Category: Espace Culture

  • Le projet Deco ReMake

    Le projet Deco ReMake

    ARCUB (le Centre
    culturel de la ville de Bucarest) et l’Union des Artistes Plasticiens de Roumanie ont récemment
    présenté une nouvelle édition du projet « Arte în București/Des arts à
    Bucarest ». Expositions, ateliers, conférences et classes de maître, consacrés
    tous aux arts décoratifs, ont été réunis sous le titre générique « Deco
    ReMake ». Structuré autour de plusieurs expositions centrales, ouvertes
    dans différentes salles de la ville, ce projet – « Deco ReMake »- se
    veut un panorama des arts décoratifs du point de vue des concepts
    d’organisation et des pratiques artistiques contemporaines. L’idée à la base
    était d’éduquer et de familiariser le grand public avec des techniques et des
    processus utilisés dans la réalisation des objets d’art décoratifs. Dorina
    Horătău, coordinatrice générale du projet a détaillé la mise en page de
    celui-ci:


    « Pour cette neuvième édition de « Arte
    în București », dédiée aux arts décoratifs, nous avons cherché des titre
    et celui de « Deco ReMake » a été le meilleur, puisque, pour moi, « re-make »
    signifie une mise à jour des ces arts. Comment? Eh bien, les arts majeurs ont
    beaucoup emprunté aux techniques de base des artistes décorateurs et les mettent
    ensemble avec les principes de l’art contemporain et surtout avec un concept. De très nombreux
    artistes, actifs dans le décoratif, trouvent difficilement le courage de
    franchir la barrière d’un message ancré dans l’actualité. Aux éditions
    précédentes, les arts décoratifs étaient intégrés aux majeurs, donc ils avaient
    moins de force. Dans un projet, on construit, on obtient des résultats et un
    impact sur les autres. Outre les expos, nous avons souhaité réaliser des
    rencontres des artistes décorateurs avec le public, pour présenter le processus
    de création de ces objets et la technologie utilisée. Nous utilisons des
    formules bien définies et il est important de montrer la manière dont ces
    formules et recettes de matériaux sont mises ensemble, tout comme la façon de
    l’artiste d’exprimer son message à travers l’objet créé. Ce que l’on cherche le
    plus souvent c’est de se connecter aux concepts et de dialoguer avec le public.
    Cette année, j’ai travaillé merveilleusement bien avec la commissaire générale
    Ana Negoiță, avec Georgiana Cozma et Marian Gheorghe. C’est le meilleur moment
    d’échanger avec les jeunes. »


    La
    commissaire générale Ana Negoiță a expliqué les concepts et les critères
    artistiques sur lesquels repose le projet « Deco ReMake »:


    « Ce projet contient deux trucs bizarres,
    qu’il faut prendre tels quels. Je m’explique : c’est un projet qui ne
    s’assoit pas sur un concept organisateur, autour duquel s’assemblent les
    créations exposées, comme c’est souvent le cas puisque c’est la pratique
    générale. Il découle d’un projet de la filiale d’Art décoratif – c’est-à-dire
    textile, verre, métal et céramique – et tente de rassembler ces gens à travers
    un certain discours. Et c’est là qu’apparaît le rôle de l’équipe de
    commissaires, que nous avons tous assumé. C’est un travail interdisciplinaire,
    où moi, j’apporte une perspective théorique, alors que mes collègues proposent
    une perspective pratique. Il a donc fallu rassembler les objets dans une
    démarche dépourvue de critères de sélection, et ce n’est pas simple de mettre
    en place une exposition en l’absence de tels critères et obtenir un discours
    unitaire. Alors, notre fil rouge a été l’espace utilisé, afin de donner une
    nuance contemporaine aux arts décoratifs, puisque nous bataillons encore en ce
    sens. Ces arts ont un caractère statique, donc il faut les orienter vers des
    installations et des structures interdisciplinaires, où il n’y ait plus que du
    textile ou du métal. Les techniques mixtes expriment un regard particulier posé
    sur l’objet du point de vue de l’installation ou même d’une structure
    performative, telle la vidéo. Ceci est très important et ce n’est pas facile de
    faire passer ce type de discours dans les rangs des séniors.


    Enfin, le
    président de l’Union des artistes plasticiens de Roumanie, Petru Lucaci, s’est
    exprimé sur le projet « Deco ReMake »:


    « C’est un projet que nous avons lancé il
    y a un certain temps déjà et dont les éditions précédentes se sont déroulées
    dans des contextes et des lieux divers. Nous essayons d’élargir la gamme de nos
    intérêts dans le plus grand nombre de domaines, car l’Union des artistes
    plasticiens, qui rassemble plus de 6.000 membres, a une dizaine de parcours de
    carrière différents, des départements qui essaient de mettre en avant leurs
    propres image et activité. Cette fois-ci, nous avons voulu mettre en lumière
    les arts décoratifs, non seulement parce qu’ils sont devenus une zone d’art
    majeur. C’est quelque chose de novateur, qui vient compléter le paysage de
    l’art contemporain avec des éléments significatifs. À présent, la section
    d’arts décoratifs se montre impeccable. C’est un espace d’expo muséal, large,
    qui permet de mettre en valeur chaque ouvrage et de créer une relation
    expressive et intéressante entre les objets exposés. L’UAP a un énorme
    potentiel, un très grand nombre de membres est plus difficile de les rassembler
    et de créer des événements qui parlent à tous. C’est un type de comportement.
    Ces dernières années, nous avons voulu insister sur ce type de discours visuel,
    qui permet d’articuler un espace d’exposition d’un niveau élevé, qui soit
    vraiment quelque chose d’intéressant sur la scène de l’art contemporain de
    Roumanie. »


    (Trad. Ileana Ţăroi)

  • FILIT – le Festival international de littérature et de traduction de Iaşi

    FILIT – le Festival international de littérature et de traduction de Iaşi

    Plus de deux cents
    professionnels réputés de l’industrie littéraire et artistique de Finlande,
    France, Allemagne, Israël, République de Moldova, Rwanda, Algérie, Syrie et
    Roumanie se donnent rendez-vous à Iaşi, au Festival international de
    littérature et de traduction FILIT, accueilli par cette ville de l’est de la Roumanie du 19 au 23 octobre. Le
    public aura, cette automne encore, l’occasion de rencontrer des écrivains
    récompensés de nombreux prix, des voix importantes de la littérature
    contemporaine étrangère et roumaine, tels John Boyne (auteur du bestseller « Le
    Garçon en pyjama rayé » et d’autres livres traduits en cinquante-huit
    langues), Manuel Vilas (un des écrivains espagnols les plus appréciés), Boualem
    Sansal (écrivain algérien d’expression française, lauréat du Grand prix du
    roman de l’Académie française), Narine Abgaryan (autrice arménienne, connue
    notamment pour le bestseller « Et du ciel tombèrent 3 pommes » et que
    le journal britannique The Guardian place parmi les six meilleurs auteurs
    européens) ou bien l’écrivain et philosophe roumain Andrei Pleșu. Pendant les
    cinq jours du festival, des dizaines d’événements se disputeront l’attention du
    public: rencontres littéraires avec des stars de la scène littéraire mondiale,
    nuits blanches de la poésie et de la musique, ateliers et tables rondes pour
    les professionnels, concerts, cercles de lectures.






    La huitième édition
    des Ateliers FILIT pour les traducteurs, organisée par le Musée national de la
    littérature roumaine de Iaşi, en collaboration avec le Mémorial Ipoteşti -
    Centre national d’études Mihai Eminescu, a eu lieu du 3 au 7 octobre. Ces
    ateliers, qui sont un espace de formation et de communication professionnelle
    pour les traducteurs du roumain en une langue étrangère, ont rassemblé des
    participants de dix pays: Jale Ismayil (Azerbaïdjan), Monica Constandache (Suisse),
    Alexey Kubanov (Kazakhstan), Joanna Kornás-Warwas (Pologne), Ferenc André,
    Csanád Száva (Roumanie, en langue hongroise), Monica Cure (Roumanie/États-Unis),
    Eliza Filimon (Roumanie, langue anglaise), Roxana Ilie (Roumanie, langue allemande),
    Đura Miočinović (Sérbie), Klara Rus (Slovénie), Elena Borrás (Espagne),
    Gabriella Koszta (Hongrie).






    L’écrivain roumain Florin
    Lăzărescu, membre de l’équipe organisatrice de FILIT a souligné l’importance
    des traducteurs pour le Festival ainsi que du poids de celui-ci aux yeux du
    public roumain : « C’est
    pourquoi nous l’avons baptisé « Festival international de littérature et
    traduction Iaşi, parce que nous accordons une attention spéciale aux
    traducteurs, notamment du roumain vers une autre langue. Outre ces ateliers,
    durant le FILIT, il y a des événements ciblés sur les traducteurs, depuis des
    rencontres professionnels avec des agents littéraires jusqu’aux ateliers dédiés
    aux élèves. Les traducteurs se rendent dans les lycées et présentent aux adolescents
    le processus de réalisation d’une traduction. Quant au public de FILIT, 80 % de
    ceux qui y assistent sont jeunes et très jeunes et je me félicite que le
    festival marque leur vie. Je vais vous en donner deux exemples. Gabriela Vieru
    est une critique littéraire connue, membre de la rédaction de la revue Timpul. Elle
    a été présente à chaque édition, même en bénévole, et cette année et la
    modératrice de deux événements. Gabriela Vieru me racontait l’autre jour
    qu’avant d’assister au FILIT elle n’avait jamais entendu parler d’écrivains en
    vie. Depuis sa première année de lycée jusqu’à aujourd’hui, sa vie a été
    marquée par le FILIT, ce qui me semble extraordinaire. Autre exemple, celui d’Ioan
    Coroamă, considéré comme une nouvelle voie, très appréciée de la poésie
    roumaine. Il m’a avoué qu’il assistait au festival depuis la deuxième année de
    collège et qu’il avait grandi avec ce festival. Les rencontres avec les
    écrivains sont très importantes pour le public, notamment le jeune public. Les
    invités de cette année se rendent dans dix-huit lycées d’Iaşi et d’autres
    localités du département. C’est une des réussites les plus importantes du FILIT
    – modifier la perspective, montrer que la littérature peut être spectaculaire,
    intéressante, vivante. »






