Category: La Roumanie chez elle

  • Fashion Revolution

    Fashion Revolution

    Cela fait quelques années déjà que les artistes visuels Roxana Ené et son fils, Alexander Ené, aux côtés de Roxana Elena Petrescu, ont jeté les bases de l’Association Roxy and Kids Arts activant dans le domaine des arts collaboratifs. Malgré le contexte pandémique, l’association a enregistré dernièrement un nouveau succès dont nous parle Roxana Elena Petrescu, co-fondatrice et vice-présidente de Roxy and Kids Arts :« Il s’agit de la campagne Fashion Revolution Week. Avec Alexander Ené, artiste visuel et membre fondateur de l’équipe Roxy and Kids Arts, nous avons été invités à participer aux côtés d’autres créateurs roumains à la Fashion Revolution Week. Déroulée en avril dans une soixantaine de pays, la semaine Fashion Revolution fut lancée pour la première fois il y a 24 ans, suite à l’effondrement, au Bangladesh, du bâtiment d’une usine de textiles où des milliers de personnes travaillaient pour de grandes compagnies de l’industrie de la mode. Plus d’un millier de femmes ont perdu la vie dans cette tragédie qui a engendré une mobilisation internationale du type « enough is enough » (« Ça suffit ! »). Ce n’est plus possible de continuer à vivre dans un monde où il est plus important d’avoir que d’être. Ce serait bien de nous poser la question qui fabrique nos vêtements, si ces vêtements sont produits d’une manière responsable, si les tissus utilisés risquent de polluer l’environnement. On nous a déjà posé la question de savoir ce que cette campagne représente pour nous et ce que nous faisons pour adopter un style de vie durable. Sauf que voilà, cela fait un moment que notre association Roxy and the Kids Arts a mis en place un tel style de vie. En dehors de nos ateliers, une partie de nos activités impliquent justement la transformation des vêtements usagés ou tachés en œuvres d’art. Car les taches, on les réinterprète comme des taches de couleur. »

    Alexander Ené, artiste visuel, a ajouté : « Pourtant, il ne suffit pas de transposer tous ces messages en art et de les faire passer à travers nos créations. Il est tout aussi important d’éduquer les jeunes en ce sens. Par exemple, avec notre association, on a organisé des ateliers d’art créatif à l’intention des enfants aussi bien en Roumanie qu’en Allemagne. A cette occasion, on a utilisé des restes de fruits et de légumes pour en faire de véritables outils de travail au lieu de les laisser finir à la poubelle. La durabilité, c’est aussi recycler et réutiliser le plus possible, en appuyant de cette manière la production de biens durables et en réduisant le gaspillage. Réduisez, réutilisez, réparez et recyclez ! Voilà les 4 R à la base du concept de vie durable !

    Depuis l’Allemagne, l’artiste Roxana Ené s’est réjouie de l’invitation que l’Association Roxy and Kids Arts s’est vu lancer de la part de Fashion Revolution : « J’ai été particulièrement impressionnée par cette campagne ! Tout s’est merveilleusement bien passé sans que cela nécessite mon déplacement sur place. J’ai donc reçu cette nouvelle extraordinaire que Fashion Revolution s’intéressait à notre manière de nous impliquer dans le domaine de la mode, dans le sens où nous, on prend différents vêtements dont on se sert comme d’une toile. C’est aussi simple que ça. Il s’agit en fait de peindre des accessoires vestimentaires – des blousons en cuir, des sacs, des souliers ou des bottes dont on se sert comme de canevas. C’est ce que nous avons fait en 2021, une année quand j’ai cru que tout ce qu’on allait faire serait d’attendre qu’elle prenne fin… Et voilà que Fashion Revolution Roumanie m’a contactée et je me suis dit : quel dommage de ne pas être en Roumanie ! Sauf que voilà, finalement, grâce à mon équipe, je suis aussi bien ici que là-bas ! »

    Roxana Ené se dit enthousiasmée par le travail de son équipe :« Les choses se sont passées merveilleusement bien. Alexander, mon fils, et Roxana Elena ont été présents à l’appel de Fashion Revolution et ils ont fait très bonne figure avec leurs créations : une toile magnifique, un sac et des chaussures peints par nous-mêmes. Ce fut très beau ! J’ai vu les photos et franchement, j’en fus impressionnée ! »

    Dans cette période pandémique, l’équipe Roxy and Kids Arts a imaginé aussi un accessoire très chic dont on peut se coiffer et qui est fabriqué à partir de masques en coton réutilisables. L’année dernière, en collaboration avec une autre association de Roumanie qui a une entreprise sociale qui embauche des personnes en situation de handicap, Roxy and the Kids Arts a eu l’idée de faire imprimer ses différentes créations d’art collaboratif sur des sacs en coton non traité qui ont cartonné aussi bien en Roumanie qu’en Allemagne et en Israël. Depuis l’Allemagne où elle se trouve en ce moment, Roxana Ené raconte :« Ici, en Allemagne, les choses ont avancé clopin-clopant l’année dernière. On aurait dû faire un projet intitulé Le Masque, une réalité en 2020. Les enfants ont peint des masques lors d’un atelier en plein air. On a eu dix participants et dans un premier temps, on était censé collaborer avec une école. Seulement, le projet est tombé à l’eau, mais l’école a décidé de trouver un autre moyen de travailler ensemble. Du coup, on a donné aux professeurs et aux instituteurs le manuel que nous employons lors de nos ateliers pour qu’ils travaillent avec les enfants selon notre méthode. Ils ont peint des masques surdimensionnés et le résultat a été spectaculaire. Même le journal Frankfurter Neue Presse a parlé de notre projet d’exception ! » Les produits Roxy and Kids Arts seront bientôt disponibles sur le site de l’association, dans la section art-shop de l’association. (trad. Ioana Stancescu)

  • La correspondance comme art et liant entre les générations

    La correspondance comme art et liant entre les générations

    Le Musée national d’art contemporain de
    Bucarest (MNAC) continue d’être près des gens. Cette fois-ci, un nouveau projet
    a attiré notre attention. Baptisé « L’art par correspondance », il vise à
    tisser des liens authentiques entre les seniors, les enfants et l’art contemporain,
    d’abord à travers une série d’activités pilotes. Démarrées en janvier 2021,
    elles font partie d’une démarche de longue haleine. En clair, il s’agit de
    faciliter les échanges entre enfants et seniors par le biais de la
    correspondance, de créer des liens émotionnels entre eux, mais aussi avec l’art
    contemporain, à une époque où la solitude pèse lourd, surtout sur les
    communautés isolées.




    Mălina Ionescu, responsable du volet
    éducation au sein du Musée national d’art contemporain de Bucarest, explique : « Ce
    modèle de collaboration est largement utilisé à l’étranger, depuis un certain
    temps. Notre programme « Community Art » s’adresse aux milieux scolaires en
    général, mais nous essayons également d’atteindre les communautés scolaires qui
    n’ont pas la possibilité de venir ici, à savoir les communautés défavorisées ou
    celles qui n’habitent pas Bucarest. Comme nous connaissons les enfants de
    Teach for Romania et les seniors de Seneca Anticafe,
    nous avons pensé que le musée pourrait très bien jouer le rôle de liant entre
    eux. Ce liant est donc la correspondance, car, malheureusement, pour le moment,
    la visite du musée et le contact direct entre les deux groupes de bénéficiaires
    sont impossibles dans le contexte de la crise sanitaire actuelle. »


    Notons que Seneca Anticafe est une
    librairie en ligne dont une partie des recettes sert à envoyer des colis
    alimentaires aux personnes âgées ; Teach for Romania,c’est le
    nom du programme qui aide les jeunes dont le talent et les aptitudes leur
    permettront de devenir des enseignants inspirants, promoteurs d’une pédagogie
    innovante.






    Le projet se propose de créer des équipes
    formées de seniors et de juniors qui, six mois durant, échangent leurs
    réflexions par le biais des lettres. Les enfants ont appris des notions d’art
    contemporain à partir desquelles ils ont écrit des lettres à thème, lors d’un
    atelier virtuel, organisé sur Zoom.






    Mălina Ionescu, notre interlocutrice, détaille
    : « Jusqu’à présent, nous n’avons eu qu’un seul atelier, pendant lequel
    les enfants ont présenté aux seniors l’ensemble du projet. Nous leur avons
    proposé la correspondance comme moyen de créer des liens entre des personnes
    appartenant à des tranches d’âge qui pourraient leur être très familières :
    petits-enfants, pour les seniors et grands-parents, pour les enfants. Ils ont
    donc endossé ces rôles et ont, bien sûr, interagi en tant qu’amis éloignés. Le
    projet a commencé avec les enfants. Lors du premier atelier, nous leur avons
    expliqué ce que signifie une correspondance, en général. N’oublions pas que la
    notion de courrier n’est plus si familière de nos jours, vu que la
    communication est presque entièrement numérique. Nous avons également parlé de
    la façon dont une lettre peut devenir une forme d’art. Et là, on se réfère tant
    à la lettre en soi qu’à l’expédition de la missive. Le projet n’en est qu’à ses
    débuts. »






    La phase pilote du projet rassemble 30 seniors
    seuls de Giurgiu, inscrits dans le programme « Nos grands-parents »,
    et 30 enfants de 12 à 13 ans, de deux écoles des villages de Herăști et
    Izvoarele, du département de Giurgiu, incluses dans le programme « Teach
    for Romania ».






