ophtalmologiques. Il pouvait accueillir environ 350 malades par an, le nombre des décès enregistrés chaque année étant de 12 à 15 morts, indiquent le registre de l’établissement et le médecin Constantin Caracaș. Qui sont les médecins à avoir travaillé à l’hôpital Sf. Pantelimon, à travers le temps ? Eh bien, il y en a eu de très réputés, tels Dimitrie Caracaș et son fils, Constantin Caracaș, une famille d’origine grecque. Constantin Caracaș, dont le frère aussi a été médecin, a étudié à Vienne avant de s’établir à Bucarest, où il est devenu célèbre pour avoir introduit et généralisé la vaccination contre la variole. »



    Puisqu’il appartenait à un monastère, l’hôpital Sf. Pantelimon soignait surtout des gens démunis, mais comme les maladies contagieuses affectaient la population entière, les campagnes de vaccination ont débuté à Bucarest également durant la première moitié du XIXe siècle, le docteur Caracaș ayant combattu en première ligne. Le Règlement de la vaccination, issu en 1875, est un des plus anciens documents médicaux qui nous soient parvenus, raconte Mihaela Diana Sprânceană : « Le premier article stipulait le fait que la vaccination était obligatoire pour l’ensemble de la population. L’article 2 disait que tout enfant devait être vacciné durant sa première année de vie, à l’exception des enfants malades ou souffreteux, pour lesquels la vaccination était facultative. Le vaccin de rappel était prévu à l’âge de 7 ans, mais la vaccination était devenue obligatoire durant l’épidémie de variole. L’article 7 stipulait clairement que les personnes qui ne pouvaient pas présenter des attestations de vaccination réussie n’allaient intégrer aucun service public. C’est une situation identique à celle du pass sanitaires d’aujourd’hui, dont l’absence rend impossible l’accès dans les galeries commerciales ou certaines institutions. Le règlement de 1875 dit aussi que les médecins en charge de la vaccination et du contrôle seront accompagnés par un agent de police dans les villes ou par le maire ou un délégué de la mairie dans les communes rurales, comme cela se passe aujourd’hui, la police ou la gendarmerie étant présentes dans les centres de vaccination. Le renouvellement du vaccin, c’est-à-dire le rappel, allait être administré, en ville, par les médecins de la ville en personne, et dans les communes rurales par les médecins du département, deux fois par an, aux dates antérieurement fixées. »



    Quant à la Fondation de Pantelimon, l’établissement est reconstruit en 1869 de façon à accueillir 80 lits. À l’entre-deux-guerres, le nombre des cliniques s’est agrandi, avec un service de chirurgie, un autre de médecine interne et un troisième de maladies des nerfs. Vers la fin du régime communiste, notamment après le grand tremblement de terre de 1977, l’hôpital et l’église étaient fortement détériorés. Le bâtiment hospitalier et le monastère ont fini par être abattus à la fin des années 1980, pour construire à leur place un hôtel et un restaurant connus sous le nom de Complex Lebăda (le Complexe hôtelier « Le Cygne »). (Trad. Ileana Ţăroi)