    Aux événements FILIT 2022 participeront les
    écrivains roumains Cezar Amariei, Remus Boldea, Adrian Cioroianu, Bogdan Coșa,
    Filip Florian, Lavinica Mitu, Liviu Ornea, Ioana Pârvulescu, Dan Perșa, Bogdan
    Suceavă, Anca Vieru. Des poètes importants seront également présents à la Xe
    édition du FILIT: Răzvan Andrei, Ion Buzu, Ioan Coroamă, Teona Galgoțiu,
    Anastasia Gavrilovici, Sorin Gherguț, Claudiu Komartin, Ileana Negrea, Cătălina
    Stanislav, Veronica Ștefăneț, Mihók Tamás. La Maison Fantasy accueillera les
    auteurs O.G. Arion, Michael Haulică, Liviu Surugiu, Daniel Timariu, Marian
    Truță, tandis que l’illustratrice Sidonia Călin et les auteurs Ioan Mihai
    Cochinescu, Simona Epure, Iulia Iordan, Radu Țuculescu seront présents à la
    Maison de l’Enfance. La journaliste Elena Stancu et le photographe Cosmin
    Bumbuț participeront à des événements spéciaux, tandis que le photographe Mircea
    Struțeanu présentera un projet littéraire et artistique qui lui appartient.
    (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Le Festival international du film d’animation Animest

    Le Festival international du film d’animation Animest

    Le
    Festival international Animest, consacré au film d’animation, est l’endroit où
    les meilleures productions internationales de la dernière année rencontrent le
    public roumain pour la première fois. Le programme de l’édition actuelle, qui
    est la XVIIe, accueillie par Bucarest du 7 au 16 octobre, propose plus de 340 dessins
    animés, dont des titres ayant obtenu des récompenses internationales
    importantes, précise le directeur d’Animest, Mihai Mitrică.




    « Au
    bout de deux ans de pandémie, c’est une édition pleine de force que nous
    proposons. Mais, en fait, le Festival Animest
    ne s’était pas arrêté durant la pandémie. Nous avons organisé une édition
    enligne et une autre hybride, l’année dernière, lorsque les projections de
    films ont eu lieu dans une seule salle de cinéma. Cette fois-ci, on parle de
    plus de cinq salles. Le thème de l’édition actuelle – l’amour – n’a pas été
    choisi par hasard, donc le programme inclut un grand nombre d’histoires
    d’amour, des dessins animés très colorés, bine-sûr. La compétition
    internationale de longs-métrages est riche d’histoires exceptionnelles, qui
    parlent même aux spectateurs les moins émotionnels. Ce sont cinq films, dont un
    est produit au Japon, un autre est une coproduction franco-japonaise, un
    troisième est lituanien et américain, il y en a un autre – « Nayola »
    – qui est portugais, le Portugal étant d’ailleurs l’invité spécial à cette
    édition du festival. Deux des cinq films en compétition traitent des sujets de
    guerre, mais d’une manière très originale, pleine de couleurs et d’humour. Pour conclure, je dirais que la pandémie a
    œuvré en faveur de l’amour. Le
    programme d’Animest de cette année montre que les gens ont eu plus de temps à
    réfléchir, à passer avec les êtres chers ; c’est ce que les productions
    proposées mettent en évidence. »




    Le
    gagnant du Trophée Animest 2022 des courts-métrages se retrouvera
    automatiquement sur la liste des candidats à la nomination aux Oscars de
    l’Académie américaine de cinéma. Parmi les 49 productions en lice, deux en sont
    roumaines: « Suruaika », un film de Vlad Ilicevici et Radu C. Pop, qui
    raconte l’histoire d’un chat très particulier, et « Sasha », du
    réalisateur Serghei Chiviriga, sur un adolescent qui découvre son identité
    sexuelle. Mihai Mitrică, directeur d’Animest, ajoute :




    « Si on parle de qualité et de diversité, les films
    roumains ne font pas exception, sachant que cette année nous avons reçu le plus
    grand nombre de productions depuis le début du festival. Je
    crois, une fois de plus, que ces deux années de pandémie ont mis leur empreinte
    sur les productions. Elles sont plus nombreuses et ont rallongé leur durée,
    pour ainsi dire. Il y en a qui durent 9 ou 12 minutes, mais il y en a aussi, et
    beaucoup, qui durent 15 minutes. Lors des éditions passées du festival, la
    durée moyenne d’un film roumain était de 4 minutes. Je crois, donc, que les
    artistes ont eu plus de temps pour élaborer leurs films et trouver des
    histoires à raconter en 12 minutes et plus. Quant à la qualité, à quelques
    exceptions près, elle a été bien meilleure. »




    Le
    public désireux d’explorer de nouvelles visions du monde de l’animation pourra
    le faire à travers les courts-métrages en compétition dans la section de film
    étudiant, proposés par les écoles d’animation les plus prestigieuses du monde.




    Le
    Festival international du film d’animation Animest est unique en son genre en
    Roumanie. Créé en 2006, il rassemble des centaines de productions du monde
    entier, projetés dans le cadre de six catégories de compétition -
    rétrospectives, écoles d’animation de renom, festivals de genre, grands noms du
    domaine. Chaque année, au mois
    d’octobre, Bucarest accueille des réalisateurs, des producteurs, des étudiants,
    des commissaires d’événements et des journalistes, qui participent à des débats
    avec le public, des ateliers et des classes de maître, qui donnent des concerts
    et présentent de nouveaux projets de films d’animation. Une des missions les
    plus importantes que le festival s’est donné est celle de ressusciter et
    d’encourager le cinéma d’animation national. Depuis son lancement dans le cadre
    du festival en 2007, la compétition locale s’est constamment développée. La
    nouvelle génération présente aux ateliers organisés par Animest est déjà
    représentée par des professionnels travaillant dans les studios spécialisés du
    pays, mais aussi par des étudiants dans les grandes universités européennes. Les
    films d’animation roumains ont été sélectionnés et récompensés à des festivals
    importants. Animest organise des projections de film dans différentes villes du
    pays, ainsi que des sélections de films à des festivals internationaux, tandis
    qu’Animest Chișinău (en République de Moldova) est devenu un événement annuel
    qui a lieu sans interruption depuis 2011. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Solaris

    Solaris

    Les productions de la rédaction du Théâtre national
    radiophonique « Anii ’60 »/Les années ’60 » d’Ema Stere, mise en
    scène par Mihnea Chelaru, et « Solaris », une adaptation libre d’après le roman de science-fiction de
    Stanisław Lem, due à Ilinca Stihi, qui signe aussi la mise en scène, se
    retrouvent dans la sélection officielle de la section Radio Drama du
    prestigieux concours international de productions médias « Prix Italia ».
    Les organisateurs de cette 74e édition, accueillie par la ville de Bari du 4 au
    8 octobre, annoncent une participation record de 321 productions toutes
    catégories confondues – radio, tv, web -, dont 94 radiophoniques, proposées par
    83 radios publiques de 50 pays à travers le monde. RRI a invité au micro Ilinca
    Stihi, à laquelle l’on doit le spectacle « Solaris ».


    Ilinca Stihi s’est formée à la réalisation de film à
    l’Académie de théâtre et de film de Bucarest et travaille comme metteure en
    scène à la Société roumaine de radiodiffusion depuis 2005. En 2013, elle, Attila
    Vizauer, rédacteur en chef de la rédaction Théâtre, et Mihnea Chelaru, ingénieur
    du son dans la même rédaction, ont mis sur pied le premier Festival
    international de théâtre radiophonique de Roumanie, le Grand Prix Nova. Ilinca
    Stihi est la dépositaire de sept prix internationaux et de celui du meilleur
    spectacle radiophonique, accordé par l’Union théâtrale de Roumanie UNITER en
    2013. Elle a siégé au jury du Festival International de Radio de New York en
    2013 et a présidé le jury de la section théâtre radio du Festival Prix Marulic de
    Croatie en 2014. « Metteure en scène et scénariste, Ilinca Stihi conçoit les
    spectacles sonores de A à Z, même quand elle travaille sur une
    dramaturgie-support ; elle construit tout, depuis le scénario à la postproduction,
    creusant en profondeur. Les sources littéraires ne sont, souvent, que des
    prétextes pour une interprétation sonore qui garde le thème de départ, mais qui
    va au-delà du texte d’origine en tant qu’élément d’une architecture sonore
    raffinée », affirme la critique de théâtre Oana Cristea Grigorescu. Le
    choix des sujets prend en compte leur actualité, explique Ilinca Stihi:

    « « Solaris »
    est en fait une rencontre que je n’osais pas espérer. Tout le monde connait le film
    « Solaris », le chef-d’œuvre d’Andrei Tarkovski. Ils en sont aussi nombreux
    à avoir lu le roman de Stanisław Lem, un livre de science-fiction d’une
    complexité bouleversante sur la condition humaine. J’avoue que j’ai beaucoup
    hésité avant de me lancer dans cette aventure, car il est très difficile de proposer
    une vision personnelle après de grands artistes qui se sont déjà exprimés en
    s’appuyant sur ce récit. Mais l’Institut culturel polonais m’a envoyé cette
    invitation par le biais de la productrice du spectacle, Oana Cristea
    Grigorescu, et j’ai pensé que ça valait la peine de tenter ma chance. Et là, je
    peux vous dire que la rencontre ou plutôt la nouvelle rencontre avec « Solaris »
    a eu un impact très fort, notamment après la période tellement difficile de la
    pandémie, que nous avons tous traversée. Pour moi, Solaris est une histoire de
    réclusion, car c’est l’histoire de plusieurs gens bloqués à bord d’une station
    spatiale, dans un univers non-humain, des gens qui sont amenés à réfléchir à
    leur condition. D’une certaine manière, cela ressemble à notre vécu durant ces
    deux années et j’ai trouvé qu’il était important de se pencher sur ce que nous
    avons vécu, d’essayer de découvrir, au-delà du sens de l’histoire, le sens
    apporté par cet événement dans nos vies respectives. Sur cette réflexion, je me
    suis lancée vers Solaris en essayant d’imaginer une adaptation libre, ce qui
    m’a permis d’en écrire une partie. Une partie contemporaine, liée au temps
    présent, qui aille au-delà du très riche message du livre, au-delà aussi des
    descriptions absolument spectaculaires, dont j’utilise des citations dans le
    spectacle de théâtre radiophonique. Le projet Solaris a pris ensuite de
    l’ampleur, grâce à la collaboration avec le compositeur Cristian Lolea, qui
    signe la bande son originale, avec le sound designer Tom Brânduș. Avec Sabra
    Daici, j’ai traduit des extraits du roman, puisque la traduction en roumain du
    livre de Lem datait des années ’90 et avait un parfum obsolète, vu l’évolution
    technologique éblouissante des deux dernières décennies. J’espère avoir réussi
    à créer un univers à la fois cohérent et expressif pour notre époque. J’ajouterais
    aussi que j’ai imaginé le spectacle de façon à ce qu’il soit compréhensible
    pour ceux qui n’ont pas lu le texte de Stanisław Lem, il ne faut pas avoir lu Solaris
    pour pouvoir comprendre et vibrer avec ma version. »



    Le spectacle sonore Solaris est produit par Radio Roumanie
    et l’Institut polonais de Bucarest, en partenariat avec le Musée national d’art
    de Roumanie. (Il est aussi porté par les
    acteurs Tudor Aron Istodor, Mădălina Anea, Emilian Oprea, Gabriel Costin, Radu
    Bânzaru, Marcela Roibu, Costin Toma Dârțu – doar pt site). Au micro de RRI,
    Ilinca Stihi a également parlé de l’importance de la sélection au Prix Italia.