    L’enthousiasme initial mis à part, on
    ignore comment cette correspondance va se dérouler, avoue Mălina Ionescu, qui ajoute
    : « La première proposition était de considérer que la lettre est en
    elle-même une forme d’art, au-delà, bien sûr, de son tout premier rôle, à
    savoir celui de vecteur de communication. Communiquer par des lettres, c’est
    quelque chose de nouveau pour les enfants. Notre approche légèrement différente
    de ce qu’est la correspondance postale, à savoir la lettre, l’enveloppe et
    l’envoi postal a représenté le premier pas vers la notion de mail-art. La
    lettre peut devenir une forme d’expression artistique, lorsqu’on se rapporte au
    signe graphique comme à une image, autrement dit si l’on s’intéresse non
    seulement au contenu, mais aussi à la forme qui l’accompagne. Pour les enfants,
    le papier à lettre et l’enveloppe sont devenus des feuilles à couvrir de
    dessins, de peintures. Nous leur avons présenté plusieurs exemples de jeu avec
    l’enveloppe et l’écriture. On leur a également fourni des crayons de couleur et
    de l’encre de différents types pour qu’ils puissent aller au-delà d’une simple
    lettre où tout ce qui compte, c’est le message transmis par les mots. »






    Mălina Ionescu nous a parlé de la
    prochaine étape du projet : « Nous espérons que les seniors seront très
    réceptifs, qu’ils se laisseront prendre au jeu. Nous souhaitons qu’ils prennent
    plaisir à échanger avec les juniors, qu’ils portent un regard différent sur la
    correspondance postale et qu’ils comprennent que la lettre peut servir de forme
    d’expression personnelle. Pour la prochaine étape, notre objectif c’est
    d’organiser, lorsque ce sera possible, des rencontres entre seniors et juniors,
    par le biais des visites du musée et des ateliers, qui permettront aux gens de
    se rapprocher les uns des autres, mais aussi du musée. »




    Dans les mois qui viennent, les enfants
    pourront participer à un atelier Zoom pour fabriquer différents objets et
    écrire des lettres, qui parviendront aux seniors au même moment où ils
    recevront le colis alimentaire envoyé régulièrement par Seneca. L’échange de
    lettres sera possible grâce aux bénévoles de Seneca et de Teach for Romania. (Trad. Mariana Tudose)

  • Weekends au Musée national d’art contemporain

    Weekends au Musée national d’art contemporain

    Le Musée national d’art contemporain (le MNAC pour les habitués), a beaucoup fait parler de lui depuis son ouverture, il y a 20 ans. Occupant à présent une partie de l’aile ouest de l’imposant Palais du Parlement de Bucarest, un symbole en soi, c’est d’abord la taille du Musée qui impressionne, voire qui intimide. Le MNAC ne présente plus d’exposition permanente, et renouvelle ses expositions deux fois par an, l’occasion de montrer de nouvelles œuvres de sa collection et d’exposer des artistes roumains et internationaux. L’année dernière, année Covid comme on l’a appelée à juste titre, le Musée a choisi deux directions de développement. Tout d’abord, le MNAC a lancé un appel aux artistes pour l’acquisition d’œuvres, le premier en 12 ans, pour un montant de 2 millions de lei (quelque 400 000 euros). Mais 2020 a aussi été l’occasion de mettre en place plusieurs programmes afin d’attirer le jeune public vers le musée. Des ateliers pour expliquer aux enfants les expositions en cours et le processus de création dans l’art contemporain, « L’art par courrier », qui met en lien jeunes et personnes âgées afin de renouer le dialogue intergénérationnel ou encore « Weekends au MNAC – Soirées de lecture pour les petits ». C’est de ce dernier que nous allons parler aujourd’hui en détail, de la volonté de présenter des titres de la bibliothèque du Musée aux plus jeunes, afin d’éveiller leur intérêt pour la lecture, l’art et, pas en dernier lieu, pour le dialogue.

    Astrid Bogdan, bibliothécaire au Musée national d’art contemporain, nous raconte les débuts du projet : « A la fin de l’année dernière, mes collègues et moi avons lancé « Les soirées de lecture au MNAC ». Pratiquement, nous avons rendez-vous, petits et grands, chaque vendredi à 19 h pour lire des histoires de la bibliothèque du Musée. Petit à petit, nous essayons d’introduire dans ces sessions, conçues autour de la lecture, des interventions visuelles d’illustrateurs de livres ou des interventions musicales. Nous souhaitons enrichir le texte avec des images et des sons. Il n’y a pas de limite d’âge pour participer aux ateliers, que nous voulons les plus ouverts qui soit. Nous souhaitons, dans le même temps, continuer la tradition des histoires racontées devant la cheminée, alors la participation est gratuite. Et, avantage d’un événement virtuel, nous accueillons des participants de Roumanie et de l’étranger aussi. »

    En parlant ici et ailleurs, estime notre interlocutrice, ce type d’atelier soutient auteurs roumains aussi bien que les étrangers. Astrid Bogdan : « Nous dédions certaines soirées de lecture aux livres qui abordent le thème de l’autisme ou des troubles du développement ou qui parlent d’enfants ayant des capacités spéciales. Nous essayons d’organiser plusieurs rencontres sur la même thématique. Celles autour de l’introversion, par exemple, ont eu un grand succès. En ce moment, nous tâchons d’associer les auteurs à notre démarche pour que chaque vendredi soir un auteur nous fasse découvrir son livre. »

    Côté participation, le nombre d’enfants qui se connectent pour les soirées de lecture du MNAC peut varier pas mal. Il y a parfois 30 participants, parfois plus, mais il y a aussi eu des ateliers avec 70 inscrits. La participation étant limitée à 25 enfants, s’il y a plus d’inscriptions, une autre soirée lecture est organisée un autre soir. En plus du nombre croissant d’inscrits, ce sont surtout les messages de remerciement et d’encouragement reçus après chaque rencontre qui motivent les bibliothécaires du MNAC à continuer le projet et à toujours rechercher de nouveaux titres inédits.

    Astrid Bogdan raconte que ce programme a fait découvrir aux gens la bibliothèque du Musée et les a fait venir sur place pour mieux l’explorer : « J’ai dû leur lire dans la bibliothèque aussi et ça m’a donné envie d’organiser ces soirées de lecture sur la terrasse du musée, quand cela sera possible. Mais nous continuerons à rester en ligne aussi, car beaucoup de participants nous rejoignent depuis leur domicile, de différents endroits de Roumanie ou de l’étranger. Nous pensons que tout jeune peut atteindre, à travers la lecture et l’art, la liberté de choix, et peut se créer de bonnes habitudes, parce que nous plaidons pour des histoires avec un message qui résiste au temps. »

    Une invitation à saisir, le soir et en ligne si vous êtes à distance (et si vous parlez le roumain) ou en vrai, au Musée d’art contemporain de Bucarest. La bibliothèque est ouverte au public du lundi au vendredi entre 13h30 et 17h30 et aussi le premier dimanche du mois, aux mêmes horaires. (Trad. Elena Diaconu)

  • Un centre commercial et son… musée

    Un centre commercial et son… musée



    Pop Up Museum, cest le projet culturel dun centre commercial de Bucarest, Sun Plaza, qui se propose de présenter aux habitants de la capitale les musées de leur ville. Lancé en 2020, Pop Up Museum a mis en place trois expositions lannée dernière, en collaboration avec le Musée des chemins de fer roumains, avec le Musée du parfum et avec lInstitut astronomique de lAcadémie roumaine.



    La première exposition de cette année est une expo photo dédiée aux achats dautrefois, aux grands marchands de la capitale roumaine et à la manière de promouvoir leurs produits bien avant lindustrie de la publicité. Le Musée de la ville de Bucarest est le partenaire de cette exposition ; son directeur, Adrian Majuru, explique : « Cest le centre commercial qui en a eu lidée. Nous avons répondu à linvitation dy installer une exposition, nous avons proposé le thème et le concept et nous y voilà. Cest une histoire dédiée aux emplettes au cours de lhistoire, à Bucarest et dans les alentours de la capitale, qui sétale sur environ 300 ans. Lintérêt du musée, à travers cette récupération dimages darchives et dactivité, cétait dobserver ce que lon avait gardé dans les habitudes liées aux courses, mais aussi ce que lon a perdu et, surtout, ce que lon va perdre : tout dabord linteraction avec le vendeur. Dans le passé, on allait dans un magasin de tissus, on choisissait la couleur, la texture, on discutait avec le vendeur qui nous donnait des conseils en fonction des vêtements que lon souhaitait se faire faire du tissu en question. Ce type de dialogue avait aussi lieu dans une mercerie, même dans une épicerie ou chez un maraîcher. Le changement, surtout après 1990, cest la possibilité de choisir seul ses produits et déliminer ainsi linteraction avec le vendeur. Cela a pris de plus en plus dampleur, notamment après les années 2000, avec les centres commerciaux. Leur ancêtre, cest le magasin universel, qui existe depuis le 19e siècle en Europe de lOuest, et que lon a connu aussi en Roumanie, à compter de 1948, avec une franchise des magasins Lafayette – cest lancien magasin Victoria, situé avenue de la Victoire. Dans ce type de magasin on rencontre éventuellement les caissiers, avec lesquels on échange éventuellement un regard au moment de régler – par carte ou en espèces. »



    Le shopping en ligne, cest le présent et sûrement lavenir du commerce. Mais regarder en arrière garde toujours son intérêt, cela peut nous aider à mieux comprendre notre époque. Adrian Majuru, directeur du Musée de la ville de Bucarest, sur la proposition faite aux visiteurs du centre commercial Sun Plaza : « Une flânerie dans le temps, du 18e siècle jusquà la fin des années 80, avec des intérieurs de magasins, des clients et des vendeurs, et beaucoup de types de magasins différents : des librairies et des boutiques de maraîchers jusquaux magasins de meubles ou de tapis. Ce sont des choses que lon ne retrouve plus aujourdhui dans laménagement dun centre commercial, car le magasin universel englobe tout cela. Le type de commerce vraiment spécifique pour lépoque actuelle, cest le magasin de bricolage intérieur et extérieur. Beaucoup dentre nous avons aménagé nos appartements en faisant usage dune variété de gestes quotidiens que lon naurait même pas imaginés il y a 50 ans. Nous allons donc vers un type de service commercial et de vie quotidienne qui modèlent nos comportements et nos mentalités. Le maître-mot pour le futur, mais qui est déjà présent, cest le confort. »



    Le Musée de la ville de Bucarest a une vraie volonté dinvestir des espaces alternatifs. Adrian Majuru nous en parle en détaillant un peu plus le dispositif utilisé pour lexposition du Pop Up Museum : « Image et texte, car on ne peut pas les séparer. Nous avons surtout choisi des images du secteur 4, où est implanté ce centre commercial. Cela fait quelques années que nous sortons de nos espaces muséaux, car le public non-muséal est ailleurs, dans les centres commerciaux par exemple. Ce nest dailleurs pas notre première présence dans un centre commercial. Nous allons aussi investir bientôt une zone sécurisée à laéroport dOtopeni. Nous allons exposer des pièces de patrimoine dans le Terminal départs. Nous continuerons aussi notre collaboration avec lexposition Art Safari, avec de grands projets artistiques dans des espaces informels. Et ce qui nous intéresse vraiment, cest dentrer dans les écoles, où nous souhaitons organiser des expositions autour de léducation. »