    « Le Prix Italia est le plus ancien festival de radio d’Europe
    et du monde, car l’Europe a la tradition la plus étendue dans le temps en
    matière d’art du spectacle sonore. De toute évidence, c’est un immense honneur
    et une immense joie de me retrouver aux côtés de collègues du monde entier, qui
    présentent leurs créations les plus intéressantes, et de pouvoir nous écouter
    et nous entendre les uns les autres. Pour nous, passionnés de théâtre
    radiophonique, ces festivals nous offrent la grande joie d’écouter nos
    créations et d’échanger des idées et des perspectives à l’heure où l’art sonore
    est ravivé partout en Europe. Nous savons tous que les podcasts et tout ce qui
    est son bénéficient d’une audience record en ligne. Alors, tout le monde
    cherche de nouvelles formules, qui
    intéressent les auditeurs. »




    Les spectacles radiophoniques « Anii ’60/Les
    années ’60 » d’Ema Stere, mis en scène par Mihnea Chelaru, et « Solaris », une
    adaptation d’après Stanisław Lem par Ilinca Stihi, sélectionnés dans la
    compétition officielle du Prix Italia, sont accessibles sur la plate-forme e-teatru.ro,
    aux côtés d’autres nombreuses productions radiophoniques de Radio Roumanie.
    (Trad. Ileana Ţaroi)

  • 10ème édition du Pavillon d’Art Safary

    10ème édition du Pavillon d’Art Safary

    La Xe édition du Pavillon d’art Art Safari


    La dixième édition d’Art Safari a ouvert ses portes le 22 septembre au
    Palais Dacia-Romania, dans la vieille ville de Bucarest. Les cinq expositions
    mises en place pourront être visitées jusqu’au 11 décembre prochain. Parmi les
    coups de cœur de l’actuelle édition, mentionnons notamment une incursion dans
    l’univers de l’artiste britannique John Constable (1776-1837), grand nom du
    paysagisme anglais, une exposition spectaculaire d’affiches coréennes, des tableaux
    portant la signature du peintre roumain Ștefan Popescu (1972-1948) ou encore du
    jeune paysagiste urbain, Mihai Mureșan. Pour plus de détails sur cette nouvelle
    édition d’Art Safari, nous avons invité au micro la directrice du pavillon,
    Ioana Ciocan :


    « Je vous recommande vivement de venir au
    Palais Dacia- România pour voir une exposition issue des collections du
    Victoria and Albert Museum, un des musées les plus importants au monde. Il
    s’agit d’une exposition impressionnante de John Constable qui a le don de nous
    surprendre aussi bien par la valeur des toiles exposées que par ce ressenti
    bien connu, qui se déclenche à chaque fois lorsqu’on a la chance de visiter les
    grands musées du monde. C’est grâce au partenariat qu’Art Safari a conclu avec
    le Victoria and Albert Museum, que nous pouvons avoir l’impression d’avoir un
    grand musée ouvert à Lipscani, au cœur de Bucarest. A part John Constable, je
    voudrais mentionner l’exposition Ștefan
    Popescu, un peintre, artiste et graveur multi-primé en France. Réalisée en
    partenariat avec le Musée de la ville de Bucarest, cette exposition présente
    l’artiste dans une hypostase de peintre voyageur. Vous aurez l’occasion
    d’admirer des tableaux peints en Roumanie, en France, au Maroc, en Albanie ou
    en Egypte. Il s’agit du seul artiste roumain trois fois à l’affiche de la Biennale
    de Venise. Grâce à lui, le nom de Popescu sera désormais associé à la peinture.
    Une autre exposition est celle de Lilian Theil, une artiste surprenante, née en
    1932, à Brasov et qui fait de la peinture à l’aiguille. Il s’agit de broderies
    très intéressantes où l’artiste utilise la méthode de l’appliqué. Par le choix
    des broderies, la commissaire d’exposition, Ilaria Raluca Demetrescu surprend
    cette artiste dans des moments importants de notre histoire récente : la
    pandémie, des funérailles, des mariages, des histoires d’amour, des scènes
    érotiques, autant de thèmes auxquels Lilian Theil s’attaque. Et puis, nous
    avons l’exposition de Mihai Mureșan qui vient de Cluj, programmée par le
    professeur Ioan Sbârciu. Cette école de peinture n’a plus besoin de d’être
    présentée tant la renommée internationale de ses artistes est grande. Et, à en croire le professeur Ioan
    Sbârciu, « Mihai Mureșan s’ajoutera à cette longue liste qui nous parvient
    de Cluj ».


    Est-ce difficile d’organiser un événement
    artistique si complexe dans un contexte politique et économique
    particulièrement problématique, marqué par la guerre, la pandémie, la crise des
    transports et la flambée des prix? Ioana Ciocan témoigne :


    « Oh que oui.
    Il nous a fallu plusieurs années pour négocier la signature du partenariat avec
    le musée V&A de Londres et cela, avec le soutien de l’Ambassade britannique
    à Bucarest et de toute une équipe enthousiaste. J’espère donc que tous ceux qui
    aiment Constable, et je pense ici à tous les Européens, prendront l’avion à destination de Bucarest pour voir
    cet artiste ».


    Poursuivons les discussions du pavillon
    international d’Art Safari 2022, en compagnie de Ioana Ciocan quib nous
    présente brièvement l’exposition coréenne qui, selon elle, surprendra
    certainement le public amateur d’art.


    « La Corée du Sud expose un art très
    différent de celui auquel nous sommes normalement habitués. A savoir une
    exposition d’affiches inspirées de l’alphabet coréen. Des affiches extrêmement
    colorées, vibrantes et minutieusement réalisées par l’artiste Byoungil Sun qui
    sera lui-même présent à Bucarest pour une série d’ateliers avec des étudiants
    des beaux-arts. Et puis, on a encore d’autres surprises comme par exemple les
    deux installations d’art contemporain de Mihai Mureșan, l’une placée dans le
    hall central et l’autre au deuxième étage, dans le cadre de sa propre
    exposition. Et parce que nous organisons un safari, il y aura, bien évidemment
    une jungle ».




    A la fin de notre discussion, Ioana Ciocan dévoile
    ses trois ouvrages préférés de cette nouvelle édition :


    « Puisque cette année aussi,
    l’événement comporte deux pavillons – celui international avec deux expositions
    et celui national avec trois expositions, notre suggestion serait que les
    visiteurs parcourent le musée en plusieurs jours. Maintenant, s’il fallait
    choisir trois ouvrages exposés, je dirais « Leaping Horse », un tableau de John Constable issu des
    collections du musée Victoria and Albert, après une des affiches de Byoungil
    Sun qui lui fut inspirée par une gravure de Dürer et ensuite, un tableau
    fabuleux peint par Rembrandt et qui a servi de source d’inspiration à
    Constable. Comme quoi, ça vaut vraiment la peine de venir sur Bucarest, ne
    serait-ce que pour l’unique occasion d’admirer au même endroit l’art de Constable,
    de Gainsborough, de Turner, Rembrandt et Dürer. »

  • Ioana Bugarin

    Ioana Bugarin


    L’année dernière, Ioana Bugarin montait sur la scène du
    Festival International du Film Transilvania (TIFF) pour accepter sa récompense
    – la Bourse Alex Leo Șerban – pour ses rôles dans les films « Mia rate sa
    vengeance » (réalisation Bogdan Theodor Olteanu) et « Otto le Barbare
    » (réalisation Ruxandra Ghițescu)


    Cette année, ces
    mêmes rôles lui ont valu une double nomination aux Prix Gopo : l’une dans
    la catégorie de la Meilleure actrice en rôle principal, pour le rôle de
    « Mia », l’autre – pour la Meilleure actrice dans un second rôle pour
    « Laura ».


    Et ce n’est pas tout, cette année, Ioana Bugarin revient
    sur les écrans en tant que protagoniste du film « Miracol » (Miracle)
    de Bogdan George Apetri, Prix du Meilleur Long Métrage au TIFF 2022, dans la
    catégorie « Journées du film roumain », un film qui a reçu de longues
    éloges de la presse américaine juste après sa sortie. Sans oublier qu’Ioana
    Bugarin s’est aussi faite remarquer dans la sérié « Ruxx » récemment diffusée
    par la chaîne HBO.


    A 25 ans seulement, notre invitée d’aujourd’hui
    s’enorgueillit déjà d’une belle carrière cinématographique, et d’une carrière
    théâtrale tout aussi impressionnante. Elle, actrice du Théâtre Odeon de Bucarest
    qui l’a embauchée suite à son rôle d’Ophélia dans le spectacle « Hamlet
    » mis en scène par Dragoș Galgoțiu. On l’a retrouve donc à l’affiche de
    plusieurs pièces de ce fameux théâtre bucarestois, telles « Juliette sans
    Roméo » (de Bogdan Teodor Olteanu), « Henri IV» (de Vlad Cristache) ou
    « Persona » (de Radu Nica). Et on ne saurait achever cette liste des
    succès d’Ioana Bugarin sans vous dire aussi qu’elle fait partie de la
    coproduction internationale « Itinéraires. Un jour le monde changera »,
    mise en scène par Eugen Jebeleanu, récompensée du prix de la Meilleure mise en
    scène et déclarée « meilleur spectacle de 2019 » par les critiques
    roumains de théâtre.