    Pop Up Museum proposera encore trois expositions de trois musées, en accès libre jusquen juillet 2021. Après lexposition dédiée aux achats et aux emplettes, une autre ouvrira au mois de mai, sur un siècle de télécommunications en Roumanie. On pourra y voir les téléphones et les radios de nos grands-parents, mais aussi des équipements de communication utilisés pendant la Seconde Guerre mondiale, partie de la collection du Musée des télécommunications. La troisième exposition de lannée nous fera découvrir le monde de laviation roumaine avec la participation du Musée de laviation. Maquettes des avions réalisés par les pionniers de laviation en Roumanie, objets et documents ayant appartenu à lingénieur Aurel Vlaicu, concepteur du premier avion de construction métallique du monde, uniformes et simulateurs de vol, technique de radiolocalisation et de lartillerie antiaérienne, une partie de la collection du Musée sera à découvrir bientôt dans le Pop Up Museum de Sun Plaza, à Bucarest. (Trad. Elena Diaconu)






  • Foires traditionnelles vs foires virtuelles

    Foires traditionnelles vs foires virtuelles

    Certaines, comme la Foire du mărțișor de Bucarest, ont renforcé les mesures sanitaires pour pouvoir accueillir leurs visiteurs sur place, d’autres ont déménagé en ligne, comme par exemple la Foire du tourisme. Davantage sur l’édition de cette année avec Traian Bădulescu, consultant en tourisme : « La toute récente édition 2021 de la Foire du tourisme a marqué une première absolue. Ce fut pour la première fois que cette foire a été organisée en ligne, un véritable défi à relever par les tour-opérateurs. Les organisateurs ont fait de leur mieux pour que l’événement ait du succès, même si le nombre d’exposants fut moindre par rapport aux éditions précédentes. Un logiciel performant censé nous permettre de refaire virtuellement une véritable foire du tourisme avait été mis à disposition. Y ont participé toute sorte d’agences, de localités, de régions touristiques ou d’associations aussi bien de Roumanie que d’ailleurs. Même si tout le monde espère pouvoir se retrouver face à face le plus vite possible, la pandémie nous oblige à patienter et à continuer à privilégier le format virtuel. Presque toutes les foires touristiques organisées cette dernière année dans le monde ont eu lieu en ligne, y compris les plus grandes telles World Travel Market de Londres ou la Foire du tourisme d’affaires de Barcelone. Moi, je dis que même en cas d’un retour aux événements traditionnels, il faudrait maintenir quelques composantes virtuelles. Par exemple, comme c’est difficile de faire venir sur place toutes les agences de tourisme importantes, et beaucoup de tour-opérateurs, j’encouragerais la promotion de la Roumanie à travers des conférences et des événements en ligne. A part ça, je continuerais à mettre en place des réunions d’affaires en visioconférence, car cet aspect mérite de perdurer après la pandémie aussi. Bien sûr que j’espère que la Foire du tourisme revienne bientôt au Centre d’expositions Romexpo, mais je ne peux pas m’empêcher de constater que le format virtuel lui confère plus de visibilité à l’étranger. »

    Considérée comme la Foire du livre ayant l’existence la plus longue du pays, Gaudeamus, avec Radio Roumanie pour principal organisateur, se déroulera également dans l’espace virtuel, permettant aux passionnés de lecture de la visiter jusqu’à la fin du mois de mars, depuis chez eux.

    Parmi les quelques téméraires ayant opté pour un format traditionnel, on retrouve le Musée du paysan roumain de Bucarest, qui a ouvert récemment ses portes au public désireux de visiter la Foire du mărțișor. Détails avec Lila Passima, coordinatrice de la Section d’Education muséale de l’établissement. Selon elle, même dans l’actuel contexte pandémique, la tradition du mărțișor ne saurait être mise de côté. « Et ce principalement pour deux raisons. D’abord parce que les traditions urbaines sont devenues tout aussi importantes que les traditions paysannes. Voilà comment s’explique le fait qu’au début du printemps, le Musée du paysan roumain de Bucarest accueille depuis quinze ans déjà la Foire du mărțișor, un événement adapté à l’univers citadin. Comme vous le savez très bien déjà, les origines de cette coutume se perdent dans la nuit des temps. Elle tire ses sources du calendrier agraire paysan qui célébrait l’arrivée d’une nouvelle année. C’est un symbole du renouvellement, tout comme Baba Dochia ou le Dragobete, autant de rituels printaniers issus de l’univers rural. Et même si au début du XXe siècle, les ethnologues ne lui prédisaient pas longue vie, le mărțișor perdure de nos jours encore, adapté, il est vrai, à la culture urbaine. Notre foire se veut un acte culturel avec pour point de départ ce porte-bonheur né à la campagne dont les paysans se servaient jadis pour protéger même la santé de leurs animaux, en leur accrochant aux cornes le fil tressé rouge et blanc. A partir du moment où la tradition de ce fil auquel on attachait, dans un premier temps, une pièce de monnaie, a conquis la ville, le mărțișor s’est transformé en un souvenir. »

    Dans les minutes suivantes, Lila Passima nous invite à faire un tour de la Foire du mărțișor déroulée dans la cour du Musée du paysan roumain de Bucarest. « Ce printemps, nous avons été contraints d’affronter le contexte pandémique, en faisant recours à notre humour, à la créativité et à l’esprit d’innovation. C’est pourquoi nous avons demandé aux participants de faire preuve d’imagination pour nous proposer une offre tout aussi riche que les années antérieures. Le mărțișor, ce petit porte-bonheur tout sympa, se décline sous de nombreuses formes et expressions artistiques, depuis la petite pièce d’argent attachée au fil tressé rouge et blanc, en passant par des représentations des différents héros de la mythologie paysanne et jusqu’aux personnages actuels, tributaires de la culture urbaine et issus des BD, des dessins animés, bref, tous ces héros des technologies actuelles et que l’on retrouve sur Internet. La foire propose aussi des mărțișoare très élégants, réalisés en terre cuite ou en porcelaine et plaqués or. Nous nous félicitons de ce que malgré les conditions strictes de déroulement telle la diminution du nombre d’exposants et la distanciation sociale, nos participants n’ont pas abandonné cette tradition et ont participé à cette foire pour marquer l’arrivée du printemps d’une manière artistique pleine d’imagination et d’humour. »

    Avec chaque nouvelle édition, la Foire du mărțișor reconfirme une tradition qui attire des gens issus de nombreux domaines, comme l’affirme Lila Passima : « Entrée définitivement dans la conscience collective, la Foire du mărțișor attire à chaque fois plus de 10 mille visiteurs. C’est un projet qui perdure. Nous nous sommes vu proposer d’inscrire sur la liste des participants les comédiens de l’Association Grivita 53 dont la présidente, Chris Simion, a mis en place une collecte de fonds pour la construction d’un théâtre. Déroulée sous le slogan « Un mărțișor suffit pour ériger un théâtre », la campagne se veut une excellente initiative pour appuyer le secteur artistique indépendant qui traverse actuellement une période particulièrement néfaste. Cette idée est en égale mesure simple, belle et percutante ».

    Bien que plus triste que d’habitude en raison du contexte pandémique actuel, la Foire du mărțișor a réussi, par son organisation sur place, à offrir au public l’occasion de vivre comme avant.
    (Trad.: Ioana Stancescu)

  • L’Association des bébés prématurés de Roumanie et le Prix de la Solidarité

    L’Association des bébés prématurés de Roumanie et le Prix de la Solidarité

    Le Prix de la Solidarité civile du Comité économique et social européen (CESE) a été décerné, à la mi-février, lors dune cérémonie tenue dans un format virtuel. L’Association des bébés prématurés de Roumanie compte parmi les 23 participants récompensés pour leurs initiatives solidaires mises en œuvre dans lUE et au Royaume-Uni pour lutter contre la Covid-19 et ses effets dévastateurs. Chaque lauréat a reçu un prix de 10 000 euros.


    Le projet de lAssociation roumaine pour les bébés nés avant terme s’inscrit dans la catégorie « Production et distribution d’équipements médicaux ». Ce thème a regroupé des projets liés à la fabrication et à la distribution de masques et de produits d’hygiène, à la transformation de différents bâtiments en hôpitaux, à la construction de nouvelles structures médicales ou à l’acquisition et au don de médicaments et de dispositifs médicaux.


    Diana Gămulescu, fondatrice de l’Association pour les enfants prématurés, avec davantage de détails : « Nous sommes partis des problèmes signalés par le personnel médical avec lequel nous discutions au début de la pandémie : accès plus difficile des bébés prématurés dans les unités de soins dédiées, à cause des restrictions, suspension ou réduction importante des fonds destinés aux sections de néonatologie, car réaffectées pour soutenir les maternités en tant qu’unités Covid. Nous nous sommes tous mobilisés, c’est à dire tant les membres de l’association que l’ensemble de la communauté. Nous voulions être présents dans le plus grand nombre possible de maternités. Il sagissait dabord de voir quelle serait la valeur des dons et dans combien de maternités il fallait livrer des équipements de protection, des lampes UV ou des produits d’hygiène, car certaines d’entre elles ne disposaient même pas de savon. Nous avons procédé par étapes et avant la fin septembre nous avons réussi à réunir les fonds nécessaires et à faire des dons dans six maternités. »


    La philanthropie et la charité sont, en temps normaux aussi, les deux objectifs de l’Association des bébés prématurés, a précisé notre interlocutrice, Diana Gămulescu, qui a ajouté : « De toute évidence, la dotation des maternités est une priorité, car il y a 22 maternités de niveau 3, disposant d’un service de néonatalogie de haute performance, et 64 maternités à travers le pays. Toutes ont besoin de quelque chose, à n’importe quel moment. En plus de la collecte de dons, nous avons également mené des projets dédiés au personnel médical, liés à la formation continue. Nous avons également organisé, dans les maternités, des ateliers censés préparer les parents de nouveau-nés pour le moment tant attendu du retour à la maison. Je mentionnerais aussi les webinaires, les projets centrés sur la prévention des naissances prématurées et une caravane dans les communautés défavorisées. Enfin, mais pas en dernier lieu, nous soutenons financièrement les familles avec des nourrissons nés prématurés qui nécessitent une récupération sur le long terme. Il y a beaucoup à faire ! »


    Le CESE a lancé, en juillet 2020, le prix « La société civile face à la Covid-19 ». Il a précisé qu’il s’agirait d’un prix exceptionnel, qui remplaçait son prix traditionnel pour la société civile. L’objectif était de rendre hommage à la société civile européenne, qui, dès les premiers jours de la pandémie, s’était impliquée, de manière active et altruiste, dans des actions de solidarité. D’autres candidats roumains qui ont postulé pour le prix CESE ont également présenté des projets de grande qualité. Parmi eux, linitiative de solidarité sociale de l’Association Adi Hădean. Comme le restaurant du célèbre chef roumain était fermé en raison des restrictions sanitaires, le personnel et plusieurs bénévoles ont préparé et distribué des repas chauds aux soignants, aux familles en quarantaine et aux personnes âgées.