    Autant de rôles à succès déjà au palmarès de la jeune
    actrice Ioana Bugarin. Dans les minutes suivantes elle nous parle de sa
    formation à la Royal Academy of Dramatic Art – l’Académie royale d’art
    dramatique de Londres, de ses plus récents rôles et de la manière dont elle
    choisit ses personnages. Mais pour commencer, elle nous raconte un moment plein
    d’émotion, lorsqu’elle est montée sur la scène du TIFF pour recevoir son
    prix :


    « Ce fut un grand honneur pour moi, je ne
    m’y attendais pas du tout. Je me rappelle encore, les organisateurs du Gala
    TIFF ne cessaient de m’inviter au Gala, alors que moi, je leur disais que je
    n’avais pas de raison d’y participer. Ils m’envoyaient des messages et
    réitéraient leur invitation et moi je leur donnais la même réponse. Mais une
    fois arrivée là, j’ai tout compris. Toutefois, mon objectif n’a jamais été de
    gagner des prix, ni lorsque j’étais en début de carrière, ni au moment où j’ai
    opté pour un projet. C’est-à-dire que pour moi, le plus important c’est de
    trouver des rôles qui me représentent et qui me stimulent. Evidemment, chaque
    personne a besoin de reconnaissance et c’est merveilleux, c’est incroyable
    d’être reconnu. Mais, comme je viens de le dire, pour moi, ce n’était pas un
    objectif en soi. »


    Dans les long-métrages « Mia rate sa vengeance »
    (réalisation Bogdan Theodor Olteanu) et « Otto le Barbare » (réalisation
    Ruxandra Ghițescu), Ioana Bugarin joue le rôle principal et réussit à incarner
    deux personnages extrêmement différents.


    Mia est une jeune actrice qui parle de la condition de la
    femme dans le milieu urbain et de l’importance de son autonomie. Par contre,
    dans « Miracle », Cristina Tofan est apparemment attirée par la vie
    au couvent où elle souhaite se retrouver elle-même. Puis, autre défi dans
    « Otto le Barbaire » : Laura, la jeune adolescente dépressive qui
    finit par se suicider. Ioana Bugfarin nous parle de ses rôles :


    « Je crois que j’ai eu beaucoup de chance
    et j’ai été au bon endroit au bon moment. Sans doute, le contexte m’a été
    favorable aussi, mais tous ces rôles, je les ai obtenus en passant des
    castings. Puis, à mesure que j’ai commencé à jouer, les réalisateurs ont
    compris quelle était la direction qui m’intéressait en tant qu’artiste et ils
    m’ont recherchée surtout pour des rôles que je trouve aussi à mon goût. En
    quelque sorte j’ai découvert les choses qui m’intéressaient à mesure que
    j’avançais dans la vie. La discrimination de genre en est une. C’est une
    discrimination qui parfois se manifeste de manière très subtile. Des écrivaines
    féministes m’ont aidée aussi à m’auto-définir. Je les ai découvertes à Londres,
    lorsque j’étudiais à la Royal Academy of Dramatic Art. C’est ainsi que j’ai
    réussi à verbaliser les aspects qui me préoccupaient. La manière dont on parle
    des femmes est très importante, tout comme la manière dont on les présente. Et
    la culture a ce pouvoir de nous former, de changer un peu notre manière de voir
    le monde. C’est pourquoi il a toujours été très important pour moi de choisir
    des histoires qui me représentent et auxquelles je puisse me consacrer
    totalement. Et je suis reconnaissante de pouvoir dire que j’ai réussi
    jusqu’ici. »




    Parler des femmes sous tous leurs aspects – voici la
    mission très noble et difficile en égale mesure que se donne la jeune actrice
    roumaine Ioana Bugarin. Sa carrière ne fait que commencer et nous attendons
    avec impatience et curiosité ses prochains rôles.







  • Improvisons, improvisez !

    Improvisons, improvisez !


    Du 15 au 18 septembre la 10e édition du
    Festival national d’improvisation se déroule à Bucarest. En ouverture :
    ImproJam, un spectacle sur l’émotion, la peur, le courage et l’exploration
    réunissant tous les types d’improvisation, la scène étant ouverte à toute
    personne qui souhaite expérimenter cet art aux côtés d’improvisateurs
    professionnels.






    « Si tu veux, la scène t’appartient ! » -
    c’est le message des organisateurs, cette année. Parmi eux, Adina Maria Sandu
    qui travaille dans l’organisation de programmes éducationnels. L’improvisation
    l’a aidée à dépasser ses limites, avoue-t-elle. C’est pourquoi elle a décidé de
    rejoindre l’équipe du festival IMPRO Fest depuis déjà 2018, devenant son
    directeur artistique en 2019.






    Adina Maria
    Sandu : « J’ai découvert l’improvisation en 2014, lorsque j’étais membre
    d’une ONG où j’organisais des programmes éducationnels pour les élèves. Pour
    mieux développer l’interaction avec les enfants, nous avons pensé que c’était
    une bonne idée d’inclure les arts dans nos projets. Ainsi avons-nous fait la
    connaissance de l’équipe Improvisneyland, dont fait partie Monica Anastase, la
    fondatrice du Festival international IMPRO Fest. C’est grâce à Monica Anastase
    que j’ai commencé à faire des cours d’improvisation et j’ai découvert combien
    importante était cette expérience et à quel point elle est utile dans la vie
    quotidienne. L’équipe d’Improvisneyland a été parmi les premières à organiser
    des cours de ce type, jetant même les bases d’une Académie d’Improvisation. Là,
    après chaque module, un spectacle était mis en scène pour montrer au public les
    compétences acquises. Je me souviens que ces cours avaient été créés en 2014 et
    ils m’ont été très utiles. L’Académie existe toujours, mais depuis d’autres
    écoles d’improvisation ont ouvert et le phénomène a gagné en ampleur tant grâce
    au festival, qu’aux improvisateurs qui ont fait des efforts pour mettre en
    lumière l’importance de cet art. Donc c’est un phénomène qui ne cesse de
    croître, à mon avis. »









    Cette année, la 10e édition du Festival
    national d’improvisation accueille 6 formateurs et une quarantaine
    d’improvisateurs expérimentés et débutants qui ont mis sur pied 6 spectacles
    produits dans le cadre du festival, après une session d’auditions.








    Adina Maria Sandu, directrice exécutive de la
    manifestation nous en donne des détails : « Les 6 metteurs en scène
    qui participent à cette édition, ont été choisis en fonction des résultats
    obtenus ces dernières années par leurs spectacles mais aussi dans la formation
    des improvisateurs. Nous espérons avoir choisi les meilleurs et les mieux
    impliqués. Chacun a proposé un spectacle à mettre en scène durant le festival
    même et à jouer en première durant le festival. Nous les avons aidés à
    organiser le casting pour sélectionner les meilleurs acteurs pour chaque type
    de spectacle. C’était vraiment nécessaire puisque les spectacles sont très
    variés : comédie musicale, comédie romantique, spectacle de poésie, un
    autre de mouvement ou encore un spectacle dans le style de David Mamet. Du
    coup, chaque improvisateur a pu trouver sa place dans un type de spectacle et
    se retrouver là où il est le mieux placé ».







    Et puisque le public a un rôle important à jouer dans un
    spectacle d’improvisation, nous avons demandé à notre invitée à nous parler de
    la relation entre les spectateurs et les artistes : « Le public est
    un des principaux moteurs du festival. En général, dans tout spectacle
    d’improvisation, à part le fait de venir avec beaucoup d’énergie et
    d’ouverture, le public a la chance d’y contribuer, de faire des suggestions
    utiles pour les acteurs. Certaines idées, on peut les obtenir même avant de
    monter sur scène. C’est le cas du spectacle de Doina Antiohi «
    Tocănița de idei»
    (Ragout d’idées). Ici, les acteurs discutent d’abord avec le public et puis
    introduisent les idées dans leur spectacle. D’ailleurs, cela nous réjouit
    beaucoup de voir les spectateurs rejoindre la communauté d’improvisateurs. Et
    puis notre festival propose aussi des ateliers aux personnes qui ne connaissent
    rien à l’improvisation mais qui souhaitent y tenter leurs chances. Cette année,
    tous les ateliers annoncés seront animés par le formateur américain Joe Bill et
    ils s’adressent tant aux improvisateurs expérimentés qu’aux débutants. »








    Et voici un autre exemple avant de terminer : You’ve got Improv est le titre du spectacle mis
    en scène par Vlad Pasencu qui clôturera le Festival. C’est une comédie musicale
    romantique sur les premiers rendez-vous romantiques, histoire de montrer que
    l’amour est simple et que ce sont les gens qui sont compliqués le plus souvent.

  • Le projet « Art Machine »

    Le projet « Art Machine »

    À quoi un
    monde, où des distributeurs automatiques d’ouvrages d’art contemporain seraient
    accessibles dans les stations de métro, dans les galeries commerciales ou dans
    le hall d’entrée d’un bâtiment de bureaux, ressemblerait-il ? Le projet « Art
    Machine » du trio d’artistes contemporain « Pastila Roz » pourrait
    nous aider à imaginer une réponse à cette question.