    Diana Gămulescu nous a également parlé des circonstances dans lesquelles l’Association des bébés prématurés avait décidé de poser sa candidature pour le Prix de la société civile européenne: « Quand on en a eu vent, on s’est dit que ce serait une solution de continuer les projets de dons, déjà entamés. On y voyait, donc, une opportunité de ce point de vue, même si l’on ne pensait pas avoir de grandes chances d’être sélectionnés. En fin de compte, ça valait le coup dessayer. A mon avis, quand il sagit de faire du bien, l’une des choses les plus importantes, c’est de trouver des solutions pour apporter un soutien matériel. Il est compliqué de trouver des compagnies prêtes à fournir de l’aide financière, de convaincre les gens à faire des dons. Bref, pour nous, c’était tout simplement une chance supplémentaire de poursuivre nos projets. »


    Les projets sont nombreux. Diana Gămulescu ne cache pas son émotion : « Je suis toujours submergée par l’émotion de voir des miracles se produire. C’est comme si c’était Noël en février. J’aimerais beaucoup que cela nous aide à faire connaître notre cause et la question de la prématurité en général. Je tiens à remercier tous nos supporters, quils soient particuliers ou compagnies. Mes remerciements vont aussi à mon équipe pour son implication et le dévouement dont elle a fait preuve dans le déroulement des programmes de l’Association. Je souhaiterais également que nous puissions accroître limpact des associations caritatives à l’échelle nationale. »



    Dans un proche avenir, l’Association continuera d’équiper les maternités, en fonction de leurs besoins, espérant faire profiter plusieurs maternités du prix reçu – et le plus efficacement possible. Elle se propose aussi de poursuivre les programmes d’information et d’accompagnement des parents. (Trad Mariana Tudose)

  • “Il y a quelqu’un à la maison ?”

    “Il y a quelqu’un à la maison ?”

    Après des études de photographie documentaire, à
    Londres, Ionuţ Teoderaşcu est rentré en
    Roumanie. Muni d’un appareil photo ou de sa caméra, il s’est mis à redécouvrir
    le monde qu’il avait laissé derrière en quittant le pays. Pendant les deux
    semaines qu’il a passées cloîtré dans son appartement, Ionuţ Teoderaşcu a préparé
    et lancé son projet intitulé « Chantier en temps de pandémie », où il a
    immortalisé les travaux menés à l’immeuble voisin. Son projet suivant,
    « Les campagnes et la pandémie », dévoile, à travers les photos, le
    quotidien des villageois, presque figé dans le temps, avec, pour unique
    changement, le port du masque. Ce qui a retenu notre attention, c’est le projet
    « Il n’y a personne à la maison », qui a valu à Ionuţ Teoderaşcu le Prix d’or
    du concours international de photographie de Budapest (Budapest International
    Photo Awards 2020), dans la catégorie « Gens / Famille ».






    Le photographe documentaire Ionuţ Teoderaşcu nous a
    raconté les débuts de ce projet : « L’idée du court-métrage documentaire « Il
    n’y a personne à la maison » a pris contour en avril 2019, lorsque je suis allé
    revoir la maison de ma grand-mère. Comme elle n’était plus habitée depuis une
    dizaine d’années, j’étais curieux de voir ce qu’il y avait à l’intérieur. Une
    fois là, j’allais constater que toutes les affaires de ma grand-mère étaient
    restées intactes, comme enfermées dans une sorte de capsule temporelle.
    J’allais y revenir, en compagnie de mon père, que j’ai prié de me raconter son
    enfance et la vie de ses parents. Je n’avais pas connu mon grand-père paternel,
    mort à seulement 44 ans. Puis, une autre fois, j’y suis retourné avec mes tantes.
    Leurs récits m’ont aidé à découvrir une bonne partie du passé de ma grand-mère.
    C’est en ces temps et lieux que l’idée m’est venue de tout agencer dans un
    court-métrage documentaire, car cela me permettait de combiner les images et les sons que
    j’avais enregistrés lors de mes visites à la maison de ma grand-mère,
    accompagné de mes parents ou de mes tantes. Ce court-métrage documentaire, je l’ai
    réalisé à la fin de l’année dernière… »






    L’accueil réservé à ce court-métrage a dépassé les
    attentes de l’auteur. Ionuţ Teoderaşcu : « Au moment du lancement, en
    Roumanie, lors d’un Takeover, il est apparu sur l’image Instagram du magazine Rien
    qu’une revue. C’est là que j’ai raconté l’histoire, pour la première
    fois. En fait, le court-métrage avait déjà été présenté au Royaume-Uni, sur une
    plateforme dédiée à la photographie documentaire. J’ai également participé avec
    ce projet à une compétition, organisée avant la fin de l’année. Un album photo
    avec des étudiants, l’un des premiers réalisés par Canon, a accueilli mon
    projet. Puis j’ai participé à un concours à Budapest, où j’ai remporté le Gold
    Vibe, le Prix d’or. Plus tard, il a été diffusé sur d’autres réseaux, ici, en
    Roumanie. »








    Ionuţ Teoderaşcu nous a présenté l’histoire du film : « C’est
    le sentiment de plonger dans une autre époque. Dès que l’on pénètre dans la
    maison, on est sous l’emprise d’images à fort impact émotionnel : murs
    décrépits, immenses toiles d’araignées. Des images que l’on ne voudrait pas
    voir, surtout quand on a un lien personnel avec la famille qui y a vécu.
    Pourtant, on a là un espace qui préserve très bien l’histoire d’une famille,
    car, en fin de compte, on est défini par l’endroit où l’on vit. Tout au long
    des années qu’elle y a vécues et surtout les 20 dernières qu’elle y a passées
    seule, ma grand-mère a rassemblé et sagement rangé tout ce dont elle avait
    besoin, y compris les choses nécessaires à son enterrement. J’y ai retrouvé des
    médicaments ou bien des lettres que ma grand-mère avait gardées. Toutes ces
    choses-là racontent l’histoire de la personne qui y a vécu. »






    Le film nous emmène au village de Crăieşti, dans le comté
    de Galati. L’auteur, qui y a passé son enfance, nous fait découvrir une maison
    à part. Ionuţ Teoderaşcu : « Elle est atypique pour la région, en ce sens
    qu’ici on construit habituellement des maisons de petites dimensions, avec deux
    pièces. La maison de ma grand-mère a son histoire à elle. Elle avait été
    destinée initialement à abriter une préfecture ou une mairie. Ce n’est que plus
    tard qu’elle a été vendue à mon grand-père. Construite il y a une centaine
    d’années, avec des matériaux de bonne qualité, dont du bois massif, la maison,
    perchée sur une colline, surplombe le village sur lequel elle offre une vue
    imprenable. »






    Ionuţ Teodereşcu
    nous a également lancé une invitation : « Je vous invite à regarder ce
    court-métrage documentaire, que vous trouverez sur mon site internet teoderaşcu.com,
    sur YouTube ou sur ma page Facebook. A mon avis, il raconte l’histoire de
    plusieurs familles et nous montre comment appréhender le passé familial, tout
    en sachant qu’il y a toujours une part de subjectivité dans le récit. Puisqu’on
    veut croire que nos parents ont eu une belle vie, on essaie, après leur mort,
    de reconstruire le passé et d’y apporter une touche romantique. Voilà donc
    cette autre chose dont je parle dans mon film, en plus de l’histoire de vie de
    mes grands-parents. »






    A noter aussi que
    la ville de Zalău accueille l’exposition « Les visages de la
    pandémie », réunissant des photos réalisées par Ionuţ Teoderaşcu. (Trad. Mariana Tudose)

  • Labyrinthe. A mi-chemin. Les fleurs étaient là.

    Labyrinthe. A mi-chemin. Les fleurs étaient là.

    C’est l’aboutissement d’un travail de longue haleine, de recherches et
    d’expériences artistiques communautaires menées par trois femmes issues de
    mondes différents : Roxana Donaldson, artiste visuelle, Ana-Cristina Irian,
    chercheuse en arts visuels, et Cristina Bodnărescu, réalisatrice du film
    portant sur l’activité des deux artistes et présenté au festival dédié à l’art
    du clip, VKRS Bucarest.