    C’est un projet qui
    encourage une consommation d’art saine, grâce à une relation directe et sans
    intermédiaires entre les artistes et le grand public, à l’aide d’un
    distributeur automatique d’œuvres d’art, explique l’artiste visuel Alexandru
    Claudiu Maxim: « « Art Machine » est
    une vending machine (distributeur automatique) d’art, qui contient des petites
    séries de 100 créations originales, du vrai art. Elles ont les dimensions d’une
    carte de visite, coûtent 10 lei (soit 2 euros) et sont signées par un artiste
    déjà connu ou qui nous donne envie de le découvrir. C’est aussi un concept qui
    veut tisser un lien entre les artistes contemporains et le public, comme une
    sorte de catalogue subjectif à travers lequel nous disons: voilà, nous pensons
    que c’est ça ce qu’il vaut acheter en ce moment en matière d’art. Et puis,
    c’est aussi un jeu à la collection d’art miniature, un jeu nécessaire, selon
    nous, pour multiplier les façons de consommer de l’art. Le distributeur
    automatique est installé dans une librairie ouverte dans une galerie
    commerciale de Bucarest. »



    Quel est l’élément essentiel de la conception du projet ? Quelle
    est l’approche sur laquelle repose le choix des idées, des créations et des
    artistes, auxquels le distributeur automatique d’art contemporain donne accès? « La conception d’ensemble
    appartient à Marian Codrea, lui-même artiste visuel et sculpteur. Les deux
    autres membres de « Pastila Roz », c’est-à-dire Beaver et moi, y contribuent
    également avec des idées, mais, dans la plupart des cas, c’est lui qui prend
    contact et qui discute avec les artistes. Moi, je peux vous dire que nous
    sommes à la recherche d’artistes audacieux et originaux, qui aient un style
    particulier ou dont les propositions collent avec l’idée de distributeur automatique
    et d’art miniature. Il nous est arrivé d’être contactés sur Instagram par des
    gens qui, même aujourd’hui, ne se définissent pas comme artistes, mais qui ont
    eu de très bonnes idées, dont certaines se sont retrouvées dans la « vending
    machine ». Par exemple, pendant le confinement, Syd Buzoianu nous a
    proposé de réaliser une collection de billets d’avion vers des destinations
    surprenantes – des époques culturelles passées, d’autres planètes, des films,
    des sentiments de bonheur ou d’extase. Nous avons beaucoup aimé son idée tellement
    originale et nous l’avons tout de suite adoptée. »
    , répond-il.


    Le monde actuel est saturé par les médias sociaux et le
    consumérisme. Alors, est-il souhaitable de mettre ensemble le distributeur
    automatique comme élément représentatif du consumérisme et l’art en tant
    qu’expression de valeurs culturelles et morales? Alexandru Claudiu Maxim précise : « À propos du consumérisme
    actuel, moi, je dirais que ce projet est une alternative qui encourage une
    consommation saine d’art original au lieu des copies envahissantes. Certes, « Art
    Machine » se sert de cette façade de consommation, mais il met en avant,
    essentiellement, un matérialisme qui va dans le sens de l’amour et du respect
    pour un objet, dont on prend soin et que l’on protège parce qu’il est unique. En
    tant que citadins, il nous est impossible, je crois, d’échapper au consumérisme
    et la bataille pour s’attirer l’attention du public est rude. À notre avis, ce
    projet devrait créer des communautés d’artistes et d’amateurs d’art. Nous
    ciblons les gens curieux et ouverts d’esprit, qui s’intéressent à l’art
    contemporain, sans pour autant savoir comment s’en approcher, car c’est un
    milieu parfois obscur. « Art Machine » pourrait s’avérer un portail
    d’accès pour eux. Le premier prototype d’« Art Machine » a fait son
    apparition en mars 2019, lors de l’exposition « Pastila Roz – The Resolution Will Be Supervised », à
    la galerie « Atelier 030202 », un espace coordonné par Mihai
    Zgondoiu. Ce fut une des premières expositions bucarestoises du groupe « Pastila
    Roz ». Six mois plus tard, en septembre 2019, à « Art Safari », « Art
    Machine » trouvait une place à l’exposition d’art sur-contemporain « Young
    Blood, Art of Your Time », dont Mihai Zgondoiu a été le commissaire. Un
    objet d’art fonctionnel dans un appareil professionnel, qui distribuait des
    créations artistiques contre 1 leu, 5, 10 ou 50 lei (soit entre 20 centimes
    d’euro et 10 euros). Les visiteurs choisissaient eux-mêmes le montant en
    fonction de ce qu’ils pensaient de l’art contemporain. Il n’y avait aucune
    différence entre les ouvrages, tout était une question de perception. Tous les 700
    ouvrages que nous, le trio « Pastila Roz », avions préparés s’étaient
    vendus dès le premier jour. Donc, nous trois, on s’était transformé en une
    machine d’art, qui fonctionnait à longueur de journée. Une idée tellement bonne,
    que d’autres artistes et même des visiteurs d’« Art Safari » nous ont
    rejoints; les gens s’arrêtaient, un crayon à la main, au bar ouvert à
    l’extérieur. Sur les dix jours d’exposition, nous avons réussi à vendre trois
    mille ouvrages et à épuiser nos idées. En août 2020, « Art Machine » a
    changé de trajectoire et veut développer une communauté qui propose une
    nouvelle façon de consommer l’art contemporain. Le nombre d’artistes qui
    s’impliquent dans notre projet s’accroît constamment. Dans un premier temps,
    nous avons travaillé avec des artistes plasticiens et des graphistes, afin de
    promouvoir l’idée d’art original. Je mentionnerais Pisica Pătrată, Obert,
    Teodora Gavrilă ou bien Irina Iliescu, mais nous avons aussi collaboré avec des
    photographes et des metteurs en scène. »


    À la fin de l’interview, l’artiste visuel Alexandru Claudiu
    Maxim a parlé de l’avenir de ce projet, tel que ses auteurs l’imagine: « Nous envisageons
    de développer le projet dans d’autres villes aussi, notamment là où il existe
    des institutions d’enseignement artistique supérieur, à Cluj, Timișoara ou
    Iași. À propos de la mise en place d’autres communautés, d’autres « Art
    Machine », c’est une entreprise que les artistes locaux devraient assumer.
    Nous cherchons aussi à fabriquer un nouveau distributeur automatique, pour des
    ouvrages plus grands, de type carte postale. »
    , a conclu l’artiste visuel Alexandru Claudiu Maxim. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Tradition circulaire au Musée du Paysan roumain

    Tradition circulaire au Musée du Paysan roumain

    En mai et
    juin 2022, le Musée national du Paysan roumain de Bucarest offre au public
    l’exposition d’art contemporain collaboratif « Tradiție circulară/Tradition
    circulaire (Conectat la natură/Connexion avec la nature) », qui rassemble
    des artistes contemporains et des maîtres artisans, gardiens de métiers et de savoir-faire archaïques, dans une imbrication de technologies, d’innovation, acte
    artistique et artisanat.

    Virgil
    Nițulescu, le directeur du musée, a présenté ce projet. « C’est un concept relativement différent des autres
    accueillis par notre musée. Le point de départ est une initiative de 2017, qui
    s’appelait « România Tradițiilor
    Creative/La Roumanie des traditions créatives », lancée par l’ancien
    directeur, Vintilă Mihăilescu, et par Teodor Frolu. Ils essayaient de mettre
    ensemble des artistes contemporains particulièrement intéressés par la culture
    traditionnelle de Roumanie. L’exposition actuelle, « Tradition circulaire »,
    s’appuie, en fait, sur un atelier ouvert à l’intérieur du musée, où travaillent
    ensemble six artistes contemporains (Teodor Graur, Mircea Cantor, Marius Alexe
    – Bean, Oláh Gyárfás, Virgil Scripcariu et Dan Vezentan) et six maîtres
    artisans (Viorel Gheorghe, Tănase Burnar, Adrian Mihaiu, Melinda-Maria Andras,
    Csaba Balint et Csaba Racz). Chaque artiste travaille avec un artisan
    spécialisé dans un certain métier traditionnel – la poterie, le textile, le cuir,
    le bois. Moi, je crois, qu’en fin de compte c’est un échange
    d’expérience ; les artistes montrent des techniques et des idées
    nouvelles, qui circulent dans l’art contemporain de Roumanie, tandis que les
    maîtres artisans mettent en lumière ce qui est essentiel dans l’art
    traditionnel. Les artistes savent pertinemment bien que, pour bénéficier d’une
    reconnaissance internationale, l’originalité et une identité bien définie
    doivent s’appuyer sur le spécifique de la communauté natale. »
    , a-t-il expliqué.


    Coorganisateur
    et coauteur du projet « La
    Roumanie des traditions créatives » de 2017, sur lequel repose
    l’actuelle exposition « Tradition circulaire », l’architecte et
    entrepreneur dans les industries créatives Teodor Frolu a parlé des
    ateliers-source de l’exposition, de l’implication des artisans et des artistes,
    ainsi que de la ligne de démarcation très fine qui sépare un artiste visuel
    d’un artisan traditionnel. « Certes, les ateliers pour
    les artisans et les artistes sont restés ouverts ici durant une semaine, mais
    il faut dire qu’ils sont nombreux à travailler ensemble depuis des années.
    Notre objectif est donc de montrer à quel point le métier traditionnel est
    contemporain et actuel, comment les artistes contemporains peuvent le
    transformer en œuvres d’art de haut niveau. Montrer aussi comment ces créations
    peuvent compléter des collections privées, et là je pense notamment à Mircea
    Cantor, Teodor Graur, Dan Vezentan, Oláh Gyárfás et Virgil Scripcariu, des
    artistes qui puisent déjà dans l’artisanat traditionnel. Et pas en dernier
    lieu, je pense aussi à Bean – Marius Alexe, membre du groupe musical « Subcarpați »,
    qui a ravivé l’intérêt des jeunes pour l’instrument musical appelé kaval. Ces
    artistes ont récemment fondé « Le Centre culturel Subcarpați » où ils
    essaient, chacun à sa façon, à travers les ouvrages d’art contemporain, de
    rendre plus visibles et de confirmer la valeur de ces créateurs. Car, en fait,
    ici c’est le point de rencontre entre un maître artisan, qui est aussi un
    artiste, et un artiste, qui est aussi un très bon maître artisan. Parce que les
    artistes, tout comme les artisans, travaillent directement avec le matériel,
    employant différentes techniques et utilisant leurs mains, leur esprit et leur
    imagination. »
    , a-t-il dit.


    Mircea
    Cantor, artiste visuel roumain établi à Paris et un des représentants les plus
    importants de l’art visuel roumain, lauréat du prix « Marcel Duchamp »
    à la FIAC en 2011, a parlé de ce que signifie l’art traditionnel pour lui. « Je trouve que c’est un moment
    de collaboration entre les artistes et les artisans unique dans l’histoire de
    ce musée. Mais, en ce qui me concerne, travailler avec les artisans et
    reconnaître leur contribution à mon art constituent une démarche naturelle. Il
    est important de reconnaître que l’on travaille avec un artisan du cuir, de la
    laine, il faudrait que ça soit quelque chose de naturel, car nous en aurions
    tous à gagner. Une sorte de reconnaissance, de compréhension et de soutien
    mutuels du point de vue professionnel et financier, toutes ces choses devraient
    exister naturellement, pour un enrichissement intérieur, y compris du public, pour
    encourager de tels gens qui souhaitent travailler et se rendent compte qu’ils
    sont capables de porter plus loin le savoir-faire des maîtres artisans encore
    en vie. Ensuite, il faudrait éduquer le public, les enfants à travers des
    programmes éducationnels très bien conçus et appliqués dans les écoles par le
    ministère de l’éducation, à travers des programmes financiers, qui montrent que
    l’on peux travailler ainsi pour son propre plaisir, mais aussi pour vivre. On
    peut gagner sa vie en pratiquant ces métiers que nous découvrons au Musée du
    Paysan roumain. Je crois que ça aurait un effet domino inscrit dans la durée et
    profitable pour tous- artistes, artisans, société civile, enseignement-, avec
    une évolution uniquement ascendante. »
    , a conclu Mircea Cantor.
    (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Atlas de la culture – établissements culturels du monde rural

    Atlas de la culture – établissements culturels du monde rural

    Un « Atlas de la culture », récemment
    publié, met en lumière un problème pressant : la remise en fonction des
    établissements culturels dans le monde rural roumain, éléments essentiels de l’infrastructure
    publique, de culture et d’éducation. Le volume en question procède à une
    évaluation de la vie culturelle dans cet espace particulier, en prenant en
    compte la distribution des éléments d’infrastructure, les évènements culturels
    et autres.








    L’Atlas a vu le jour grâce à l’Institut national de
    recherche et de formation culturelle (INCFC), du ministère de la culture, et il
    est réalisé avec la participation de l’Institut national de la statistique (INS),
    a expliqué la directrice de l’INCFC, Carmen Croitoru : « C’est une
    première démarche qui nous appartient, dans le cadre d’un programme lancé il y
    a plusieurs années déjà. En fait, nous nous sommes proposé d’inventorier les
    actions du secteur culturel et je dois dire que cette démarche n’aurait
    probablement pas vu le jour en l’absence de l’aide précieuse de l’INS. Nous
    avons donc commencé à faire des recherches et à cartographier ces
    infrastructures culturelles, qui sont aussi bien la première barrière de
    consommation que la première barrière d’accès à la culture en Roumanie. »






    Parlant de la réalisation de l’Atlas de la culture, Carmen
    Croitoru a aussi rappelé le nom de Dimitrie Gusti (1880-1955), fondateur de
    l’école roumaine de sociologie : « Permettez-moi de vous
    donner quelques informations techniques sur l’Atlas: il est le résultat d’une
    recherche étalée sur deux ans, durant lesquels nous avons collecté des données,
    des documents, des statistiques. Nous avons aussi fait un travail de terrain,
    comme à l’époque de Dimitrie Gusti, une pure joie qui nous a permis de voir comment
    l’on mène effectivement une recherche sociologique de ce genre. Le résultat
    lui-même n’est pas vraiment réjouissant, puisqu’il met en lumière un état des
    lieux plutôt inquiétant. Dans le milieu rural de Roumanie, nous avons des
    institutions qui devraient livrer de la culture. Or, vous verrez dans ce volume
    que ces institutions ne remplissent pas toujours leur tâche. Cet atlas est une
    des plus amples initiatives d’établir de telles cartes, que nous essayons
    d’appliquer à d’autres institutions aussi. Notre démarche a également voulu
    avancer une proposition de politique publique relative aux établissements
    culturels, car des solutions existent toujours. De très nombreuses ONG, qui ont
    déjà des initiatives d’intervention culturelle, ont besoin de très peu d’aide
    pour atteindre leurs objectifs. »






    Le président de l’Institut national de la statistique,
    Tudorel Andrei, s’est arrêté sur les avantages de cette recherche : « La
    première chose à faire pour arriver au résultat escompté c’est de réaliser une
    évaluation juste, d’avoir une image exacte de la réalité et une base de données
    que l’on puisse mettre à jour quotidiennement. Sinon, à chaque fois, l’on
    repartira à zéro, l’on construit sans savoir où nous en sommes et sans savoir
    où nous voulons aller. En tant que statisticien, je peux vous dire ce que nous
    constatons. Sur l’ensemble de la population de Roumanie, la population rurale a
    très peu baissé depuis les années 1970. Elle se maintient dans la même
    fourchette, entre 46% et 50%. Chez nos voisins, ce taux est de moins de 20%. Autre
    vérité exprimée par les statistiques est celle du vieillissement de la
    population rurale. Dans beaucoup de départements du pays, notamment autour des
    grandes villes, dont Bucarest, l’âge moyen dépasse les 48-50 ans. Vu cette
    réalité, quel service culturel la collectivité locale et l’État roumain
    devraient-ils offrir à cette population ? Or, ça c’est un problème
    difficile, car le service culturel doit prendre en compte l’âge des personnes
    de la zone cible. »






    Présent lui-aussi au lancement de l’Atlas de la
    culture, le directeur du Musée national du Paysan roumain, Virgil
    Nițulescu, a déclaré : « Il nous aurait fallu un tel ouvrage depuis plusieurs
    années. C’est dommage d’avoir à peine maintenant une telle base de données et
    une telle analyse, car ce que l’Institut national de recherche et de formation
    culturelle fait c’est justement ça: réaliser des analyse et préparer le terrain
    pour le lancement de politiques publiques. L’Institut a offert cet outil
    accompagné d’un rapport exhaustif, je dirais, ou en tout cas bien structuré,
    une analyse très appliquée de l’état des établissements culturels du milieu
    rural. C’est le point de départ de notre activité future. Seules quelques
    communautés rurales détiennent de tels établissements en bon état, avec une
    activité remarquable, florissants, je dirais. Une majorité écrasante de ces
    communautés n’a pas d’infrastructure culturelle fonctionnelle et il ne faut pas
    oublier que leurs habitants sont eux-aussi nos concitoyens. Donc l’État roumain
    et les pouvoirs locaux devraient offrir des conditions égales à tous les
    citoyens roumains, quel que soit l’endroit où ils vivent. »






    Le directeur de la Bibliothèque nationale de Roumanie,
    Adrian Cioroianu, a rappelé les deux grandes causes à l’origine de la situation
    actuelle, ainsi que l’activité du sociologue Dimitrie Gusti, qui devrait servir
    de leçon à nos contemporains : « Je voudrais vous rappeler deux choses:
    l’histoire nous montre qu’en règle générale, un effet peut avoir plusieurs
    causes. Ce qui se passe aujourd’hui, cette situation désastreuse, liée à
    l’involution de la culture dans le milieu rural, est le résultat de plusieurs
    causes. D’une part, il y a des causes politiques, ou plutôt une politisation
    excessive de certaines choses qui ne devraient pas être politisées, par exemple
    l’éducation, la culture, la santé, la sécurité. Une autre cause est le
    vieillissement de la population, dont les scientifiques et les statisticiens en
    parlent ; mais non seulement nous ne prenons pas de mesures, nous ne
    discutons même pas des éventuelles mesures à prendre. Nous parlons de Gusti et
    de l’année 1921, lorsque la Roumanie souffrait à cause de beaucoup de manques,
    mais elle avait une natalité florissante. Honnêtement, l’Europe entière
    vieillit, ce qui est probablement le principal problème du monde moderne. Mais
    le type-même de société dans laquelle nous vivons ne changera-t-il pas ? À mon
    avis, la solution n’est pas de revenir à Dimitrie Gusti, qui a été un
    visionnaire pour les années 1920. Nous, nous devons chercher les visionnaires
    d’aujourd’hui pour le monde de demain. »
    , a conclu le directeur de la Bibliothèque nationale de
    Roumanie, Adrian Cioroianu. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Le traducteur Sean Cotter

    Le traducteur Sean Cotter


    La traduction en anglais du roman « Craii de
    Curtea-Veche/Les Seigneurs du Vieux-Castel », de Mateiu Caragiale, sortait
    aux États-Unis l’année dernière. Le traducteur en est Sean Cotter, professeur
    de littérature comparée et de traductologie à l’Université du Texas à Dallas,
    spécialiste du modernisme, de la théorie et de l’histoire de la traduction et
    de la littérature est-européenne. « Craii de Curtea-Veche/Les Seigneurs du
    Vieux-Castel », paru en 1929, est considéré comme un des plus importants romans
    de la littérature roumaine. Selon un sondage réalisé par la revue Observator cultural au début des années
    2000, il serait même le meilleur roman jamais écrit en roumain.