    Cristina Irian nous en dit davantage : « Il
    s’agit d’un projet artistique, mais qui a aussi une portée civique, car il vise
    à répondre de manière active à la nécessité de maintenir la communauté unie en
    temps de crise et de sauver, symboliquement, les fleurs bannies des marchés, en
    les transformant en objets d’art. Moi, j’ai travaillé avec des bouquets de
    fleurs que Roxana avait récupérés du marché bucarestois Matache. Ces fleurs, je
    les ai transformées en huit poupées, que j’ai appelées Les poupées du
    marché Matache. Des poupées aux formes mouvantes, qui semblent danser.
    Dans la seconde partie du projet, j’ai ajouté ce que l’on appelle des poèmes en
    fleurs et réalisé une vidéo qui saisit tout ce processus de transformation du
    bouquet de fleurs. »






    Cet échange de fleurs a donc représenté le
    point de départ d’une représentation urbaine, explique Roxana Donaldson : « Ce
    projet artistique, nous l’avons conçu comme une rencontre entre les citadins et
    les plantes, en cette période de confinement et d’anxiété engendrée par la
    pandémie de Covid-19. Nous souhaitions voir comment les gens et les plantes
    vivent et survivent ensemble dans les villes. L’idée du projet remonte à
    novembre 2020, lorsque les petits horticulteurs locaux ont abandonné leurs
    fleurs sur les marchés. Elle s’est matérialisée d’abord par un film, ensuite
    par des objets d’art réalisés à partir de fleurs séchées. Je suis un artiste
    plasticien interdisciplinaire. Je me suis toujours intéressée au domaine de
    l’art écologique, de l’art végétal et je voulais faire un art
    interdisciplinaire et conceptuel avec et sur les plantes. J’ai trouvé
    dans le projet Labyrinthe, à mi-chemin l’expression parfaite pour
    ce que je souhaite exprimer dans mon art, à savoir la communication entre nous autres,
    humains, et les végétaux. Tout est parti d’un geste de révolte. Ana-Cristina Irian
    et moi-même, nous nous sommes retrouvées à mi-chemin entre le marché où elle se
    rendait habituellement et le mien. Chacune de nous avait acheté des fleurs au
    dernier jour d’ouverture des marchés. Le hasard a voulu que l’on se rencontre
    au milieu du chemin, soit dans la rue Labyrinthe. C’est là que s’est passé
    l’échange de fleurs. Nous nous sommes offert des fleurs l’une à l’autre, au
    beau milieu de la pandémie, du confinement, au cœur d’une ville morose,
    déserte, renfermée, au bord de la déprime. On a tout filmé, on a pris des sons
    ambiants, en guise de témoignage de cette performance urbaine. »








    La vie des fleurs s’est poursuivie dans
    leurs maisons d’adoption, à savoir les logements des artistes. C’est là, qu’après
    séchage, les fleurs ont été réinventées. Ecoutons Roxana Donaldson : « J’ai
    fait une peinture sur toile de lin, en bas de laquelle j’ai écrit, avec un
    stylo à plume, « fleurs abandonnées et sauvées ». Puis, ces mots se sont
    mélangés, au point de devenir des taches de couleur. Et sur ces taches de
    couleur j’ai cousu des fleurs. Cet objet d’art, qui venait de naître, j’allais
    l’exposer lors de la deuxième performance de rue et le nommer Flowers Were
    Here, Les fleurs étaient là. C’est parce que, justement,
    elles avaient regagné l’endroit qu’elles avaient quitté. Chacune de nous a
    laissé dans la rue son ouvrage : moi, la toile de lin peinte, elle, sa poupée
    réalisée à partir de fleurs séchées. Les deux objets ont été exposés sur un
    mur, dans la rue, dans le cadre de cette représentation d’art libre. Faire de
    l’art libre, c’est s’en donner à cœur joie, car c’est de l’art pur, qui se
    refuse aux contraintes et qui a pour vocation d’être offert en don à la ville,
    à la communauté ».






    Cristina Irian a ajouté : « Nous
    avons commencé le projet le matin et l’avons continué l’après-midi. Quand on se
    retrouvera pour la troisième fois dans la même rue, ce sera en soirée, pour
    retravailler les objets réalisés. Moi, j’utiliserai principalement la forme de
    l’objet poupée et les ombres de cet objet, en essayant de repenser l’espace. »








    Nous sommes dans l’attente de la troisième
    partie du projet, laquelle comportera trois volets : la présentation du film
    sur la vie des fleurs transformées en objets d’art, une exposition avec de
    nouvelles œuvres intégrant des fleurs séchées, enfin, une autre représentation
    artistique de rue. (Trad. Mariana Tudose)

  • Lumière pour l’âme

    Lumière pour l’âme

    Une jeune équipe a développé une chaîne locale à impact économique, utilisant des matériaux en bois recyclé (grâce au soutien dune usine roumaine de mobilier). Ce sont des baguettes en bois de hêtre, traitées à lhuile ou avec une solution à base deau, et des assemblages en plastique biodégradable, fabriqués en 3D. Cristina Cerga, co-fondatrice de Wooba Deco, nous a parlé des débuts du projet :



    « Lidée est venue avec les produits fabriqués par Adrian ; je lai rencontré en 2019 au Startarium Crowdfounding Megatlon, où il était venu présenter quelques objets modulaires, dont une partie des lampes aujourdhui incluses dans la collection Wooba Dark. »



    Etoiles, recyclage, jeu, lumière. Telles pourraient être les idées de base du projet. De belles idées qui ont émergé en jouant. Cristina Cerga :



    « Lidée sest essentiellement fait jour en jouant. Adrian a composé quelques formes géométriques pour sa fillette, Lara, puis a mené cette passion à une autre dimension. Il a commencé à transformer des formes de polyèdre régulier en une multitude de nouvelles formes et les luminaires ont complété la marque lancée. Nous avons entrepris dapporter un peu de lumière dans cette période tellement sombre, parce que nous avons lancé la marque en 2020. Et les cinq objets ont été complétés par un slogan qui apporte aux gens un moment de rêve. Nous les avons appelés « Lumière pour lâme. » Ce sont des luminaires à design roumain à 100%, conçus par Adrian et commercialisés par nous, et ensemble nous avons apporté un nouveau rêve. Cest ce que nous avons entrepris de faire avec ces objets de lumière : apporter un petit peu de rêve en Roumanie et non seulement. »



    Adrian Bursuc est le créateur des objets. Il décrit la collection :



    « Il sagit dune collection appelée Dark, composée de cinq luminaires, fabriqués à laide dimprimantes 3D et de baguettes en bois. Les gens sont enchantés par linnovation et les nouvelles formes. La petite fille était très heureuse de les voir. Quand je suis dans latelier, elle veut à chaque fois maider et participer à la création, à travers ses dessins et par lassemblage. Tous les luminaires conduisent aux étoiles. »



    Dans un monde confronté à la claustration, les artistes Wooba Deco exhortent à la rêverie. Ecoutons de nouveau Cristina Cerga :



    « Dans notre marque, nous mettons une constellation, censée donner un peu de rêve et y transporter les gens. Et nous avons essayé, dans nos produits, de trouver des histoires auxquelles les gens puissent sidentifier et choisir un luminaire qui leur convient. Sils vont sur notre site, ils verront que pour les cinq étoiles que nous avons nommées, il y a une histoire individuelle. Ce sont les personnages du bien et du mal, et nous avons appelé cette collection Dark, parce que même lobscurité est définie par la lumière, nest-ce pas ? Et en chacun de nous, quand nous rêvons, quand nous créons ou quand nous sommes heureux, une lumière sallume. Nous espérons quil y aura des luminaires allumés. »



    Les luminaires portent des noms détoiles. Pratiquement, ils peuvent être suspendus ou soutenus par une surface plane, grâce à leurs formes dérivées de structures géométriques régulières. La lumière est directe, et les structures géométriques créent une ambiance dombres des plus agréables. Plus de détails avec Cristina Cerga :



    « Nous avons choisi une étoile principale, létoile Bennet, comme star de la collection, et ce en raison de la complexité de notre travail « pour les âmes agitées ». Nous avions une étoile naturelle, qui est un ange de la nature, et là nous allons à létoile Ariel, nous avons ensuite létoile Aaron, un Uriel et une Lune, qui sont des étoiles plus petites, mais pleines de complexité. Dans ces cas, nous proposons aux gens un moment de création individuelle. En plus, notre collection est emballée dans des boîtes personnalisées, et chacun est libre de donner sa propre destination à sa boîte. Nous avons laissé les couvercles de ces boîtes sans les peindre, pour permettre aux gens dapporter leur propre création à nos produits et dutiliser les boîtes pour le stockage ou comme boîtes de souvenirs. Un produit « Wooba » est automatiquement composé de deux pièces, permettant à nos clients dêtre créatifs à nos côtés. »



    Lespoir des artistes, cest que des gens se joignent à eux, quils rêvent, pour que cette marque puisse se développer en Roumanie et à létranger.


    (Trad.: Ligia)

  • La meunerie traditionnelle. Une activité en voie de disparition

    La meunerie traditionnelle. Une activité en voie de disparition

    Il y a près d’un siècle, rien que dans le bassin supérieur de la rivière Mureş, on recensait 367 installations hydrauliques paysannes. Aujourd’hui, il n’en reste que trois, conservées dans les musées ethnographiques de Reghin et de Sibiu. Grâce au travail du chercheur Dorel Marc, spécialiste en ethnographie et en art traditionnel au Musée départemental de Mureş, on a récupéré non seulement des moulins, mais aussi scieries, meurtriers, foulons, batteuses, cardes à laine et bien d’autres objets. Les résultats de ses recherches, Dorel Marc les a réunis dans l’ouvrage intitulé « Civilisation technique traditionnelle et industries paysannes. Installations hydrauliques dans la région de Mureş, au milieu du XXe siècle ». Selon l’auteur, cette étude nous aide à découvrir le rôle complexe du meunier dans la vie du village :


    « Ce savoir-faire, qui, au bout de plusieurs siècles de pratique, allait devenir une véritable industrie traditionnelle, on peut encore le voir dans les grands musées en plein air de Roumanie. Et là je me réfère au Musée Astra, de Sibiu, au Musée du village Dimitrie Gusti, de Bucarest, au Musée du Maramureş, de Sighetu Marmatiei. Dans le comté de Mureş, à Reghin, on peut admirer maints témoignages de la civilisation et de la culture traditionnelles. Malheureusement, les différentes installations hydrauliques, dont moulins, scieries, presses, foulons, tout cela c’est du passé, aujourd’hui. Un passé qui renvoie à nos grands-parents. Ces grandes réalisations de technique traditionnelle, qui témoignent de l’ingéniosité des paysans peuvent toujours inspirer les grands ingénieurs contemporains. »



    Au tout début, il y avait les petits moulins à main. Ensuite, au Moyen Âge, l’homme a appris à se servir de la force des eaux pour mettre en marche des engrenages. Les moulins se sont beaucoup développés, d’abord sur les domaines des boyards. Avec le temps, les paysans ont également acquis le droit d’en posséder. Dorel Marc, qui a mené ses recherches notamment dans les contrées de Mureş et des Târnave, en Transylvanie, nous a fait part de quelques-uns de ses constats.