    Dans une
    interview à RRI, Sean Cotter a parlé de son travail, étendu sur onze ans, sur
    le texte du roman, dont le titre devient en anglais « Rakes of the Old
    Court », et de son lien avec la littérature roumaine. « Aux
    États-Unis, la littérature roumaine est inconnue. Les éditions Northwestern
    University Press publient une collection d’œuvres de la littérature
    universelle, donc il y a eu un intérêt pour ce livre, d’une nouveauté absolue
    pour les lecteurs américains. Je leur avais dit que c’était un livre très
    important, d’une incroyable beauté, et qu’il serait dommage qu’il reste inconnu
    du public américain. En tant que professeur de littérature comparée, mon
    domaine de prédilection est le modernisme européen. Je me suis penché sur
    l’œuvre de Lucian Blaga, de T.S.Eliot et d’autres auteurs de la même période. Traduire
    le livre de Mateiu Caragiale fut donc une étape absolument logique de mon
    travail et j’avoue que la traduction de ce texte, réputé quasi intraduisible,
    fut un défi et une ambition pour moi. J’ai eu un lien très étroit avec le livre
    de Mateiu Caragiale, qui, lui, fut un être peu banal. Je m’en suis bien
    documenté, en lisant quasiment tout ce qu’avaient écrit sur lui G. Călinescu,
    Șerban Cioculescu jusqu’à Nicolae Manolescu et Cosmin Ciotloș. Șerban
    Cioculescu avait même dressé un dictionnaire des mots employés par Mateiu
    Caragiale, qui m’a beaucoup aidé. Mais ce qui a été essentiel pour accéder à
    l’univers de cet écrivain c’était de l’imaginer en tant que personnage littéraire,
    de comprendre sa façon de penser et d’écrire. J’ai eu besoin de cette image pour
    créer un pont avec le texte de départ. C’est pourquoi je dis que la
    documentation a été un élément essentiel pour traduire « Les Seigneurs du
    Vieux-Castel ». Je dirais que Mateiu Caragiale est, avant tout, un dandy.
    La littérature anglophone connait ce type de personnage/auteur, Oscar Wilde et
    Edgar Allan Poe en étant deux exemples. Ce type de littérature, la littérature
    décadente anglophone, m’a beaucoup aidé à comprendre et à traduire Mateiu
    Caragiale. »


    Sean Cotter est venu à Bucarest pour la première fois en
    1994, à cause d’un tampon erroné apposé sur un document. Il avait 23 ans et il
    était volontaire dans une organisation gouvernementale. « Ça c’est
    passé comme ça, je devais me rendre au Kazakhstan, j’étais volontaire dans une
    organisation gouvernementale, le Peace Corps/le Corps de la Paix. Et j’ai été
    très heureux d’arriver en Roumanie, même si j’ignorais presque tout de ce pays,
    je l’avoue très franchement. Je savais tout simplement que « da » était
    « oui » et que « nu » était « non », mais je me
    trompais des fois. J’ai suivi un cours de roumain, dans une école du côté de
    Piața Amzei, à Bucarest, un cours intensif avec quatre heures d’étude par jour. Je me
    souviens que la dame qui nous enseignait la langue nous avait lancé le défi de
    traduire le très bref Poème de Nichita Stănescu: Spune-mi, dacă te-aș prinde într-o
    zi şi ţi-aş săruta talpa piciorului, nu-i aşa că ai şchiopăta puţin, după
    aceea, de teamă să nu-mi striveşti sărutul? / Dis-moi, si un jour je
    t’attrapais et t’embrassais la plante du pied, n’est-ce pas que tu te mettrais
    à boiter un peu, par peur d’écraser mon baiser ? Puisque j’enseigne la
    traductologie à l’université, moi aussi je propose de temps en temps à mes
    étudiants de traduire ce poème, qui a donc été traduit par plus de 400
    étudiants en une seule année, étant donc le poème roumain le plus traduit en
    anglais. La littérature roumaine m’est très proche. En fait, ma passion pour la
    littérature roumaine fait partie de ma vie. »



    Sean Cotter a traduit en anglais des œuvres de nombreux
    écrivains roumains: Mircea Cărtărescu, Nichita Stănescu, T.O.Bobe, Nichita
    Danilov, Liliana Ursu, Magda Cârneci. Cette année, il publiera aux États-Unis
    la traduction du roman « Solénoïde », de Mircea Cărtărescu,
    récompensé de nombreux prix internationaux. Sean Cotter est également l’auteur
    de l’ouvrage « Literary Translation and the Idea of a Minor Romania »
    (paru aux éditions Rochester University Press, en 2014), qui a reçu le Prix
    biannuel du livre accordé par la Society for Romanian Studies. (Trad. Ileana
    Ţăroi)



  • Un nouveau film documentaire d’Oana Bujgoi Giurgiu

    Un nouveau film documentaire d’Oana Bujgoi Giurgiu


    Oana Bujgoi Giurgiu, réalisatrice, productrice et directrice exécutive du Festival international du film Transilvania (TIFF), est de retour avec un nouveau documentaire (après « Aliyah DaDa », sorti en 2015). Le film « Spioni de ocazie/Espions par hasard » repose sur des faits et des témoignages réels et recrée l’histoire d’une série d’actions d’espionnage hors du commun, qui ont marqué de leur empreinte le déroulement de la deuxième guerre mondiale. C’est l’histoire du recrutement de jeunes sionistes en Palestine, pour être envoyés dans leurs pays d’origine dont la Roumanie, en Europe de l’Est, afin d’obtenir des informations sur les Allemands.



    Le documentaire a eu sa première projection au TIFF 2021 et il a reçu la Mention spéciale du jury de la compétition roumaine à l’Astra Film Festival Sibiu 2021. Invitée dans le studio de Radio Roumanie Internationale, Oana Bujgoi Giurgiu a précisé qu’elle s’était longuement documentée pour ce film, qui avait comme point de départ une séquence de son premier documentaire, « Aliyah DaDa ». « C’est une histoire de la deuxième guerre mondiale, de l’année 1944 plus précisément, une année secouée par de nombreux bouleversements et changements de situation, une année qui présageait la fin du conflit, mobilisant les chaînes de commande à trouver des solutions pour récupérer les prisonniers de guerre alliés en Europe de l’Est. C’est alors qu’un service secret a eu cette idée, hors du commun et fort audacieuse, de recruter des gens quelconque et de les envoyer là-bas, dans une mission impossible à assumer par des espions britanniques ou américains, qui se seraient fait attraper rapidement. L’idée a donc été de recruter pour ce travail des immigrants d’avant la guerre en Palestine. Pour résumer l’histoire d’ « Espions par hasard », je dirais que c’est une version vraie de « Inglourious Basterds », puisqu’il s’agit de faits réels et que j’avoue m’être inspirée de la bande-annonce du film de Quentin Tarantino. L’histoire de « Spioni de Ocazie » est assez peu connue en Roumanie, mais aussi dans les autres pays où se passe l’action. Malheureusement, nous avons l’habitude de placer notre histoire locale ou nationale dans un contexte international plus large, mais sans jamais savoir les effets de certaines décisions politiques ou militaires sur les pays voisins. », a-t-elle dit.



    Pour reconstituer les histoires des espions d’occasion, Oana Bujgoi Giurgiu recourt à des séries de photos réalisées par Alex Gâlmeanu. Letiția Ștefănescu assure le montage, Sebastian Zsemlye est en charge du sound design, tandis que Matei Stratan a écrit la musique de ce film tourné en Roumanie, Israël et Slovaquie. Oana Bujgoi Giurgiu raconte: « Moi, je suis une réalisatrice d’occasion. Avec mon premier film, c’était pareil, parce que je voulais raconter des histoires substantielles et savoureuses, qu’il serait dommage de ne pas connaître. Dans le cas des documentaires qui racontent des choses du passé, il y a le problème de la pauvreté des archives de film. Et puis, comme il s’agit d’une guerre, les images à utiliser, en plus de celles prises sur le front, proviennent des journaux de guerre ayant appartenu aux personnes impliquées. Pour illustrer les histoires personnelles de mes protagonistes, j’ai dû trouver une solution, les ramener à la vie à l’aide d’acteurs, et j’ai donc choisi de présenter ces séries de photos. Ce fut un travail énorme, que je ne referais plus jamais. Ma collaboration avec la monteuse Letiția Ștefănescu est de longue date et je partage avec elle beaucoup de la réalisation, donc je ne peux me présenter comme l’unique auteur du film. Dans ce cas précis, je dois mentionner tous ceux qui ont contribué au produit final : Alex Gâlmeanu, l’auteur des photos, est un artiste exceptionnel ; Matei Stratan, le compositeur de la musique originale du film ; Sebastian Zsemlye, responsable du sound-design, qui a reconstruit toute l’ambiance sonore. Je crois que « Spioni de Ocazie » est film qui montre ce qu’est un travail d’équipe. »



    À l’affiche du film « Spioni de Ocazie », l’on retrouve les acteurs Paul Ipate, Daniel Achim, Ioan Paraschiv, Mihai Niță, George Bîrsan, Istvan Teglas, Ionuț Grama, Radu Bânzaru. (Trad. Ileana Ţăroi)




  • #newTogether-un projet du Forum culturel autrichien de Bucarest

    #newTogether-un projet du Forum culturel autrichien de Bucarest

    Durant le confinement
    institué après le début de la pandémie de Covid-19 en Europe, en 2020, le Forum
    culturel autrichien de Bucarest a invité des artistes d’Autriche et de Roumanie
    à réfléchir à leur avenir artistique. Andrei Popov, directeur adjoint du FCA de
    la capitale roumaine, détaille ce projet unique en son genre.

  • L’anniversaire de l’écrivaine Gabriela Adameșteanu

    L’anniversaire de l’écrivaine Gabriela Adameșteanu

    Gabriela Adameşteanu, écrivaine
    exceptionnelle devenue, dès son premier livre, une référence de la littérature
    roumaine, a eu 80 ans le 2 avril dernier. Sa consécration est venue avec le
    roman « Dimineață pierdută/Une matinée perdue » (1984), récompensé du
    prix de l’Union des écrivains de Romanie, traduit dans de nombreuses langues et
    transformé en un mémorable spectacle théâtral par la metteur en scène Cătălina
    Buzoianu, au Théâtre Bulandra de Bucarest (1986). Le roman le plus récent de Gabriela
    Adameșteanu, « Fontana di Trevi » (publié en 2018 aux éditions
    Polirom) conclut une trilogie débutée en 1975 avec le roman « Drumul egal
    al fiecărei zile/Vienne le jour » et continuée avec « Provizorat/Situation
    provisoire » (2010). Elle est également l’auteure des volumes de nouvelles
    « Dăruiește-ți o zi de vacanță/Accorde-toi un jour de vacances »
    (1979) et « Vară-primăvară/Été-printemps » (1989), du roman « Întâlnirea/La
    Rencontre » (2003), de recueils d’articles de presse et du livre de
    mémoires « Anii romantici/Les années romantiques » (2014). La maison
    d’édition Polirom lui a dédié une série d’auteur. Entre 1991 et 2005, Gabriela
    Adameșteanu a été la rédactrice en chef de l’hebdomadaire politique et social
    « 22 », du Groupe de Dialogue Social, et du supplément « Bucureștiul
    Cultural », qu’elle a conçu et coordonné jusqu’en 2013.