    « En 1956, le Conseil d’Etat des Eaux de l’époque a dressé l’inventaire des moulins fonctionnels dans la zone. On en comptait 400, dont 236 à roue hydraulique. Parmi ces derniers, 55 avaient 2, 3 ou 5 roues. Mais au-delà de ces statistiques, il faut regarder la meunerie comme un phénomène non seulement économique, mais aussi social, le rôle du meunier étant très important dans la communauté rurale d’antan. (…) Dans de nombreux foyers paysans, il y avait de véritables ensembles d’installations techniques traditionnelles. Cela veut dire qu’un seul et même bief, qui amenait l’eau à la roue du moulin, servait aussi à actionner des scieries, où l’on coupait le bois nécessaire à la construction, mais aussi à mettre en marche les meurtriers, les foulons, les presses. Il faut dire que les presses à huile étaient nombreuses dans cette région. Donc, en plus du fait que le moulin fournissait la farine de blé et de maïs pour le pain quotidien ou la polenta, ces installations complexes avaient aussi d’autres utilisations dans les foyers paysans. »


    Le mécanisme de broyage consiste en deux meules – l’une mobile, l’autre fixe. On les désigne aussi par les termes de courante et respectivement de gisante ou dormante. C’est la meule courante qui, en tournant, fait broyer les grains de blé ou de maïs. Comme la mouture diffère selon qu’il s’agit de blé ou de maïs, un séparateur ou une vis servait à soulever la pierre courante autant que nécessaire pour obtenir la granulation souhaitée. La force de l’eau, qui entraînait la grande roue en bois de l’extérieur, était transmise au mécanisme guidant la pierre mobile à l’aide de grandes courroies, fabriquées d’abord en cuir, et ensuite en caoutchouc.


    Sous le communisme, les familles de meuniers ont eu un sort malheureux. Considérés comme étant des paysans aisés, les meuniers ont été persécutés, alors que leurs enfants se sont vu interdire l’accès dans les établissements d’enseignement supérieur. Dorel Marc, ethnologue au Musée départemental de Mureş, compte approfondir ses recherches :


    « Il serait bon de poursuivre ces recherches liées au destin des meuniers, que l’on rencontrait jadis dans toutes les provinces historiques du pays, en Munténie, en Olténie, en Moldavie ou au Banat, partout où ce réseau hydraulique existait. Les meuniers ont toujours constitué une catégorie à part au sein des communautés. »


    Dorel Marc souhaiterait même que ces éléments traditionnels soient mis en valeur en tant qu’attractions touristiques :


    « Ce serait formidable si, grâce aux réseaux touristiques, les visiteurs pouvaient voir comment fonctionne un moulin, comment on pressait les graines pour en obtenir de l’huile. Ils pourraient également découvrir la technique ancienne des tourbillons, permettant de laver les tissus de laine ou la bure, à l’aide de la seule force centrifuge, sans détergents et sans polluer l’environnement. Qui sait, peut-être qu’à l’avenir il y aura une meilleure cooptation des ethnologues dans les actions visant à faire revivre certains métiers artisanaux. Heureusement qu’il existe encore des passionnés des traditions qui ont des initiatives en ce sens. Toutefois, il faudrait bien garder à l’esprit la nécessité de procéder de manière scientifique, pour éviter le risque de s’éloigner de l’authenticité. »



    Au fil du temps et au gré des changements, les moulins et le métier de meunier se sont adaptés. Après 1990, des moulins électriques mécanisés, utilisés auparavant par les coopératives de production agricole, ont fait leur apparition dans certaines communes. Pourtant, comme le pain fait maison devient de moins en moins courant, les villageois vont de moins en moins souvent chez le meunier. En plus, quand cela leur arrive, c’est moins pour la farine de blé ou de maïs qu’ils se rendent au moulin, mais plutôt pour se procurer des blés broyés servant à nourrir le bétail. (Trad. Mariana Tudose)



  • Enseigner les enfants des communautés rurales à tourner des films

    Enseigner les enfants des communautés rurales à tourner des films

    Nombre de communautés rurales de Roumanie font l’objet de projets déroulés par des ONGs et visant à améliorer l’accès des enfants à la culture et à l’éducation. Des enseignants passionnés par leur métier ont ainsi eu l’occasion de l’exercer dans des régions où leur présence était extrêmement nécessaire. C’est justement dans le cadre d’un tel projet, appelé Focus et qui se proposait de réaliser un film documentaire, que l’équipe de l’ONG PATRUPETREI a imaginé une série d’ateliers de courts-métrages réalisés par les enfants du département de Călăraşi, département du sud de la Roumanie : Andrei Dudea, administrateur de PATRUPETREI, raconte : « Le projet Focus consiste en fait dans une série d’ateliers de film documentaire destinée aux enfants âgés de 10 à 14 ans, des enfants de collège… Nous organisons des ateliers de théorie, parce qu’il nous semble très intéressant d’exploiter ce secteur qu’est le développement de l’esprit critique chez les enfants. Ces ateliers nous permettent de rencontrer pour regarder ensemble des films et d’autres produits média que les enfants suivent, des vidéoclips et même des séries télévisées, voire même des télénovelas. Les produits média que les enfants consomment sont assez variés, dans le sens où ils suivent surtout des vloggueurs et de la musique mainstream. Nous regardons aussi ensemble des films documentaires et nous essayons de les analyser pour découvrir qui sont les personnages principaux, quels sont les principaux thèmes, comment on construit une telle production. Le niveau est évidemment assez basique, puisqu’il s’agit d’enfants dont l’âge moyen est de 11 ou 12 ans. N’entrons pas dans des détails, disons seulement que nous essayons de montrer qu’un produit média peut être facilement manipulé par le montage et la musique. Ce qui nous intéresse c’est de transmettre cette information, parce que le développement de l’esprit critique est objectif important de ce projet. »

    Après l’approche théorique, c’est le tour de la mise en pratique du projet, explique le même Andrei Dudea. « Nous organisons des ateliers pratiques, dans le sens où nous leur mettons à la main des caméras, nous leur apprenons à filmer, à choisir un thème, un sujet. Rien qu’un exemple : un des thèmes les plus répandus est le football, tous les garçons veulent tourner des films sur le foot, quelle que soit leur communauté d’origine. Après leur avoir enseigné à choisir le thème et à travailler un peu avec la camera, nous leurs confions l’équipement et les enfants travaillent d’une manière individuelle. Le travail des mentors est limité aux explications de la manière de filmer et de construire un film court, mais le travail effectif se déroule de façon individuelle ou par équipes, mais sans les formateurs qui leur ont appris à tourner. Ce détail est très important puisqu’il constitue un moyen supplémentaire de les rendre plus responsables. »

    Andrei Dudea avoue qu’il cherche surtout que les enfants développent leur confiance en eux-mêmes : « L’essentiel c’est que nous sommes intéressés surtout par le sens de la responsabilité chez l’enfant. Autrement dit, l’enfant qui participe aux ateliers devrait comprendre comment on construit un projet et comment on le mène jusqu’au bout. Tout cela parce qu’à mon sens il est important qu’un enfant arrive à boucler un projet, bon ou mauvais. Il doit savoir comment finaliser un projet qu’il a commencé. Ce qui nous intéresse c’est de les aider à augmenter la confiance dans leurs propres forces. Nous avons organisé jusqu’ici deux ateliers et nous préparons un troisième. Après ces deux ateliers, nous avons identifié deux enfants extrêmement doués. »

    La deuxième édition du projet Focus – Ateliers de film pour les adolescents s’est déroulé en pleine pandémie, ce qui a modifié le projet proprement dit, puisque nombre d’ateliers ont été déplacés dans l’espace virtuel. Ce bref documentaire suit la manière dont les jeunes ont ressenti les changements produits autour d’eux, mais aussi le défi constitué par l’enseignement à distance. Ils ont appris à raconter leur propre histoire par le biais de l’art cinématographique, avec l’appui des formateurs Andrei Dudea et Ruxandra Gubernat. Mais les enfants de nos jours ont des connaissances beaucoup plus amples sur tout ce qui est film et image, confie Andreu Dudea : « Les jeunes d’aujourd’hui sont beaucoup plus exposés aux médias, ils ont des téléphones portables, ils font des vidéos, ils utilisent Tik Tok, Instagram, ils savent comment exprimer leurs idées en format vidéo. »

    Et les vidéos réalisées par les enfants ont été réunies dans un film documentaire parsemé d’épisodes inédits de vie rurale. Davantage de détails sur la page Facebook du projet AteliereDeFilm. Celui-ci sera continué au sein d’une communauté Rom du même département de Călăraşi.

  • La plaine du Bărăgan en 3D

    La plaine du Bărăgan en 3D

    Amis auditeurs, depuis ce printemps pas comme les autres, nous nous tournons de plus en plus vers des projets consacrés à l’exploration virtuelle de la réalité, pour vous les présenter dans l’espace de cette rubrique. C’est toujours d’un tel projet qu’il sera question aujourd’hui. Il s’agit du premier guide touristique destiné entièrement au sud-est du pays : « Explorateur dans la plaine du Bărăgan », qui permet aux « voyageurs » de découvrir de manière virtuelle le patrimoine matériel et immatériel de cette région du pays. La plateforme itinerama.ro offre entre autres au public le premier guide audio de la zone, le premier musée 3D du Bărăgan et des tours virtuels dédiés au chef d’orchestre Ionel Perlea et au sculpteur Nicăpetre, deux grandes personnalités culturelles nées dans le sud-est de la Roumanie.