    Lors de l’événement
    organisé par le Musée national de la littérature roumaine pour marquer son 80e
    anniversaire, la critique littéraire et professeure des universités Carmen
    Mușat, actuelle rédactrice en chef de la revue Observator cultural, a parlé de l’activité
    journalistique de Gabriela Adameșteanu : Gabriela Adameșteanu est une de ces personnalités qui ont donné le ton pour
    la presse indépendante d’après 1989. Par son activité de rédaction à la revue « 22 »
    et au Groupe de Dialogue Social, Gabriela Adameșteanu a montré que l’on pouvait
    faire du vrai journalisme, qui ne dissimule pas les problèmes graves de la
    société, mais qui les met sur la table et demande qu’on en débatte. Moi, je
    trouve que la profession de journaliste a une contribution essentielle à la
    prose de Gabriela Adameșteanu, car je ne vois pas de rupture entre la
    journaliste et l’écrivaine. Bien au contraire, j’y vois une continuité et je
    suis sûre que la prose de Gabriela Adameșteanu a eu beaucoup à gagner de son
    activité journalistique et vice-versa. Cette extraordinaire curiosité pour la
    dimension sociale, le quotidien, la destinée de l’être humain confronté à
    l’histoire, au temps, à la politique et à la société – autant de thèmes de la
    prose écrite par Gabriela Adameșteanu, sont également des thèmes abordés par la
    journaliste. Cette rencontre du journalisme et de la prose est, à mon avis,
    particulièrement visible dans le volume Anii Romantici/Les années romantiques. C’est
    un volume qui, en plus de la dimension autobiographique, extrait sa substance
    de son activité de rédac en chef de revue, de leader d’opinion et de personne
    qui s’intéresse aux problèmes sociétaux. C’est aussi un livre où nous
    retrouvons la structure narrative, les procédés d’écriture et les techniques
    narratives de la prose de Gabriela Adameșteanu.


    Lors du même événement, Gabriela Adameșteanu a rappelé le
    contexte dans lequel elle avait assumé la direction de la revue « 22 » :
    Le format de la revue était essentiellement
    dû à Stelian Tănase (historien, écrivain, premier président du Groupe de
    Dialogue Social (GDS), fondateur et rédacteur en chef de la revue « 22 »).
    Moi, j’ai été pour la continuité, mais j’y ai aussi ajouté pas mal de choses.
    En fait, la politique rédactionnelle indépendante, le programme d’intégration
    européenne et l’orientation pro-atlantique de la revue « 22 » ont
    existé dès le début, à l’époque où le ministère des affaires étrangères et la
    direction du pays ignoraient tout ça. À l’été 1991, la revue allait mal, elle
    avait un gros tirage, mais elle se vendait peu, et donc le GDS a décidé de lancer
    un concours de projets. Parmi les candidats, il y avait Alina Mungiu-Pippidi (journaliste
    et activiste de la société civile), qui voulait une transformation radicale de
    la revue, qui soit différente de celle héritée de Stelian Tănase. Alors, j’ai
    eu l’idée de déposer moi-aussi un projet et après, on m’a annoncée que j’allais
    être la rédac en chef. J’ai pris la direction de la revue en septembre 1991
    .


    Lors du même événement anniversaire au Musée national de
    la littérature roumaine, Carmen Mușat a raconté sa découverte de la littérature
    de Gabriela Adameșteanu, dans les années 1980 : J’ai découvert l’écrivaine Gabriela Adameșteanu dans les terribles
    années 1980, quand j’étais étudiante et quand tout le monde parlait à mi-voix
    et avec admiration de deux livres: Cel mai iubit dintre pământeni/Le Plus Aimé
    des Terriens de Marin Preda et Dimineață pierdută/Une matinée perdue de
    Gabriela Adameșteanu. C’étaient les années des livres-marchandise de
    contrebande, quand il fallait avoir une connaissance libraire pour arriver à se
    les acheter, quand il y avait d’immenses files d’attente devant les librairies
    et quand les libraires en profiter pour vendre ces livres dans un paquet avec
    des volumes de propagande. « Une matinée perdue » était un sujet de
    discussions dans les milieux universitaires, dans les cercles de professionnels
    de la littérature… même chez le coiffeur on en parlait. On remarquait combien
    ce livre était authentique, combien il épinglait les aléas de l’histoire et
    leurs effets sur la vie des gens. Pour l’écrivaine Gabriela Adameșteanu, il est
    essentiel de comprendre la manière dont la grande histoire influe sur les
    petites histoires, sur la vie des gens ordinaires, mais aussi des
    personnalités, qui deviennent des victimes de l’histoire en égale mesure, quel
    que soit leur rang dans la société.


    Gabriela Adameșteanu a été vice-présidente (2000-2004) et
    présidente du Centre roumain PEN (2004-2006), membre du jury du Prix de l’Union
    latine (2007-2010) et présidente d’honneur du premier jury du Choix Goncourt de
    la Roumanie (2012). Elle est chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres de
    France (2013). Ses livres font l’objet de nombreux tirages et sont traduits en
    seize langues, avec de très bonnes chroniques, nationales et internationales. (Trad.
    Ileana Ţăroi)



  • La réalisatrice roumaine Alina Grigore – récompensée au Festival du film de Saint-Sébastien

    La réalisatrice roumaine Alina Grigore – récompensée au Festival du film de Saint-Sébastien


    Alina Grigore a non seulement réalisé le film « Blue Moon », elle a aussi écrit le scénario, s’inspirant de son expérience personnelle, car, enfant, elle avait passé plusieurs années dans un village du département de Neamț. « Les filles, notamment, n’avaient aucune chance d’évoluer, les abus physiques et psychiques qu’elles subissaient étant quelque chose de banal en milieu rural », affirme Alina Grigore, lorsqu’elle se souvient de cette période de sa vie.



    « Crai Nou/ Blue Moon » raconte l’histoire d’Irina, une jeune femme qui veut échapper à une famille toxique et qui rêve de continuer ses études dans la capitale, une tentative vouée à l’échec sous le poids de la violence environnante. Le trophée du Festival de cinéma de Saint-Sébastien a récompensé le travail d’une équipe très impliquée, qui n’a pas bénéficié du soutien financier du Centre national de la cinématographie.



    Alina Grigore a parlé du prix remporté par son film, de la manière de transformer une expérience de vie en histoire cinématographique et de sa méthode de travail atypique : « Moi, j’ai habité à la campagne, j’avais sept ans quand j’ai quitté Bucarest pour aller vivre dans un village du département de Neamț, où j’ai vécu un choc culturel assez fort. Ce fut d’autant plus choquant pour moi que j’étais bien jeune et habituée à un autre type de communauté. Alors, j’ai commencé à écrire dans un journal ce qui se passait autour de moi. Premièrement, les parents ne s’intéressaient pas à l’éducation de leurs enfants, car la survie était leur principal intérêt, ce qui n’est pas du tout blâmable. Mais, de ce fait, les enfants étaient encouragés à travailler, là-bas ou à l’étranger. Je me souviens d’un moment, dans les années 1990, quand moi, je rentrais faire mes devoirs d’école, tandis que ma meilleure amie rentrait chez elle pour bêcher la terre ; on était au CP ou en CE1. Malheureusement, la situation n’a pas beaucoup changé, aujourd’hui non plus – les enfants du milieu rural ne sont pas encouragés à continuer leurs études. Des années plus tard, j’ai commencé à écrire un livre inspiré de ce que j’avais vu à cette époque-là, un livre que j’aimerais publier un jour. Concernant le film, j’ai employé la méthode de travail de l’école d’acteurs InLight, en proposant aux acteurs une idée que nous développons ensemble. Après avoir écrit le scénario, nous avons travaillé d’arrache-pied, nous avons analysé en profondeur les situations et les personnages avec les comédiens, avec le directeur de la photographie, avec l’éditeur. Et c’est ainsi que nous avons commencé à découvrir les motivations des personnages. »



    Alina Grigore explique la méthode InLight, qui donne son nom à une école fondée par la réalisatrice du film « Blue Moon » et une équipe d’artistes : « Ce que nous proposons à travers InLight c’est de se concentrer sur la collaboration avec les acteurs et avec les autres membres de l’équipe. Ce qui veut dire que nous les encourageons à exprimer leur vision, nous discutons avec le directeur de la photographie, avec l’éditeur, nous décortiquons le scénario et nous analysons les personnages et les situations. C’est un travail que je trouve captivant. Nous écrivons des fiches sur chaque personnage, nous proposons des choses, nous improvisons ; pour l’histoire du film, nous avons cherché et trouvé des souvenirs qui se ressemblent ; le sujet étant lié à la famille, il est impossible de ne pas en trouver. Toute cette recherche, tout ce background, aide beaucoup l’acteur. Quand on est sur le plateau de tournage, ça aide beaucoup de découvrir des choses que l’on puisse partager avec les autres, de connaître les motivations du partenaire avec lequel on joue. Et puis, moi, j’ai été intéressée par ce que les acteurs pensent, par leur exploration du scénario. Ce type de travail collaboratif est très important pour moi. Quand il s’agit d’un texte traduit, l’opinion du traducteur m’intéresse, donc il est évident que les propositions des acteurs et des membres de l’équipe sont très précieuses pour moi. La collaboration est ainsi plus efficace ; quand ils sont libres d’explorer, les autres atteignent un niveau de créativité très élevé, qui est très utile au réalisateur. La communication est plutôt faible si le réalisateur se contente de coordonner les autres. InLight, c’est justement ça, la collaboration avec les autres. Je crois que si on fait confiance à ce genre d’approche, on apporte plus d’émotion, notamment dans la construction des personnages. En plus, l’équipe est plus heureuse, car elle sait qu’elle peut s’exprimer librement, dans certaines limites, bien sûr. Il y a des scènes dans lesquelles la liberté des acteurs a été totale, je pense surtout à une scène jouée par Mircea Postelnicu et Ioana Chițu. Tout le monde a été d’accord qu’elle avait ressemblé à un tango dansé par le directeur de l’image, le réalisateur et les acteurs. C’est d’ailleurs ce que je souhaite, que la réalisation d’un film soit une danse ensemble. »



    Avant de réaliser « Crai Nou/ Blue Moon », Alina Grigore s’était fait connaître en tant qu’actrice. Elle a joué dans plusieurs séries télévisées ainsi que dans le long-métrage « Ilegitim/Illégitime », d’Adrian Sitaru, dont elle a écrit le scénario. (Trad. Ileana Ţăroi)