    Une centaine de sites au fort potentiel touristique ont été identifiés dans un premier temps. Cristian Curuș, manager du projet, explique :Une partie de ces sites est en train d’être explorée : musées, sites archéologiques que les touristes peuvent visiter, moyennant une taxe modique. Il y a pourtant un grand nombre de sites qui n’ont pas encore été intégrés au réseau touristique. Ils sont considérés comme appartenant au patrimoine du pays, mais ils ne sont pas exploités. Il s’agit de vieux manoirs, d’églises et même de sites archéologiques auxquels les gens n’ont pas accès. Le guide virtuel de la plaine du Bărăgan propose 4 types de tours. Il y a tout d’abord le « Haut Bărăgan », dont les sites les plus importants se trouvent dans les comtés de Călărași et Ialomița, « Le Bărăgan du sud au nord », qui comporte des sites situés le long du Danube, entre Călărași et Brăila, un « tour des manoirs » et un « tour des lieux de culte ». Ces tours, les touristes peuvent les organiser tout seuls de la manière qui leur convient. Sur le site du projet, itinerama.ro, seront disponibles des cartes interactives où ils trouveront les distances entre les sites et le temps nécessaire pour les parcourir, ce qui les aidera à réaliser leur propre itinéraire.

    Un des photographes du projet, Adriana Lucaciu, nous raconte son expérience du projet.

    J’ai pris en photo de nombreux manoirs, qui sont malheureusement abandonnés et pas très bien conservés. J’ai pris des photos dans l’aire protégée de Popina Bordușani, qui est un lieu féérique et peu connu. J’ai photographié de nombreuses croix datant des années 1800, qui surgissent comme ça, au milieu de la plaine, et sur lesquelles sont incrustés toute sorte de symboles. Ces symboles, on peut les déchiffrer en visitant l’exposition qui leur est dédiée au Musée de l’agriculture de Slobozia.

    Ce musée est d’ailleurs un objectif touristique que la photographe Adriana Lucaciu nous recommande chaleureusement.Le Musée de l’agriculture de Slobozia est un musée très sympathique. Les visiteurs y découvrent des ateliers d’autrefois. On se promène le long d’un couloir et on voit comment travaillaient le forgeron, le boulanger, on voit une salle de classe avec des pupitres en bois et des manuels anciens, on voit à quoi ressemblait une cuisine d’autrefois. Le musée comporte également une exposition de croix en pierre. Des recherches ont été réalisées à Poiana. Dans ce village il y a un cimetière désaffecté où se dressent des croix en pierre datant des années 1800. Les textes et les symboles inscrits sur ces croix sont expliqués aux visiteurs.

    Cette vaste plaine du Bărăgan offre-t-elle aux touristes quelque chose d’inédit à visiter ? Adriana Lucaciu.
    Nous avons découvert sur une liste de sites de la région l’existence, à Lehliu, d’un « cimetière maudit ». Nous nous sommes rendus sur place et nous avons tenté de nous renseigner auprès des gens, mais, en entendant notre question, ils nous regardaient tous d’un air bizarre. Finalement, nous sommes tombés sur un jeune homme qui s’est rappelé qu’il y avait dans le village un cimetière abandonné depuis longtemps, mais il ne savait pas où il se trouvait. Il nous a seulement indiqué une ruelle, que nous avons parcourue plusieurs fois d’un bout à l’autre. Finalement, un petit vieillard de 83 ans est sorti d’une cour. Quand il nous a entendus parler du cimetière, il nous a dit que celui-ci avait été abandonné dès la période où il était né. Il nous a montré des arbres au loin et nous a dit que si nous voulions le trouver, nous devions nous aventurer sous les feuillages et nous allions trouver des croix. Je ne saurais exprimer le sentiment que nous avons éprouvé en découvrant ces croix en pierre, dont certaines étaient déjà à terre, d’autres encore debout. Envahies par la végétation, elles semblaient en dialogue avec la nature, intégrées à l’ambiance du bord du lac.

    Le projet « Explorateur dans la plaine du Bărăgan » est mis en œuvre avec le concours de l’Administration du fond culturel national, de l’Institut national du patrimoine et des musées partenaires de la région.
    (Trad. : Dominique)

  • Le cahier de recettes du Delta du Danube

    Le cahier de recettes du Delta du Danube

    Le Delta du
    Danube est le troisième grand delta d’Europe et le vingt-deuxième au monde. Sa
    superficie augmente annuellement de 40 m² et
    il abrite des écosystèmes naturels – aquatiques et terrestres – inscrits au
    patrimoine de l’UNESCO. Plus récemment, le Delta du Danube a compté parmi les
    11 zones protégées du monde choisies pour la Journée internationale de la
    biodiversité 2019. Le thème de cette édition était : « Notre biodiversité,
    notre nourriture, notre santé » et chaque participant a présenté la
    recette d’un plat spécifique. Ce n’est donc pas étonnant que les recettes du
    Delta du Danube soient devenues l’objet d’un projet de recherche, réalisé par
    l’Association « Letea à l’UNESCO », en collaboration avec le Centre
    pour les politiques durables Ecopolis et avec le concours de l’Administration
    du fond culturel national (AFCN).

    La coordinatrice du projet « Le cahier
    de recettes du Delta »
    , Loredana Pană, nous en parle : « Nous avons mis en œuvre le projet
    cet été, dans l’une des communes les plus isolées du Delta :C.A.Rosetti. J’y suis allée
    accompagnée du groupe Mixer, qui est constitué de deux artistes – Ana
    Botezatu et Corina Bucea. Notre but était de réaliser une recherche sur le
    terrain. Nous avons invité 10 femmes des 4 villages de la commune – Letea,
    Periprava, Sfiștofca et Rosetti – et nous leur avons demandé de nous parler de
    leur façon de faire la cuisine et de leurs recettes préférées. Nous avons voulu
    savoir aussi quelle était l’origine des plats et comment elles avaient appris à
    les préparer. Il est important de savoir que cette commune est caractérisée par
    une grande diversité ethnique. Nous avons donc parlé à des membres de la
    communauté des Ukrainiens, de la communauté des Russes lipovènes et de la
    communauté des Roumains, en essayant de voir comment les recettes ont été
    influencées par les différentes ethnies. Ce qui a confirmé l’existence d’une très
    bonne communication entre ces groupes ethniques, et nous avons obtenu des
    informations précieuses. Les résultats de notre recherche figurent sur la
    plateforme du projet
    . »


    Quels sont donc
    les résultats de cette recherche minutieuse effectuée sur le terrain ? Loredana
    Pană : « Il s’agit d’enregistrements
    vidéo, de montages audio, de photos et d’extraits des entretiens que nous avons
    eus avec ces femmes. Sur notre site est également à retrouver un cahier de 160
    pages, que nous allons d’ailleurs faire imprimer, où nous avons inséré des
    fragments de ces entretiens, des recettes, ainsi que des copies des cahiers de
    recettes de nos interlocutrices, cahiers qui ont d’ailleurs constitué le point
    de départ de notre dialogue. »




    Sur le site se
    retrouvent des photos de ces vieux cahiers de recettes écrites à la main, ainsi
    que les recettes qu’ils contiennent : omelette économique à la levure,
    pour obtenir une plus grande omelette en utilisant moins d’œufs, différents desserts
    comme, par exemple, les bombons aux noix et les éclairs. Les recettes de plats spécifiques
    de la région – à base de poisson, évidemment – ne manquent pas : pommes de
    terre au four accompagnées d’œufs de poisson et de foie de maquereau ou bien
    carpe grillée. L’idée de ce projet n’est pas nouvelle. Loredana Pană explique : « Cette idée est née d’un entretien
    avec les artistes Ana Botezatu et Corina Bucea. Elles ont mis initialement en
    œuvre ce projet dans la région de Cluj, en Transylvanie, et nous l’avons trouvé
    excellent. Nous avons donc souhaité le continuer au Delta du Danube. Une
    exposition était prévue à Bucarest et à Cluj, mais, malheureusement, dans les
    conditions actuelles, ce n’était plus possible. Nous avons été obligées de tout
    transférer en ligne, ce que je regrette beaucoup. Le bon côté de cette nouvelle
    formule, c’est que les matériels seront ainsi archivés et le public aura libre
    accès à tous les documents du projet. »




    Nous avons
    invité Loredana Pană à partager avec nous sa découverte du Delta : « Ce que j’ai toujours aimé et que
    j’ai pu remarquer une fois de plus, c’est que le Delta a une certaine
    fragilité. Le fait qu’il est la terre géographiquement la plus jeune du pays,
    en train de se former, d’une année à l’autre, qu’il émerge, en fait, des eaux,
    lui confère un charme à part. Et ce charme est à retrouver dans toutes les
    traditions des gens des lieux – leur cuisine comprise. Par exemple, dans les
    villages du Delta, les maisons sont toutes construites avec très peu de matériaux,
    pour que, si le niveau des eaux monte, on puisse tout laisser et partir. Avec
    la cuisine, c’est pareil. On prépare la nourriture avec très peu d’ingrédients.
    La recette du bortsch de poisson, par exemple, a été enrichie, de nos jours, à
    l’intention des touristes, mais, le bortsch tel que les grands-parents le
    préparait ne contenait que du poisson, des pommes de terre et de l’oignon. C’était
    les seuls légumes utilisés – peut-être aussi parce que, très probablement, ils
    n’en avaient pas d’autres – et s’ils veulent préparer leur bortsch à
    l’ancienne, c’est tout ce qu’ils mettent dedans. Entre temps, les choses ont
    changé. En principe, les recettes des habitants du delta sont simples, sans
    trop de légumes, peut-être parce qu’ils n’en avaient pas beaucoup. Les pêcheurs
    préparaient leur bortsch sur place et ils pouvaient le faire, même s’ils
    restaient au milieu des eaux pendant des semaines. Toutes les femmes avec
    lesquelles j’ai parlé m’ont dit que le secret, c’était le poisson frais. »


    Et Loredana Pană
    m’a fait venir l’eau à la bouche avec une recette qu’elle préfère parmi toutes celles
    découvertes au Delta : « J’ai beaucoup aimé le bortsch
    rouge russe, de betterave et de choux. On peut le préparer avec ou sans viande.
    La recette est à retrouver dans le cahier que nous avons publié. »


    Nous y
    découvrirons de vieux plats de pêcheurs, pour une vie plus savoureuse. (Trad. Dominique)

  • Le Musée de la collectivisation

    Le Musée de la collectivisation

    En 1951, dans les prisons du pays et les camps de travaux forcés du canal Danube – Mer Noire se trouvaient 80.000 paysans qui s’étaient opposés à la collectivisation. 800.000 agriculteurs au total ont été emprisonnés pour ne pas avoir voulu renoncer au statut de propriétaires de leurs terres. Au bout de 13 ans de collectivisation forcée, durant lesquels la propagande communiste s’est accompagnée d’actes de chantage et de terreur, le parti communiste annonçait la réalisation « avec succès » de la collectivisation de l’agriculture roumaine. Une session extraordinaire de la Grande Assemblée Nationale fut consacrée à cet événement. Elle s’est tenue du 27 au 30 avril 1962, en présence de 11.000 paysans invités. Les leaders communistes de l’époque ont affirmé à cette occasion que « le socialisme avait triomphé définitivement dans les villes et les villages de la République Populaire Roumaine ».

    En souvenir de cette époque, à Tămășeni, dans le comté de Neamț, viennent d’être ouvertes les premières salles d’un Musée de la collectivisation. Il accueille des objets utilisés d’habitude dans les maisons et les fermes paysannes des années 1950, que les visiteurs peuvent toucher, pour expérimenter les réalités de cette époque. L’initiateur du projet, Iulian Bulai, explique: Nous inaugurons les 3 premières salles du Musée de la collectivisation, le premier de ce genre du pays. Nous nous sommes toujours posé des questions, essayant de comprendre le pourquoi de ce chaos qui règne dans l’agriculture roumaine, le pourquoi de ce manque d’attention pour l’espace public, beaucoup plus grand en Roumanie que dans d’autres pays, le pourquoi de ce décalage entre les milieux rural et urbain en Roumanie, beaucoup plus grand qu’en Occident. Je me suis moi aussi interrogé à ce sujet et l’une des réponses est la collectivisation. La collectivisation, en tant que phénomène socio-politique, a eu un impact irréversible sur l’espace rural roumain : l’absence de la propriété privée, sa confiscation, ont mené à ce que nous voyons de nos jours dans les campagnes: un sous-développement extrême par rapport au milieu urbain et un espace qui ne trouve pas son équivalent dans le milieu rural occidental. Eh bien, j’ai tâché de réponde à ces questions, en cherchant des repères dans l’histoire de ma famille, touchée, elle aussi, de plein fouet, par la collectivisation. Et je me suis rendu compte que pour mieux comprendre le milieu rural de Roumanie et la collectivisation en tant que phénomène, nous devons mieux connaître ce peuple, nous poser des questions, trouver des réponses, imaginer les drames que des millions de Roumains ont vécus dans les années ’50, pendant la collectivisation et, ensuite, mettre sur pied un musée qui reflète les réalités socio-anthropologiques du milieu rural actuel.

    Iulian Bulai a destiné à cette fin la maison de ses grands-parents, qu’il a transformée en musée. Qu’est-ce qu’on peut y voir, en ce moment ? Il s’agit de deux maisons et d’une annexe. C’est une petite ferme typiquement moldave ayant appartenu, un siècle durant, à notre famille. Cette petite ferme est tombée elle aussi victime de la collectivisation. Il s’agit donc de la famille de mes arrière-grands-parents et de mes grands-parents qui ont vécu la collectivisation et qui se sont vu confisquer, dans les années ’50, leurs terres, leurs outillages, leurs moulins, le pont au-dessus de la rivière Siret. Et cette maison a été le témoin d’une histoire qui est celle de millions de Roumains, celle de la collectivisation, de cette entrée abusive du régime communiste dans l’espace privé : une partie de cette maison a été confisquée et un magasin de la collectivisation y a été ouvert dans les années ’50. C’est à peine en 1992, après la chute du communisme, que la famille a pu la récupérer. Elle est un symbole de l’histoire de nombreux Roumains.

    Le musée de la collectivisation est-il un musée des objets ? Iulian Bulai: Ce musée est consacré dans une moindre mesure aux objets. Des objets, il y en aura, bien sûr : ceux que mon grand-père a amassé et qui nous montrent où nous sommes restés, nous, en tant que société agraire, à savoir presque au même point que dans les années ’50, soit il y a 70 ans. Le musée est censé raconter une histoire et exposer une vision scientifique du phénomène. Bien sûr, chaque objet a aussi sa propre histoire. Les outillages agricoles qui étaient là au moment où la maison est entrée en ma possession trouveront leur place dans les 17 ou 18 espaces d’exposition du musée.

    Iulian Bulai s’est lancé dans cette démarche avec l’espoir d’un changement auquel il croit : C’est uniquement en réussissant à affronter notre passé avec sincérité, à en avoir une image claire que nous pourrons mieux nous comprendre en tant que peuple, en tant que nation, en tant que pays contemporain et que nous pourrons dépasser certains événements tristes de notre histoire. Des événements qui, n’ayant pas été explorés jusqu’ici de manière positive, n’ont pas pu nous aider à nous guérir des blessures de la période communiste. Et, alors qu’actuellement nombre d’espaces culturels ferment leurs portes, nous ouvrons, nous, un musée. Je pense que c’est là un bon point de départ pour une attitude générale que nous pouvons partager durant ces temps difficiles.

    Un musée qui va grandir non seulement par l’augmentation des espaces à visiter, mais aussi par les événements qu’il va accueillir au moment où les gens pourront se rencontrer de nouveau.

  • Peintures murales écologiques

    Peintures murales écologiques

    En septembre 2019 était inaugurée à Bacău la première fresque de Roumanie qui purifie l’air. La peinture écologique utilisée pour la réaliser transforme les substances polluantes présentes dans l’air – tels les oxydes d’azote et de soufre – en nitrates et nitrites inoffensifs. Ceux-ci se déposent sur la surface peinte, étant éliminés, au bout d’un certain temps, par la pluie ou l’humidité de l’atmosphère. Cette peinture diminue la quantité de gaz à effet de serre contenue dans l’atmosphère environnante. Elle empêche en même temps l’accumulation de saleté sur les murs : d’une part, l’air décompose les substances huileuses déposées sur la surface du mur, d’autre part, en raison de l’hydrophilicité de cette peinture, une fine pellicule d’eau se forme à la surface du mur, à laquelle la poussière et d’autres particules ne peuvent pas adhérer. Comment le projet ZidART (MurART) a-t-il commencé ?

    Le manager de Lucian Popa, explique: Ce projet est né du désir de donner un nouveau sens à l’espace public de Bacău et de ma passion pour l’art de rue. Le côté écologique est dû à une découverte faite à Rome, en Italie, où un artiste a peint un mur et l’air s’est purifié autour de cette peinture. C’est ce que nous nous sommes proposé de faire et, deux ans après la mise en œuvre de ce projet, Bacău est la ville du monde qui compte le plus grand nombre de peintures murales qui assainissent l’air. S’agit-il de peintures murales de grandes dimensions ? Et qu’est-ce qu’elles représentent ? Lucian Popa. La ville compte à présent une vingtaine de fresques réalisées avec cette peinture écologique qui fonctionne comme une éponge, absorbant la pollution environnante. Les murs peints vont d’environ 60 ou 70 m² jusqu’à 330 m² ; la superficie totale peinte dans toute la ville couvre 3.000 m². Chaque année nous abordons un thème différent et nous invitons les artistes à créer des peintures murales pour transmettre un message à la communauté. L’année dernière c’était l’inclusion sociale. Les artistes ont donc consacré leurs ouvrages aux groupes défavorisés – personnes malvoyantes ou malentendantes, enfants autistes, communautés de Roms. C’était un moyen de rappeler les besoins de ces groupes et les défis qu’ils doivent relever.

    « Intuition », œuvre de l’artiste Obie Platon, a été la première fresque réalisée dans le cadre du projet ZidART. Elle couvre une superficie d’environ 250 m² et elle a le pouvoir nettoyant d’une forêt de la même superficie. Peinte sur un immeuble situé à proximité de l’Île d’agrément de Bacău, « Intuition » est aussi la première œuvre dédiée aux non-voyants traduite en Braille. C’est le portrait d’un non-voyant qui, malgré sa déficience, s’imagine son univers. La peinture « Intuition » attire l’attention sur la nécessité d’agir pour l’inclusion sociale des personnes touchées par des déficiences. Lucian Popa. En effet, l’année dernière nous avons commencé par un ouvrage consacré aux non-voyants, illustrant la vie de ces personnes, qui doivent se laisser guider par leur intuition. La fresque est décrite en Braille. Les non-voyants présents à l’inauguration ont donc pu la « lire », élément par élément, couleur par couleur, forme par forme. Une autre peinture murale a été réalisée par l’artiste Monk Ink avec le concours de l’Association des malentendants de Bacău. L’artiste a choisi de rendre, par le langage des signes, le mot « aime ». Une fresque consacrée à l’inclusion sociale de Roms couvre un mur de la Banque Centrale. Elle a été réalisée par Kaps Crew, deux artistes de Iaşi, qui ont choisi de peindre une jeune fille dans toute la splendeur des traditions spécifiques de leur ethnie.

    En 2020, un nouveau défi a été lancé aux artistes. Lucian Popa.Cette année nous avons proposé comme thème la responsabilité sociale et la façon dont nous, les humains, nous nous rapportons à nous-mêmes et à cette planète qui nous supporte de plus en plus difficilement. Chaque peinture réalisée a lancé un message très clair aux habitants de la ville de Bacău et non seulement. Notre projet est devenu viral, nous espérons donc que notre message pourra toucher un très grand nombre de personnes à travers le pays. Cette idée pourrait être appliquée au niveau national – estime l’initiateur du projet, Lucian Popa: Nous souhaitons continuer ce projet et lui donner plus d’envergure. Nous sommes en quête de partenaires, de sponsors, en espérant voir cette expérience se répéter au niveau national. Beaucoup de personnes nous cherchent et souhaitent que nous nous rendions dans leurs villes, mais pour cela nous avons besoins de ressources. Nous sommes en train de les chercher et nous espérons que l’année prochaine, nous pourrons aller dans un grand nombre de villes du pays. Rendre les villes plus colorées et leur air plus pur : voilà un projet à soutenir !
    (Trad.: Dominique)